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Portrait des ententes multisectorielles en abus sexuels

CHAPITRE 4 | PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

4.4. Portrait des ententes multisectorielles en abus sexuels

Dans cette section, les données traitant des EMAS sont présentées au regard des caractéristiques de l’enfant, de sa famille, de l’abuseur et de l’abus ainsi que de l’histoire de maltraitance de l’enfant et des éléments de preuve. Une comparaison est effectuée entre les situations sans et avec accusations criminelles. Contrairement aux EMAP, des tests statistiques sont effectués seulement sur les variables continues (tests de moyennes). En effet, le nombre insuffisant de cas répertoriés dans les situations avec accusations ne permet pas de réaliser d’autres analyses statistiques. Les différences apparentes entre les deux groupes doivent donc être interprétées avec prudence.

4.4.1. Les caractéristiques de l’enfant.

Les différentes caractéristiques de l’enfant sont présentées dans le Tableau 30. Les données révèlent qu’il y plus de filles que de garçons dans les deux groupes. Pour les situations sans accusations, les filles sont représentées à 76.9% et les garçons à 23.1%. Pour les situations avec accusations, les filles sont

représentées à 66.7% et les garçons à 33.3%. La proportion d’enfants canadiens est similaire dans les deux groupes (96.2% et 93.3%).

On remarque qu’il y a un pourcentage beaucoup plus élevé d’enfants du secondaire dans le groupe avec accusations (46.7%) comparativement à celui sans accusations (11.5%). En conséquence, la moyenne d’âge du premier groupe est plus élevée que celle du deuxième groupe. Les enfants ont en moyenne 10.59 ans (4.73) comparativement à 7.67 ans (4.09). La différence entre les moyennes est significative (F (1, 39) = 4.333, p = .044, n2 = .100) et l’effet est de grande taille. Le Tableau 31 fournit un aperçu des moyennes d’âge selon le sexe. Peu d’enfants sont atteints d’un handicap physique. Ce sont 7.7% pour le groupe sans accusations et le pourcentage est nul pour le groupe avec accusations. Un peu plus du quart des enfants ont des difficultés psychologiques (30.8% pour les situations sans accusations et 26.7% pour celles avec accusations).

Tableau 30 : Distinctions sur le plan des caractéristiques de l’enfant dans les situations sans accusations criminelles (n= 26) et avec accusations criminelles (n= 15) soumises à une EMAS

Sans accusations Accusations Caractéristiques n % n % Genre n= 41 Masculin 6 23.1 5 33.3 Féminin 20 76.9 10 66.7 Nationalité n= 41 Canadienne 25 96.2 14 93.3 Étrangère 1 3.8 1 6.7 Scolarité n= 41 Primaire 12 46.2 4 26.7 Secondaire 3 11.5 7 46.7 Non scolarisé/ NFS 11 42.3 4 26.7 Difficultés psychologiques n= 41 Oui 8 30.8 4 26.7 Non 18 69.2 11 73.3 Handicap physique n= 41 Oui 2 7.7 0 0 Non 24 92.3 15 100.0

Tableau 31 : Âge moyen des enfants et écart type, selon le sexe, dans les situations sans accusations criminelles et avec accusations criminelles soumises à une EMAS

4.4.2. Les caractéristiques de la famille.

On constate plusieurs différences sur le plan des caractéristiques de la famille (Tableau 32). Tout d’abord, dans les situations sans accusations, près de la moitié des enfants demeurent avec leurs deux parents pendant l’évaluation (46.2%) et le second mode de garde le plus populaire est celui auprès de la mère (23.1%). Pour les situations avec accusations, les enfants demeurent surtout chez leur père pendant l’évaluation (40%) tandis que le deuxième mode de garde le plus fréquent est celui des parents qui vivent ensemble (26.7%). Pour les situations sans accusations, le type de structure familiale le plus fréquent est celui de la famille biparentale (46.2%), suivi de la famille monoparentale et tout autre type de famille (42.3%) et de la famille recomposée (11.5%). L’ordre est inversé pour les situations avec accusations. La famille recomposée est prédominante (40%), suivi de la famille monoparentale et tout autre type de famille (33.3%) puis de la famille biparentale (26.7%). Le pourcentage de placement est supérieur dans les situations avec accusations (20%) comparativement aux autres (7.7%).

Finalement, s’il y a un point commun entre toutes les caractéristiques de la famille, c’est celui de la taille du ménage. La plupart des enfants proviennent de familles nombreuses, soit de cinq individus ou plus. Ce sont 41.7% des situations sans accusations et 42.9% des situations avec accusations.

Sans accusations Accusations

Genre M ET n M ET n

Masculin 6.73 1.95 6 13.54 1.83 5 Féminin 7.95 4.55 20 9.11 5.10 10 Total 7.67 4.09 26 10.50 4.73 15

Tableau 32 : Distinctions sur le plan des caractéristiques de la famille de l’enfant dans les situations sans accusations criminelles (n= 26) et avec accusations criminelles (n= 15) soumises à une EMAS

Sans accusations Accusations Caractéristiques n % n % Garde physique n= 41 Mère 6 23.1 2 13.3 Père 2 7.7 6 40.0 Garde partagée 3 11.5 2 13.3 Parents vivent ensemble 12 46.2 4 26.7 Autre 3 11.5 1 6.7

Structure familiale n= 41

Biparentale 12 46.2 4 26.7 Recomposée 3 11.5 6 40.0 Monoparentale/ Autre type de famille 11 42.3 5 33.3

Placement n= 41 Oui 2 7.7 3 20.0 Non 24 92.3 12 80.0 Taille du ménage n= 38 2 individus 6 25.0 4 28.6 3 individus 2 8.3 1 7.1 4 individus 6 25.0 3 21.4 5 individus ou plus 10 41.7 6 42.9

4.4.3. Les caractéristiques de l’abuseur.

Le portrait des caractéristiques de l’abuseur est similaire pour les deux groupes, sauf en ce qui a trait au lien avec l’enfant (Tableau 33).

Tout d’abord, on constate que la grande majorité des enfants est soupçonnée d’être victimes d’au moins un abuseur de sexe masculin, soit 96.2% pour les situations sans accusations et 93.3% pour celles avec accusations. Peu d’enfants sont soupçonnés d’être victimes d’une femme (respectivement 15.4% et 13.3%).

Tel que présenté dans le Tableau 34, le nombre moyen d’abuseur est de 1.12 (.33) pour les situations sans accusations et 1.07 (.26) pour celles avec accusations. Malgré ce léger écart, il n’y a pas de différence significative entre les moyennes (F (1,30) = .245, p = .623, n2 = .006).

Environ le trois quarts des enfants a des contacts minimalement une fois aux deux semaines avec au moins un présumé abuseur (72% et 78.6%). Environ le quart d’entre eux a des contacts moins d’une fois aux deux semaines avec le ou les présumé(s) abuseur(s) (28% et 21.4%). Dans les situations sans accusations, 65.4% des enfants cohabitent avec minimalement un abuseur tandis que 34.6% ne cohabitent pas avec minimalement un abuseur. Dans les situations avec accusations, les pourcentages d’enfants qui cohabitent ou ne cohabitent pas avec minimalement un abuseur sont ex aequo (53.3%).

Finalement, pour ce qui est du lien avec l’abuseur, on observe une prédominance d’enfants soupçonnés d’être victimes d’au moins un membre de la famille recomposée dans les situations avec accusations (60%) en comparaison aux situations sans accusations (11.5%). Les pourcentages diffèrent également pour ce qui est des autres liens possibles. Dans les situations sans accusations, on présume que 53.8% des enfants sont à tout le moins victimes de leur père, 26.9% d’une autre personne et 15.4% de leur mère. Ces pourcentages sont moins élevés dans les situations avec accusations, c’est-à-dire 20% pour le père, 20% pour une autre personne et 6.7% pour la mère.

Tableau 33 : Distinctions sur le plan des caractéristiques de l’abuseur dans les situations sans accusations criminelles (n= 26) et avec accusations criminelles (n= 15) soumises à une EMAS

Sans accusations Accusations Caractéristiques n % n %

Sexe n= 41

Masculin 25 96.2 14 93.3 Féminin 4 15.4 2 13.3

Fréquence des contacts n= 39

Au moins une fois aux deux semaines 18 72.0 11 78.6 Moins d’une fois aux deux semaines 7 28.0 3 21.4

Cohabitation n= 41

Oui 17 65.4 8 53.3 Non 9 34.6 8 53.3

Lien avec l’enfant n= 41

Mère 4 15.4 1 6.7 Père 14 53.8 3 20.0 Famille recomposée 3 11.5 9 60.0 Autre 7 26.9 3 20.0

Note. Le total de chacune des catégories peut excéder 100%. Les proportions sont calculées sur le nombre

total d’enfants et, s’il y a plus d’un abuseur dans la situation de l’enfant, plus d’une sous-catégorie de variable peut être comptabilisée.

Tableau 34 : Nombre moyen d’abuseurs et écart type dans les situations sans et avec accusations criminelles soumises à une EMAS

Sans accusations Accusations

M ET n M ET n

4.4.4. Les caractéristiques de l’abus.

Le Tableau 35 présente la nature des gestes d’abus pour les situations sans et avec accusations. Dans le premier groupe, les gestes les plus fréquents sont les attouchements (61.5%). Il y a ensuite les autres types d’abus sexuels (34.6%), la pénétration ou tentative de pénétration (21.4%) et les relations orales (11.5%). Les attouchements sexuels demeurent les gestes les plus fréquents pour les situations avec accusations (73.3%). S’en suivent les relations orales (60%), la pénétration ou tentative de pénétration (53.3%) puis les autres types d’abus sexuels (40%). Le pourcentage d’enfants qu’on identifie être victime de plus d’un geste d’abus est deux fois plus élevé dans le groupe avec accusations (66.7%) que sans accusations (30.8%).

En ce qui concerne la gravité des gestes (Tableau 36.), presque tous les enfants du groupe sans accusations n’ont pas de blessure physique à la suite de l’abus (92.3%) comparativement à la totalité des enfants du groupe avec accusations (100%). Dans les deux groupes, aucun des enfants n’a eu recours à des soins médicaux. Pour ce qui est des soins psychologiques, les intervenants recommandent que 19.2% des enfants du groupe sans accusations en bénéficient comparativement à 26.7% pour le groupe avec accusations. Tableau 35 : Distinctions sur le plan des caractéristiques de l’abus dans les situations sans accusations criminelles (n= 26) et avec accusations criminelles (n= 15) soumises à une EMAS

Sans accusations Accusations Nature du geste n % n %

Pénétration / Tentative de pénétration 6 21.4 8 53.3 Attouchements 16 61.5 11 73.3 Relations orales 3 11.5 9 60.0 Autres abus sexuels 9 34.6 6 40.0

Tableau 36 : Distinctions sur le plan de la gravité des gestes dans les situations sans accusations criminelles (n= 26) et avec accusations criminelles (n= 15) soumises à une EMAS

Sans accusations Accusations

Gravité n % n % Blessure n= 41 Oui 2 7.7 0 0 Non 24 92.3 15 100.0 Soins médicaux n= 2

Blessure avec soins médicaux 0 0 0 0 Blessure sans soins médicaux 2 100.0 0 0

Soins psychologiques n= 41

Soins requis 5 19.2 4 26.7 Soins non requis 21 80.8 11 77.3

4.4.5. L’histoire de maltraitance.

Les données sur l’histoire de maltraitance de l’enfant (Tableau 37) nous indiquent que la moyenne d’évaluations antérieures diffère significativement entre les deux groupes (F (1, 39) = 4.874, p = .033, n2 = .111) et que l’effet est de grande taille. La moyenne est de .50 (.91) pour les situations sans accusations et de 1.6 (2.26) pour celles avec accusations, cette dernière étant trois fois plus élevée. En revanche, la moyenne d’évaluations subséquentes diffère peu entre les deux groupes. Elle est de .31 (.68) pour le groupe sans accusations et de .20 (.56) pour celui avec accusations. Enfin, il n’y a pas de différence significative entre les deux groupes si l’on analyse la moyenne totale des évaluations.

Tableau 37 : Nombre moyen d’évaluations et écart type dans les situations sans

accusations criminelles (n= 26) et avec accusations criminelles (n= 15) soumises à une EMAS

Sans accusations Accusations

Nombre d’évaluations M ET M ET Antérieures .50 .91 1.60 2.26 Subséquentes .31 .68 .20 .56 Total .81 1.13 1.80 2.37

4.4.6. Les éléments de preuve.

L’observation des données relatives aux éléments de preuve met tout particulièrement en évidence l’importance des aveux de la victime dans les situations avec accusations (Tableau 38). Ce sont 100% des enfants qui admettent les faits comparativement à 53.8% pour les situations sans accusations. Une analyse plus pointue des données révèle qu’il n’y a aucun enfant qui a fourni des aveux partiels dans les situations avec accusations comparativement à six pour les situations sans accusations.

Le Tableau 39 indique que le nombre moyen de preuves est plus élevé pour les situations avec accusations que sans (F (1, 39)= 18.665, p = .000, n2 = .324) et que l’effet est de grande taille. Il est de 2.33 (.98) comparativement à 1.00 (.94). Pour les deux groupes, le deuxième élément de preuve le plus fréquent est la corroboration du témoignage. Cette preuve est associée à 60% des situations avec accusations et 30.8% de celles sans accusations. Suivent ensuite les aveux de l’agresseur qui sont respectivement de 54.5% et 13% puis les autres types de preuves (26.7% et 3.8%). Les preuves physiques sont présentes dans la situation d’un seul enfant du groupe avec accusations. Il n’y aucune preuve médicale ni psychologique dans l’un ou l’autre des deux groupes.

Tableau 38 : Distinctions sur le plan des éléments de preuve dans les situations sans accusations criminelles (n= 26) et avec accusations criminelles (n= 15) soumises à une EMAS

Sans accusations Accusations

Preuves n % n % Aveux/ Victime n= 41 Oui 14 53.8 15 100.0 Non 12 46.2 0 0 Aveux/ Agresseur n= 34 Oui 3 13.0 6 54.5 Non 20 87.0 5 45.5 Corroboration n= 41 Oui 8 30.8 9 60.0 Non 18 69.2 6 40.0 Médicales n= 41 Oui 0 0 0 0 Non 26 100.0 15 100.0 Physiques n= 41 Oui 0 0 1 6.7 Non 26 100.0 14 93.3 Psychologiques n= 41 Oui 0 0 0 0 Non 26 100.0 15 100.0 Autres n= 41 Oui 1 3.8 4 26.7 Non 25 96.2 11 73.3

Tableau 39 : Nombre moyen de preuves dans les situations sans et avec accusations criminelles soumises à une EMAS

Sans accusations Accusations

M ET n M ET n

Nombre de preuves 1.00 .94 26 2.33 .98 15

4.4.7. Résumé.

La comparaison des EMAS sans et avec accusations met en lumière quelques différences entre les deux groupes.

Tout d’abord, en ce qui a trait aux caractéristiques de l’enfant, on remarque que les enfants du groupe avec accusations sont en moyenne plus vieux que ceux du groupe sans accusations. Incidemment, un pourcentage plus important d’enfants fréquente le secondaire dans le groupe avec accusations. Dans ce dernier groupe, il y a un pourcentage plus élevé d’enfants qui ont des difficultés psychologiques comparativement au groupe sans accusations.

Pour ce qui est des caractéristiques de la famille, on constate que les situations sans accusations se caractérisent davantage par des enfants qui sont sous la garde de leurs deux parents pendant la réalisation de l’EM et qui proviennent d’une famille biparentale. En revanche, les situations avec accusations se caractérisent surtout par des enfants qui sont sous la garde de leur père pendant l’application de l’EM et qui proviennent d’une famille recomposée. Il y a un pourcentage plus élevé d’enfants qui sont placés dans le groupe avec accusations que dans le groupe sans accusations.

Les caractéristiques de l’abuseur font ressortir qu’un pourcentage plus élevé d’enfants ne cohabitent pas avec leur abuseur dans les situations avec accusations. On y observe également un pourcentage beaucoup plus élevé d’abuseurs issus d’une famille recomposée alors que ce type d’abuseur est rarement soupçonné dans les situations sans accusations.

Ensuite, on remarque que les pourcentages associés à chacun des gestes d’abus sont plus élevés dans les situations avec accusations. De ce fait, le pourcentage d’enfants ayant subi plus d’un geste d’abus est doublement plus élevé dans les situations avec accusations que sans accusations. Enfin, le pourcentage d’enfants qu’on estime avoir besoin de soins psychologiques est supérieur dans les situations avec accusations.

L’histoire de maltraitance révèle une différence significative dans le nombre moyen d’évaluations antérieures entre les deux groupes. Les enfants du groupe avec accusations ont en moyenne plus d’évaluations antérieures fondées que ceux du groupe sans accusations.

Finalement, les données sur les éléments de preuve démontrent une fois de plus qu’il y a un nombre de preuves significativement plus élevé dans les situations avec accusations. On souligne également l’importance des aveux de la victime comme élément de preuve considérant que 100% des enfants du groupe avec accusations ont avoué la totalité des faits. La petite taille de l’échantillon de situations avec accusations invite néanmoins à la prudence quant à l’analyse des données.

4.5. Modèle de prédiction des accusations criminelles relatives