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Une indépendance indirectement assurée pour les pouvoirs politiques

DOGMATIQUE DE LA SEPARATION ENTRE LES POUVOIRS POLITIQUES

Section 1 – Une indépendance garantie par la composition des organes

A. Une indépendance indirectement assurée pour les pouvoirs politiques

139. En reprenant certains mécanismes propres au régime parlementaire, la Constitution

de 1958 instaure une certaine perméabilité de la séparation entre l’Exécutif et le Parlement. Cette perméabilité, sur laquelle le Conseil constitutionnel n’a pas de prise, se manifeste essentiellement au stade de la révocation des organes de ces deux pouvoirs. Elle a pour effet de limiter l’indépendance des pouvoirs politiques (1.). La réciprocité de ces mécanismes de perméabilité conduit toutefois à assurer une certaine interdépendance des pouvoirs qui, in

fine, préserve l’indépendance des pouvoirs au stade de la révocation de leurs membres (2.).

1. Le régime parlementaire comme limitation de l’indépendance organique des pouvoirs politiques au stade de la révocation

140. La Constitution ne prévoit pas la possibilité de mettre un terme aux fonctions de

membre de tous les organes politiques. Ainsi, aucune possibilité n’est prévue pour mettre un terme au mandat d’un parlementaire pris individuellement, en dehors de la compétence du Conseil en tant que juge électoral. Tout au plus le règlement de chacune des assemblées prévoit-il la possibilité d’exclure temporairement un parlementaire350 sur décision du Bureau de l’assemblée, ce que le Conseil a jugé conforme à la Constitution351. Il est d’ailleurs difficile

350

Art. 95 du règlement du Sénat et art. 73 du règlement de l’Assemblée nationale. Les motifs d’exclusion temporaire sont identiques dans les deux cas. Ainsi, un parlementaire peut être exclu temporairement s’’il a résisté à la censure prononcée à son encontre ou subi deux fois cette sanction, s’il a fait appel à la violence en séance publique, s’il s’est rendu coupable d’outrages envers l’Assemblée à laquelle il appartient ou envers son président, ou s’il s’est rendu coupable d’injures, provocations ou menaces envers le Président de la République, le Premier ministre, les membres du Gouvernement et les différentes assemblées prévues par la Constitution.

351

Décision C.C., n°59-2 DC du 24 juin 1959, Règlement de l’Assemblée nationale, J.O. du 3 juillet 1959, p. 6642, Rec. p. 58 et décision C.C., n°59-3 DC du 25 juin 1959, Règlement du Sénat, J.O. du 3 juillet 1959, p. 6643, Rec. p. 61.

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d’imaginer qu’il put en être autrement au vu de la tradition ancrée de l’autonomie des assemblées parlementaires352. De même, la Constitution ne prévoit pas la possibilité de mettre un terme aux fonctions des membres du C.E.S.E. Pour ce dernier, la loi prévoit que seule la survenance d’un élément objectif – la perte de la qualité au titre de laquelle ils ont été désignés353 - est susceptible de mettre un terme à leur mandat. En revanche, la Constitution organise une perméabilité de la séparation des pouvoirs en prévoyant la possibilité de mettre fin au mandat des membres du Gouvernement – et du Premier ministre –, des membres de l’Assemblée nationale, et, depuis 2007, à celui du Président de la République.

141. Deux dispositions constitutionnelles régissent les modalités selon lesquelles il peut

être mis fin au mandat des membres du Gouvernement ainsi que de son chef, le Premier ministre. L’article 8 de la Constitution, d’abord, en ce qu’il prévoit que le Premier ministre est seul à pouvoir décider de mettre un terme à ses fonctions en présentant la démission de son Gouvernement au Président de la République. Ainsi, cette disposition – comme la pratique qui en est faite354 – est conforme au principe de séparation des pouvoirs, dans la mesure elle ne prévoit pas la possibilité pour un pouvoir extérieur de mettre un terme au mandat des membres du Gouvernement. Ce n’est pas le cas, en revanche, des articles 49 et 50 de la Constitution, qui permettent à un organe parlementaire, l’Assemblée nationale, sous certaines conditions355 de provoquer la démission du Gouvernement356, que ce soit en refusant de lui accorder sa confiance357 ou en en adoptant une motion de censure358. Ces mécanismes, qui incarnent l’un des « fondements » du régime parlementaire359, sont autant de dérogations instaurées par la Constitution à la conception étanche de la séparation des pouvoirs.

352

Le principe d’autonomie des assemblées était rappelé dès 1958 par l’ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958.

353

Art. 9, al. 3 de l’ordonnance n°58-1360 du 29 décembre 158 portant loi organique relative au Conseil économique et social.

354

L’alinéa 1er de l’article 8 de la Constitution prévoit en effet notamment que le Président de la République met fin aux fonctions du Premier ministre « sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement ». La pratique s’écarte toutefois quelque peu de la règle fixée par la Constitution. En effet, il existe une « coutume » qui permet au Président de la République « de mettre fin aux fonctions du Premier ministre, contrairement à la lettre de l’article 8 de la Constitution » (« Une Ve République plus démocratique », Rapport du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, La Documentation française, Paris, 2007, p. 10.

355

Sur ce point, voir not. F. Satchivi, « L’avenir mouvementé de l’article 49, alinéa 3 », L.P.A., 1994, n°84, n.p.d.a. 12.

356

Ces mécanismes sont au nombre de trois : le mécanisme dit « de la question de confiance » (art. 49 al. 1er C.), et celui du vote bloqué (art. 49 al. 3 de la Constitution), tout deux à l’initiative du Gouvernement, ainsi que la motion de censure (art. 49 al. 2 de la Constitution), à l’initiative de l’Assemblée nationale.

357

Art. 49 al. 1er de la Constitution.

358

Art. 49 al. 2 et 3 de la Constitution.

359

J. Bénetti, « L’impact du fait majoritaire sur la nature du régime (Réflexions sur le régime parlementaire de la Ve République », L.P.A., 2008, n°138, p. 20.

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De même, s’agissant de la révocation des membres de l’Assemblée nationale, l’article 12 de la Constitution prévoit que le Président peut, après consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale. Il s’agit donc là d’un second élément de perméabilité de la séparation entre les pouvoirs politiques, puisque le Président de la République, qui relève de l’Exécutif, peut décider de mettre un terme au mandat de l’ensemble des membres de l’une des chambres du Parlement.

S’agissant, enfin, du Président de la République, il est désormais prévu qu’il peut être destitué en cas de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat »360 par la Haute Cour. Or, cette dernière, n’est autre que la réunion des deux chambres. Elle est clairement un organe parlementaire. La procédure de destitution du Président de la République constitue donc un troisième élément constitutionnel de perméabilité de la séparation entre les pouvoirs politiques au stade de la révocation de leurs membres.

142. L’instauration de mécanismes constitutionnels de perméabilité de la séparation des

pouvoirs, permettant à un pouvoir de révoquer les membres de l’un des organes d’un autre pouvoir, semble donc à première vue limiter l’indépendance des organes concernés. Cette limitation apparaît alors d’autant plus importante que le Conseil est impuissant à l’encadrer. Pourtant, il convient d’admettre que ces dispositions constitutionnelles, qui sont autant de dérogations à la conception étanche de la séparation des pouvoirs, ne limitent finalement qu’assez peu l’indépendance des organes politiques concernés. Car la réciprocité de ces mécanismes de révocation instaure paradoxalement un certain équilibre.

2. Une limitation de l’indépendance neutralisée

143. L’existence de mécanismes de perméabilité de la séparation des pouvoirs ne saurait

suffire à prouver l’existence d’une remise en cause de l’indépendance des organes visés par ces mécanismes. Cette remise en cause se trouve en effet tempérée par deux éléments. En premier lieu, le caractère réciproque de ces mécanismes semble minimiser, voire neutraliser les risques existants d’une atteinte à l’indépendance du Gouvernement et de l’Assemblée nationale. En effet, la réciprocité de ces mécanismes créé une sorte d’ « équilibre de la terreur ». Puisque tant l’Exécutif que le Parlement dispose, par le biais de l’un de leurs organes, de la faculté de mettre un terme au mandat des membres d’un organe adverse, aucun

360

Art. 68 C, modifié par la loi constitutionnelle n°2007-238 du 23 février 2007 portant modification du titre IX de la Constitution.

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d’eux ne tentera, sauf dans de rares hypothèses, d’utiliser le mécanisme mis à sa disposition. Il s’agit là d’une application de la théorie de l’équilibre, inspirée des travaux de Nash361, selon laquelle les différents acteurs adaptent leurs comportements et décisions en fonction de ceux des autres joueurs afin de trouver la meilleure solution. Comme les deux blocs lors de la Guerre froide, le Parlement et l’Exécutif « se dissuadent mutuellement d’entrer en guerre car ils disposent tous les deux de l’arme absolue. Le dispositif est très fragile, puisqu’il repose sur la peur réciproque et le bluff »362.

144. En second lieu, l’atteinte que ces mécanismes de pression réciproques seraient

susceptibles de porter à l’indépendance des organes visés par ces mécanismes est amplement neutralisée par un second élément, de nature politique : le fait majoritaire. En effet, celui-ci repose sur « une solidarité entre le Gouvernement et sa majorité dont les destins politiques sont fondamentalement liés. Dans un tel système, sauf dérèglement exceptionnel du fait majoritaire, il ne peut y avoir par définition de crise ministérielle »363, ni d’ailleurs de dissolution de l’Assemblée nationale. J.-C. Colliard notait, à ce sujet, que « bien qu’elle soit encore souvent considérée comme l’issue normale, en raison de la définition même du régime parlementaire, la chute devant le Parlement apparaît statistiquement comme une situation rare »364. L’indépendance des organes, à condition que l’on considère qu’elle conserve un sens en période de fait majoritaire, est donc tout à fait préservée.

145. Ainsi, la Constitution assure un certain équilibre dans le pouvoir de révocation

qu’elle confère à l’un des organes de chacun des deux pouvoirs politiques classiques. Dès lors, s’il n’est pas possible de dire que les organes politiques sont, au stade de la révocation de leurs membres, parfaitement indépendants, il convient d’admettre qu’ils bénéficient d’une

certaine indépendance, même si celle-ci ne doit rien évidemment à la jurisprudence du

Conseil. En revanche, ce dernier participe pleinement à assurer l’indépendance des A.A.I. au stade de la révocation de leurs membres.

361

Plus précisément, cette théorie, renommée « équilibre de Nash », puise sa source dans la thèse de J. Nash,

Non-cooperative games, soutenue en 1950 (disponible sur https://www.princeton.edu/mudd/news/faq/topics/Non-Cooperative_Games_Nash.pdf). « Thus an equilibrium point (…) such that each player’s mixed strategy maximizes his pay-off if the strategies of the others are fixed » (p. 3).

362

J.-V. Holeindre, « Les deux guerres justes. L’éthique de la guerre face aux évolutions récentes de la conflictualité internationale », Raisons politiques, 2012, n°45, p. 86.

363

J. Bénetti, « « L’impact du fait majoritaire sur la nature du régime (Réflexions sur le régime parlementaire de la Ve République) », L.P.A., 2008, n°138, n.p.d.a. 20.

364

J.-C. Colliard, Les régimes parlementaires contemporains, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, Paris, 1978.

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B. Une indépendance directement assurée pour les A.A.I.

146. La compétence du législateur en matière de création d’A.A.I. le conduit à prévoir les

modalités de composition de ces dernières ainsi que la possibilité de mettre un terme aux fonctions de leurs membres. L’examen des dispositions législatives qui y concourent montre que le législateur retient une conception séparatiste afin de garantir l’indépendance des A.A.I. (1.). Le Conseil constitutionnel, bien qu’il ne se soit prononcé qu’une fois sur la conformité d’une disposition relative à la possibilité de mettre fin aux fonctions de membre d’une telle autorité, a choisi de constitutionnaliser le choix du législateur. Ce faisant, il conforte l’existence d’un dogme séparatiste dans la jurisprudence constitutionnelle en exigeant le respect d’une nette séparation des pouvoirs et montre une nouvelle fois l’importance qu’il accorde à l’indépendance des A.A.I. (2.).

1. Une indépendance mise en œuvre par le législateur

147. L’examen des dispositions législatives relatives à la possibilité de mettre fin aux

fonctions de membre d’une A.A.I. confirme le constat de G. Eckert selon lequel la législation s’avère protectrice de l’indépendance de ces organes365. En effet, dans le meilleur des cas, la loi prévoit que les membres de l’autorité ne sont pas révocables366. Mais, le plus souvent, la loi réserve aux A.A.I. la possibilité de mettre un terme aux fonctions d’un de leurs membres, et sous certaines conditions seulement. La loi prévoit alors que l’autorité ne peut mettre un terme au mandat de l’un de ses membres qu’« en cas d’empêchement constaté par celle-ci »367, ou lorsque le membre a manqué à ses obligations368. Dès lors, en prévoyant que seule l’autorité peut mettre un terme au mandat de l’un de ses membres369, le législateur adopte une conception étanche de la séparation des pouvoirs, puisque la décision appartient uniquement à l’A.A.I. concernée. Son indépendance est donc préservée de manière satisfaisante.

365

Voir supra.

366

C’est le cas notamment pour l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (art. L.130 du code des postes et des communications électroniques), ou pour la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (art. L.331-16, al. 5 du code de la propriété intellectuelle).

367

C’est le cas notamment pour la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (art. L.243-3 du code de la sécurité intérieure), pour la Commission nationale de l’informatique et des libertés (art. 13 de la loi n°78-17), ou encore pour le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (art. 2 de la loi n°2007-1545).

368

C’est le cas notamment de la Commission des participations et des transferts (art. 3 de la loi n°86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d’application des décisions de privatisation décidées par la loi n°86-793). En l’espèce, le membre sera déclaré démissionnaire d’office lorsqu’il a manqué au secret professionnel ou qu’il se trouve dans une des situations d’incompatibilité énoncées par la loi. La décision est prise par la commission statuant à la majorité de ses membres.

369

La loi prévoit également la possibilité pour les membres des A.A.I. de démissionner, ce qui ne pose bien entendu aucune difficulté au regard du principe de séparation des pouvoirs.

114

148. Il convient toutefois de souligner que deux des dispositifs relatifs à la possibilité de

mettre un terme au mandat des membres d’une A.A.I. s’écartent quelque peu de l’approche étanche de la séparation des pouvoirs qui semble guider le législateur. En premier lieu, la loi prévoit qu’un membre de la Commission de régulation de l’énergie (C.R.E.) peut être révoqué en cas de « manquement grave à ses obligations »370, et poursuit en précisant que la décision de révocation est prise « par décret en conseil des ministres sur proposition du président d'une commission du Parlement compétente en matière d'énergie ou sur proposition du collège » de la C.R.E. Il en résulte qu’un membre de cette autorité peut être révoqué à l’initiative exclusive et combinée des pouvoirs politiques classiques, sans que la C.R.E. ne puisse s’y opposer. Par conséquent, cette disposition déroge clairement à la séparation étanche des pouvoirs et est susceptible de permettre au Parlement et à l’Exécutif, conjointement, de porter atteinte à l’indépendance d’une A.A.I.371

En second lieu, c’est le dispositif normatif relatif au Défenseur des droits qui est susceptible de poser problème. En effet, la loi organique renvoie à un décret en Conseil d’Etat le soin de définir les modalités selon lesquelles il peut être mis fin aux fonctions du Défenseur des droits en cas d’empêchement de celui-ci372. Or, le décret en question prévoit que « sauf démission, il ne peut être mis fin aux fonctions du Défenseur des droits avant l'expiration de leur durée normale qu'en cas d'empêchement constaté par un collège composé du vice-président du Conseil d'Etat, président, du premier président de la Cour de cassation et du premier président de la Cour des comptes »373, et ce sur saisine du Président de la République374. Dès lors, le dispositif déroge à la conception étanche de la séparation des pouvoirs. Toutefois, et contrairement au premier cas concernant la C.R.E., cette dérogation peut ici s’expliquer par le fait que le Défenseur des droits est une A.A.I. « personnelle ». De ce fait, la faculté de mettre un terme aux fonctions du Défenseur des droits ne saurait être confiée à ce dernier et doit donc être confiée à un organe tiers. L’exception à l’approche étanche de la séparation des pouvoirs était donc inévitable. En outre, le pouvoir de révocation est confié à un triumvirat

370

Art. L.132-5, al. 2, 3° du code de l’énergie créé par l’ordonnance n°2011-504 du 9 mai 2011.

371

Voir infra.

372

Art. 1, al. 2nd de la loi organique n°2011-333, préc.

373

Art. 3 du décret n°2011-905 du 29 juillet 2011 relatif à l’organisation et au fonctionnement des services du Défenseur des droits.

374

115

« irréprochable », ce qui suffit certainement à expliquer que le Conseil constitutionnel n’a pas jugé bon de censurer la loi organique sur ce point375.

149. Ainsi, et à l’exception de la possibilité pour les pouvoirs politiques de mettre un

terme au mandat d’un membre de la C.R.E., en réservant de manière quasi-systématique la possibilité de révoquer un membre au collège de l’A.A.I. dont il fait partie, le législateur adopte bien une législation protectrice de l’indépendance des A.A.I. Le Conseil constitutionnel, conformément au dogme séparatiste, est venu constitutionnaliser cette approche.

2. Une indépendance confirmée par le Conseil constitutionnel

150. A l’occasion du contrôle de la loi organique relative au Défenseur des droits, le

Conseil constitutionnel est venu conforter la conception étanche de la séparation des pouvoirs retenue jusque là par le législateur à propos de la possibilité de mettre un terme aux fonctions de membre d’une A.A.I. Dans sa décision, le Conseil, examinant le premier alinéa de l’article 11 de la loi organique qui prévoit que le Premier ministre nomme les adjoints du Défenseur des droits sur proposition de ce dernier, a formulé une réserve d’interprétation constructive. Il a en effet estimé que l’indépendance conférée au Défenseur des droits implique qu’il ne peut être mis fin aux fonctions de ses adjoints que si le Défenseur lui-même en fait la proposition au Premier ministre. Cette réserve d’interprétation est intéressante à plusieurs titres.

151. Elle montre d’abord que l’indépendance conférée au Défenseur des droits doit être

entendue comme revêtant une large portée, puisque le Conseil constitutionnel estime qu’elle doit également bénéficier à ses adjoints. Deux éléments sont susceptibles de justifier cette extension. D’une part, le Défenseur des droits présente une spécificité importante, en ce qu’il est une « autorité administrative dont l’indépendance trouve son fondement dans la Constitution »376. Il est donc possible que ce fondement constitutionnel soit à l’origine du choix du Conseil d’étendre la protection dont bénéficie le Défenseur des droits en matière de révocation à ses adjoints. Mais, d’autre part, il est surtout probable que le Conseil estime que le caractère personnel d’une A.A.I. exige que celle-ci ait le monopole du pouvoir de révocation de ses collaborateurs, qui bénéficient dès lors d’une protection de leur

375

Décision C.C., n°2011-626 DC, préc., cons. 3 à 7. Le Conseil n’examine pas expressément l’article 1, alinéa 2nd de la loi organique, et estime que cet article participe à la protection de l’indépendance du Défenseur des droits.

376

116

indépendance au stade de leur révocation au même titre que les membres des A.A.I. collégiales.

Ensuite, et par extension, cette réserve d’interprétation montre que, comme le législateur, le Conseil constitutionnel retient une approche étanche de la séparation des pouvoirs lorsqu’il s’agit de révoquer un membre d’une A.A.I. Plus précisément la réserve d’interprétation prévoit que l’accord de l’autorité conditionne la possibilité de révoquer l’un de ses adjoints, de telle sorte que le pouvoir exécutif – en la personne du Premier ministre – ne pourra prendre seul cette décision.

Enfin, cette réserve d’interprétation révèle l’importance particulière que le juge constitutionnel semble accorder à l’indépendance des A.A.I. En effet, la loi ne prévoyait aucune possibilité de mettre un terme au mandat des adjoints du Défenseur des droits. Mais le Conseil, manifestement soucieux de préserver l’indépendance des A.A.I., a préféré prévenir tout risque en neutralisant la possibilité pour le Premier ministre de révoquer seul un adjoint