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Section 2 : Positionnement épistémologique de cette thèse

2.3. Interactions entre le chercheur et sa recherche

La valeur d’une thèse en sciences de gestion se mesure aussi par l’adéquation entre la posture épistémologique choisie et le statut du chercheur. Autrement dit, lorsque théories et pertinence pratique sont pensées ensemble (Drouard, 2006). Tenir compte de ce débat et y trouver sa place nous semble aussi crucial pour le chercheur en sciences de gestion que le questionnement épistémologique. En général, une recherche en science de gestion a potentiellement une valeur à condition qu’elle soit validée dans le monde qui la reçoit (David et al., 2012). La valeur naît lorsque la connaissance profite tant au monde académique qu’aux organisations professionnelles. Depuis Fayol et Taylor, de nombreuses réflexions se sont développées pour que les sciences de gestion soient intimement liées aux pratiques professionnelles de gestion. D’ailleurs, les premières théories du contrôle de gestion, discipline dans laquelle se situe cette thèse, ont vu le jour au sein de General Motors, et ont été élaborées par des professionnels. Ceci révèle l’importance pour le chercheur d’expliciter le lien qu’il entretient avec son objet de recherche (Perret et Seville, 2014). Dans ce contexte, nous évoquons dans cette section notre positionnement par rapport au terrain d’étude (3.1) et nous terminerons par la mise en adéquation du statut de « praticien-chercheur » et la construction d’une objectivité (3.2). 2.3.1. Lien entre la recherche et nous

Notre position dans cette recherche est celle d'un « praticien-chercheur » bénéficiant d'un fort ancrage terrain, en particulier dans le domaine du suivi et de l’évaluation des projets d’aide internationale au développement. « Le ‘praticien-chercheur’ est un professionnel et un chercheur qui mène sa recherche sur son terrain professionnel, ou sur un terrain proche, dans un monde professionnel présentant des similitudes ou des liens avec son environnement ou son domaine d’activité » (De Lavergne, 2007, p.28).

2.3.2. Notre statut professionnel

Depuis juin 2011, nous avons intégré une cellule de coordination de projets d’aide internationale au développement, en Côte d’Ivoire, financée par la Banque Mondiale. Le 2 janvier 2012, nous avons été confirmées au poste de « Chargée du suivi évaluation », puis promue « Responsable du suivi évaluation » depuis 15 avril 2017. À ce poste, nous avons

181 participé à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation de plusieurs projets d’aide internationale au développement :

1. Le Projet d’Assistance Post Crise (PAPC, N° 1 et 2), financement Banque Mondiale ; 2. Le Projet Emploi Jeunes et Développement de Compétence (PEJEDEC, N° 1 et 2), financement Banque Mondiale ;

3. Le Projet d’Appui au Secteur Agricole en Côte d’Ivoire (PSAC), financement Banque Mondiale ;

4. Le Projet de Renaissance des Infrastructures de Côte d’Ivoire (PRICI), financement Banque Mondiale ;

5. Le Projet d’Infrastructure pour le Développement Urbain et la Compétitivité des Agglomérations Secondaires (PIDUCAS), financement Banque Mondiale ;

6. Le Projet d’amélioration de la compétitivité du Grand Abidjan (PAGOCA), financement Banque Mondiale,

7. Etc.

Cependant, notre implication professionnelle par rapport au terrain d’étude et par rapport à nos travaux de recherche, présente certes des avantages mais aussi des inconvénients.

2.3.3. Avantages et inconvénients du statut de « praticien-chercheur »

Afin d’analyser les avantages et inconvénients liés à notre posture de « praticien-chercheur », nous utilisons les éléments de Thiétart et al,. (2007, p.256), sur le rôle du chercheur selon la connaissance du terrain acquise et l’implication affective du chercheur à l’égard des sujets. Cette matrice met en évidence quatre positionnements différents du chercheur par rapport au terrain d’étude avec, pour chaque positionnement, les avantages et inconvénients.

1. Le chercheur peut être « novice », c’est-à-dire ne disposer que d’une faible connaissance du terrain, et s’efforcer d’entretenir une relation affective avec les sujets-sources pour susciter une relation de confiance et avoir accès aux données. L’inconvénient est que les sujets-sources peuvent exploiter le chercheur ;

2. Le chercheur « outsider », avec une faible connaissance du terrain, ne parvient pas à développer une relation affective avec les sujets-sources ; le chercheurreste à l’extérieur avec une constante froideur vis-à-vis des sujets-sources qui met en mal la capacité du chercheur à collecter les données ;

3. Le chercheur « espion et avisé ». C’est le cas du chercheur recommandé par la hiérarchie. Il gagne en temps dans l’accès aux données car il a été expressément notifié aux sujets-sources de lui faciliter le travail de recueil. L’avantage réside dans l’indépendance de ce

182 chercheur. Il ne doit rien aux sujets-sources. L’inconvénient avec ce type de chercheur est que ce chercheur est paré d’une « transparence déguisée » ; il serait téléguidé par la hiérarchie ;

4. Le chercheur « allié, avisé et compatissant » a une forte connaissance du terrain et une bonne implication affective avec les sujets. Ce dernier semble avoir le profil idéal ; toutefois, cette situation présente un inconvénient majeur : le chercheur doit gérer le « paradoxe de l’intimité », car l’intimité avec les sujets-sources peut poser un problème majeur : la perte d’objectivité.

Selon cette grille, notre posture ou positionnement se rapproche de celui du « chercheur allié, avisé et compatissant » du fait de notre bonne connaissance du terrain et des relations de confiance entretenues avec certains sujets-sources, notamment les relations avec les collègues, les relations avec les amis de la profession. Cette proximité avec la réalité influe sur notre méthode de recherche. Notre statut de « praticien-chercheur » (Albarello, 2004 ; Drouard, 2006 ; De Lavergne, 2007) donne certes une grande importance à l'exploration empirique mais cette proximité avec la réalité pose également la question fondamentale de l’objectivité et de l’engagement du chercheur, ainsi que celle de la capacité du chercheur à jeter un regard critique sur un terrain dans lequel il évolue.