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Les systèmes de protection vieillesse au service de la lutte contre la pauvreté

5.5 Couverture sanitaire universelle:

tendances récentes

L’ODD 3 exige que tous les pays s’efforcent d’atteindre la couverture sanitaire universelle. Une analyse des ten-dances récentes montre que de nombreux pays ont déjà accompli des progrès en ce sens en élargissant la couver-ture et l’accès grâce à des stratégies de protection de la santé et au moyen de la législation ainsi qu’en investis-sant des montants importants pour améliorer l’accès à des services de soins de longue durée de qualité.

Ce sont des pays de toutes les régions du monde, y compris des pays à faible revenu tels que le Tchad et le Togo, qui ont investi dans l’extension de la couver-ture santé de leur population. Cependant, comme il faut du temps pour mettre en œuvre les réformes, les résultats ne se traduisent souvent dans les statistiques que plusieurs années plus tard. La Chine, la Colombie, le Rwanda et la Thaïlande comptent parmi les pays qui ont fait des progrès notables vers la couverture sanitaire universelle (voir encadré 5.4).

Malgré tout, des retours en arrière sont constatés partout dans le monde, y compris dans les pays à revenu élevé. Ils sont en général considérés comme allant de pair avec les mesures de redressement des finances publiques et d’austérité au sens large.

Toutefois, ces mesures devraient être évaluées en tenant compte des conséquences d’un mauvais état de santé de la population sur l’économie dans son ensemble, et notamment d’une éventuelle baisse de productivité dont le coût dépasserait le montant des économies réalisées. Le vieillissement de la popula-tion mondiale va mettre les régimes et les systèmes de santé et de soins de longue durée à rude épreuve et entraîner des dépenses encore plus élevées qu’à l’heure actuelle. Les décideurs devraient donc se

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demander si les ajustements financiers à court terme ne risquent pas de compromettre les investissements à long terme dans la santé.

De plus, les politiques d’austérité ont des consé-quences très néfastes sur le plan social, car elles risquent de faire basculer des personnes dans la pauvreté à cause de l’augmentation des frais à leur charge, de la perte de revenus pendant les périodes de maladie et de la détério-ration de leur état de santé.

Les mesures les plus courantes de réduction de la couverture santé (tableau 5.5) sont:

la réduction du panier de soins, qui peut avoir des effets négatifs sur la santé et donc faire augmenter les dépenses de santé à terme;

la diminution de la couverture légale, qui bloque l’accès de certains aux services de santé et crée des inégalités.

Encadré 5.4 Couverture sanitaire universelle: Chine, Colombie, Rwanda et Thaïlande Ces dernières années, de nombreux pays, parmi

lesquels la Chine, la Colombie, le Rwanda et la Thaïlande, ont progressé vers la couverture sani-taire universelle. Leurs systèmes de santé reposent sur une combinaison de soins publics, de régimes contributifs pour les travailleurs formels et de régimes partiellement contributifs pour ceux de l’économie informelle, favorisant ainsi la solidarité et l’inclusion sociale.

En Chine, le nombre de personnes couvertes par l’assurance-maladie a été multiplié par dix entre 2003 et 2013, et représente aujourd’hui 96,9 pour cent de la population. Il existe trois grands régimes d’assu-rance-maladie: pour les travailleurs urbains, pour les résidents urbains et pour les résidents ruraux.

Le premier régime offre une enveloppe complète de prestations avec la prise en charge des dépenses à un taux d’environ 81 pour cent. Les deux autres sont des régimes d’assurance volontaire qui remboursent plus de 50 pour cent des frais médicaux assurables à hauteur d’un certain plafond; ils s’adressent à 1,1 milliard de personnes. En règle générale, pour les familles pauvres, l’Etat prend en charge une partie ou l’intégralité des dépenses nettes à la charge des patients. Le niveau des frais à la charge du patient, qui est passé de 60 pour cent du total des dépenses de santé en 2001 à 34 pour cent en 2013, devrait encore être amélioré.

La Colombie est l’un des pays d’Amérique latine qui a récemment élargi la protection de la santé. Le système de santé repose sur le principe d’universa-lité en vertu duquel tous les Colombiens sont tenus de s’affilier soit au régime destiné aux personnes qui ont une capacité contributive, soit au régime sub-ventionné destiné aux travailleurs à faible revenu.

Les affiliés des deux régimes ont droit aux mêmes prestations, ce qui a permis d’atteindre des taux de couverture légale élevés et de réduire les dépenses nettes à la charge des patients. Selon les estima-tions, l’affiliation à l’assurance sociale est passée de 25 pour cent en 1993 à 96 pour cent en 2014. Les frais à la charge du patient ont chuté à 15,9 pour cent des dépenses totales de santé en 2011, tandis que le pourcentage d’accouchements assistés par du personnel de santé qualifié atteignait 99,2 pour cent.

Le Rwanda a déployé des efforts considérables pour développer son système de santé aux niveaux national et local, permettant à la majorité des habi-tants d’accéder à des soins de santé abordables: en 2011, 96 pour cent des Rwandais étaient couverts par les différents régimes d’assurance-maladie, et la plupart d’entre eux (91 pour cent) par des mutuelles locales. Les progrès de la couverture au Rwanda ont été réalisés grâce à la volonté politique d’un réseau décentralisé et solide d’établissements et de person-nels de santé, et à la culture de l’action collective et de l’entraide. Les mutuelles de santé subventionnent les cotisations des pauvres et des personnes vulné-rables, grâce à quoi des catégories de population auparavant exclues sont désormais protégées. Elles ont grandement contribué à l’amélioration de la santé au Rwanda, qui se traduit par l’allongement de l’espé-rance de vie et la baisse de la mortalité maternelle et infantile. L’expérience du Rwanda montre que des progrès sont possibles pour les pays à faible revenu, même lorsque la grande majorité des personnes vivent dans des zones rurales et travaillent dans l’éco-nomie informelle.

La Thaïlande a mis en place son système d’assu-rance santé universelle en 2001, en fusionnant plu-sieurs régimes d’assurance-maladie et en y affiliant un grand nombre de personnes précédemment non couvertes, en particulier dans le secteur informel.

L’objectif du système est de faire bénéficier tous les citoyens thaïlandais, quel que soit leur statut socio-économique, de soins de santé de qualité adaptés à leurs besoins. Cet objectif est fondé sur le principe d’universalité: le système a été conçu comme un régime universel et non pas comme un régime réservé aux personnes pauvres, vulnérables et défavorisées.

Et, comme il est financé par l’impôt, les soins de santé sont gratuits dans ses centres. Le panier de presta-tions, très complet, comprend les soins médicaux généraux et la réadaptation ainsi que des traitements médicaux coûteux et les soins d’urgence. En tant que régime universel, il maîtrise les coûts et assure sa viabilité financière sur la base d’un budget annuel et du plafonnement des honoraires des prestataires. Il a favorisé le développement des infrastructures de santé et amélioré l’accès aux services de santé.

Source: A partir de BIT, 2014e, 2016g, 2016h, 2016i.

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Tableau 5.5 Mesures de protection de la santé annoncées, pays sélectionnés, 2014-2017

Pays Niveau de

revenu Année Mesure (annoncée dans les médias) Résultat escompté Contraction/

Développement Type de mesure Afrique

du Sud Intermédiaire (tranche supérieure)

2015 Assurance-maladie nationale Extension de

la couverture Expansion Extension de la couverture Australie Elevé 2016 Le gouvernement décide de maintenir la

prise en charge des soins dentaires pour les enfants issus de familles modestes, mais le montant remboursé diminue, passant de 1 000 à 700 AUD tous les deux ans

Efficacité des

programmes sociaux Contraction Réduction du panier de soins

Cambodge Faible 2014 Système de santé universel inclus dans la Stratégie nationale de protection sociale 2015-2025

Pérennisation des

programmes sociaux Expansion Extension de la couverture Chine Intermédiaire

(tranche supérieure)

2015 L’Etat étendra l’assurance-maladie aux

maladies graves Extension de

la couverture Expansion Extension de la couverture Etats-Unis Elevé 2017 Démantèlement de l’«Obamacare» Réduction de

la couverture Contraction Réduction de la couverture Ghana Intermédiaire

(tranche inférieure)

2016 Inclusion des indigents dans le régime

national d’assurance-maladie Amélioration de l’adéquation et de l’accessibilité financière

Expansion Extension de la couverture Grèce Elevé 2014 Fin de la couverture des examens

médicaux Rationalisation de la

dépense publique Contraction Réduction du panier de services Indonésie Intermédiaire

(tranche inférieure)

2015 Nouveau régime d’assurance-maladie Meilleure efficacité des

programmes sociaux Expansion Extension du panier de services Libéria Faible 2016 Le PNUD et le ministère du Genre,

de l’Enfance et de la Protection sociale lancent les transferts sociaux monétaires

Extension de

la couverture Expansion Extension du panier de services Nigéria Intermédiaire

(tranche inférieure)

2015 Création du programme

d’assurance-maladie mobile Meilleure efficacité des

programmes sociaux Expansion Amélioration de l’accès aux pro-grammes sociaux Pérou Intermédiaire

(tranche supérieure)

2014 Accès des enfants aux examens médicaux par l’intermédiaire du ministère de la Santé

Extension de

la couverture Expansion Extension de la couverture Philippines Intermédiaire

(tranche inférieure)

2014 Automaticité de la couverture maladie

pour toute personne de plus de 60 ans Amélioration de l’adéquation et de l’accessibilité financière

Expansion Extension du panier de services Rép. dém.

du Congo Faible 2015 Création de la Caisse d’assurance-maladie

universelle (CAMU) Extension de

la couverture Expansion Extension de la couverture Sénégal Intermédiaire

(tranche inférieure)

2014 Système de couverture santé universelle Extension de

la couverture Expansion Extension de la couverture Tchad Faible 2014 Projet de la Banque mondiale d’un

montant de 21 millions de dollars E.-U. en faveur de la santé maternelle et infantile

Réduction de

la pauvreté Expansion Amélioration de

l’accès aux pro-grammes sociaux Togo Faible 2015 Affiliation de nouvelles catégories sociales

à l’Institut national d’assurance-maladie (INAM)

Extension de

la couverture Expansion Extension de la couverture

2015 Création en 2016 d’un nouveau système

de santé financé par l’Etat Extension de

la couverture Expansion Extension de la couverture Viet Nam Intermédiaire

(tranche inférieure)

2015 Elargissement de la couverture de

l’assurance-maladie à Ho Chi Minh Ville Extension de

la couverture Expansion Extension de la couverture Source: BIT, Social Protection Monitor, 2017.

Lien: http://www.social-protection.org/gimi/gess/RessourceDownload.action?ressource.ressourceId=54790.

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Dans un tel contexte, l’objectif et le résultat escompté, à savoir une efficacité accrue des programmes et la rationalisation des dépenses publiques, peuvent diffici-lement être atteints. En effet, le manque de traitements de qualité peut engendrer des coûts supplémentaires tant au niveau individuel qu’au niveau national, et ces mesures peuvent nuire à la résilience et à la stabilité des systèmes de santé, aggravant à longue échéance la situa-tion sociale, économique et financière des pays.

Bien que les besoins de santé augmentent dans le monde, en raison notamment du vieillissement démo-graphique, la protection reste souvent inéquitable, lorsqu’elle existe. La situation est aggravée par d’impor-tantes pénuries de personnel. Dans de nombreux pays, les principaux obstacles qui entravent l’accès aux ser-vices nécessaires sont le manque de financement public et le montant élevé des frais à la charge du patient. Dans un tel contexte, tout doit être fait pour que la protection de la santé et les soins de longue durée, en particulier pour les personnes âgées, figurent en bonne place dans les programmes d’action et de développement natio-naux et internationatio-naux.

Pour cela, il faudra financer des réformes qui créent une marge de manœuvre budgétaire suffisante et

réduisent au minimum les frais à la charge du patient.

Le financement doit être fondé sur des dispositifs de mutualisation de risques, tels que l’impôt ou les cotisa-tions liées au revenu, pour assurer le partage de la charge et la pérennité du système. Il faut des services de qua-lité et des prestations d’un niveau acceptable qui soient

«abordables». Il faut aussi des effectifs suffisants et cor-rectement formés pour assurer les soins de santé et les soins de longue durée.

Dans ce contexte, des retours sur investissements sont envisageables, du fait notamment de la «silver éco-nomie», ou économie des seniors, qu’on oublie trop souvent, de même que la création d’emplois formels et l’augmentation non seulement du taux d’emploi dans les secteurs concernés, mais aussi de la contribution de ces secteurs à la croissance du PIB.

Enfin, il est primordial d’intégrer les stratégies de santé et de soins de longue durée dans un socle de pro-tection sociale au sens large afin d’assurer une propro-tection financière à tous ceux qui en ont besoin. Il est tout aussi essentiel de les intégrer aussi dans des politiques sociales et économiques qui maximisent le retour sur investis-sement et contribuent à la mise en place de systèmes de soins de longue durée efficaces et performants pour tous.

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