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La possession des étoiles par le comptage (du businessman de St-Exupéry)

Dans le document De la propriété du sol en volume (Page 138-140)

Chapitre II : Le sol pris comme une étendue

Section 1 : L’étendue du sol en régime de propriété privée et individuelle

A. La possession des étoiles par le comptage (du businessman de St-Exupéry)

(107.) La partie du récit du Petit Prince qui nous intéresse est celle du Chapitre XIII. Le Petit Prince dans sa quête de compréhension des grandes personnes engage un échange avec un businessman spécialisé dans le commerce assez rare, mais très évocateur pour notre pr opos, le commerce des étoiles.

Ce businessman n’est pas un juriste, mais il est très occupé, sérieux et surtout, il aime posséder des choses. Alors que le roi règne, le businessman fait siennes les choses. Ces choses, propriété de notre businessman ne sont pas sans lien avec notre sujet, la planète Terre, puisque ce sont des étoiles. La situation intrigue le Petit Prince qui demande incrédule au businessman : « Comment peut-on posséder les étoiles ? ». Le questionnement du Petit

Prince paraît des plus légitimes tant la propriété d’une étoile, et qui plus est, des étoiles, paraît incongrue. Dans le même temps, la Terre n’est certes pas une étoile mais une planète, et le sujet qui nous préoccupe n’est rien d’autre que l’appropriation de cette planète. Pour attester du réalisme du « business des étoiles », il serait également possible de mentionner le traité des Nations unies relatif à l’espace extra-atmosphérique qui évoque la question de son appropriation233 ; mais revenons-en au Petit Prince. Le businessman bien que considérant son temps comme précieux, explique précisément comment les étoiles peuvent être des propriétés. Pour lancer son argumentaire, le businessman lui -même étonné de l’étonnement de son visiteur, questionne à son tour le Petit Prince : « À qui sont-elles (les étoiles) ? riposta, grincheux, le businessman » ; « Je ne sais pas. À personne. » répondit le Petit Prince ; « Alors elles sont à moi, car j’y ai pensé le premier. » rétorqua le Businessman ; dubitatif le Petit Prince poursuit : « Ça suffit ? » ; « Bien sûr (dit le businessman). Quand tu trouves un diamant qui n’est à personne, il est à toi. Quand tu trouves une île qui n’est à personne, elle est à toi. Quand tu as une idée le premier, tu la fais breveter : elle est à toi. Et, moi je possède les étoiles, puisque jamais personne avant moi n’a songé à les posséder. ». Le principe de la propriété des étoiles étant acquis le businessman conforte sa démonstration en précisant plusieurs points : d’abord en sa qualité d’homme sérieux il gère, compte, et recompte les étoiles, en précisant qu’il s’agit là d’un travail harassant ; ensuite, après avoir compté ses étoiles, le businessman écrit sur un petit papier le nombre de ses étoiles, et enferme le papier dans un tiroir ; enfin, dernière étape, notre businessman peut placer ses étoiles en banque.

Ce passage du Petit Prince mériterait bien mieux que les quelques lignes qui vont suivre tant il retrace parfaitement les étapes essentielles de la propriété privée, et probablement au -delà. Pour brosser à grands traits le tableau décrit en se référant à la propriété foncière, disons que le premier argument du businessman (elles sont à moi, car j’y ai pensé le premier) évoque la nature appropriable des étoiles qui passent du statut de chose à celui de biens a u sens du droit234 et le fondement de la propriété (travail, occupation, etc.). La seconde étape (le petit papier) correspond au titre de propriété, et au rôle du droit (institution). Enfin, la dernière étape le placement à la banque renvoie à la dimension mercantile (échange) et financière de la propriété, et il serait possible d’ajouter la question laissée sans réponse de l’utilité sociale de la propriété des étoiles, qui conclut le paragraphe. Pour revenir vers notre sujet, la division du sol, sans délaisser totalement ce schéma général, nous nous intéresserons plus à

233 Traités et principes des nations unies relatifs à l’espace extraatmosphériques qui évoque la question de son appropriation.

ST/SPACE/11, Publication des nations unies Numéro de vente: F.02.I.20 ISBN 92 -1-200258-7 Article II L’espace extra- atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, ne peut faire l’objet d’appropriation nationale par proclamation de souveraineté, ni par voie d’utilisation ou d’occupation, ni par aucun autre moyen.

234 En pensant le businessman transforme les choses en biens, ou pour reprendre l’image plus ancienne fait sortir ces choses

l’argument du businessman utilisé entre l’avènement du bien étoile et le titre de propriété. Cet argument rend compte véritablement de l’activité du businessman, il gère, compte et recompte les étoiles. Cet aspect anodin, en apparence, est en réalité fondamental, et pour s’en convaincre, il suffit de détailler l’action du businessman. En comptant les planètes, le businessman les représente sous une forme mathématique (un ordre) ; cela lui permet d’individualiser les planètes, de les identifier et de les réduire en des unités mathématiques. Or, à partir de cette démarche éloignée du droit à priori, mais à priori seulement, la possession des étoiles va prendre une tout autre tournure. Ainsi, le bu sinessman aura fait que chaque étoile soit une étoile, un bien, deux étoiles, deux biens, etc. À la suite de quoi, les étoiles peuvent être comparées une étoile = une étoile, additionnées, soustraites. Remarquons en aparté que ce processus est totalement sans influence sur la matérialité des étoiles ; un chiffre n’est pas apparu sur les étoiles, elles n’ont pas changé de couleur, de texture, etc. Simplement, pour le businessman cet ordonnancement mathématique est très utile. Il sait maintenant qu’il possède cinq cents millions d’étoiles, et même « cinq cent un millions six cent vingt-deux mille sept cent trente et une » pour être précis. Ces cinq cents millions d’étoiles peuvent être placées à la banque, faisant du businessman des étoiles un homme riche pouvant acheter, par exemple, d’autres étoiles, qui viendraient à être découvertes avec un crédit gagé sur son capital.

La réponse du businessman à la question du Petit Prince apparaît donc, tout à fait pertinente, et très utile à tous ceux qui voudraient posséder les étoiles, mais pas uniquement. Elle explique également comment le droit divise la Terre, entité indivisible, dans le but de permettre la propriété de portion de sol.

Dans le document De la propriété du sol en volume (Page 138-140)