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35 V. Domaine de l’étude

A. Les pouvoirs

31. Le Conseil constitutionnel a adopté une position relativement novatrice en déterminant

les pouvoirs qui relèvent du champ d’application du principe de séparation des pouvoirs (1.). Il ne retient pas pour autant une interprétation trop extensive de la notion de pouvoir (2.).

1. Les pouvoirs inclus dans le champ d’application du principe de séparation des pouvoirs

32. Classiquement, la séparation des pouvoirs repose sur une trilogie de pouvoirs

composée de l’Exécutif, du Parlement et du pouvoir juridictionnel. Si l’existence des deux premiers, que ce soit en général ou dans la jurisprudence du Conseil, ne présente pas de difficultés, il en va différemment du troisième. En effet, l’histoire française de la Justice est celle d’un pouvoir longtemps « mal aimé »74 et refusé75, en raison des débordements des Parlements sous l’Ancien-Régime, puis du développement du légicentrisme sous les IIIe et IVe Républiques76. La Constitution de 1958 ne se départit pas, à première vue, de ce « désamour » vis-à-vis de la Justice, si bien qu’on a pu douter de l’existence d’un pouvoir juridictionnel sous la Ve République77. Mais, au fur et à mesure des années, de nouveaux éléments ont permis d’envisager la reconnaissance d’un tel troisième pouvoir. La place croissante du juge dans la société, tout particulièrement en tant que « contre-pouvoir » au

74

F. Hourquebie, « Le pouvoir juridictionnel et la Ve République. Quelques observations sur la révision du 23 juillet 2008 », Politeia, 2009, n°15, p. 456.

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J. Foyer, « La justice : histoire d’un pouvoir refusé », Pouvoirs, 1981, n°16, pp.17-29. Sur cette question, voir également F. Saint-Bonnet, « La double genèse de la justice constitutionnelle en France. La justice politique au prisme des conceptions françaises », R.D.P., n°3, 2007, pp.753-792 et O. Beaud, « La justice comme problème constitutionnel », in Figures de Justice : études en l’honneur de Jean-Pierre Royer, Centre d’histoire judiciaire de Lille (Ed.), Lille, 2004, pp. 537-551.

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« La souveraineté parlementaire ne peut tolérer l’existence d’un pouvoir concurrent » estime B. Mathieu (B. Mathieu, Justice et politique : la déchirure ?, LGDJ, Paris, 2015, p. 143).

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G. Wiederkehr, « Les principaux traits du pouvoir juridictionnel en France », in Le rééquilibrage du pouvoir

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politique78 et la révision constitutionnelle du 23 juillet 200879 plaident en faveur de la reconnaissance de la qualité de « pouvoir » à la Justice. Mais, plus encore, c’est la jurisprudence du Conseil qui, dans le cadre de cette étude, conduit à considérer qu’il existe un pouvoir juridictionnel sous la Ve République. Le juge constitutionnel applique en effet le principe de séparation des pouvoirs lorsque des dispositions soumises à son contrôle mettent en scène l’opposition entre les organes de l’Exécutif et du Parlement, d’une part, et le juge ou les juridictions, d’autre part80. Trois pouvoirs au moins sont donc à l’œuvre dans la jurisprudence constitutionnelle.

33. Depuis peu se pose, en droit, la question de l’émergence d’un quatrième pouvoir,

incarné par les autorités administratives indépendantes (A.A.I.). De plus en plus présentes dans le tissu normatif et répressif français, l’indépendance qui les caractérise vis-à-vis des autres pouvoirs détend le lien qui les unissait auparavant à l’Exécutif, dont elles étaient considérées comme des excroissances. C’est d’autant plus le cas que le Conseil tend progressivement à renforcer l’exigence d’indépendance dont bénéficient les A.A.I., si bien qu’en dépit des liens plus ou moins forts, et de nature différente, qu’elles entretiennent avec les trois autres pouvoirs81, il semble que le juge constitutionnel soit en passe de les considérer désormais comme un pouvoir à part entière82. Cette évolution ne va d’ailleurs pas sans poser

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« Une justice indépendante devient la condition première d’un Etat de droit. Ainsi la distinction entre le pouvoir politique et le pouvoir juridictionnel devient l’axe majeur de la séparation des pouvoirs », B. Mathieu,

Justice et politique : la déchirure ?, op. cit., p. 7.

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F. Hourquebie, Le pouvoir juridictionnel en France, L.G.D.J., Paris, 2010, p. 10.

80

Voir not. la décision C.C., n°80-119 DC du 22 juillet 1980, Loi portant validation d’actes administratifs, J.O. du 24 juillet 1980, p. 1868, Rec. p. 46 ou décision C.C., n°2011-192 QPC du 10 novembre 2011, Mme Ekaterina B., épouse D., et autres [Secret défense], J.O. du 11 novembre 2011, p. 19005, Rec. p. 528.

81

Voir not. G. Eckert et J.-P. Kovar, « Introduction », R.F.A.P., 2012, n°143, p. 625, G. Eckert, « L’indépendance des autorités de régulation économique à l’égard du pouvoir politique », R.F.A.P., 2012, n°143, p. 640, D. Rousseau, « La juridictionnalisation continue des A.A.I. », R.L.C., 2013, n°34, pp. 89-90 et E. Debaets, « Les autorités administratives indépendantes et le principe démocratique : recherches sur le concept d’"indépendance" », contribution au VIIIe Congrès mondial de l’association internationale de droit constitutionnel, Mexico, 6-10 décembre 2010, accessible à l’adresse suivante : http://www.juridicas.unam.mx/wccl/ponencias/14/254.pdf.

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A ce titre, l’examen de la jurisprudence révèle une véritable évolution. D’abord peu enclin à s’interroger sur le fondement de l’indépendance des A.A.I., le Conseil a rattaché cette dernière tantôt à une disposition constitutionnelle (décision C.C., n°2011-626 DC du 29 mars 2011, Loi organique relative au Défenseur des droits, J.O. du 30 mars 2011, p. 5507, Rec. p. 165, cons. 5), tantôt à l’intention du législateur de conférer une certaine indépendance à l’autorité administrative (décision C.C., n°86-217 DC du 18 septembre 1986, Loi relative à la liberté de communication, J.O. du 19 septembre 1986, p. 11294, Rec. p. 141, cons. 96 ; décision C.C., n°93-324 DC du 3 août 1993, Loi relative au statut de la Banque de France et à l’activité et au contrôle des établissements de crédit, J.O. du 5 août 1993, p. 11014, Rec. p. 208, cons. 18 ; décision C.C., n°2011-192 QPC du 10 novembre 2011, Mme Ekaterina B., épouse D., et autres [Secret défense], J.O. du 11 novembre 2011, p. 19005, Rec. p. 528, cons. 27 et 28), ou encore à l’importance du rôle ou de la mission de celles-ci (décision C.C., n°94-352 DC du 18 janvier 1995, Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, J.O. du 21 janvier 1995, p. 1154, Rec. p. 170, cons. 6 et décision C.C., n°2013-676 DC, du 9 octobre 2013, Loi relative à la transparence de la vie publique, J.O. du 12 octobre 2013, p. 16847, Rec. p. 972, cons. 47). Mais, depuis 2012, le

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un certain nombre de difficultés. Les A.A.I. présentent en effet certaines spécificités par rapport aux trois pouvoirs traditionnels, de telle sorte qu’il est parfois nécessaire d’adapter le principe de séparation des pouvoirs lorsqu’il leur est appliqué83.

34. C’est donc entre les trois pouvoirs classiques de l’Etat et les A.A.I., inclassables, que

va jouer le principe de séparation des pouvoirs. Il convient ensuite d’écarter l’idée de l’application du principe de séparation des pouvoirs au sein de chacun des pouvoirs. A deux reprises, le Conseil a jugé que « le principe de la séparation des pouvoirs s’applique à l’égard du Président de la République et du Gouvernement »84. Certains commentateurs de la jurisprudence avaient alors interprété cette précision comme le signe de l’applicabilité du principe de séparation des pouvoirs entre le chef de l’Etat et le Gouvernement, et donc au sein de l’Exécutif85. Mais il s’agit là d’une interprétation discutable de la précision apportée par le Conseil, dans la mesure où il était question, dans les deux décisions, de protéger les organes de l’Exécutif d’une atteinte du législateur ou du pouvoir juridictionnel. Ainsi, la formule n’a pour autre objet que de préciser que le Gouvernement et le chef de l’Etat relèvent du champ d’application du principe de séparation des pouvoirs, lequel les protège des atteintes que pourraient tenter de leur porter les organes relevant des autres pouvoirs. De même, l’usage de l’expression « conception française de la séparation des pouvoirs »86 pour qualifier la distinction entre les deux ordres de juridictions a pu conduire à penser que la séparation des pouvoirs trouve à s’appliquer au sein du pouvoir juridictionnel. Or, de l’aveu même de G. Vedel, membre du Conseil lorsque la première décision dans laquelle figure l’expression a été adoptée, le rattachement de la répartition des contentieux entre les deux ordres de juridictions

Conseil rattache systématiquement l’exigence d’indépendance des A.A.I. à l’article 16 et, lorsqu’une disposition législative y porte atteinte, prononce une censure pour méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs.

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Voir infra, not. points 129 et s.

84

Décision C.C., n°2012-654 DC du 9 août 2012, Loi de finances rectificative pour 2012 (II), J.O. du 17 août 2012, p. 13496, Rec. p. 461, cons. 81 et décision C.C., n°2011-192 QPC, préc., cons. 20.

85

Voir not. O. Beaud, « Le Conseil constitutionnel et le traitement du Président de la République : une hérésie »,

Jus politicum, 2012, n°9, accessible à l’adresse suivante :

http://juspoliticum.com/Le-Conseil-constitutionnel-et-le.html, p.8.

86

Décision C.C., n°86-224 DC du 23 janvier 1987, Loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence, J.O. du 25 janvier 1987, p. 924, Rec. p. 8, cons. 15 ; décision C.C., n°89-261 DC du 28 juillet 1989, Loi relative aux conditions de séjour et d’entrée des étrangers en France, J.O. du 1er août 1989, p. 9679, Rec. p. 81, cons. 19 ; décision C.C., n°2001-448 DC du 25 juillet 2001, Loi organique relative aux lois de finances, J.O. du 2 août 2001, p. 12490, Rec. p. 99, cons. 103 ; décision C.C., n°2001-451 DC du 27 novembre 2001, Loi portant amélioration de la couverture des non salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, J.O. du 1er décembre 2001, p. 1912, Rec. p. 145, cons. 42 ; décision C.C., n°2004-492 DC du 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, J.O. du 10 mars 2004, p. 4637, Rec. p. 66, cons. 98 ; décision C.C., n°2005-519 DC du 29 juillet 2005, Loi organique relatve au financement de la sécurité sociale, J.O. du 3 août 2005, p. 12661, Rec. p. 129, cons. 31 et décision C.C., n°2011-631 DC du 9 juin 2011, Loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, J.O. du 17 juin 2001, p. 10306, Rec. p. 252, cons. 65.

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à la séparation des pouvoirs est plus que contestable87. Enfin, le principe de séparation des pouvoirs ne s’applique pas non plus entre les différents organes parlementaires. Le principe de séparation des pouvoirs est donc bien exclusivement un principe de séparation entre les pouvoirs.

2. Les pouvoirs exclus du champ d’application du principe de séparation des pouvoirs

35. Entre les trois pouvoirs précités et les A.A.I., le principe de séparation des pouvoirs

consiste en une séparation que l’on peut qualifier d’horizontale88, car appliquée à des organes qui se situent tous à un même niveau, en l’espèce le niveau national. En revanche, la séparation verticale suppose une séparation entre « une entité supérieure » et « un ou plusieurs niveaux d’entités inférieures »89. La notion de séparation verticale des pouvoirs a trouvé un écho favorable dans les Etats fédéraux ou les systèmes intégrés tels que l’Union européenne, mais a très peu été reprise en France. Certaines décisions du Conseil auraient pu être interprétées comme autant d’applications de la notion de séparation verticale. Il en va ainsi des décisions dans lesquelles le Conseil contrôle la conformité d’une disposition législative au principe de libre administration des collectivités territoriales90, ou même lorsqu’il contrôle à l’aune des deux volets de l’article 16 de la Déclaration de 1789 et d’un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes91 (devenue C.J.U.E.) une disposition de validation. Pourtant, un examen plus attentif de la jurisprudence constitutionnelle conduit à écarter cette idée. En effet, le Conseil a précisé, dès 1979, que les dispositions constitutionnelles relatives à la libre administration des collectivités territoriales ne sont pas de celles qui « mettent en œuvre » le principe de séparation des pouvoirs92. La mention en 2005 d’un arrêt de la Cour de

87

G. Vedel, « La loi des 16-24 août 1790 : texte ? prétexte ? contexte ? », R.F.D.A., 1990, p. 708. Selon l’auteur, la mention à la conception française de la séparation des pouvoirs relève davantage de l’obiter dictum. « En biffant l'allusion à la séparation des pouvoirs, le juge constitutionnel aurait coupé court à une controverse intéressante, mais hors du sujet ».

88

Voir not. T. Georgopoulos, La séparation horizontale des pouvoirs en France et en Allemagne à l’épreuve du

droit communautaire : la fonction de contre-pouvoir, Dalloz, Paris, 2005, 658 p. ou F. Chaltiel, « La séparation

horizontale des pouvoirs », R.A.E., 2002, n°6, pp. 710-720.

89

J.-P. Derosier, « La dialectique centralisation / décentralisation. Recherches sur le caractère dynamique du principe de subsidiarité », contribution au VI° Congrès de l’AFDC, Montpellier, 2005, accessible à l’adresse suivante : http://www.droitconstitutionnel.org/congresmtp/textes6/DEROSIER.pdf, p.1.

90

Voir par exemple la décision C.C., n°79-104 DC, préc., cons. 9. Voir not. A.-M. Le Pourhiet, « Question prioritaire de constitutionnalité, démocratie et séparation des pouvoirs », Constitutions, 2011, n°1, pp. 47-53.

91

Décision C.C., n°2005-531 DC du 29 décembre 2005, Loi de finances rectificative pour 2005, J.O. du 31 décembre 2005, p. 20730, Rec. p. 186.

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Justice de Luxembourg93 auquel contrevenait la loi de validation contrôlée était en fait sans doute destinée à montrer la méconnaissance par le législateur, non de la séparation des pouvoirs mais seulement de la garantie des droits et, plus précisément, des exigences que « nous rattachons aujourd’hui aux notions de "sécurité juridique", de "confiance légitime" et de "droit à un procès équitable" »94. Il ne fut donc aucunement question pour le Conseil de s’appuyer sur une conception « intégrée » de la séparation des pouvoirs, dans laquelle un organe de l’Union européenne serait considéré comme un pouvoir au même titre que les pouvoirs nationaux95. Les organes locaux et supranationaux ne relèvent donc manifestement pas du champ d’application du principe de séparation des pouvoirs et il convient d’écarter l’idée de l’existence d’un pouvoir « local » ou « supranational » et, partant, d’une séparation verticale des pouvoirs dans la jurisprudence constitutionnelle.

36. De même, le peuple n’est pas un pouvoir au sens du principe de séparation des

pouvoirs. On aurait pourtant pu déduire cette qualification de l’évolution de la jurisprudence en matière de contrôle des lois référendaires ou, plutôt, de l’évolution de la formulation du refus du Conseil de contrôler les lois référendaires. En effet, dans une décision du 6 novembre 196296, le Conseil a refusé de contrôler les lois issues du référendum au motif qu’ « il résulte de l’esprit de la Constitution » que le Conseil est un « organe régulateur de l’activité des pouvoir publics ». Cette motivation laissait donc sous-entendre que le peuple n’est pas un

« pouvoir public ». Or, dans une décision du 23 septembre 199297, le Conseil a renouvelé ce

refus, mais pas la motivation qui l’avait sous-tendu, préférant s’appuyer sur « l’équilibre des pouvoirs établi par la Constitution ». Il était alors possible d’interpréter cet abandon comme une reconnaissance implicite du peuple en tant que pouvoir. Toutefois, dans la mesure où le Conseil se refuse toujours à exercer un contrôle sur les lois référendaires, il ne semble pas plus considérer que le peuple est un « pouvoir établi par la Constitution » ni, d’ailleurs, un pouvoir au sens du principe de séparation des pouvoirs.

93

Décision C.J.U.E., plén., 12 septembre 2000, Commission c./ Fr., n°C-276/97.

94

Commentaire officiel de la décision C.C., n°2005-531 DC, préc., p. 3.

95

Sur ces points, voir C. Mathieu, « La jurisprudence constitutionnelle consacre-t-elle la séparation verticale des pouvoirs ? Pour une lecture originale des décisions n°2004-490 DC et n°2005-531 DC », in Le Pouvoir – Actes du colloque de l’Ecole doctorale, Montpellier, 2012 (à paraître).

96

Décision C.C., n°62-20 DC du 6 novembre 1962, Loi relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct par le référendum du 28 octobre 1962, J.O. du 7 novembre 1962, p. 10778, Rec. p. 27, cons. 2.

97

Décision C.C., n°92-313 DC du 23 septembre 1992, Loi autorisant la ratification du Traité sur l’Union européenne, J.O. du 25 septembre 1992, p. 13337, Rec. p. 94, cons. 2. Voir également décision C.C., n°2014-392 QPC du 25 avril 2014, Province Sud de Nouvelle-Calédonie [Loi adoptée par référendum – Droit du travail en Nouvelle-Calédonie], J.O. du 27 avril 2014, p. 7360, cons. 7.

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37. L’évolution de la société a également pu conduire à s’interroger sur l’émergence de

nouveaux pouvoirs, tels que le pouvoir économique ou financier98 ou le pouvoir médiatique99. Il s’agit alors, ainsi que le dit O. Beaud, de « prendre quelque liberté à l’égard de cette façon traditionnelle de présenter les pouvoirs en droit constitutionnel »100. La jurisprudence du Conseil n’intègre cependant pas ces acteurs de la vie publique dans le champ d’application du principe de séparation des pouvoirs. Une décision aurait toutefois pu conduire à envisager l’existence d’un « pouvoir syndical », mais une analyse plus approfondie conduit à écarter cette hypothèse101. Ainsi, la jurisprudence du Conseil, en dépit de l’émergence des A.A.I. au titre d’un quatrième pouvoir, demeure relativement classique dans son approche en se contentant de consacrer trois pouvoirs distincts : l’Exécutif, le Parlement et le pouvoir juridictionnel.

98

Voir not. M. Friedman, « The Relation between Economic Freedom and Political Freedom », in Capitalism

and freedom, University of Chicago Press, 1962, 202 p. et M. Hauriou, Principes de droit public, Sirey, Paris,

1916, 2e edition, 294-296.

99

Voir not. T. Fercenczi, Le journalisme, PUF, Paris, 2005, p. 3 et D. Kessler, « Les médias sont-ils un pouvoir ? », Pouvoirs, 2012, n°143, pp. 105-112.

100

O. Beaud, « La multiplication des pouvoirs », Pouvoirs, 2012, n°143, p. 47-48. Voir également l’intervention d’O. Beaud à l’occasion de la seconde édition des Entretiens du Jeu de Paume, accessible à l’adresse suivante : https://www.canal-u.tv/video/universite_de_tous_les_savoirs/etats_generaux_assemblee_constituante_et_ separation_des_pouvoirs.7208 (à compter de 1h16’33’’), à paraître (O. Beaud et M. Troper, « Séparation fortes/séparations faibles », in Deuxièmes Entretiens du Jeu de Paume, La séparation des pouvoirs. Efficacité,

vertus, intérêts). A l’occasion de cette intervention, l’auteur distingue la séparation forte des pouvoirs, qui

correspond à la notion classique et institutionnelle, de la séparation faible des pouvoirs, entre les entités non-institutionnelles. Voir également P. de Montalivet, « L’extension de la séparation des pouvoirs dans les organisations publiques et privées », R.F.D.A., 2015, n°4, pp. 763-772.

101

Dans une décision du 3 décembre 2010 (décision C.C., n°2010-76 QPC du 3 décembre 2010, M. Roger L. [Tribunaux des affaires de sécurité sociale], J.O. du 4 décembre 2010, p. 21360, Rec. p. 364), le Conseil a semblé contrôler le respect du principe d’indépendance des juridictions, qui découle du principe de séparation des pouvoirs101, par une disposition législative prévoyant la nomination de certains assesseurs du tribunal des affaires de sécurité sociale101 par des organisations professionnelles (cons. 8 et 9). Ce faisant, le Conseil aurait inclus ces dernières dans le champ d’application du principe de séparation des pouvoirs. Mais une analyse plus approfondie de la décision révèle que l’évocation du principe d’indépendance des juridictions – et, en creux, du principe de séparation des pouvoirs – renvoie en réalité, via la mention de l’article L. 144-1 du code de sécurité sociale, à l’indépendance des assesseurs vis-à-vis de l’administration, c’est-à-dire de la juridiction vis-à-vis de l’Exécutif.

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