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Partie 1 : Du projet de thèse à l’émergence de la question de départ

E. La recherche exploratoire

2. Les conditions de réalisation des entretiens

Les entretiens ont été effectués pendant les deux séjours réalisés en Bolivie, en 2014 : l’un de deux semaines au mois d’avril et l’autre de cinq semaines aux mois de juillet et d’aout. Un autre entretien (entretien 1.6) a été réalisé, après ces deux séjours, au mois d’octobre 2015, par Skype, pour connaitre la situation et l’évolution des programmes de formation d’AFRECOL. Je me suis entretenu avec la technicienne biologiste, qui a remplacé l’ingénieur agrnome (de l’entretien 1.1) dans la fonction de responsable du programme « Fertilisatio des sols ».

Durant le premier séjour, les entretiens ont été effectués avec l’ingénieur qui agrnome était le responsable des projets à la Fondation AGRECOL, et avec une responsable des programmes éducatifs de la fondation CENDA. Les entretiens se sont déroulés dans le bureau de chaque interviewé.

Lors du second séjour les entretiens ont été réalisés avec des paysans de l’ayllu Urinsaya, participant aux programmes de la fondation AGRECOL, des intervenants de la fondation CIPCA, la directrice de la Fondation NUNA. J’ai eu également des conversations avec cinq paysans participants aux programmes de formation de NUNA, que j’ai rencontré lors d’une visite de terrain organisée par la directrice, pour me familiariser avec les actions de développement de ses programmes et avec le public bénéficiaire. L’entretien collectif (entretien 1.5)

58 réalisé avec cinq paysans de l’Ayllu Urinsaya a concerné les personnes qui participaient au programme « Fertilisation des sols ». Cet entretien s’est déroulé un jeudi, jour de la « feria », c’est une journée festive où les habitants de l’Ayllu Urinsaya se retrouvent dans la ville de Pongo. Cette journée est animée par un marché local et quelques festivités. C’est l’ingénieur agronome qui a été l’intermédiaire entre moi et ces paysans pour fixer une date et un lieu de rendez- vous pour réaliser des entretiens avec les paysans. L’ingénieur agronome m’avait proposé le jour de la feria car il présentait l’avantage de pouvoir rencontrer un certain nombre de paysans plus facilement. En effet la plupart des paysans se rendent à cette feria. Mais ce rendez-vous présentait un inconvénient dont je me suis rendu compte sur le terrain : les paysans souhaitaient en priorité se rencontrer, discuter et s’amuser…et manger. Les entretiens ne semblaient pas important pour eux, ils étaient fixés à dix heures mais j’ai du attendre presque trois heures avant qu’ils n’acceptent de m’accorder leur attention. Durant ces quelques heures d’attente, j’ai parcouru le marché pour prendre connaissance des produits vendu et j’ai été surpris par le nombre de vendeurs de téléphones portables. J’ai également discuté avec d’autres paysans. Les paysans que j’allais interrogés ont insisté pour que je les accompagne dans une tradition de cette feria, qui consiste à boire ensemble la « chicha », un alcool de mais, avec un certain nombre de rituels précis. J’ai accepté leur proposition, même si je ne bois jamais et n’aime pas les boissons alcoolisées, afin de m’intégrer plus facilement à leur groupe et de renforcer la relation de confiance entre eux et moi.

Au départ, j’avais prévu de réaliser des entretiens individuels mais les cinq paysans ont insisté pour réaliser un entretien de groupe car ils ont indiqué qu’ils n’avaient pas suffisamment de temps pour rester à Pongo. J’ai essayé de les convaincre de s’en tenir à ce qui était prévu mais les paysans n’ont pas cédé et j’ai donc été contraint de modifier mon organisation. Je leur ai alors demandé de réaliser cet entretien de groupe dans un endroit calme, deux paysans étaient d’accord mais trois souhaitaient l’effectuer dans un restaurant, et ces derniers ont su convaincre les deux autres. Les paysans ont précisé que je devais les inviter au restaurant, cette demande s’explique en partie par les pratiques des intervenants de la fondation AGRECOL. En effet, lorsqu’ils convoquent les paysans pour une session de formation ou de rencontre, ils offrent toujours le repas. J’ai observé cette pratique dans toutes les interventions d’AGRECOL auxquelles j’ai assistées. L’entretien de groupe a donc été réalisé dans un petit restaurant, où les conditions sonores étaient rendues difficiles par la musique diffusée. Malgré ces conditions, les paysans ont répondu tour à tour à mes

59 questions, avant le repas. Les paysans que j’ai interrogés étaient tous des hommes, âgés entre 35 et 50 ans, mariés avec des enfants (en moyenne cinq), qui exerçaient des activités complémentaires à l’agriculture (transport, commerce, artisanat, construction dans le bâtiment, etc..). Ils disposent de plusieurs parcelles, dispersées dans tout le territoire de leur communauté, la surface moyenne de leurs terres équivaut à trois ou quatre hectares.

En ce qui concerne les entretiens avec les intervenants de CIPCA, j’ai du faire face à des imprévus. J’avais préparé ces entretiens quelques jours avant, lors d’une rencontre avec le directeur de la fondation, Valentin Perez. Je lui avais exposé mon travail de recherche et il m’avait décrit les activités et les objectifs de la fondation CIPCA. Il m’avait indiqué que je ne pourrai pas utiliser ses programmes de formation comme terrain d’étude car il recherchait avant tout des chercheurs qui avaient la possibilité de rester dans les communautés pendant plusieurs mois, ce qui m’était impossible. Cependant il a accepté ma demande qui consistait à interroger une partie des intervenants des programmes de la fondation. Le directeur m’avait indiqué qu’il convoquerait des personnes disponibles et volontaires. Ces entretiens avaient pour but d’étudier des pratiques d’EPE mais aussi les savoirs locaux et le contexte de l’agriculture familiale des paysans de l’Altiplano bolivien. Nous avions fixé une matinée pour réaliser les entretiens mais lorsque je suis arrivé dans le bureau du directeur, celui-ci m’a demandé de présenter un exposé sur la pédagogie utilisée dans la démarche de l’EP, à l’adresse de cinq intervenants qui n’avaient pas de compétences pédagogiques : un sociologue, deux agronomes, une nutritionniste et un politologue. J’ai accepté sa demande car il m’avait aussi rendu service en me proposant de convoquer et de rencontrer des intervenants. J’ai donc réalisé un exposé d’une quarantaine de minutes (plus une session de questions qui a duré trois quarts d’heure) sur l’EP et ses pratiques pédagogiques. Ensuite j’ai décidé de réaliser un entretien de groupe, avec les cinq intervenants, car le temps était insuffisant pour des entretiens individuels. La fondation CIPCA intervenait dans plusieurs communautés rurales, situées notamment dans les département de La Paz, Cochabamba, Santa Cruz, Beni, elle avait implanté plusieurs programmes de formation qui s’appuyaient sur la démarche de l’EP et qui avaient pour objectif de construire des compétences en agroécologie (conservation des sols, gestion de l’eau, etc..), à la gestion des organisations sociales et à la participation politique.

60 Les imprévus rencontrés lors des différents entretiens m’ont fait comprendre l’importance du principe de la réciprocité, qui est fondamentalement ancrée dans les sociétés indigènes de la Bolivie. Grâce à ces entretiens exploratoires, j’ai pu intégrer et comprendre l’importance de ce principe de la réciprocité et cet apprentissage me permettra de faciliter les rencontres pour les entretiens de 2016.

Le dernier entretien réalisé pendant mon deuxième séjour fut avec la directrice de la fondation NUNA. J’ai découvert cette fondation par l’intermédiaire d’un ancien collègue qui travaillait à la UNITAS et que j’ai rencontré durant mon second séjour en Bolivie. Ce collègue m’avait indiqué que cette fondation utilisait la démarche de l’EP en agroécologie. J’ai contacté la directrice de cette fondation, Eva Colque, et elle a accepté de me recevoir afin de me présenter les activités de formation. Je l’ai rencontrée, dans la salle de réunion, du siège de la fondation, situé à La Paz. A la fin de l’entretien, j’ai demandé à Eva Colque la permission de rencontrer quelques paysans, qui participent aux programmes de formation, afin de recueillir leurs ressentis sur leurs apprentissages et d’observer les infrastructures agroécologiques implantées dans leurs parcelles.

Eva Colque m’a accompagné pour visiter des paysans et leurs parcelles , dans deux communautés quechuas, situées près de la municipalité de Huarina, à quelques kilomètres du lac Titicaca. Pendant la visite des parcelles, j’ai pu discuter avec les paysans sur leurs pratiques agricoles, leurs infrastructures agroécologiques, leurs activités et leurs besoins de formation. Ces conversations n’ont pas été enregistrées, je me suis contenté de prendre quelques notes sur leurs propos, ou de les résumer sur un carnet pendant la visite. NUNA est une fondation dont l’objectif est d’améliorer les conditions de vie des paysans vulnérables et la protection de leurs ressources naturelles. Elle intervient dans le département de La Paz, et en partie sur l’Altiplano, dans vingt et une communautés, issues des municipalités de Curva, Ancoraimes et Mocomoco et de Huarina. La fondation diffuse, auprès de familles volontaires, des pratiques et infrastructures agroécologiques, en lien avec la conservation des sols, la gestion de l’eau, l’élevage (la santé animale et les infrastructures), la production de plantes traditionnelles, de légumes, et de fourrages. Les technologies transférées sont issues de la récupération des savoirs locaux, en partie abandonnés dans l’Altiplano, et liés à la gestion des risques agricoles et climatiques (Chillon, 2009).

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