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Les populations immigrées dans la division de l’espace 1) “Quartiers d’immigrés”

DE LA DIVISION SOCIALE DE L’ESPACE

Chapitre 2 : Espace, capital et migrations

IV) Les populations immigrées dans la division de l’espace 1) “Quartiers d’immigrés”

La division sociale de l’espace prend un tour particulier lorsque les caractéristiques de distribution spatiale concernent des populations immigrées ou minoritaires. Historiquement, la place des étrangers dans la ville et dans la société hôte a toujours été une question d’accès aux droits, la possession de ceux-ci déterminant l’usage et la distribution de ces populations dans l’espace urbain (cf annexe 3.3).

Quelle grande ville n’a pas son Chinatown, sa Goutte d’Or, son Sentier ou son quartier de la gare ? Les « quartier (d’)immigré(s) » ou « quartier ethnique » se caractérisent par leur concentration de population immigrée par rapport au reste de la ville, conférant à cet espace des traits, des formes, une structure et des représentations particulières : ce sont des « espaces

constituer un espace social relativement autonome. […] Ces quartiers sont fondés sur l’existence d’une infrastructure ethnique plus ou moins dense (magasins, églises, clubs, écoles, presse, etc.) et de réseaux de relations étendues et intenses ; ils persistent malgré le renouvellement opéré par les vagues successives de migrants qui viennent remplacer ceux qui, issus d’une première génération, quittent le quartier dans un mouvement d’ascension sociale » (Guillon, Taboada Leonetti, 1986, p 7). D’un point de vue historique, la fonction

d’accueil de ces quartiers a souvent raversé les époques, de premier quartier d’installation pour migrations inter-régionales (exode rural) au quartier d’étrangers, celui-ci évoluant en fonction des vagues migratoires et des procès de substitution des populations présentes (De Rudder, Guillon, 1987 ; Guillon, Taboada Leonetti, 1986). Le modèle de distribution spatiale en mosaïque de Harris et Ullman, où le ou les quartiers d’immigrés sont distribués ponctuellement dans l’espace urbain, correspond à la localisation de la population immigrée dans la ville.

Cette population se caractérise par un cumul de handicaps (logement, école, profession, revenus, chômage) par rapport à la population autochtone, elle se situe au bas de la hiérarchie sociale et professionnelle. Elle partage l’espace résidentiel où les prix des logements sont les plus bas, en périphérie urbaine ou bien dans les quartiers dégradés des centres villes. À l’instar des catégories populaires nationales, les populations immigrées subissent des logiques sociales et spatiales exo-régulées. Populations immigrées et catégories populaires nationales partagent-elles la même communauté de destin ? Ou bien les caractéristiques particulières des premières les distinguent suffisamment des secondes pour que les logiques socio-spatiales en soient irrémédiablement distinctes ?

On peut affirmer que les étrangers immigrés font l’objet de formes de ségrégation plus ouvertes, intenses et visibles, en raison du nombre de discriminations dont ils peuvent être victimes, notamment en terme d’accès au logement. C’est évidemment le cas quand les critères discriminatoires sont racistes. Mais cela peut être aussi vérifié par leur position au bas de la hiérarchie sociale combinée à celle de leur qualité d’étranger. En plus des carences économiques, les immigrés – a fortiori quand ils proviennent de pays du Tiers monde et que leur situation administrative quant à la régularité de séjour pose problème – sont en effet en position de faiblesse juridique : ils disposent de droits réduits, ce qui les met dans une position de vulnérabilité plus prononcée que les populations autochtones.

L’accès au logement est primordial, simplement pour disposer d’un toit, pourvoir au repos et à la stabilisation, mais aussi en tant qu’adresse pour la reconnaissance sociale et professionnelle. L’accès au locatif privé ou public dépend de la durée de présence du migrant, du statut du logement, de la politique du bailleur, de l’accès juridique au logement, etc.. Pour les primo-arrivants, le locatif privé est le premier fournisseur de logement. L’absence de régulation des loyers peut contribuer à des abus de la part des bailleurs, cette population étant captive dans un marché restreint. Le niveau élevé des loyers contribue au surpeuplement des logements. Hors situation d’hébergement de la part de la famille ou des réseaux de co- nationaux, le secteur locatif public ou social ne peut concerner que des migrants disposant déjà de ressources en termes de droit de séjour et de connaissance des arcanes

institutionnelles. Paradoxalement, le premier marché du logement pour immigrés est ainsi le marché privé et non le secteur locatif public. Cette particulraité oriente la distribution spatiale des populations immigrées et contribue à la division de l’espace :

- les quartiers anciens non valorisés concentrent les migrants primo-arrivants sans ressources locales, ou bien les immigrés en l’absence de parc public disponible ;

- les quartiers périphériques d’habitat social collectif, les « banlieues », accueillent des populations déjà institutionnellement insérées ;

- des cas particuliers peuvent exister : si les Chinois du “Triangle de Choisy” habitent un quartier en échec de commercialisation, neuf et en ville, leurs logements sont concentrés dans les quelques tours de locatif privé et non dans celles de logement social (Guillon, Taboada Leonetti, 1986, p 37).

Ainsi, la distribution et la localisation des populations immigrées dans l’espace urbain renvoient aux mécanismes de séparation-ségrégation économiques et juridiques mis en place par la sphère institutionnelle de la formation sociale hôte.

2) L’Ecole de Chicago et le ghetto de Wirth

Au début du XXè siècle, les sociologues de l’Ecole de Chicago ont considéré la ville comme un laboratoire social, dans un contexte de forte immigration de populations en provenance du continent européen et de leur installation dans les grandes villes de l’est étatsunien. Cette “Ecole ” a laissé un héritage important à la sociologie et à la géographie urbaines, avec l’écologie urbaine qui, en son temps, était une nouvelle manière de penser et de décrire les relations sociales dans l’espace (Topalov, 2003 ; Rhein, 2003 ; Rhein in Lepetit, Topalov, 2001, pp 111-149 ; Sénécal, 2007). De cette Ecole, nous retiendrons en particulier le modèle des « aires urbaines » établi par E.W. Burgess en 1925 (in Grafmeyer, Joseph, 1984, pp 131-147) (figure 3.1). Ce modèle dynamique évoque un modèle spatial combiné à un modèle social159. L’intérêt qu’il représente pour nous est non seulement ce qu’en dit E.W. Burgess, à la lumière de L. Wirth à l’occasion, mais aussi toute la puissance interprétative qu’il permet, jusqu’à l’extrapolation, en rapport avec la réalité de l’époque comme celle d’aujourd’hui. Dans la partie droite du modèle représenté (issue d’un schéma antérieur), la division de l’espace urbain en cercles concentriques représente, du centre vers la périphérie, les phases successives d’intégration dans la ville des nouveaux arrivants du point de vue résidentiel, professionnel et social, et ce quelle que soit leur provenance en principe. La trajectoire au sein de l’espace urbain - par la mobilité résidentielle le plus souvent inter- générationnelle - de la « zone de transition » (II) aux suburbs (IV), correspond à une

159 Pour un exemple de mécompréhension de modèle de Burgess, cf Carter, 1975, pp 126-143. On rappellera

quelques erreurs d’interprétation de ce modèle : 1) le considérer comme universel et lui reprocher de ne pas l’être, 2) tomber dans le positivisme inhérent aux géographes : chercher à le plaquer sur la division fonctionnelle d’une ville, ou considérer qu’il s’agit d’un modèle d’usage du sol ou de rente foncière (malgré la similitude avec l’analyse factorielle du sol urbain), 3) surévaluer les limites entre les différentes zones. Cf Clerc, Garel, 1998, Sénécal, 2007.

ascension sociale et à un processus d’intégration dans la ville et plus largement dans la formation sociale160. Elle représente aussi une échelle de la réussite et du désir. Dans l’afflux d’immigration, l’écologie urbaine considère que les nouveaux arrivants poussent les familles et groupes déjà installés à gagner l’étape de la « zone » supérieure (principe d’ « invasion » et de « succession »)(Wirth, 1928, pp 235-236). Dans la veine simmélienne, les sociologues de l’Ecole de Chicago attachent un « état d’esprit » particulier à ces différentes étapes ou « zones ».

Figure 3.1 : Les « aires urbaines » selon E.W. Burgess

source : E.W. Burgess (1925), “La croissance de la ville. Introduction à un projet de recherche”, in Grafmeyer, Joseph (dir)(1990), p 141

Le modèle de Burgess est inhérent aux flux d’immigration en provenance du continent européen encore en ce début de XXè siècle. Il est donc particulièrement utile de l’analyser à la fois dans la dynamique d’inclusion des nouveaux arrivants à la formation sociale hôte, et dans le rapport à la « zone » en question et aux autres groupes de nationalités qui y cohabitent : il s’agit de la partie gauche du modèle. La « zone de transition » y représente l’espace de première installation des immigrés, transitoire en principe, comprenant des enclaves nationales – Little Sicily pour les Italiens, Chinatown pour les Chinois, etc. – qui représentent à la fois des sas d’entrée spécifiques à ces communautés161, avec une vie sociale renvoyant peu ou prou à la formation sociale de provenance, et des zones de stagnation spatiale et sociale à partir desquelles les individus ou familles démontreront une vitesse d’intégration

160 Cf R.E. Park (1925), “La communauté urbaine. Un modèle spatial et un ordre moral”, in Grafmeyer, Joseph,

194, p 203. Nous ne pouvons nous empêcher de penser que c’est très “américain”, comme idéologie.

161 Grafmeyer parle de « formes transitoires d’adaptation » (1994, p 84), Wacquant de « sas d’acclimatation

moins rapide que pour l’espace urbain général. Ces premiers arrivants cohabitent dans l’habitat dégradé avec les populations les plus pauvres [slum], la délinquance et l’“immoralité” [vice] de la société locale [underworld]162 : on retrouve ici le tableau classique de la corrélation entre quartier pauvre, habitat dégradé et spéculation immobilière, bas loyers et concentration du prolétariat international (Wirth, 1928, pp 206-210). La sortie de ces “quartiers ethniques” représente une inclusion de ces populations dans le processus d’intégration générale, avec le dépassement de conditions de vie difficiles ainsi que l’abandon des caractéristiques culturelles et des pratiques traditionnelles qui se rattachaient à l’enclave et au pays d’origine. Le modèle indique en effet que la zone III représente une amélioration de leur condition professionnelle, sociale et de logement [workingmen’s homes] ; les enclaves ethniques ont disparu de cette zone, à l’exception du Deutschland qui est une continuité d’enclave (en l’occurrence pour les Juifs allemands) mais pour une population plus aisée et qui n’a pas fait le choix (ou n’y a pas intérêt dans l’immédiat) de l’intégration générale. La zone IV symbolise l’intégration totale et réussie dans la formation sociale hôte, « la “Terre

promise” », d’après l’expression de E.W. Burgess (in Grafmeyer, Joseph, 1984, p 140).

Louis Wirth (1928) a étudié en particulier le ghetto juif, dans son histoire, et aussi à Chicago en tant que sas d’entrée des diverses migrations juives, et leur capacité à en sortir et à s’intégrer dans la formation sociale environnante. Il est possible qu’il y ait une étape d’isolement supplémentaire (le Deutschland) pour les Juifs allemands aisés, voire encore qu’il y ait parfois un « retour au ghetto » face à l’hostilité extérieure (antisémitisme) et/ou aux difficultés d’intégrer le processus général (pp 269-287). Comme pour les autres “enclaves ethniques”, la règle générale de l’intégration et donc de la dilution du groupe repose sur une mobilité résidentielle proportionnelle à l’ancienneté de présence afin de permettre le processus d’adaptation-acculturation, ainsi qu’à la richesse accumulée pouvant offrir les conditions matérielles de l’ascension sociale. Wirth montre aussi que la pratique, le comportement et la durée de présence dans le ghetto sont différentes suivant les groupes de juifs en fonction de leur provenance, de leur moment d’arrivée et de leur durée de présence (pp 189-194, pp 212-213, p 231). Il faut signaler que pour Wirth, le ghetto se distingue des enclaves ethniques seulement par la population accueillie, les Juifs, et non par un isolement particulier ou plus important que pour les autres groupes étrangers : c’est un sas d’entrée et « un cas prolongé d’isolement social » comme il y en a pour les autres groupes (p 26, pp 289-297), le Juif de Wirth étant considéré comme l’archétype de l’immigrant (pp 30-31). De plus, le sociologue se garde d’une forme de langage trop “fermée” pour ce qui concerne ces enclaves qui ont la même fonction que les « zones de transition » mais avec une particularité culturelle et identitaire : il préfère parler d’ « accommodation », d’ « ajustement » et de « modus vivendi » pour qualifier les relations entre groupes minoritaire et majoritaire, et finalement de l’intégration par degrés, par paliers, de groupes de moins en moins étrangers avec le temps à la formation sociale environnante. Egalement, le ghetto n’est pas fermé hermétiquement de façon à empêcher l’installation ou la cohabitation professionnelle entre groupes différents mais faisant preuve d’une certaine proximité sociale (p 236). Encore, le

162

ghetto n’est pas une forme physique et sociale fixe une fois pour toute dans l’espace : elle est mouvante dans l’espace urbain à la fois en fonction de la mobilité de ses habitants et de la « succession » de groupes différents (pp 234-235). A la fin de son étude, Wirth précise d’ailleurs : « Le ghetto, tel que nous l’avons envisagé, est moins un fait physique qu’un état

d’esprit » (p 294). On perçoit chez Wirth une ambivalence gênante pour le géographe obsédé

par l’espace physique et l’usage du sol : le ghetto est un espace social qui est mouvant selon la mobilité de ses occupants, tout comme il finit par être un espace physique fixé d’une part par le marché foncier (bas loyers) permettant aux populations très modestes, donc aux immigrants, de s’y installer, et d’autre part par les différents groupes nationaux qui s’y succèdent au fur et à mesure de leur afflux et de l’intégration-mobilité des précédents dans la formation sociale environnante.

Il a été reproché à Wirth d’avoir ignoré les Noirs de Chicago, alors que sa période d’étude correspondait à leur immigration en provenance du Sud étatsunien et à leur “mise en ghetto”. Wirth les considère en fin de compte comme une population de migrants comme une autre, entrant dans le même jeu d’ « invasion » et de « succession » d’avec les autres groupes (pp 237-238), mais négligeant sans doute l’inertie des forces d’exclusion de la formation sociale environnante à leur égard. L’enclave des Afro-américains est cependant bien visible dans le modèle de Burgess : la « Black Belt » enjambe plusieurs cercles concentriques, et représente une zone de relégation où, malgré l’ascension sociale, le procès d’intégration ne permet pas d’en sortir et de participer au procès général. La description de M. Halbwachs en 1932 évoque pourtant une situation de ségrégation à l’égard des « nègres » dans la ville de Chicago, et même d’apartheid raciste163.

Le modèle de Burgess et l’étude de Wirth nous semblent primordiaux pour poser les jalons d’une théorie de l’installation et de l’intégration de groupes d’immigrants dans une formation sociale hôte. Ils posent :

- le principe d’adaptation puis de dilution des groupes minoritaires dans la formation sociale environnante, reposant sur l’ancienneté de présence ;

- le principe des quartiers ethniques comme sas d’entrée et lieu d’acculturation, et comme espace temporaire164 ;

- l’absence de fermeture totale, ou d’exclusivité totale de ces enclaves ethniques ;

- le principe de l’intégration des nouveaux arrivants à la formation sociale hôte comme trajectoire primordiale, les formes spécifiques d’intégration des groupes nationaux venant ensuite ;

- le principe des réseaux, des chaînes migratoires et de la solidarité mécanique dans la localisation des immigrants, jusque dans la raison historique de première installation165 ;

- le principe des barrières subjectives produites par la société environnante ;

163 Cf M. Halbwachs (1932), “Chicago, expérience ethnique”, in Grafmeyer, Joseph, 194, pp 283-331. 164 Cf Rainhorn J. (2006) sur les “Petites Italies” à Paris et New York.

165

- le principe du primat caché de la structure économique comme facteur de localisation des groupes nationaux (Wirth, 1928, p 234).

Le ghetto de Wirth renvoie à la question de la population minoritaire dans son rapport à la majorité, et inversement.

3) Le ghetto

Le recours au « ghetto » est devenu relativement courant pour évoquer une concentration ou un enfermement supposé d’une population immigrée qui aurait été mise à l’écart, ne se serait pas adaptée ou ne se serait pas intégrée dans la formation sociale hôte, et qui, last but not least, ne pourrait pas en sortir. Certains ont ainsi pu parler de « ghetto » pour les “grands ensembles” périphériques, populaires, à l’image socio-symbolique négative en raison des chroniques défavorables de leur mode de vie (délinquance, violence). La « ghettoïsation » renvoie à la fois à un processus d’auto-enfermement supposé, en tout cas d’aggravation des conditions de vie, et à un piège dont les habitants ne pourraient pas sortir. Le discours qui met en relation d’une part l’espace urbain physiquement dégradé et d’autre part l’origine géo-culturelle et le phénotype des habitants (immigrés), représente une occultation des divisions de classes et du rapport avec la société majoritaire : on sous-entend que ces populations sont responsables de leur situation et qu’elles n’ont qu’à s’en prendre à elles-mêmes.

Historiquement, le terme de ghetto prendrait son origine à Venise, où, encore aujourd’hui, est urbanistiquement visible un borghetto, un petit bourg sur un des îlots du nord de la ville, où était localisée la vie juive (habitat, école, institutions). Le ghetto juif se caractérise par la concentration de Juifs, l’exo-régulation de leur enfermement et de leurs sorties par les institutions extérieures, l’organisation propre de leur vie institutionnelle et économique interne, et un certain nombre d’interdictions (propriété foncière, mariages, professions, localisation résidentielle), etc. (cf annexe 3.4).

Aujourd’hui, la thématique du ghetto « qualifie plus largement toute forme de

regroupement spatial associant étroitement des populations défavorisées à des territoires circonscrits » (Grafmeyer, 1994, p 37), surtout quand il s’agit de populations immigrées ou

minoritaires. On peut généraliser en affirmant que le terme de “ghetto” est utilisé avant tout d’après le critère phénotypique (la couleur de la peau) et non la classe sociale des populations défavorisées. Pour L. Wacquant (2006), le ghetto est une forme institutionnelle de fermeture et de contrôle social, et pas seulement une entité topographique ou un agrégat de familles et d’individus pauvres. En suivant toujours L. Wacquant, « le terme de ghetto renvoie tantôt à

un secteur urbain borné, tantôt à un canevas d’institutions spécifiques à un groupe donné, tantôt à une constellation culturelle et cognitive (valeurs, symboles, façons de penser ou mentalité) impliquant l’isolement socio-moral d’une catégorie stigmatisée ainsi que l’amputation systématique de l’espace et des chances de vie de ses membres » (2005a, p 4).

interne, a permis aussi que le ghetto puisse être aussi perçu par ses habitants comme un lieu de protection et de vie sociale et culturelle très intense.

C’est le « ghetto noir » des villes étatsuniennes auquel fait référence L. Wacquant, à l’instar de D.S. Massey (1990) avec N.A. Denton (1995), en raison du degré d’enfermement, de misère sociale et de stigmatisation de sa population afro-américaine. A l’origine, la composition sociale du « ghetto noir »ne se caractérisait pas par la pauvreté, des classes sociales différentes le composaient. L’impossibilité de développer un jour une vie à l’extérieur les différencie des « quartiers ethniques », sas temporaires du modèle de Burgess166. Les Afro-américains ne sont donc pas tant des immigrés, appelés en principe à l’intégration nationale, que des étrangers de l’intérieur dont la situation repose sur une sédimentation historique de discriminations et de droits inférieurs : cette « ville noire dans la

blanche » (Wacquant, 2005b) se distingue avant tout par son homogénéité raciale,

homogénéité produite par la société blanche environnante ; elle est « le fruit d’une série

d’actes perpétrés consciemment par les Blancs et de règlements créés à cet effet » (Massey,

Denton, 1995, p 14).

La dynamique planétaire du capitalisme soulève la question de la position de la formation sociale politiquement et économiquement dominante – les Etats-Unis - à l’égard des autres formations sociales. Autrement dit, les Etats-Unis correspondent-ils à l’idéal-type qui, toujours d’une longueur d’avance, représente ce qui adviendra des formations sociales moins capitalistiquement développées en matière économique, institutionnelle, sociale, urbaine, etc. ?

4) La ségrégation positive

Phénomène paradoxal à première vue, d’aucuns soutiennent que la séparation, la ségrégation d’un groupe minoritaire peut représenter une forme de protection et de sauvegarde pour lui167. La logique de regroupement permettrait aussi de cultiver une vie