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Les prémisses de l’égalité

La promotion des femmes dans la Roumanie communiste – Une politique d’état?

6.1. Au commencement était la Parole

6.2.1. Les prémisses de l’égalité

La garantie de l’égalité entre hommes et femmes était l’un des thèmes du programme de gouvernement proposé par le mouvement communiste juste après le moment 23 août 1944, ainsi que la sortie de l’illégalité. Jusqu’à la victoire dans les élections et l’adoption de la première constitution communiste en 1948, les principaux actes législatifs censés établir un régime juridique égal pour les hommes et les femmes faisaient référence au droit de vote et à l’élimination des restrictions concernant l’accès et la promotion dans le cadre des différentes catégories professionnelles.

La loi électorale du Conseil des Ministres du 13 juillet 1946 a été sanctionnée sous le

titre La loi 560 concernant les élections pour l’Assemblée des Députés. Même si on gardait

des dispositions de la législation électorale de la période de l’entre-deux-guerres, l’innovation apportée par ce législatif était l’élargissement considérable de la base de l’électorat par l’inclusion des fonctionnaires publiques, des militaires et des femmes sur la liste des électeurs

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à droits pleins35. L’article 3 de la loi précisait que « Les femmes ont droit de vote et peuvent

être élues dans l’Assemblée des Députés36 dans les mêmes conditions que les hommes »37. La loi par laquelle on instaurait le vote universel pour la population clôturait une première étape dans le cadre de laquelle d’autres dispositions avaient été données en vue d’obtenir une égalité de statut des femmes avec les hommes sur le plan professionnel. Le premier signal important fut la nomination en février 1945 des premières deux femmes magistrats dans la justice roumaine. Dans le discours officiel tenu par Lucreţiu Pătrăşcanu, le

Ministre de la Justice, celui-ci précisait que : « L’une des principales revendications du

mouvement des travailleurs, l’une des revendications de base de la démocratie conséquente reste jusqu’à ce jour la garantie de la parfaite égalité (sur plan économique, social et politique) entre femmes et hommes […]. Nous assistions aujourd’hui à un modeste commencement. »38. En avril 1945 est élue la première femme maire de Roumanie. Alexandrina Georgescu, vice-présidente de la Défense patriotique, fut élue dans la fonction

de maire de la localité Ţăndărei39. Une situation difficile rencontraient les veuves de guerre.

Même si la loi de la succession avait été modifié en 194440, permettant l’accès à l’héritage de

manière égale pour l’époux survivant et les autres héritiers égaux, les veuves représentaient toujours l’une des catégories les plus désavantagées, sans aides financiers substantiels et plus prédisposées au chômage. Aux veuves s’ajoutaient les catégories de travailleurs licenciés de l’industrie de l’armement. Dans ces conditions a été élaboré, par la Confédération Générale du Travail, un contrat collectif de travail qui établissait les conditions ainsi que les catégories sociales qui avaient priorité à l’emploi. Les premiers qui devaient recevoir un métier étaient

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35 En 1918, La Grande Assemblée d’Alba Iulia décidait le vote direct, égal, secret, pour les deux sexes. Pourtant, cette décision n’a été incluse ni dans la Constitution de 1923, ni dans la loi électorale de 1936. La première fois quand les femmes sont acceptées dans la politique est lors de la sanction de la loi de 1929 par le Parti national Paysan, le doit de vote ne pouvant être exercé qu’au niveau des communes. Alexandra Petrescu, Femeia în imaginarul politic, Bucureşti, Editura Ars Docendi, 2008, p. 21.

36 La même loi électorale précisait que les dispositions de la Constitution de la Roumanie du mars 1923 concernant le Sénat et l’Assemblée des Députés vont être considérées comme faisant référence uniquement à l’Assemblée des Députés, le Sénat étant dissout. Vasile Budrigă, Sistemul electiv Românesc, editura Budrigă-Mavoz, Bucureşti, 1998, p. 7.!

37 Monitorul Oficial, CXIV, Ie partie, 15 juillet 1946, no. 161, p. 7267.!

38 « Primele femei magistraţi din România » in Romania Liberă, 19 février 1945, no. 171, p. 8.!

39 « Prima femeie primar din România » in Romania Liberă, 12 avril 1945, no. 216, p. 1.!

40 Les droits successoraux des époux survivants ont été réglementés par la loi no. 319/1944 pour le droit d’héritage de l’époux survivant, qui a abrogé implicitement les dispositions du Code civil concernant la succession (art. 679 et art. 681-684). Conformément au Code civil, la situation successorale de l’époux survivant était particulièrement défavorable. Ainsi, il gagnait l’héritage laissé par l’époux défunt uniquement après le dernier collatéral de douzième degré et, par l’effet de la Loi sur l’impôt progressif sur les successions de 1921, après le dernier collatéral de quatrième degré. Exceptionnellement la veuve pauvre avait droit à une quote-part de l’usufruit si elle venait en concours avec les descendants du défunt, et s’il n’y avait pas de descendants, à la quatrième partie de l’héritage en pleine propriété. Francisc Deak, Tratat de drept succesoral, ediţia a II-a actualizată şi completată, Bucarest, Editura Universul Juridic, 2002, pp. 111-112.

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les orphelins et les veuves des anciens employés, suivis par les anciens prisonniers politiques antifascistes, les invalides, les orphelins et les veuves de guerre ainsi que les sollicitants

provenant de l’industrie de guerre41. Ce contrat venait renforcer le contrôle sur le mouvement

de la force de travail, contrôle instauré par la décision du Ministère du Travail conformément à laquelle toutes les places de travail des institutions d’État ainsi que des entreprises

particulaires soient occupées par l’intermède des offices de travail42.

L’égalité des femmes avec les hommes dans toutes les sphères de la vie économique, sociale, politique à été stipulée pour la première fois dans la Constitution roumaine de 1948. Prenant la parole lors des débats du projet de Constitution, en faisant référence aux innovations que ce projet apportait dans le statut des femmes, Liuba Chişinevschi disait:

« Les femmes représentent une autre partie nombreuse de la population à laquelle dans beaucoup de pays on ne reconnaît pas l’aptitude de prendre part à la vie civique [...] Nous, par contre, nous nous guidons par d’autres principes que les principes dignes du Moyen Âge, qu’appliquent les régimes de démocratie bourgeoise. Dans notre pays, tous les chemins sont ouverts à la femme : la femme devient tout ce qu’elle veut, du mécanicien jusqu’au ministre. On voit grandir au sein du peuple, dans les rangs des travailleurs et des paysans, des femmes à large horizon politique, d’une énergie bouillante, d’une conscience limpide, des femmes hommes d’Etat »43.

Concrètement, l’égalité entre tous les citoyens du pays était stipulée dans l’article

16. « Tout citoyen, quel que soit son sexe, sa nationalité, sa race, sa religion, son degré de

culture, est égal aux autres devant la loi. » L’article 18 reprenait les dispositions de la loi

électorale du 1946 : « Tout citoyen, quels que soit son sexe, sa nationalité, sa race, sa

religion, son degré de culture, sa profession, y compris les militaires, les magistrats et les fonctionnaires publiques, ont le droit d’élire et d’être élus dans tous les organes de l’Etat. »44. L’article 21 faisait référence directe et explicite à l’égalité des droits entre femmes

et hommes : « La femme a des droits égaux avec l’homme dans tous les milieux de la vie

d’état, économique, social, culturel, politique et de droit privé. Pour un travail égal, la femme a le droit à un salaire égal à celui de l’homme. »45. Les relations dans la famille,

reprises ultérieurement dans le Code de la famille, étaient réglementées par l’article 26 : « Le

mariage et la famille réjouissent de la protection de l’Etat. La mère ainsi que les enfants

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41 « Cum se vor face angajările în baza contractului colectiv de muncă » România Liberă, 1 décembre 1945, no. 408, p. 3.!

42 « Întreprinderile de toate categoriile vor angaja personal numai prin oficiile publice de plasare » in România Liberă, 14 iulie 1945, n°. 289.!

43 Constituţia Republicii Populare Române, 1948, p. 29.!

44 Ibid., p. 51. !

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jusqu’à l’âge de 18 ans jouissent d’une protection particulière, établie par la loi. Les parents ont les mêmes responsabilités envers les enfants nés hors mariage que pour les enfants issus du mariage. Uniquement les actes d’état civil émis par les organes de l’État sont valables. »46.

Ces lignes générales ont été gardées dans toutes les constitutions émises pendant le régime communiste, des petites modifications étant opérées uniquement au niveau du

regroupement des dispositions par articles47.