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Positionnement de l’évaluation de la performance face au contrôle de gestion

Section 1 : L’évaluation de la performance en contrôle de gestion

1.1. Positionnement de l’évaluation de la performance face au contrôle de gestion

Situer le contrôle de gestion et l’évaluation de la performance d’une politique publique l’un par rapport à l’autre n’est pas aisé, même lorsqu’on réduit le champ de la réflexion au fonctionnement des politiques publiques. Nous faisons cette différenciation entre l’évaluation et le contrôle de gestion en nous servant des travaux de Gibert et Andrault (1984) et de ceux plus récents de Varone et Jacob (2004) ; Varone (2008) ; Gibert (2010) ; Daigneault (2011) ; Fouquet (2013) ; Chanut et Lamarque, (2014) ; Matyjasik (2014). Nous excluons du champ comparatif d’une part les contrôles de régularité et, d’autre part, les audits opérationnels ainsi que l’évaluation du personnel (Toulemonde, 2009 ; Gibert, 2010). Nous essayons donc de limiter cette difficulté en débutant par la définition de l’« évaluation de la performance » selon les auteurs :

« L’ÉVALUATION » est un mot généralement utilisé pour désigner le processus d’évaluation

de la performance d’une politique publique (Desmarais et Giauque, 2016). C'est par

l'intermédiaire de l'analyse des politiques publiques et du management public que le thème de l'évaluation est diffusé dans les sciences sociales (économie, science politique, sciences de l'éducation) puis dans le vocabulaire administratif (Barbier, 2010). Aujourd’hui, l'évaluation est devenue un véritable mot d'ordre dans les services publics. Un concept clé de la politique

79 de modernisation de l'administration. En 2006, la société française d’évaluation propose la définition suivante : « l’évaluation est une activité d’étude et d’analyse portant sur la mise en œuvre et les résultats d’une action, menée dans un cadre méthodologique et institutionnel formalisé dans le but de former des jugements sur la pertinence, la cohérence, l’efficacité et l’efficience » (Matyjasik, 2014).

« Évaluer une politique publique consiste à isoler ses effets propres et, sur la base de critères transparents (pertinence, efficacité, efficience et économie) à porter un jugement de valeur sur ceux-ci » (Varone, 2008, p.79).

L’évaluation est « un jugement de valeur basé sur une démarche cognitive ». Elle repose sur la circulation transparente du savoir (Cahiers de l’évaluation, 2009)16 dont l’objectif est la transparence de la politique publique (Martuccelli, 2010).

Pour l’OCDE (2010), l’évaluation consiste à apprécier l’efficacité, l’efficience, la pertinence et la durabilité d’une politique publique ; à dégager des constatations, des conclusions et des recommandations afin d’en tirer des enseignements pour de futures conceptions et mises en œuvre de politiques publiques.

L'évaluation présente une double dimension, quantitative et qualitative : évaluer signifie à la fois mesurer et juger. Une évaluation est un jugement porté sur une donnée par référence à une valeur. Évaluer consiste à expliciter et à analyser les effets de choix politiques sous-tendus par des valeurs, et pas seulement à constater des résultats objectifs. Cette double dimension de l'évaluation explique le développement récent de plusieurs types d’évaluation.

 L’évaluation ex ante qui se déroule en aval de la mise en œuvre du programme ou projet, au moment de la conception du programme ou du projet. Sa fonction est notamment de vérifier l'adéquation des objectifs par rapport aux besoins, enjeux ou problèmes à résoudre ;

 L’évaluation à mi-parcours permet de réorienter éventuellement le programme ou le projet. Elle est mise en œuvre pour vérifier, à mi-parcours du programme ou du projet, si les besoins sont toujours présents et si la gestion financière du programme ou du projet se déroule comme prévu ;

 L’évaluation finale se réalise en fin de programme ou de projet et permet d’évaluer la performance et d'observer les effets à court et moyen terme ;

16 Les cahiers de l’évaluation sont consultables sur ce site : http://archives.strategie.gouv.fr/cas/archives

80  L’évaluation ex post ou d’impacts intervient plusieurs mois ou années après la fin du programme ou du projet et s'intéresse aux effets à long terme.

L’évaluation est donc fonction du moment auquel elle intervient et selon la demande des décideurs politiques. L’évaluation peut se restreindre à l’analyse des réalisations ou des activités d’un programme ou d’une politique, s’étendre à l’analyse de leurs résultats (donc de leurs effets directs, de court terme et sur un public ciblé) ou encore aller jusqu’à étudier leurs impacts (c’est-à-dire leurs effets à long terme et indirects sur une population plus large que les bénéficiaires ciblés). L’évaluation est donc un concept à géométrie variable, ce qui rend difficile son appréhension (Laporte, 2015). De toutes ces définitions précitées, il ressort un point commun : l’évaluation est un instrument d’analyse des résultats d’une politique publique qui permet de porter un jugement sur cette politique publique.

Le contrôle de gestion, dans les organisations publiques, est incontestablement rattaché à l’approche « organisationnelle du management public » (Gibert et Andrault, 1984). Les définitions que l’on peut en donner s’énoncent ainsi : « processus par lequel la direction

s’assure que l’organisation met en œuvre ses stratégies de façon efficace et efficience »

(Anthony et Herzlinger, 1975, p. 3) ou encore « Ensemble des procédures et des états qui

permettent aux dirigeants d'une organisation de maîtriser dans la mesure du possible le fonctionnement et le développement d'une organisation » (Anthony et Herzlinger, 1975, p. 36).

Selon les définitions d’Anthony et Herzlinger (1975), avec le contrôle de gestion l’on se préoccupe de savoir si le fonctionnement d’une organisation a été conforme à ce que l’on en

attendait, aux instructions et orientations fixées par la direction (Gibert, 2010). Le contrôle de

gestion a notamment pour finalité la recherche de l’efficience c'est-à-dire l'obtention du meilleur résultat possible en fonction des moyens disponibles et des dépenses engagées. En revanche, l’évaluation de la performance d’une politique publique, quant à elle, comporte des critères objectifs, mesurables avec des indicateurs quantifiables, mais aussi des aspects subtils et difficiles à mesurer qui résultent du fait « qu’il est difficile de trouver des indicateurs d’activité liés sans équivoque aux externalités » d’une politique publique (Chatelain-Ponroy et Sponem, 2009, p.4). Elle est conçue comme une démarche méthodique qui ne se résume pas seulement à la mesure chiffrée des résultats, mais inclut d'autres critères qualitatifs.

Nous faisons la distinction entre l’évaluation et le contrôle de gestion en considérant les caractéristiques les plus usuellement observées du contrôle de gestion comme de l’évaluation de politiques publiques. En d’autres termes, la distinction est faite selon les traits principaux

81 des systèmes formels de contrôle de gestion tels qu’on peut les repérer dans les administrations d’État avec ceux des évaluations de politiques publiques couramment pratiquées. Dans cette perspective, Gilbert (2010) limite la comparaison à six points : l’objet d’analyse, la nature de la rationalité supposée sous-jacente à l’action, le format de l’approche, la nature des informations, l’intérêt ou la finalité de l’analyse et l’analyste. Les conclusions de son analyse sont inscrites dans le tableau 4.

Tableau 4 : Différence entre le contrôle de gestion et l'évaluation

Contrôle de gestion Évaluation de la performance

Objet d’analyse Moyens, activités, réalisations

et résultats.

Idem mais aussi effets et

impacts. Résultats mais aussi processus.

Rationalité sous-jacente à l’action

Spécifiée et identifiée a priori : conception mécaniste de la réalité. Prédominance d’une approche technico-économique.

Déterminée pour partie chemin faisant, et identifiée pour partie a posteriori : conception interactionniste. Approche sciences sociales forte.

Format de l’approche Investigation doublement

systématique.

Investigation doublement ponctuelle.

Les informations Essentiellement internes,

labellisées.

Externes internes, diverses, hétérogènes.

L’intérêt ou la finalité de l’analyse

Rétroaction (effet à court terme) et apprentissage en simple boucle.

Apprentissage en simple et double boucles (effet à long terme).

L’analyste (contrôleur de gestion ou évaluateur)

Interne Indépendant, externe

Source : Gilbert (2010)

La différenciation ainsi mise en évidence permet de situer clairement les centres d'intérêts respectifs du contrôle de gestion d'une part, et de l'évaluation de politique d’autre part : l'un se préoccupe du résultat immédiat de l'activité, des réalisations produites, des performances des services administratifs ; l'autre en plus de se préoccuper du résultat immédiat de l'activité et des réalisations produites, de la performance, s'efforce aussi d'appréhender l’effet final de l'action publique. Il est donc manifeste que l'évaluation et le contrôle de gestion se distinguent, dans leur approche du management des politiques publiques, en ce qu'ils se situent chacun à des niveaux différents du processus de mise en œuvre des politiques publiques.

Malgré ces différences, l'évaluation de la performance ne supprime pas le contrôle de gestion, et il existe une connexion étroite entre le contrôle de gestion et l'évaluation. Ce lien est d'ailleurs un facteur favorable au bon déroulement d’une évaluation finale. Une évaluation finale s’appuie

82 très souvent sur les données produites par le système de contrôle de gestion pour construire un jugement de valeur.