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Partie 2 : le contexte des paysans indigènes de l’ayllu Urinsaya : entre

3. L’organisation sociopolitique et l’identité culturelle

3.1 Les autorités indigènes et syndicales

Les données qui permettent de décrire l’organisation sociopolitique des communautés de l’ayllu Urinsaya provient du travail de recherche réalisée par Marianna. Elle a participé aux multiples réunions organisées par la fondation AGRECOL destinées aux communautés de l’ayllu Urinsaya, afin de renforcer leur organisation sociopolitique. Comme décrit précédemment, les communautés paysannes indigènes s’organisent autour d’un syndicat agraire et des autorités indigènes traditionnelles, dites d’origine.

La majorité des paysans de l’ayllu Urinsaya sont des indigènes Quechuas. Les autorités indigènes de cet ayllu se composent de quatre charges communautaires : l’ « alcalde de campo » (que l’on peut traduire littéralement par le « maire du terrain »), le « jilakata », le « tasador » (l’évaluateur), et l’ « alferez » (la traduction littérale correspond au terme officier). La répartition de ces charges varie d’une communauté à une autre mais chacun possède un jilikata. L’ « alcade de campo » veille sur le processus de production agricole, depuis les semailles jusqu’à la récolte. Il dirige les « jilikatas », les organise afin qu’ils surveillent les fermes face aux éventuels dommages que pourraient provoquer les animaux (qui, par exemple, peuvent parfois piétiner les récoltes). Si des dommages sont constatés, c’est l’alcade de campo qui sanctionne les familles en cause. Il peut travailler en collaboration avec le dirigeant syndical, quand cela est nécessaire. Le « jilikata » surveille les fermes presque tous les jours, il contrôle les semailles des « aynoqas », qui sont les parcelles collectives soumises à rotation. Son travail est obligatoire, il doit assurer ces fonctions par tous les temps (la pluie, la grêle, etc…). Il est chargé de convoquer les membres

155 de la communauté quand une réunion est prévue. L’évaluateur veille à mesurer les dommages et préjudices que provoquent les animaux : les vaches, les ânes, les lamas et les moutons. Enfin, l’ « alferez » prépare et organise les fêtes, en particulier les carnavals. A l’échelle de l’ayllu, la principale charge, issue des autorités indigènes d’origine, est celle du « chasquis », le secrétaire de justice, il veille au respect et à l’application de la justice traditionnelle de l’ayllu.

En ce qui concerne le syndicat agraire, il est présent dans chaque communauté. A la tête de ce syndicat, nous retrouvons le dirigeant, il organise et oriente cette institution, il coordonne des actions avec les autres dirigeants de l’ayllu pou des institutions extérieures (par exemple les ong’s). Il convoque les réunions et fait appliquer les résolutions du syndicat. Il gère les projets de développement de la communauté qui émanent des institutions publiques. Il est assisté par un secrétaire des relations, qui le remplace pendant son absence ou en cas d’urgence. Le secrétaire des actes est chargé de rédiger des actes pour chaque réunion, de préparer les points à aborder, en coordination avec le dirigeant. Le secrétaire de la trésorerie veille à prélever et enregistrer les cotisations syndicales de chaque membre. Il recueille les amendes destinées aux syndiqués absents lors des réunions syndicales. Il contrôle le budget du syndicat tout en rendant des comptes sur les dépenses et les entrées, et auprès des membres du syndicat. Le secrétaire de commission enregistre les membres absents aux réunions et il veille au bon déroulement de ces dernières. Nous retrouvons l’ensemble de ces charges syndicales au niveau subcentral et du canton. Dans certaines communautés, apparaissent des charges spécifiques. A Challoma, apparait le chargé de comité de la « feria » (la foire), qui s’occupe de recueillir les cotisations des commerçants qui participent. La foire de la communauté de Challoma est se déroule à Pongo, situé au bord de la route qui joint Cochabamba à La Paz. A Chunu Chununi, il existe une nouvelle charge, qui est le secrétaire de la santé, il veille à l’alimentation et à la santé des enfants et des personnes âgées. Il gère les relations avec les institutions de santé extérieures à la communauté. A Condoriri, est présent un secrétaire de la viabilité qui contrôle les « routes » (ce sont davantage des pistes ou des chemins), il organise les travaux collectifs pour leur entretien. Au sein de la direction du syndicat de la communauté de Huayllas, nous retrouvons une représentante de l’organisation des femmes.

156 Les communautés de l’ayllu Urinsaya fonctionnent avec des relations de réciprocité qui se présentent sous trois formes (Zabalaga 2011). La « minka » correspond à l’entraide dans les travaux agricoles ou de construction, chaque paysan qui bénéficie d’un service doit, en retour, offrir son aide pour un travail à venir. Le service peut consister à offrir sa force de travail, à prêter du matériel ou des animaux. La « umaraqha » est le partage d’un repas à base de mouton, qui a lieu pendant la période des labours, chaque paysan invite à tour de rôle les autres afin de créer un sentiment de convivialité pendant ces travaux agricoles. L’ « ayni » est l’entraide qui intervient spécifiquement pendant la période des semailles. Les personnes concernées par les relations de réciprocité peuvent être des membres de la famille, des amis, des voisins, des parrains. Ces relations de réciprocité sont essentielles face aux conditions naturelles extrêmes, à la faiblesse des revenus économiques des paysans et au manque de main d’œuvre familiale (quand les familles sont composées que de très jeunes enfants). Ils permettent de surmonter des difficultés rencontrées pendant le cycle agricole et de renforcer la cohésion sociale, le sentiment d’appartenance à la communauté.

3.3 Les fêtes traditionnelles

La vie quotidienne dans les communautés est rythmée par plusieurs fêtes qui permettent de renforcer la cohésion sociale, le sentiment d’appartenance à la communauté et à l’ayllu. Parmi les nombreuses fêtes de la communauté de Chunu Chununi, qui ont été documentées (Zabalaga, 2011), nous rencontrons entre autre le jeune communal, la Toussaint, les mariages, ou encore la célébration des morts.

Le jeune de la communauté, qui dure deux jours, se réalise à une date qui est fixée par ses membres (y compris le représentant de l’Eglise catholique), chaque année. Dix personnes sont choisies par les membres de la communauté pour offrir un mouton en sacrifice pour les différentes divinités, durant le jeune. C’est un rituel sacré et obligatoire pour tous les membres, il est accompagné de prières qui se déroulent au sommet du mont dominant le territoire de la communauté, et qui sont adressées au Dieu (chrétien) et à la Pachamama, c’est donc une fête marquée par un syncrétisme religieux. Les prières et les offrandes s’insèrent aussi dans les relations de réciprocité entre les êtres humains et les divinités. En effet, les membres de la communauté offrent des prières et des

157 sacrifices aux divinités, en retour ces dernières leurs accordent leurs bonnes faveurs, surtout pour la production agricole.

La Toussaint est marquée aussi par un syncrétisme religieux entre les croyances chrétiennes et précoloniales. Quand un membre de la communauté meurt, les trois années suivantes, la famille construit un autel à la mémoire du défunt, veille du jour de la Toussaint. Au pied de l’autel, les familles viennent prier et déposent des offrandes alimentaires. Cet acte vise à obtenir les faveurs du Dieu chrétien afin qu’il aide l’âme défunte à quitter ses proches. Cette pratique est accompagnée de superstitions, les personnes qui ne la respectent pas risquent d’être punies : elles pourraient perdre une partie de leur production agricole, ou encore un membre de la famille pourrait être gravement malade. Le jour de la Toussaint, l’autel est transporté dans le cimetière. De nouvelles offrandes ont lieu sur la tombe du défunt. Les aliments offerts sont essentiellement des pains qui sont désignés par le terme « tantawawas » et qui présentent des formes spécifiques et métaphoriques : l’échelle ou les colombes pour aider l’âme à monter au ciel, le crapaud symbole de la fertilité, etc…

Il existe une multitude de fêtes religieuses dans ces communautés indigènes, une partie d’entre elles tisse des liens avec l’agriculture, par des offrandes rituels destinés à obtenir les bonnes faveurs des divinités. Il est alors essentiel de saisir les liens entre Nature et Culture dans les communautés indigènes pour comprendre leurs pratiques agricoles, leurs relations à la terre, à l’agriculture.