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Emigration – migrations internes immigration

LA QUESTION DE L’IMMIGRATION EN ITALIE

Chapitre 5 : L’immigration en Italie

I) Emigration – migrations internes immigration

Traditionnellement, en Italie, les débats en matière de mouvements de population ont toujours concerné l’émigration italienne, par définition en direction de l’étranger245. Les flux d’immigration en provenance de pays du Tiers Monde ont représenté quelque chose de tout à fait inattendu.

1) Un passé d’émigration

Officiellement en 2005, 4 millions d’Italiens résident à l’étranger. L’Italie est le pays de l’Union Européenne qui compte le plus grand nombre d’émigrés : pour 100 Italiens dans la Péninsule, il y en a 7 qui habitent à l’étranger.

245 La revue Studi Emigrazione, fondée en 1964, est la preuve de l’intérêt pour l’émigration de la part des

chercheurs italiens. Les institutions italiennes sont depuis longtemps à l’écoute de ces Italiens de l’étranger. Egalement, de nombreuses associations ont pour objet ces populations émigrées ; voir le site www.emigrazione- notizie.org .

De 1876 à 1970, 25 millions de personnes ont quitté l’Italie. Déjà à l’Unité, Paci (1992) reconnaît que la question migratoire est constitutive de la segmentation géographique de la Péninsule : à cette époque, les migrations définitives et internes assurent le développement du Nord. Au Centre, ces migrations sont saisonnières, basées sur les rythmes du travail (bâtiment, métayage) ; elles sont absentes au Sud, surtout celles de courte distance, avant de prendre une dimension carrément intercontinentale en direction du Nouveau Monde.

La crise économique de la fin du XIXè siècle a initié une émigration de masse. De 540 000 personnes en 1901, cette émigration est passée à 872 000 en 1913. De 1876 à 1900, elle a concerné 5 260 000 Italiens dont 30 % de la population du Mezzogiorno, et, de 1901 à 1914, 8 500 000 Italiens dont 45 % du Sud. Elle est le fruit de la crise d’une formation sociale reposant sur une agriculture à faible productivité. À cette période, les flux ont pris la direction du continent américain, en premier lieu l’Argentine et les Etats-Unis246, ainsi que les bassins miniers et sidérurgiques de France et de Belgique247. Dans des systèmes économiques locaux où la variable démographique pouvait porter préjudice à l’équilibre des ressources, l’émigration, surtout quand elle était temporaire et saisonnière, permettait de garantir le niveau de vie de la société locale, alors que l’émigration lointaine permettait l’évacuation d’un trop-plein de population. L’émigration tient ainsi lieu de soupape [valvola di sfogo] pour éviter une crise démographique-économique ; c’est un « puissant régulateur de

croissance »248. En tant que fuite économique et politique, elle permet aussi d’éviter un partage des ressources par la réforme agraire249.

Après la période du pouvoir fasciste qui instaura des restrictions à l’émigration250, celle- ci reprit de plus belle dès la Libération : « de 1946 à 1957, 1 100 000 Italiens avaient émigré

outre-Atlantique et 840 000 vers les pays d’Europe occidentale » (Colin et alii, 1994, p 241).

« La majeure partie des Italiens, qui s’expatrièrent outre-atlantique dans les années d’après-

guerre provenaient de Calabre, de Sicile, des Abruzzes et Molise et de Campanie. Les émigrés de ces régions représentaient environ 50 % de tous les expatriés d’outre-mer. Parmi les régions du Nord, c’était surtout la Vénétie et le Frioul-Vénétie Julienne qui présentaient les flux les plus importants vers l’étranger » (Baldi, Cagiano de Azevedo, 1999, p 24). Au début

des années 1950, l’émigration outre-atlantique, surtout vers l’Amérique Latine (Argentine,

246 La filmographie et la littérature sont particulièrement riches sur les immigrés italiens aux Etats-Unis.

247 De nombreux témoignages et études traitent de l’installation des Italiens dans diverses régions de France : la

métallurgie de St Etienne, le bâtiment en Normandie et en région parisienne (cf les travaux de Pierre Milza, les récits autobiographiques de Cavanna, etc.), l’agriculture dans le Sud-Ouest français.

248 De Sanctis, Livi Bacci, in Bardet, Dupâquier (dir)(1998), Histoire des populations en Europe. II La

révolution démographique, 1750-1914, Fayard, Paris, p 531

249

Cf. Pugliese (2000). Dans la grave situation économique du pays uu lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, le président du Conseil De Gasperi invitait les Italiens à apprendre les langues pour aller travailler à l’étranger.

250 Tombée en désuétude dès la Libération, cette norme restrictive de 1939 n’a pourtant été abolie qu’en 1961.

Durant toutes les années 1950, les migrants étaient donc dans une situation illégale aux yeux des autorités et du patronat, ce qui les plaçait dans les pires conditions de travail. « En réalité en 1939 la loi a été promulguée pour

éloigner le chômage des centres urbains et des obstacles quasi insurmontables ont été créés contre l'immigration dans les communes supérieures à vingt-cinq mille habitants ou du moins d'une importance industrielle conséquente » (Ascoli, 1979, p 111).

Brésil dans une moindre mesure)251, marque le pas au bénéfice des pays européens plus riches et dynamiques comme la Suisse et l’Allemagne ; à ce moment également, les retours au pays [rimpatri] sont particulièrement importants. L’émigration italienne vers les autres pays européens a été massive et surtout temporaire. Mais le phénomène le plus marquant de cette période concerne la reprise des migrations internes. Celles-ci ne représentent pas tant une forme de substitution à la mobilité vers l’étranger, elles s’y ajoutent : l’émigration italienne vers l’étranger ne sera jamais aussi importante que durant le “miracle économique italien” des années 1950-1960 durant lequel les flux internes participaient à la restructuration économique du territoire national (Pugliese, 2002).

2) Les migrations internes

Exode rural, industrialisation et urbanisation sont les trois ingrédients aboutissant à la dynamique des migrations internes en Italie252. Déjà au début du XXè siècle, dans certaines régions (mais pas dans les régions de métayage), les montagnes se vident au profit des plaines industrieuses ; l’industrialisation naissante constitue un appel d’air pour des populations rurales subissant une mutation de la structure agraire où les pâturages à transhumance cèdent le pas à l’agriculture mécanisée des plaines. Les années 1950 et 1960 sont le théâtre d’une forte émigration intérieure du Mezzogiorno vers les grandes villes manufacturières du Nord, en particulier vers le “Triangle industriel”, ainsi que ver la capitale nationale, Rome253. De 1951 à 1965, le “Triangle industriel” a absorbé 113 000 personnes par an ; les chiffres les plus élevés ont lieu durant le “miracle économique” de 1958-1963. Ces migrations internes vers les grandes villes du Nord relèvent en fait d’un exode rural massif, puisque, en lien avec la réduction de l’emploi agricole, ce sont les campagnes du Sud, et plus particulièrement les communes de moins de 20 000 habitants, qui fournissent les bataillons de main d'oeuvre peu qualifiée pour l’industrie, après un passage par le bâtiment. A ce véritable appel d'air de main d'oeuvre surnuméraire s’est conjugué un processus de substitution de la force de travail dans le territoire d'accueil, durant lequel les jeunes hommes du Sud ont concurrencé les femmes et les travailleurs âgés, qui, moins compétitifs, ont été évincés du marché du travail (Ascoli, 1979, p 129).

Les migrations internes se justifient à partir du moment où s’affirment des zones attractives dans la Péninsule. À partir des années 1970, le tarissement des flux vers le Nord s'explique en partie par le début de la crise de l'industrie manufacturière, notamment de l'automobile à Turin, la décentralisation industrielle, la crise du fordisme plus généralement. À partir de ce moment, la mobilité résidentielle inter-régionale devient moins importante que

251 S. Lacunza “ « Quando venivate da noi… » : esplode l’ira nel Mercosur” (il manifesto 03/07/2008)

252 En plus de la migration rural-urbain, une migration moins visible rural-rural en provenance de campagnes

plus pauvres a pu remplacer les ruraux de campagnes vidées. Ainsi, des bergers sardes ont-ils pu s'installer dans la campagne toscane. Cf Ascoli, 1979, pp 111-114.

253 Les immigrés de Turin et de Milan viennent surtout des Pouilles et de Basilicate, alors que Rome est plus

concernée par des flux en provenance de ses régions proches que des foyers principaux d’immigration du Mezzogiorno. L’évolution temporelle des flux migratoires épouse l’évolution de la croissance économique. Cf les graphiques in Gambi (1973) pp 401, 404 et 405.

les déplacements intra-provinciaux, de plus faible distance (Tinacci Mossello, 1986). En outre, les nouvelles populations prennent leur place dans la division locale du travail au sein d’un processus d’ascension sociale des travailleurs autochtones : les immigrés occupent les postes d’ouvriers tandis que les travailleurs locaux sont employés dans les services (Bagnasco, 1986).

Au début des années 1970, survient un basculement migratoire au cours duquel l’Italie passe de la situation de pays d’émigration à pays d’immigration (cf. figure 5.1). En soixante ans, l’émigration extérieure est passée de 1913 à 1962 puis 1971, de 24 ‰ à 7,2 ‰ puis 3 ‰. La fin de l’expatriation des Italiens a des causes internes et externes : elle est avant tout la conséquence d’une plus grande attractivité des territoires internes, et elle est secondairement liée au ralentissement économique des pays européens d’accueil, lesquels font appel à d’autres immigrés (Marocains, Algériens, Espagnols, Portugais, Turcs) aux salaires inférieurs. Le tarissement de l’émigration italienne vers les pays du Centre européen a ainsi été antérieur au retournement de ces pays en matière de politique d’accueil et de fermeture des frontières (1973) : ces changements de politique migratoire ne constituent pas la cause de la fin de l’émigration italienne. De plus, à partir de la fin des années 1960, les migrations internes en provenance du Mezzogiorno diminuent progressivement (sans toutefois disparaître), témoignant du développement économique général du pays.

Figure 5.1 : Le retournement du solde migratoire. 1955-2007

3) Un nouveau pays d’immigration

« Tu le sens, ce parfum, demande soudain Mohamed, tu le sens, mon ami ?

A cette heure de la nuit, le vent vient d’Italie. Ça c’est le parfum de l’Italie »

in F. Gatti (2008), p 288

C’est à partir du recensement général de la population de 1981 que les Italiens se sont aperçus que leur pays était devenu un pays d’immigration. Les années 1970 avaient représenté un tournant dans les flux migratoires de l’Europe occidentale : de traditionnels fournisseurs de main-d’œuvre du Centre européen, les pays de l’Europe méridionale sont devenus de nouveaux pays d’immigration (Montanari, 1993 ; Barsotti, Lecchini, 1989). Cette mutation repose sur plusieurs phénomènes concomitants : 1) le développement économique de l’Italie, qui rattrape son retard et fournit donc moins de raisons économiques de s’expatrier, 2) le début de la crise économique internationale, 3) la fermeture des frontières des pays de vieille immigration. Les politiques restrictives vis-à-vis de l’immigration de ces pays ont effectivement eu pour objectif de freiner l’immigration de travail et de s’en tenir au regroupement familial. La conséquence a été la ré-orientation des flux migratoires vers les pays d’Europe méridionale qui n’avaient que peu d’histoire en la matière.

En tant que nouveau pays d’immigration, il faut rappeler que l’Italie n’a pas encore atteint les proportions d’étrangers sur son sol des pays européens d’immigration traditionnelle (Allemagne, France, Grande-Bretagne) : les chiffres suffisent à réduire la portée des discours sur l’ « invasion » des étrangers en Italie. En 2006, l’Italie compte 45,5 étrangers pour 1000 habitants, alors que la moyenne européenne est de 56,6 : elle est à la quinzième place de l’échelle européenne pour la présence d’étrangers résidents. Plusieurs éléments généraux distinguent l’Italie des autres pays européens d’immigration plus ancienne : 1) la grande diversité des provenances, donc l’absence de suprématie d’un type de communauté, 2) l’absence de liens culturels et historiques de type colonial avec les pays d’origine des migrants (sauf pour les Somalis et Erythréens), et 3) le rythme à la fois récent, bref et intense du phénomène d’immigration.

Avec sa situation géographique, l’Italie présente nombre d’éléments pour être un pôle d’attraction des flux migratoires. Au milieu de la Méditerranée, cette « dernière frontière

avant l’Europe » (Clochard, 2003), avec plus de 8 000 km de côtes, la Péninsule est située

face au continent africain et à portée du Proche-Orient. Au flanc sud de l’Europe, extrême appendice méridional, elle représente une porte d’entrée vers les pays plus riches du continent, et peut présenter une étape transitoire des courants migratoires vers l’eldorado. Egalement, la proximité avec l’Europe centrale et orientale, particulièrement touchée par les conflits des Balkans des années 1990, fait que l’Italie est une destination proche. Les médias ont relaté – et relatent encore – l’issue tragique de nombreux épisodes de traversées en Méditerranée et en Adriatique, qui des Albanais en 1991 et en 1997 (Campani, 1992, 1997), des Kurdes en 1997, ou des Africains dans les années 2000. Il me faut cependant pas oublier que les aéroports internationaux de Rome et de Milan sont aussi des portes d’entrée pour les

migrants en possession d’un visa d’entrée. Les enquêtes de la part de journalistes, tels Serge Daniel (2008) et Fabrizio Gatti (2008) qui relatent les conditions de voyage effroyables des migrants africains, ont fait connaître au grand public la dure réalité de cette migration intercontinentale254.

4) Les difficultés de la mesure de l’immigration

La mesure de l’immigration est particulièrement complexe. On doit d’abord avoir à l’esprit que seulement une partie des immigrés sont “visibles” dans les statistiques officielles. Par définition, l’immigration illégale et clandestine, estimée à 235 000 présences en 1998 par la Caritas (1997, p 130) et à plus 800 000 en 2006, est occultée. De plus, les estimations de l’immigration légale, régulière [regolare], reposent en fait sur un grand nombre de sources, et on doit admettre que la photographie exacte à un moment donné de la population immigrée est impossible (Natale, Strozza, 1997). De plus, les comparaisons internationales sont parfois délicates, de par la diversité des systèmes administratifs d’enregistrement et des dispositifs juridiques propres à chaque pays. Dans les pays de longue tradition d’immigration, les “secondes générations” ne sont pas comptabilisées parmi les étrangers. Autre exemple, en Espagne, pays souvent comparé avec l’Italie, l’état civil enregistre même les extra- communautaires dépourvus de titre de séjour, ce qui n’est pas le cas de l’Italie.

Les immigrés clandestins sont ceux qui sont entrés illégalement sur le territoire. Le spectre de l’immigration illégale est plus vaste que l’immigration clandestine : elle comprend les clandestins mais aussi les étrangers qui sont entrés légalement – le plus souvent par un visa touristique – mais qui sont restés au-delà de la limite que leur permettait leur titre de séjour. Paradoxalement, ce sont les différentes régularisations [sanatorie] qui permettent d’estimer a posteriori la présence effective de l’immigration illégale sur le sol italien.

Les diverses sources statistiques – Ministère de l’Intérieur, Ministère du Travail, l’état civil [anagrafe] des communes, le recensement de la population, etc. – n’ont à l’origine pas été conçues par rapport au phénomène de l’immigration, surtout avant 1990 car les administrations n’y ont pas été immédiatement préparées. Les deux catégories principales caractérisant l’immigration légale sont :

- Les “étrangers résidents” [stanieri residenti] : ce sont les étrangers qui résident sur le sol italien et qui sont comptabilisés par l’Institut national de Statistiques I.S.T.A.T.. Ces chiffres se basent sur les recensements décennaux ainsi que sur les déclarations de résidence effectuées sur l’état civil [anagrafe] des mairies [comune]. Progressivement, l’I.S.T.A.T. tiendra compte des différentes sources pur procéder à des corrections.

- Les chiffres des permis de séjour fournis par le Ministère de l’Intérieur [Ministero

dell’Interno]. Les dossiers de la Caritas (1997, 2004) se basent essentiellement sur ces

chiffres. Les détenteurs de permis de séjour en règle sont des “séjournants” [soggiornanti].

254 Voir aussi Eff C. (2006), “Far West (parcours de migrants). 11 600 km et des poussières”, in Vacarme n°35,

Les chiffres des étrangers résidents et des permis de séjour correspondent rarement, même si la détention d’un permis de séjour en règle est obligatoire pour qu’un étranger s’inscrive sur son lieu de résidence. En général, les chiffres du Ministère de l’Intérieur sont supérieurs à ceux de l’ISTAT. Mais rien n’est simple. En résumé, on peut dire que l’ISTAT sous-estime la proportion d’immigrés car leur inscription dans leur commune de résidence n’est pas obligatoire, les changements de résidence ne sont pas toujours déclarés, mais aussi que l’Institut la surestime en raison des permis périmés dont elle n’a pas connaissance. De plus, des mairies ont pu parfois négliger les opérations d’enregistrement, voire les corriger des années plus tard (cas de Rome pour le recensement de 2001)255. Sans parler du climat pré- électoral xénophobe de 2001 qui a dissuadé nombre d’étrangers de répondre correctement aux questionnaires de recensement. La sous-estimation du nombre d’étrangers résidents en Italie est corroborée par la réalité de l’immigration illégale. A l’inverse, les chiffres des permis de séjour du Ministère de l’Intérieur surestiment le nombre d’étrangers : le total présenté en fin d’année civile compte les nouveaux permis, si ceux-ci ont le temps d’être enregistrés (au cas contraire ils sont comptés sur le lot de l’année suivante), ainsi que ceux qui sont périmés en cours d’année ; et un renouvellement peut compter pour deux permis. Les permis de séjour de courte durée sont comptés par le Ministère de l’Intérieur mais pas par l’état civil. D’après la Caritas, les chiffres du Ministère de l’Intérieur sont surévalués de 10 %. Progressivement, les administrations ont cependant mis en place des procédures de correction, afin d’approcher de la réalité la plus exacte. Avant cette mobilisation des institutions à partir des années 1990, les chiffres nationaux de l’immigration étaient largement surestimés, et les estimations sérieuses reposaient sur quelques enquêtes régionales ou locales (Calvanese, 1983 ; Barsotti, Lecchini, 1989 ; Natale, Strozza, 1997). En général, on ajoute 20 à 25 % aux “résidents” pour s’approcher du chiffre des “présents” (pour notamment prendre en compte les mineurs de moins de 14 ans, et tenir compte des écarts de comptabilité entre les déclarations et les enregistrements officiels, etc.).

Les informations quantitatives sur l’immigration en Italie n’en sont pas moins devenues sérieuses et riches. Après la Caritas, l’ISTAT a développé, à partir de 2006, des rapports de plus en plus complets sur un grand nombre de caractéristiques de ces populations. Nous nous y référerons, surtout de manière synthétique ou partielle. Face à la fragilité de ces chiffres, le principal est dans ce domaine de tenir compte des tendances et des caractéristiques structurelles concernant les populations immigrées.

Etrangers [stranieri], immigrés [immigrati], extra-communautaires [extra-comunitari], néo-communautaires [neocomunitari], les nombreuses expressions afférant aux migrants en Italie sont nombreuses et peuvent regrouper des catégories objectives et subjectives différentes selon les populations et les contextes :

- Dans le langage commun, les “étrangers” [stranieri] désignent la catégorie a priori la plus large, (elle comprend aussi les touristes). Dans les relevés de l’ISTAT, les étrangers sont ceux qui déclarent une autre nationalité. L’application du droit du sang (jus sanguini) fait que

255 Cortese (1986) signale, pour les recensements d’avant 1981, la surestimation des Danois dont le codage (10) a

les enfants nés sur le sol italien de parents étrangers n’obtiendront pas automatiquement la nationalité italienne : ce sont des “étrangers nés en Italie” (160 000 en 2001), enregistrés en tant qu’étrangers résidents ; ces “secondes générations” commencent à être l’objet d’études.

- Les immigrés [immigrati] sont plus nombreux que les étrangers. Ils comprennent les étrangers nés à l’extérieur du pays, auxquels s’ajouteront les Italiens nés à l’étranger et les Italiens par naturalisation [acquisizione] qui représentent 271 000 personnes en 2001256. Le plus souvent, les immigrés sont venus en Italie pour des raisons économiques et par regroupement familial.

- Les “extra-communautaires” [extra-comunitari] concernent par définition tous les étrangers qui ne sont pas ressortissants de pays de l’Union européenne ; il s’agit donc également des Etats-Uniens (personnel et familles des ambassades et des bases de l’O.T.A.N.), des Canadiens, et même des Suisses… et même des Polonais ou autres ressortissants d’Europe orientale jusqu’à il y a peu. Dans le sens commun - et au moment de notre recherche sur le terrain - les extra-comunitari désignent plus particulièrement les immigrés des pays pauvres, du Tiers Monde ou d’Europe de l’est.

- Les ressortissants de l’Europe orientale deviendront des neocomunitari selon l’entrée de leur pays dans l’UE. En 2004, dix nouveaux pays ont été intégrés, dont la Pologne, puis la Bulgarie et la Roumanie le 1er janvier 2007. A l’inverse de certains pays appartenant déjà à l’UE, alors que cela a eu lieu pour les nouveaux entrants de 2004 (Math, Viprey, 2004), il n’y a pas eu pour l’Italie de régime de transition vis-à-vis de la Roumanie et de la Bulgarie : en principe, la libre circulation a été quasi-immédiate pour les Roumains en 2007, faisant suite au grand nombre d’entrées de Polonais en 2006 (ISTAT, 2008c, pp 253-258), mais en réalité les arrivées de Roumains en Italie ont commencé vers 2002 avec l’abolition des visas (Diminescu, 2002). Le processus d’intégration progressive dans l’UE et de l’ouverture des frontières doit être pris en compte pour comprendre la dynamique et le rythme des flux en