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Les systèmes de protection vieillesse au service de la lutte contre la pauvreté

5.3 Potentiel de création d’emplois

de l’investissement dans la couverture sanitaire universelle

La réalisation des ODD et de la couverture sanitaire universelle ne sera pas possible sans un nombre suffisant d’emplois décents dans le domaine de la santé – pas seulement des médecins et des infirmiers, mais aussi d’autres professions, pour l’administration ou l’entre-tien des établissements, par exemple. En prenant soin de la santé des personnes qui en ont besoin, ces travailleurs contribuent à l’amélioration de la productivité et donc à la croissance économique.

Encadré 5.3 Les soins de longue durée au Ghana Au Ghana, on observe un besoin important de soins

de longue durée: plus de 40 pour cent de la popu-lation de plus de 75 ans déclare avoir besoin d’une aide au moins partielle (He, Muenchrath et Kowal, 2012). Cela s’explique par le fait que 88,1 pour cent des personnes âgées de plus de 70 ans souffrent d’au moins un handicap fonctionnel, 63,4 pour cent ont des difficultés à se déplacer, 35,8 pour cent ont du mal à effectuer les tâches de la vie quotidienne et 74,3 pour cent font état de problèmes cognitifs.

Comme le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus va doubler au cours des trente-cinq pro-chaines années, le besoin de soins de longue durée augmentera et l’approche traditionnelle du soutien fourni par des membres de la famille ne sera plus suffisante même si l’on continue de considérer qu’il revient à la famille élargie d’apporter de l’aide aux per-sonnes âgées nécessitant des soins de longue durée:

le système de soutien familial est de plus en plus mis à mal par les processus de modernisation et de mon-dialisation, par exemple lorsque les jeunes migrent vers les villes ou à l’étranger. En conséquence, les

liens familiaux se sont déjà affaiblis. Dans les zones urbaines, en particulier, la famille élargie disparaît au profit de la famille nucléaire (Tawiah, 2011).

Aujourd’hui, 10 pour cent des personnes âgées de 65 ans et plus vivent seules (Ghana GSS, 2013).

Ces données témoignent d’un besoin urgent de services de soins de longue durée, mais la législa-tion nalégisla-tionale ne garantit pas un droit d’accès des personnes âgées à de tels services (tableau 5.3). De plus, il n’existe pas de financement public ni de sys-tème public de soins de longue durée dispensés par un personnel spécialisé. Par conséquent, la totalité de la population âgée de plus de 65 ans n’a pas accès à des soins de qualité prodigués par de véritables professionnels. Un effectif total de 37 436 travailleurs formels serait nécessaire. Le secteur privé comble en partie les besoins en offrant des services de soins de longue durée à domicile à ceux qui en ont les moyens (ibid.). L’ONG HelpAge Ghana dispense des soins aux personnes âgées en tant qu’organisme de bienfaisance, mais seulement dans quelques régions du pays (ibid.).

Tableau 5.3 Déficits de soins de longue durée à combler pour atteindre une couverture universelle au Ghana Couverture et accès des personnes âgées de plus de 65 ans aux soins de longue durée Valeur

Déficit de la couverture légale rapporté à la population de plus de 65 ans 100

Dépenses publiques par personne de plus de 65 ans rapportées au PIB par habitant en 2013 0

Dépenses publiques rapportées au PIB, moyenne de 2006-10 0

Déficit de couverture rapporté au nombre de personnes de plus de 65 ans non couvertes faute de ressources financières

(seuil relatif: 1 461,8 dollars E.-U. en PPA) 100

Travailleurs formels à plein temps pour 100 personnes âgées de plus de 65 ans 0

Déficit de couverture rapporté au nombre de personnes de plus de 65 ans non couvertes faute de professionnels

(seuil relatif: 4,2 travailleurs formels à plein temps pour 100 personnes de plus de 65 ans) 100

Nombre de professionnels nécessaires pour combler les besoins 37 436

Source: Estimations réalisées par le BIT à partir de Ghana GSS, 2013, et UNWPP.

Lien: http://www.social-protection.org/gimi/gess/RessourcesDownload.action?ressource.ressourceId=54788.

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Le monde connaît actuellement une pénurie sans précédent de personnel de santé, qui non seulement empêche des millions de personnes d’améliorer leur état de santé mais encore, en faisant baisser la produc-tivité et l’emploi, entraîne une perte de croissance éco-nomique. Cette pénurie est comblée en grande partie par des aidants non rémunérés, des femmes bien sou-vent, qui s’occupent des aînés de la famille et d’autres proches.

Transformer ce travail non rémunéré en emplois formels est un moyen d’améliorer les résultats dans le domaine de la santé, de créer des millions d’emplois et de stimuler la croissance économique. La production des biens et services nécessaires exige la création d’em-plois dans l’économie de la santé au niveau national et dans les chaînes de valeur mondiales du secteur de la santé. Dans ce contexte, l’expression «chaîne de valeur» désigne la succession d’activités économiques nationales et transnationales nécessaires pour produire les biens et services qui concourent à la réalisation d’ob-jectifs de santé tels que la couverture sanitaire univer-selle, à savoir la transformation des matières premières qui entrent dans la fabrication des médicaments et les phases de conception, de production, de distribution et de livraison.

Si les emplois ainsi créés s’accompagnent de salaires décents, d’une protection sociale et du respect des droits au travail, ils seront extrêmement rentables, sur-tout dans les pays où la couverture santé laisse à désirer et qui ont un vaste marché du travail informel. Et le retour sur investissement sera d’autant plus important

que le potentiel économique des femmes, qui avaient dû quitter le marché du travail faute de personnel soignant qualifié, sera libéré. Ainsi, l’investissement dans la pro-tection de la santé est une source durable d’emplois au niveau national et génère ainsi une croissance écono-mique inclusive.

Actuellement, 84 pour cent de la population des pays à faible revenu n’a pas accès à des soins de santé à cause de la pénurie de personnel, et dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, ce pour-centage dépasse 50 pour cent (figure 5.12).

Sont pris en compte dans les effectifs manquants non seulement les professionnels de la santé mais aussi les travailleurs d’autres professions, tels que les infor-maticiens, les administrateurs et les agents d’entretien, ainsi que la vaste catégorie des travailleurs non rému-nérés qui dispensent des soins formels ou informels.

Ensemble, ces travailleurs constituent les effectifs de l’économie de la santé et exercent dans de nombreux secteurs autres que celui de la santé, comme l’industrie pharmaceutique et les services.

A l’heure actuelle, les effectifs de la chaîne de valeur mondiale du secteur de la santé sont estimés à 234 millions de travailleurs, dont environ 100 millions en Asie-Pacifique, 62 millions en Europe et Asie cen-trale, 44 millions dans les Amériques et 14 millions en Afrique (figure 5.13). Les travailleurs des professions non médicales représentent 46 pour cent de l’ensemble de ces effectifs, soit davantage que les professionnels de

Tableau 5.4 Part de la population de plus de 65 ans qui acquitte des frais nets pour les soins de longue durée (à domicile et en établissement), pays sélectionnés, 2015

Pays Pourcentage des plus de 65 ans

qui acquittent des frais nets pour les soins de longue durée

Allemagne 56,3 manque de personnel dans le secteur de la santé, selon le niveau de revenu des pays, 2014 (en pourcentage de la population totale)

Note: Calculs réalisés sur la base de l’indicateur de déficit d’accès du BIT, avec un seuil de 41,1 agents de santé pour 10 000 habitants.

Pour des précisions sur la méthode, voir BIT, 2014a.

Source: Scheil-Adlung, Behrendt et Wong, 2015.

Lien: http://www.social-protection.org/gimi/gess/RessourceDownload.

action?ressource.ressourceId=54675.

Déficit d'acs lié au manque de personnel de san (en % de la population, seuil: 41,1) 0

santé, qui en constituent 30 pour cent. De plus, 24 pour

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cent sont des «bénévoles» non rémunérés exerçant des professions non médicales.

Puisque le volume actuel des effectifs est insuffisant pour atteindre la couverture sanitaire universelle, com-bler les importantes lacunes et pénuries recensées exi-gera des efforts non négligeables. Il faudra investir dans la formation du personnel nécessaire et créer un nombre suffisant d’emplois décents dans l’économie formelle.

Pour combler les déficits et assurer la couverture sanitaire universelle, il manque actuellement 50 mil-lions d’emplois rémunérés dans le monde, selon les

1 Pour des précisions sur la méthode, voir Scheil-Adlung, 2016.

valeurs médianes calculées en fonction de la popula-tion1, soit 18,3 millions de professionnels de santé et 31,7 millions de travailleurs de professions non médi-cales (figure 5.14).

En d’autres termes, pour que les objectifs de santé puissent être réalisés, tout investissement dans un emploi de médecin ou d’infirmier devrait entraîner la création d’emplois pour 2,3 travailleurs de professions non médicales. Cela contredit par conséquent l’idée reçue selon laquelle l’investissement dans la protection de la santé ne crée des emplois que pour les médecins et les infirmiers. En effet, c’est dans les professions non

Figure 5.13 Volume et composition des effectifs de la chaîne de valeur mondiale du secteur de la protection de la santé, 2016 (en pourcentage)

Source: Scheil-Adlung, 2016.

Lien: http://www.social-protection.org/gimi/gess/RessourceDownload.action?ressource.ressourceId=54676.

Nombre de travailleurs (millions)

0 30 60 90 120

Effectifs de la chaîne de valeur mondiale du secteur de la protection de la santé: 234 millions de travailleurs

Afrique Amériques Etats

arabes Asie et

Pacifique Europe et Asie centrale 14

44

5

109

62 Travailleurs

rémunérés des professions non médicales, 46 % Professionnels

de la santé, 30 % Travailleurs non rémunérés des professions non médicales, 24 %

Figure 5.14 Potentiel actuel et futur d’emplois rémunérés et non rémunérés dans les professions médicales et non médicales pour parvenir à la couverture sanitaire universelle, en millions, secteurs public et privé, 2016 ou dernière année disponible

Source: Calculs du BIT.

Lien: http://www.social-protection.org/gimi/gess/RessourceDownload.action?ressource.ressourceId=54677.

0 10 20 30 40 50 60 70 80

Millions Travailleurs

rémunérés des professions de la santé Travailleurs rémunérés des professions non médicales Travailleurs non rémunérés des professions

non médicales Potentiel

d’emplois mondial:

183,7 millions de nouveaux emplois d’ici à 2030

27,0 18,3

45,5 31,7

49,8 11,6

Potentiel d’emplois d’ici à 2030 Potentiel d’emplois actuel pour parvenir à la couverture sanitaire universelle

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médicales (dans lesquelles les salaires sont en général modestes), telles que celles de l’administration, de l’en-tretien et de la maintenance, des transports, du com-merce de gros et de détail, exercées au sein du secteur de la santé et au-delà, que l’emploi est le plus stimulé.

D’ici à 2030, la croissance démographique mondiale rendra nécessaire la création d’emplois supplémentaires dans toutes les professions pour assurer la couverture universelle: 27 millions dans les professions médicales et 45,5 millions d’emplois rémunérés dans les profes-sions non médicales.

Le potentiel actuel et futur de création d’emplois dans les professions médicales et non médicales rémuné-rées des secteurs public et privé de l’économie mondiale de la santé est de 122,3 millions d’emplois. De plus, il conviendra de transformer le travail «bénévole» non rémunéré en emplois formels rémunérés et de combler ainsi les pénuries de personnel, signalées par le fait que les aidants actuels ont renoncé à leur emploi et à leur revenu, réduit leur temps de travail ou pris une retraite anticipée pour s’occuper de membres de leur famille.

Ce sont donc en tout 183,7 millions d’emplois supplé-mentaires qui pourraient être créés à l’échelle mondiale.

Cependant, les travailleurs manquants et leurs emplois ne sont pas équitablement répartis dans le monde: les pays à revenu faible et intermédiaire (tranche inférieure) d’Afrique, d’Asie et du Pacifique sont par-ticulièrement défavorisés. La majorité des emplois devront être créés en Asie (43 millions) et en Afrique (32 millions) (figure 5.15).

A la lumière de ces données, nous pouvons conclure qu’investir dans la protection de la santé permettra non seulement d’améliorer les résultats de l’action

dans ce domaine, mais aussi de créer des millions d’em-plois dans les économies nationales de la santé et les chaînes de valeur mondiales qui produisent les biens et services nécessaires à la couverture sanitaire univer-selle. Créer les emplois manquants en garantissant des salaires décents, la protection sociale et les droits au travail sera extrêmement rentable, en particulier dans les pays où la couverture santé laisse à désirer et qui ont un vaste marché du travail informel. Et le retour sur investissement pourrait être énorme si le potentiel éco-nomique des femmes, qui ont dû quitter le marché du travail faute de personnel soignant qualifié, est exploité.

Ainsi, l’investissement dans la protection de la santé peut être considéré comme une source durable d’em-plois au niveau national, qui génère une croissance éco-nomique inclusive.

5.4 Priorités d’action pour atteindre

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