• Aucun résultat trouvé

Section 3 : L’évaluation de la performance de politiques publiques

3.2. L’évaluation de la performance en management public

La quête de la performance des politiques publiques s’est traduite récemment par un processus de réformes de la gestion publique qui a touché de nombreux pays de l’OCDE (Pupion, 2015 ; Desmarais et Giauque, 2016). Ces réformes, inscrites dans la mouvance de la Nouvelle Gestion Publique (NGP), constituent indéniablement le paradigme dominant actuel en matière d’évaluation de la performance des politiques publiques (Nioche, 1982). La perspective de ces reformes nées dans les années 1980 (Hood, 1991) est de promouvoir une culture de gestion axée sur les résultats pour améliorer les politiques publiques. L’objectif poursuivi est de maîtriser les dépenses publiques et, pour ce faire, d’introduire dans la gestion budgétaire davantage de transparence, d’efficacité, et une meilleure programmation des dépenses. En

120 d’autres termes, la gestion publique prend modèle sur les méthodes de gestion utilisées par les entreprises privées. Ainsi, la NGP vise-t-elle à faire des administrations traditionnelles des organisations orientées vers la performance (Hood, 1991 ; Hood, 1995 ; Bezes, 2005 ; Amar et Berthier, 2007 ; Laufer, 2008 ; Varone, 2008 ; Chatelain-Ponroy, 2010 ; Bartoli et Chomienne, 2011 ; Morgana, 2012 ; Pupion, 2015) à l’instar des entreprises privées. L’État s’assurerait de la sorte d’une légitimation au travers de la qualité des prestations publiques et de l’usage efficient des deniers publics.

3.2.1. Les outils de l’évaluation de la performance avec la NGP

Il est vrai qu’il n’existe pas de réforme « clés en mains » : chaque pays a, en fait, conduit sa réforme en tenant compte de ses spécificités culturelles nationales ; il n’existe donc pas de « bonnes pratiques » applicables partout. Néanmoins, lorsque l’on observe les processus de réformes dans les pays de l’OCDE, on est frappé par la similitude d’approches : il s’agit toujours d’un processus global, systémique, accordant une place importante aux systèmes budgétaires, alliant des finalités de planification, de gestion et de contrôle. C’est à ce titre que Bezes (2005) définit la NGP comme un « puzzle doctrinal à vocation générique, c’est-à-dire susceptible d’être appliqué à tous les services administratifs quels qu’ils soient, et alimentant des conceptions de réforme multiples et parfois contradictoires » (Bezes 2005 p. 28). On peut alors soutenir comme Bourgault (2006) que la NGP repose sur un modèle idéal-type. Nous estimons qu’il existe trois composantes essentielles au sein des réformes, à savoir : la gestion budgétaire, la planification et le contrôle. La littérature abonde pour confirmer ces composantes (Sterck et al., 2004 ; Calmette, 2006 ; 2008 ; Gibert et Benzerafa-Alilat, 2016). Dans cette perspective, le modèle idéal-type de la NGP comprendrait :

 Une planification stratégique ;

 Un budget-programme axé sur les résultats ;  Un système de suivi de gestion ;

 Un rapport annuel de performance ;

 Une reddition de comptes aux parlementaires. Ce modèle idéal-type de la NGP, qui impose l’établissement d’un rapport annuel de performance porte ainsi une attention particulière à la performance des politiques publiques (Perret, 2014 ; Gibert et Benzerafa-Alilat, 2016). Ces rapports de performance faisaient notamment connaître par programme les objectifs poursuivis, les résultats obtenus et attendus, mesurés au moyen d’indicateurs précis.

121 Ces rapports devraient se focaliser sur l’efficience, l’efficacité interne de l’administration et sur le jugement des effets propres des politiques publiques (Varone et Jacob, 2004). En effet, toute politique publique doit être comparée, dans une perspective traditionnelle, aux objectifs et moyens, mais aussi être mise en relation avec la dimension sociale grâce à la mesure de la satisfaction de la population et des effets produits par cette action. Cette approche s’appuie sur la double fonction de production des politiques publiques mise en évidence notamment par Gibert (1986), Burlaud et al. (2004) ou encore Chatelain-Ponroy (2010), et implique une définition élargie de l’évaluation de la performance de la politique publique (Gibert, 2003). Ainsi, la performance d’une politique publique implique alors de rendre compte à la fois de la gestion et des effets de cette politique, ce que les Anglo-saxons appellent ouputs et outcomes. Dans ce contexte, la politique publique est analysée dans sa capacité, non seulement à respecter les règles de gestion mais aussi à fournir des services qui puissent répondre aux besoins réels. En d’autres termes, la performance de la politique publique consiste à s’assurer dans un premier temps de l’utilisation efficiente des ressources allouées. Et, dans un second temps, à s’assurer de la pertinence de celle-ci, c’est-à-dire de la contribution réelle de la politique publique à résoudre le problème collectif (Bureau et Mougeot, 2007). Entre autres « bien faire les choses » et « faire les bonnes choses ».

In fine, nous retenons que dans la mouvance de la NGP, la performance d’une politique

publique suppose une mesure et une appréciation des effets induits par la politique et non seulement la rationalisation interne des services administratifs et prestations publiques. Cette philosophie participe donc à inscrire l’évaluation des politiques publiques comme (éventuel)

outil (moteur) des reformes de la NGP (Fouquet, 2013 ; Lacouette et Lascoumes, 2013).

3.2.2. Les causes de l’évaluation de la performance avec la NGP

Nous souhaitons nous focaliser sur les raisons qui ont vu émerger la NGP. Nous notons que les raisons des réformes sont contingentes aux pays qui les adoptent. En revanche, nous énumérons quelques raisons fréquentes et communes qui ont été des catalyseurs et les moteurs de la NGP. Ces raisons sont entre autres la crise des finances publiques ; la nécessité pour l’État de rendre compte aux citoyens et les attentes des citoyens (Osborne et Gaebler, 1993 ; Chemal-Lafay et Chol, 2006 ; Pupion, 2015).

122 3.2.2.1 La crise des finances publiques

Lorsqu’on parle de crise de finance publique, il s’agit généralement de la dette publique, c’est- à-dire des engagements financiers de l’État (Chouraqui et al., 1991). Dans plusieurs pays de l’OCDE, l’on a constaté majoritairement une augmentation de la dette publique. La plupart des pays de l’OCDE présentaient une situation budgétaire difficile au début des années 1980. Face aux inquiétudes suscitées par l’endettement croissant du secteur public, plusieurs États de l’OCDE ont jugé nécessaire de mettre en place des réformes budgétaires pour soutenir leurs activités économiques.

3.2.2.2. La nécessité de rendre compte aux citoyens

La nécessité de rendre compte aux citoyens de l'utilisation des deniers publics est ancienne et même inscrite aux articles 14 et 15 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789 : Art. 14. « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ». Art. 15. « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration ». Rendre compte de l’utilisation du denier public a été aussi au cœur des réformes de la NGP mise sur pied au début des années 1980 (Pupion, 2015). Pour les auteurs, c’est un préalable à l’évaluation de la performance des politiques publiques (Pollitt et Bouckaert, 2000). Cette exigence démocratique élémentaire a pris une acuité particulière au regard des nouvelles dispositions de la NGP car elle stimule la productivité dans le secteur public du fait que le citoyen confiant se conforme volontiers aux réglementations et formalités.