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Section 3 : La théorie de la décision en situation ou the Naturalistic Decision Making

3.2. Éléments pouvant exercer une contrainte sur la décision

Les individus engagés dans la décision ont des manières différentes d'appréhender le réel, de traiter l'information, de se comporter face à des choix. Leurs expériences passées leur ont appris à réagir d’une certaine manière et ils vont utiliser cet apprentissage. Cela pourra les conduire à être efficaces, si la nouvelle situation de décision est voisine de celles qu'ils ont traitées auparavant (Klein et al., 2010 ; 2013 ; 2015 ; Klein, 1998 ; 2008). Le courant de la décision en situation considère les heuristiques et les biais comme un des paramètres utilisés pour la compréhension de la situation. C’est l’objet du point suivant.

3.2.1. La mise en valeur des biais par la notion d’heuristiques

Tversky et Kahneman (1974) ont répertorié trois grandes catégories d’heuristique (heuristiques princeps) : l’heuristique de la représentativité, l’heuristique de la disponibilité, et l’heuristique de l’ajustement. Nous avons vu (dans le point 3.1), que les heuristiques, encore appelées « raccourcis cognitifs », sont des règles ou des stratégies de simplification du processus décisionnel. Les humains y ont recours lorsqu’ils doivent prendre une décision et que les conditions sont incertaines ou complexes. Ces stratégies consistent à ignorer des informations afin de prendre des décisions plus rapidement ou plus simplement que ne le permettraient des méthodes plus compliquées (Gigerenzer et Gaissmaier, 2011).

153 Tversky et Kahneman (1974) distinguent tout d’abord l’heuristique de la représentativité, où l’on évalue la probabilité d’occurrence d’un événement ou d’une situation particulière en fonction de la similitude qu’on lui attribue plus ou moins explicitement avec d’autres événements ou situations. Ils définissent ensuite l’heuristique de la disponibilité, comme celle où l’on évalue la probabilité d’occurrence ou la fréquence d’une situation en fonction de la facilité avec laquelle on se rappelle des situations semblables. Finalement, ils identifient l’heuristique de l’ajustement et de l’ancrage, celle où l’on s’appuie sur une valeur initiale pour faire une estimation, un point de départ auquel on apporte ensuite des ajustements avant de poser un jugement final. Ces « heuristiques princeps » de Tversky et Kahneman (1974) sont considérées comme fondamentales et qualifiées de « canoniques » (Lebraty, 2010).

L’heuristique de la représentativité tire son nom du fait qu’il s’agit d’apprécier dans quelle mesure un élément isolé peut se rattacher à une classe d’événements similaires ou dans quelle mesure une classe pourrait avoir engendré un élément isolé. L’élément étant nouveau, la classe étant composée d’observations antérieures connues, elle va consister à évaluer dans quelle mesure l’élément à juger peut être rattaché à la classe, autrement dit dans quelle mesure il en est représentatif (Tversky et Kahneman, 1974).

L’heuristique de la disponibilité tire son nom de la facilité avec laquelle certaines informations peuvent être utilisées pour construire le jugement. Il s’agit d’informations qui ne sont pas forcément représentatives mais qui viennent facilement à l’esprit, qui sont disponibles pour être intégrées dans l’activité du jugement (Tversky et Kahneman, 1974). Il est habituel de lier cette disponibilité à la facilité du rappel mnésique. Par exemple, une information fréquemment rencontrée dans des situations répétitives sera préférentiellement utilisée sans qu’il soit nécessairement fait référence à sa validité.

L’heuristique de l’ancrage consiste à faire des estimations en partant d’une valeur initiale qui est ajustée pour obtenir une réponse fiable (Tversky et Kahneman, 1974). La procédure courante consiste à traiter la situation en la rattachant à une situation antérieure connue (ancrage). Puis, à apporter ensuite les modifications nécessaires (ajustement) pour tenir compte de ce qui différencie la situation de référence à la situation actuelle. Par exemple, le budget prévisionnel d’une administration est souvent établi à partir de celui de l’année précédente (ancrage) et modifié en fonction des orientations budgétaires nouvelles (ajustement).

154 Tversky et Kahneman (1974) associent six biais à l’heuristique de la représentativité, quatre biais à l’heuristique de la disponibilité et trois biais à l’heuristique de l’ajustement et de l’ancrage. Voir tableau 14.

Tableau 14 : Correspondances entre les heuristiques et les biais

HEURISTIQUES BIAIS

REPRESENTATIVITE

- Insensibilité à la probabilité à priori - Insensibilité à la taille de l’échantillon - Fausse conception du hasard

- Insensibilité à la prédictibilité - Illusion de validité

- Fausses conceptions de la régression

DISPONIBILITE

- Facilité de restitution des exemples - Possibilité ou non d’imaginer facilement

des exemples et des situations - Corrélation illusoire

ANCRAGE AJUSTEMENT

- Ajustement insuffisant

- Difficultés dans l’évaluation des événements conjonctifs et disjonctifs - Difficultés d’estimation des

distributions de probabilités subjectives

Source : Cadet, 2009, p.187

Ce tableau présente des correspondances comme si l’utilisation d’une heuristique entraînait certains biais spécifiquement liés à son usage. Cependant, la liste des biais énumérés par Tversky et Kahneman (1974) n’est pas exhaustive. En revanche, la grille d’analyse proposée par Hogarth et Makridakis (1981) constitue une ressource presque complète pour analyser les éléments pouvant exercer une contrainte sur la décision de l’évaluation.

3.2.2. Grille de lecture de Hogarth et Makridakis (1981)

Hogarth et Makridakis (1981) recensent également une multitude d'heuristiques et de biais cognitifs, qui peuvent agir sur la prise de décision d’un expert, en matière de sélection, de traitement et d'interprétation d’informations. En effet, Hogarth et Makridakis (1981) ont identifié plus d'une trentaine de biais cognitifs associés à un processus de planification stratégique. Ces auteurs considèrent qu'ils interviennent chez le décideur au cours des quatre différentes étapes du processus de traitement de l'information : acquisition de l’information ; traitement de l’information ; résultat du processus informationnel (output, et feedback). Première étape : L'acquisition de l'information. Le décideur acquiert l’information par son environnement, par sa mémoire ou par l'interaction entre les deux. À titre d’exemple, les biais rencontrés lors de l’acquisition de l’information pourraient être liés à l’heuristique de la

155 disponibilité qui repose sur le fait que la probabilité estimée de la survenue d'un événement est fonction de la facilité avec laquelle peuvent être évoqués des exemples de cet événement. Deuxième étape : Le traitement de l'information. Les heuristiques liées au traitement de l’information sont l'ancrage/ajustement, la représentativité. L'ancrage se définit comme la construction d'un raisonnement à partir d'un point donné fourni par l'énoncé du problème, la situation ou la pratique antérieure, fixant le cadre d'analyse initial et limitant les possibilités d'ajustement ultérieur (Tversky et Kahneman, 1974 ; Kahneman et al., 1982). Le « biais d'ancrage » est celui qui nous défavorise dans une négociation. Daniel Kahneman l'a démontré en demandant aux visiteurs d'un centre de protection des oiseaux marins tout d’abord combien ils étaient prêts à donner pour soutenir le centre. Face à une question aussi ouverte la moyenne des dons annoncés s’élevait à 64 $. Dans un deuxième temps, le chercheur a demandé aux visiteurs s'ils étaient prêts à donner au moins 5 $. Les intentions moyennes de contribution n'étaient plus alors que de 20 $. Enfin, le chercheur a demandé si les visiteurs étaient prêts à donner 400 $, et dans ce dernier cas la contribution en moyenne annoncée s’élevait à 143 $. L'ancrage conduit le décideur à commettre deux types de biais pointés par Bazerman (1998) : (1) le rejet de toute information n'allant pas dans le sens de l'orientation définie (filtrage de l'information) et (2) l’attention sélective vis-à-vis des informations confirmatoires. Ainsi, « toute information ne sera retenue que si elle va dans le sens des hypothèses contenues dans les schémas cognitifs des individus. Dans le cas contraire, cette information sera rejetée ou transformée pour la rendre compatible au cadre d'analyse » (Bazerman, 1998, p.40).

Quant à l’heuristique de la représentativité, elle consiste à associer un objet de notre environnement à un schéma détenu dans notre mémoire dans la mesure où il y présente quelques traits qui lui correspondent. La représentativité consiste à juger un cas à partir de préconceptions générales abstraites et stéréotypées. Par exemple, par jurisprudence, le juge se prononce sur la situation présente en la faisant rentrer dans une catégorie de situations antérieurement connues. Troisième étape : l’output. Le résultat du processus informationnel est la troisième étape définie par Hogarth (1980). Elle correspond à la prise de décision. Au cours de cette étape, le jugement peut être entaché par plusieurs biais notamment l'illusion de contrôle. L’illusion de contrôle est la croyance selon laquelle on peut avoir de l’influence sur certains résultats alors qu’il est logiquement impossible d’en avoir (Reason, 1993). Elle correspond à une surestimation par l'individu des chances de succès d’un projet porté par lui du fait de ses compétences.

156 Quatrième étape : Le traitement du feedback. Cette étape est liée au biais de rétrospection. La connaissance du résultat final par le décideur influence fortement la façon dont il reconstruit l’enchaînement des événements et des décisions associées. En analysant les décisions, il s’ensuit une conviction que les événements ne pouvaient être que ce qu’ils ont été. Ainsi, le bais de rétrospection maintient, pour les décisions futures, l’illusion de déterminisme en masquant le rôle des facteurs situationnels dans les décisions prises (résultats des actions observables). L’individu a tendance à considérer ce qui s’est passé comme étant à la fois inévitable et facilement prévisible. Cette rationalisation a posteriori conduit ainsi à limiter les effets d’apprentissage en supprimant toute analyse critique.

3.2.3. Suppression ou gestion des biais cognitifs

Dans le deuxième courant de la théorie de la décision (celui centré sur les heuristiques), les biais détectés sont systématiquement corrigés par les décideurs. Ainsi, les propositions pour l’amélioration des décisions passent nécessairement par l’identification des sources des déviations, c'est-à-dire des biais cognitifs et la mise en œuvre de stratégies de suppression de ces biais : c’est le « debiasing » (Kahneman et al., 1982).

Or, en situation réelle de nombreux biais ne sont pas corrigés alors même qu’ils sont détectés. Dans ce contexte, le biais n’apparaît plus comme élément prioritaire del’analyse ; le centre de l’analyse se déporte, alors, en amont, vers les mécanismes de protection que les individus mettent en œuvre. Cela explique l’opinion exprimée selon laquelle : « les mécanismes de protection contre l’erreur sont finalement plus importants que l’erreur elle-même » (Dédale, 2001, p.84). Par conséquent, au lieu de supprimer les biais, il convient de renforcer les mécanismes de protection et, pour ce faire, il s’agira de créer les conditions pour rendre visibles les biais (Argyris, 1999). La perspective de redressement des biais n’est donc plus d’éviter mais d’assurer la gestion de la compréhension de la situation. C’est ce que les auteurs du NDM, notamment Klein (1998 ; 2008) et Klein et al., (2010 ; 2013 ; 2015) appellent « situation awareness », la conscience ou compréhension de la situation.

3.2.3.1. La conscience de la situation (CS)

Cette notion de « conscience de la situation » a tout d'abord été mise en avant par la communauté aéronautique, en particulier nord-américaine. Peu à peu, le concept de la conscience de la situation s’est étendu à d’autres activités (Lebraty, 2010). La littérature

scientifique est assez homogène sur les fonctions principales associées au concept de la « conscience de la situation ». Ce concept est souvent utilisé pour donner une cohérence aux

157 événements externes, créer des attentes et orienter la prise d'information, servir d'ancrage aux décisions et actions ultérieures, permettre l'anticipation des évolutions de la situation et des effets d'actions (Klein, 1998 ; 2013; Klein et al., 2015 ; Lebraty, 2010).

Dans le courant de la décision en situation (Klein et al., 2010 et 2015 ; Klein 1998 ; 2008 ; 2013) que nous mobilisons dans nos travaux de recherche, la conscience de la situation est souvent assimilée à la compréhension de la situation ou au fait d’en avoir une image mentale (Uhlarik et Comeford, 2002). La conscience ou compréhension de la situation signifie que le décideur accepte un niveau de représentation qu’il juge suffisant pour mener à bien les tâches nécessaires. Pour Amalberti (1996, p. 127), « La conscience de la situation n'est pas une propriété de la situation… elle n'existe que par rapport à une intention de l'opérateur qui oriente l'analyse et la construction des relations sur une partie limitée de l'environnement ». Ainsi, la compréhension de la situation apparaît construite pour un but particulier et ne s’établit qu’en relation avec les possibilités d’action que le décideur imagine (Lebraty et Pastorelli- Nègre, 2004). Le postulat de ce concept est que la compréhension de la situation conditionne la qualité des décisions et ainsi la performance des résultats obtenus. La compréhension de la situation est un modèle mental par lequel les individus établissent une description de l’aspect général d’un objet, de ses états présents et futurs et des buts pour lesquels il est établi (Endsley, 2004). Face à une situation complexe et risquée, il est nécessaire que la compréhension de la situation soit partagée. Les membres de l’équipe doivent avoir la même représentation et interprétation des évènements qui se déroulent (Klein, 1998 ; 2008 ; 2013).

3.2.3.2. Modèle mental partagé

Le modèle mental partagé est un mécanisme de protection contre les biais. Pour qu’il y ait modèle mental partagé, il faut évidemment la présence de deux entités au minimum. Bien que les individus au sein d’une équipe élaborent des représentations différentes d’un même objet, la vie sociale à laquelle ces individus participent au sein des organisations, les conduit à communiquer entre eux, à s’influencer, à partager des informations et à se faire une représentation commune des phénomènes (Klein et al., 1998 ; Lebraty, 2007 ; 2013).

Conclusion de la section 3

Le courant de la décision en situation (Klein et al., 1998) peut se résumer ainsi : face à une situation complexe, le décideur, avec un certain niveau d’expertise, envisage une solution. Il évalue la solution via une représentation mentale (Lebraty et Pastorelli-Nègre, 2004 ; Lebraty,

158 2010). La théorie de la décision en situation ne s’intéresse pas à la décision en elle-même, mais aux stratégies mises en œuvre par les experts dans la prise de décision. La compréhension de la situation, conditionne la qualité des décisions et ainsi la performance des résultats obtenus (Klein, 1998 ; 2008 ; 2013).

Le courant de la décision en situation (Klein, 1998 ; Klein et al., 2010 ; 2013 ; 2015) est mobilisé dans nos travaux pour deux raisons.

La première raison est la suivante : l’évaluation est une pratique socialement construite. Elle est conduite par un ou plusieurs experts qui sont recrutés sur la base de leurs expertises et de leurs expériences passées. À cet effet, ils peuvent être « contaminés » par les structures mentales (Buono et Savall, 2007) des projets qu’ils connaissent. Il s’agit des éléments stables qui structurent le projet et qui interagissent avec les comportements pour les influencer, tels que l’idéologie des dirigeants, les opinions des parties prenantes, etc. L’évaluateur peut être dévié de manière plus ou moins consciente de ses problématiques et de ses hypothèses. Alors la théorie de la décision en situation vise à s’assurer que l’évaluateur n’interprète pas différemment les outils de l’évaluation, qu’il a le bon « schème interprétatif » des outils mis à sa disposition (Lorino, 2002 ; Martineau, 2012 ; 2014).

La seconde raison est que l’évaluation de la performance, devant servir à la prise de décision, les connaissances qu’elle produit doivent être crédibles et fiables. Pour cela, parler de ce que recouvre l’évaluation de la performance de l’aide internationale au développement, sans évoquer les dispositions prises pour protéger l’expert des biais et rendre crédible son jugement serait pour nous faire un travail inachevé.

Conclusion du chapitre 3

Ce chapitre 3 consiste à apporter des éclairages théoriques complémentaires pouvant aider à comprendre les raisons de l’évaluation de la performance de l’aide internationale au développement. Il a pour objectif de souligner des cadres théoriques pouvant donner des points de repères et des guides pour la discussion. Ces cadres théoriques permettent de se démarquer des consultants, des dirigeants et des journalistes qui parlent de l’entreprise ou de l’organisation au seul titre de leurs praxis ou de leurs expériences, ils permettent de légitimer nos travaux au sein des sciences de gestion.

159 L’évaluation de la performance de l’aide internationale au développement englobe plusieurs parties prenantes. Les enjeux de pouvoirs restent cependant au centre de tout processus évaluatif. L’évaluation répartit les acteurs du projet entre sujets et objets de l’évaluation, entre ceux qui observent et ceux qui sont observés, entre ceux qui disent et ceux qui sont muets ou traduits.

Et certains acteurs sont considérés comme des groupes clés pour lesquels l’évaluation de la performance doit être réalisée. La théorie des parties prenantes (section 2) va servir à caractériser les différents acteurs et expliquer les raisons de l’intérêt qui leur est accordé dans l’évaluation de la performance. Nous décidons de mobiliser la dimension descriptive de la théorie des parties prenantes. Pourtant, nos travaux auraient pu se situer dans la continuité de la dimension instrumentale de la théorie des parties prenantes, puisqu’elle évoque la performance. Ce choix s’explique par le fait que cette thèse n’est pas destinée à démontrer les liens qui peuvent exister entre la politique de management des parties prenantes et la performance de l’aide internationale au développement. Il ne s’agit pas non plus de souligner les stratégies à mettre en œuvre au sein de l’aide internationale au développement qui peuvent induire une performance. Il s’agit pour nous d’observer l’évaluation de la performance de plusieurs projets d’aide internationale au développement pour expliquer ce qu’elle recouvre : pourquoi (les raisons) et comment (avec quels outils) réaliser une évaluation de la performance de l’aide. À travers le modèle de Mitchell et al., (1997) nous comptons non seulement identifier les parties prenantes mais aussi les hiérarchiser selon leurs raisons d’être dans l’évaluation de la performance. Mitchell et al., (1997), après la catégorisation des parties prenantes, tirent une conclusion capitale : la partie prenante définitive à elle seule réunit les trois attributs : pouvoir/légitimité/urgence. Elle est donc celle qui devrait orienter l’attention.

Enfin, le NDM (section 3) est mobilisée dans nos travaux pour toucher du doigt la présence des techniques et outils permettant de lutter contre les biais de l’évaluateur. Nous ne pouvions pas vouloir décrire et analyser le dispositif de l’évaluation de la performance de l’aide internationale au développement et laisser de côté ces techniques et outils qui en font partie.

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Conclusion de la première partie

L’évaluation de la performance de l’aide internationale au développement est un processus complexe, et sa mise en œuvre est difficile. À travers une démarche progressive, nous espérons construire une réponse à notre question de recherche : pourquoi réaliser une évaluation de la performance de l’aide internationale au développement ? Pour répondre à cette question, nous avons eu recours à plusieurs emprunts théoriques issus de plusieurs domaines. Ainsi, tout au long des trois premiers chapitres, plusieurs caractéristiques centrales de notre objet d’étude ont pu être relevées : l’ambiguïté de l’aide internationale au développement, l’aide internationale se présentant comme une politique publique, l’ambiguïté des politiques publiques, la variété des systèmes d’évaluation de la performance des politiques ou actions publiques, l’aide internationale se présentant sous la forme d’un projet, l’évaluation de la performance d’un projet, etc.

Finalement, l’analyse de la littérature a contribué à faire émerger un cadre conceptuel. Cette recherche est de nature exploratoire dans la mesure où elle vise à comprendre un phénomène dans une situation où « une certaine connaissance conceptuelle est disponible, bien qu’elle ne soit pas à même de bâtir une théorie » (Miles et Huberman, 1994, p.17). Dans notre cas, une connaissance conceptuelle des raisons de la mise en œuvre de l’évaluation de la performance de l’aide internationale au développement est disponible mais reste relativement limitée en sciences de gestion. Si d’un côté l’évaluation de la performance des actions publiques a pu faire l’objet de recherches dans plusieurs disciplines, d’un autre côté, à notre connaissance, aucune recherche n’existe sur les raisons de l’évaluation de la performance de l’aide internationale au développement en sciences de gestion. Dans ce contexte, le cadre conceptuel a pour rôle et mission de guider le regard du chercheur (Eisenhardt, 1989), afin d’éviter sa noyade dans la masse de données qui décrivent les phénomènes sociaux. L’analyse de la littérature a fait émerger quatre points de repères précieux pour déterminer les données à collecter et organiser l’interprétation des résultats.

Un premier repère analytique est inscrit dans un courant sur l’usage des outils de gestion, entendus comme « un ensemble de raisonnements et de connaissances reliant de façon formelle un certain nombre de variables issues de l’organisation, qu’il s’agisse de quantités, de prix, de niveaux de qualité ou de tout autre paramètre, et destiné à instruire les divers actes classiques