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Partie 2 : le contexte des paysans indigènes de l’ayllu Urinsaya : entre

4. Les populations rurales face à des inégalités socio-économiques très

4.1. Description des principales inégalités socio-économiques

En Bolivie, malgré la croissance économique et l’augmentation du produit national brut par habitant depuis les années 2000, les inégalités sociales et économiques restent importantes, surtout entre les zones rurales et urbaines. Le niveau de pauvreté extrême s’est réduit à l’échelle nationale, passant de 38, 5 % de la population totale en 2005 à 21,6% en 2012, grâce aux politiques sociales de redistribution mises en place sous la présidence d’Evo Morales, mais la pauvreté extrême est toujours importante dans les zones rurales avec un taux de 40,9% (CIPCA, 2013). La Bolivie est un des pays qui possède le plus d’iniquité

23 Les cultures industrielles peuvent provenir des petits, moyens ou grands producteurs, elles sont

principalement destinées aux exportations.

24 Cultures du soja, du riz, du tournesol, de la canne à sucre, du coton, etc…

25 Les paysans de l’agriculture produisent essentiellement des tubercules, des fruits, des légumes et des fourrages

88 sociale et économique sur le continent américain, son indice de GINI26, selon le

la Banque mondiale, fut 46,6 en 2016 27. A titre de comparaison , celui de la

France fut 32,7, en 201528.

On observe également des différences de revenus en fonction du sexe et de l’appartenance ethnique. La pauvreté se concentre essentiellement dans la population indigène et c’est à l’intérieur de cette population que l’on retrouve la vulnérabilité sociale et économique la plus forte. Le fait d’être indigène augmente la probabilité d’être pauvre : un indigène dans les zones rurales a une probabilité de 70% de vivre dans l’extrême pauvreté (OXFAM, 2009), et quasi la moitié de la population indigène vit dans la pauvreté extrême. La situation des femmes est également plus vulnérable : la pauvreté concerne plus les femmes que les hommes surtout dans les zones rurales, où 45% des femmes ne parlent pas l’espagnol, ce qui limite leur accès aux services basiques et leur participation politique. Dans les zones rurales près de 95% des femmes travaillent sans percevoir de rémunération (OXFAM, 2009) et elles assurent de plus en plus la gestion de l’exploitation agricole, face aux migrations, plus ou moins provisoires et de plus en plus fréquentes, des maris vers les villes.

4.2 Les enjeux des inégalités socio-économiques pour les populations rurales

Les inégalités de ressources économiques entrainent des inégalités de capacités de résilience, dans la mesure où les populations rurales avec de revenus faibles ont un accès limité aux services financiers (des banques et des assurances), qui permettent d’investir dans la protection ou le développement de l’exploitation agricole. Elles ont moins de ressources pour construire des habitats avec des matériaux résistant mieux aux phénomènes climatiques, pour contracter des assurances couvrant la destruction de la production agricole, pour acquérir des terres permettant de disperser les risques de destruction des récoltes sur une surface plus grande, ou encore pour acheter des denrées alimentaires lorsque leurs récoltes sont détruites.

26 L'indice de Gini indique dans quelle mesure la répartition des revenus entre les individus ou les ménages au

sein d’une économie s’écarte de l’égalité parfaite. Le coefficient de Gini est compris entre 0 (égalité parfaite) et 100 (inégalité absolue).

27 https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SI.POV.GINI?locations=BO 28

89 Les ressources économiques sont particulièrement liées aux enjeux de la sécurité alimentaire et de l’accès à la terre, ces derniers demeurant aussi des facteurs essentiels de la détermination des capacités de résilience. Si les ressources économiques sont insuffisantes, alors la sécurité alimentaire est menacée, l’accès à la terre est limité et ce sont ensuite les capacités de résilience qui se dégradent. Lorsque les familles souffrent d’insécurité alimentaires, elles sont alors confrontées aux problèmes de la sous –alimentation qui entraine alors la dégradation de la santé et une diminution des capacités de leur résistance physique face aux aléas climatiques et leurs conséquences. La Bolivie, notamment les zones rurales, doit faire face au problème de la sous- alimentation, de la sécurité alimentaire à cause du manque de ressources économiques mais aussi en raison de l’absence de politique agricole cohérente, de la répartition inégale des terres ( héritage de la colonisation, des régimes autoritaires et des gouvernements néolibéraux), du manque d’infrastructure de transport, de stockage et de transformation des produits agricoles, et enfin des changements climatiques. La malnutrition frappe davantage les populations indigènes rurales, 28% des enfants indigènes souffrent de malnutrition chronique et le taux de mortalité infantile de la population indigène est de 62% (OXFAM, 2009).

Lorsque les familles paysannes ont un accès limité à la terre, elles ont moins de possibilités de disperser les risques de destructions agricoles provoquées par les phénomènes climatiques et elles ont également des productions plus faibles, ce qui favorise l’insécurité alimentaire. Celles qui disposent de plusieurs surfaces agricoles, situées à des étages écologiques différents, ont plus de chances de réduire les impacts des phénomènes climatiques sur les productions agricoles et la sécurité alimentaire, elles ont plus de capacités de résilience. Ainsi la sécurité alimentaire, l’accès à la terre et les capacités de résilience sont interdépendants. L’accès inégal à la terre est un problème fondamental pour l’agriculture paysanne, qui exploite de petites parcelles ( « les minifundios »), notamment pour son adaptation aux risques climatiques. Au sein du groupe des paysans de l’agriculture familiale, nous observons une inégale répartition des terres, certains paysans ou certaines communautés possèdent plus de terre que d’autres, et les jeunes paysans rencontrent des difficultés pour accéder à la terre liées à la croissance démographique et au morcellement des propriétés familiales qu’elle entraine.

90 Depuis l’arrivée de Morales à la présidence, la politique sociale des gouvernements ont tenté d’améliorer les conditions de vie des boliviens, de réduire la pauvreté de la majorité indigène mais, à terme, ses effets peuvent être limités par les impacts du changement climatique. Le rapport du GIEC de 2007 (IPCC, 2007b ) indique que ce sont les personnes de faibles revenus, dans les pays en développement, qui sont les plus exposés aux risques du changement climatique. Les populations rurales indigènes, et notamment celles de l’Altiplano, sont donc celles qui sont le plus exposées aux conséquences du changement climatique.