• Aucun résultat trouvé

en âge de travailler

3.1 Introduction: la quête de sécurité de revenu

26

La protection sociale revêt une importance capi-tale pour garantir une certaine sécurité de revenu aux femmes et aux hommes en âge de travailler 1, sécurité essentielle au bien-être des particuliers et des familles et à la réalisation des ODD, y compris l’ODD 8 sur le tra-vail décent et la croissance économique.

La majorité des personnes en âge de travailler sont économiquement actives et tirent généralement leurs moyens de subsistance d’activités rémunératrices, qu’il s’agisse d’emplois formels ou informels, et que l’activité puisse être ou non considérée comme du travail décent 2. Qu’elles soient ou non économiquement actives, les per-sonnes en âge de travailler ont des besoins spécifiques en matière de protection sociale. Des politiques effi-caces pour répondre à ces besoins sont essentielles non seulement pour réaliser leur droit à la sécurité sociale, mais aussi pour garantir l’efficacité du marché du tra-vail, ainsi que le développement économique et social en général. Les besoins sont généralement répartis en trois grandes catégories:

• la nécessité de remplacer le revenu perdu temporai-rement ou définitivement pour cause de chômage, d’accident du travail et de maladies professionnelles, d’invalidité, de maladie ou de maternité;

• la nécessité d’une aide au revenu ou d’autres mesures de protection sociale lorsque le revenu ne suffit pas à éviter la pauvreté ou l’exclusion sociale;

• la nécessité d’un appui pour rétablir la capacité de gain après la survenue d’une des éventualités énu-mérées ci-dessus et pour faciliter le retour à l’emploi.

Pendant leur vie active, la plupart des gens recherchent la sécurité de revenu, en premier lieu, par l’activité sur le marché du travail. La sécurité de revenu dépend for-tement du niveau, de la répartition et de la stabilité des salaires et autres revenus issus du travail; elle est donc fortement influencée par les choix politiques et par la législation adoptée et appliquée dans plusieurs

1 L’âge actif est défini au sens large comme la tranche d’âge pendant laquelle la plupart des personnes sont économiquement actives, ou souhaitent le devenir, ce qui renvoie à l’approche fondée sur le cycle de vie de la recommandation (no 202) sur les socles de protection sociale, 2012, sachant que, dans de nombreux contextes, les femmes et les hommes continuent d’être économiquement actifs, par choix ou par nécessité, jusqu’ à un âge avancé (voir chapitre 4). Les limites supérieures et inférieures de «l’âge actif» dépendent fortement des contextes nationaux, sont définis par la législation et la pratique nationales, et dépendent souvent de la durée de la scolarité et de l’âge légal de départ à la retraite. Aux fins de la comparabilité des indicateurs statistiques, le présent rapport se conforme à la pratique internationale établie en considérant la tranche d’âge de 15 à 64 ans, mais cela ne signifie pas que toutes les personnes appartenant à cette tranche d’âge peuvent ou doivent correspondre à une notion spécifique de «travail» ou «d’activité».

2 Le travail décent a été défini par l’OIT et approuvé par la communauté internationale comme étant un travail productif que les femmes et les hommes exercent dans des conditions de liberté, d’équité, de sécurité et de dignité humaine. Le travail décent revêt les caractéristiques suivantes: emploi productif et correctement rémunéré; sécurité sur le lieu de travail et protection sociale pour les travailleurs et leurs familles;

possibilités de développement personnel et d’intégration sociale; liberté d’expression et d’organisation et possibilité pour les travailleurs de participer aux décisions qui les concernent; égalité de chances et de traitement pour tous.

domaines, dont certains sont particulièrement perti-nents pour la sécurité de revenu: marché du travail et emploi, protection de l’emploi, salaires (y compris les salaires minima) et négociation collective, politiques actives du marché du travail, soutien aux travailleurs ayant des responsabilités familiales et professionnelles, égalité hommes-femmes au travail. Des cadres politiques et juridiques efficaces dans ces domaines sont essentiels pour garantir un travail décent. Cependant, les ten-dances récentes du marché du travail et de l’emploi, telles que les taux élevés de chômage, de sous-emploi et d’emploi précaire et informel, ainsi que la diminution des salaires réels et l’augmentation du nombre de tra-vailleurs pauvres, ont accentué les pressions pour que les systèmes de protection sociale garantissent la sécurité de revenu des personnes en âge de travailler (par exemple, BIT, 2016b, 2017h, 2017a; Berg, 2015a).

A la lumière de ces observations, il est très clair que la sécurité de revenu ne peut pas être atteinte par le seul moyen des systèmes de protection sociale. Les politiques de protection sociale doivent être coordonnées avec des politiques bien conçues pour surmonter les difficultés rencontrées dans les domaines de l’emploi, du marché du travail et des salaires, en vue d’atténuer les charges excessives imposées aux systèmes nationaux de protec-tion sociale et de leur permettre de travailler de manière plus efficace et efficiente.

C’est aussi l’approche adoptée dans la recomman-dation no 202, qui insiste sur le fait que les socles nationaux de protection sociale doivent garantir, au minimum, la «sécurité élémentaire de revenu, se situant au moins à un niveau minimal défini à l’échelle nationale, pour les personnes d’âge actif qui sont dans l’incapacité de gagner un revenu suffisant, en particu-lier dans les cas de maladie, de chômage, de maternité et d’invalidité» (paragr. 5 c)). Tout en soulignant les liens vers d’autres domaines politiques, elle met également en avant la responsabilité des pays de mettre en œuvre, compte tenu du contexte national, la combinaison la

27

plus efficace et efficiente possible de prestations et de régimes (régimes de prestations universelles, d’assu-rance sociale, d’assistance sociale, d’impôt négatif sur le revenu, régimes publics d’emploi et régimes d’aide à l’emploi). La plupart des régimes contributifs protègent les personnes (et leurs ayants droit) qui ont été écono-miquement actives dans le passé, mais ne perçoivent plus, définitivement ou temporairement, de revenu de leur travail, à la suite de la survenue d’une de ces éven-tualités: perte de l’emploi actuel (prestations de chô-mage); maladie, invalidité sévère à plus long terme ou décès provoqués par un accident ou une maladie pro-fessionnelle (prestations en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle); circonstances qui ne sont pas directement liées au travail (prestations générales de maladie, d’invalidité et de survivants) ou encore grossesse, accouchement et responsabilités familiales (prestations de maternité, de paternité ou parentales, prestations à l’enfance ou aux familles).

Toutefois, ces régimes ne couvrent pas toujours les situations et les besoins de toutes les personnes (et de leurs ayants droit) qui sont économiquement actives, mais pas dans le secteur formel, ou bien qui ne sont pas correctement couvertes; ou encore dont le revenu tiré de l’emploi est trop faible pour les empêcher, elles et leurs familles, de basculer dans la pauvreté (travailleurs pauvres); ou enfin qui n’ont tout simplement aucun revenu, car elles ont été sans emploi ou sous-employées pendant trop longtemps pour avoir droit aux presta-tions, sans perspective d’amélioration de cette situation,

et ce même à long terme (BIT, 2013a; 2016b). Pour ces catégories en particulier, les régimes et les pro-grammes non contributifs sont essentiels afin de com-bler les lacunes en matière de couverture et garantir au moins un niveau élémentaire de protection. Cependant, notamment dans les pays à revenu faible et intermé-diaire, la couverture limitée, l’insuffisance des niveaux de prestations, la faiblesse des capacités institution-nelles et l’insuffisance et l’instabilité des financements qui caractérisent les programmes existants sont sou-vent problématiques. Par conséquent, la majorité des personnes en âge de travailler dans ces pays ne bénéfi-cient pas d’une protection sociale qui leur permettrait d’assurer leurs fragiles moyens de subsistance en tant que travailleurs et entrepreneurs, ainsi que de s’affran-chir durablement de la pauvreté et de la vulnérabilité (Behrendt, 2017; BIT, 2011b).

Bien que ce chapitre soit principalement axé sur les prestations en espèces, il convient de noter que les prestations en nature, en particulier les soins de santé et autres services sociaux, jouent un rôle majeur dans la sécurité de revenu pour les personnes en âge de tra-vailler. Le rôle de la prestation de soins de santé (voir chapitre 5 pour plus de détails) est particulièrement important à cet égard: les personnes qui bénéficient d’un accès effectif à des services de santé publics de qua-lité ou qui sont protégées financièrement par une assu-rance maladie (sociale) abordable bénéficieront d’une sécurité de revenu plus élevée que celles qui risquent de devoir prendre en charge directement des coûts élevés

Figure 3.1 Dépenses publiques de protection sociale (hors santé) en faveur des personnes en âge de travailler (en pourcentage du PIB) et part de la population en âge de travailler (15 à 64 ans) dans la population totale (en pourcentage), dernières données disponibles

Source: BIT, base de données sur la protection sociale dans le monde (World Social Protection Database), d’après l’enquête sur la sécurité sociale.

Voir annexe IV, tableau B.17.

Lien: http://www.social-protection.org/gimi/gess/RessourceDownload.action?ressource.ressourceId=54625. Population en âge de travailler dans la population totale (%)

Dépenses publiques de protection sociale pour les personnes en âge de travailler, hors assurance-maladie (aide sociale en général)

Part de la population en âge de travailler dans la population totale Europe du Nord, du Sud et de l’Ouest Océanie

28

Figure 3.2 Dépenses publiques de protection sociale (hors santé) en faveur des personnes en âge de travailler (en pourcentage du PIB), selon les niveaux de revenu, dernières données disponibles

Source: BIT, base de données sur la protection sociale dans le monde (World Social Protection Database), d’après l’enquête sur la sécurité sociale.

Voir annexe IV, tableau B.17.

Lien: http://www.social-protection.org/gimi/gess/RessourceDownload.action?ressource.ressourceId=54626.

29

de soins de santé. L’existence d’autres services sociaux et de prestations en nature ayant une valeur monétaire, y compris les services d’éducation et de soins, peut éga-lement réduire considérabéga-lement les besoins en matière de revenu. La prestation de services tels que les services d’emploi, les programmes de développement des com-pétences, les structures de garde d’enfants et les services de soins de longue durée peut également avoir une inci-dence sur la capacité des personnes à s’engager dans un emploi rémunéré, et des répercussions importantes pour la sécurité de revenu, en particulier pour les femmes (Martinez Franzoni et Sánchez-Ancochea, 2015).

A l’échelle mondiale, près d’un tiers des dépenses publiques totales de protection sociale hors santé, qui représentent 3,2 pour cent du PIB, sont consacrées à des prestations aux personnes en âge de travailler (figures 3.1 et 3.2) 3. Il s’agit notamment des prestations de maternité, de chômage, d’accidents du travail et de maladies professionnelles, d’invalidité et de l’assistance sociale générale. Dans ce chiffre global, les variations régionales sont marquées, de 0,6 pour cent en Asie du Sud-Est et 0,7 pour cent dans les Etats arabes à 6,6 pour cent en Europe septentrionale, méridionale et occiden-tale. Alors que les dépenses publiques de protection sociale (hors santé) des personnes en âge de travailler représentent près d’un tiers des dépenses globales de protection sociale hors santé en Europe occidentale, elles représentent environ la moitié de cette catégorie de dépenses en Amérique latine et au Moyen-Orient.

3 Sont également incluses les dépenses consacrées aux programmes généraux de l’assistance sociale, qui représentent 0,8 pour cent du PIB à l’échelle mondiale (2,7 pour cent en Amérique latine).

En Afrique, cette proportion est plus faible – environ un quart –, ce qui s’explique en partie par une moindre part de la population en âge de travailler dans la popu-lation totale, mais aussi par le manque d’attention accordée au développement de programmes de protec-tion sociale pour les personnes en âge de travailler.

La suite de ce chapitre est divisée en quatre sections, portant respectivement sur les domaines de la sécurité sociale les plus pertinents pour les personnes en âge de travailler, à savoir:

• la protection de la maternité (section 3.2);

• la protection contre le chômage (section 3.3);

• la protection en cas d’accident du travail et de mala-dies professionnelles (section 3.4); et

• les prestations d’invalidité (section 3.5).

Dans chacun de ces sous-chapitres, on examinera les régimes contributifs et non contributifs, en tenant compte du fait que la couverture universelle est sou-vent rendue possible grâce à une combinaison des dif-férents types de régimes, pour permettre l’extension de la couverture de protection sociale aux personnes ayant ou non des capacités contributives. L’accès aux presta-tions de santé et de maladie, dont les répercussions sont importantes sur la sécurité de revenu pendant la vie active, fera l’objet du chapitre 5. Ensemble, ces régimes contribuent à la mise en place de systèmes nationaux de protection sociale, socles compris.

30

3.2.1 La protection de la maternité et les ODD La protection de la maternité est un élément essentiel des politiques visant à prévenir et réduire la pauvreté et la vulnérabilité, promouvoir la santé, la nutrition et le bien-être des mères et de leurs enfants, atteindre l’éga-lité des sexes au travail et promouvoir un travail décent pour les femmes et les hommes. Bien que des progrès significatifs aient été accomplis, notamment grâce à l’attention accordée à la santé maternelle et infantile dans le cadre des objectifs du millénaire pour le déve-loppement (OMD 4 et 5), plus de 830 femmes seraient

décédées par jour en 2015 en raison de complications survenues pendant la grossesse ou la naissance de l’en-fant (OMS, 2017).

Compte tenu des importantes lacunes et difficultés auxquelles sont confrontées les femmes (pauvreté, iné-galités, accès à la santé maternelle et infantile), les enga-gements sexospécifiques relatifs à la protection sociale restent inscrits dans les objectifs de développement durable à l’horizon 2030, en particulier les objectifs relatifs à l’éradication de la pauvreté (ODD 1), l’amé-lioration de la nutrition et l’éradication de la faim (ODD 2), la réduction de la mortalité maternelle et POINTS CLÉS

nnLa protection de la maternité est un élément central des politiques transformatrices pré-vues dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et essentiel à la réalisation de plusieurs objectifs de développement durable (ODD), notamment les objectifs 1, 2, 3, 4, 5, 8 et 10.

nnLa protection de la maternité garantit la sécurité de revenu pour les femmes enceintes, les mères avec nouveau-nés et leurs familles, ainsi que l’accès effectif à des soins de santé maternelle et infantile de qualité. Elle favorise également l’égalité en matière d’emploi et dans la profession.

nnDans le monde, 45 pour cent des femmes employées sont couvertes par la loi dans le cadre de régimes obligatoires de prestations de maternité en espèces, mais les chiffres varient considérablement d’une région à l’autre.

nnLes nouvelles estimations concernant la couverture effective de l’indicateur 1.3.1 des ODD montrent que seulement 41,1 pour cent des mères avec nouveau-nés dans le monde bénéficient d’une prestation de maternité, mais seulement 15,8 pour cent en Afrique.

Ce manque de sécurité de revenu en fin de grossesse et après la naissance oblige de nombreuses femmes, surtout celles qui évoluent dans le secteur informel, à continuer de travailler en fin de grossesse ou à retourner au travail prématurément, ce qui représente des risques considérables pour leur santé et celle de leurs enfants.

nnL’extension significative des dispositions relatives au congé de maternité rémunéré et des prestations de maternité à caractère non contributif est l’un des meilleurs moyens d’amé-liorer la sécurité de revenu et l’accès aux soins de santé maternelle et infantile pour les femmes enceintes et les mères de nouveau-nés, en particulier pour les femmes en situa-tion de pauvreté.

nnL’objectif de couverture universelle effective de maternité a été atteint en Ukraine et en Uruguay, et d’autres pays en développement comme l’Afrique du Sud, l’Argentine, la Colombie et la Mongolie ont accompli des progrès significatifs. Cependant, des lacunes importantes subsistent, en matière de couverture et de niveau des prestations, dans d’autres parties du monde. Garantir l’accès universel à des soins de santé maternelle de qualité doit être une priorité, en particulier dans les pays où l’économie informelle repré-sente un pourcentage élevé de l’emploi.

nnUne protection adéquate de la maternité, ainsi qu’un congé paternel et parental rémunéré, confèrent aux mères et aux pères des responsabilités en tant que soutiens de famille et éducateurs, et contribuent à un partage plus équitable des responsabilités en matière de prise en charge, conformément à la cible 5.4 des ODD sur l’égalité entre les sexes.

Outline

Documents relatifs