• Aucun résultat trouvé

LA QUESTION DE L’IMMIGRATION EN ITALIE

III) La crise démographique

Au recensement de 2001, l’Italie compte 57 millions d’habitants. La population totale se répartit pour 26 % dans le Nord Ouest, pour 19 % dans le Nord Est, pour 19 % au Centre, 24,5 % dans le Sud et 11,5 % dans les Iles. Plus d’un tiers de la population italienne est concentrée dans trois régions : la Lombardie (région de Milan), la Campanie (Naples) et le Latium (Rome). Les taux de croissance de population sont plus élevés au Centre-Nord qu’au Sud où ils sont souvent négatifs. Traditionnellement, le Mezzogiorno était la réserve démographique de la Péninsule, mais cette caractéristique n’est plus valable.

La croissance démographique des villes repose plus sur l’immigration que sur une croissance naturelle endogène. La baisse de la natalité dans les villes italiennes, surtout celles du Nord, est une réalité depuis le XIXè siècle (Gambi, 1973). Les migrations – exode rural de proximité ou interrégional – ont toujours eu un rôle fondamental dans le développement des villes italiennes.

1) La crise de la natalité

La baisse de la natalité est un processus lent et continu qui s’est étalé sur tout le XXè siècle et qui s’est accentué depuis les années 1970. Cette crise démographique relève d’une tendance sociétale lourde : chute des naissances, mariage et premier enfant tardifs, baisse du nombre d’enfants par famille, dans une société où les jeunes couples ont du mal à trouver les conditions de l’indépendance et de la sécurité économique, notamment à cause des carences en logements. Avec 1,35 enfant par femme en 2006, l’Italie compte maintenant parmi les pays en dessous de la moyenne européenne (1,52). Le taux de fécondité a même été le plus bas de l’Europe des Quinze en 1994, avec 1,19 enfant par femme, ce qui constituait un minimum historique. La tendance a affecté en premier lieu le Centre et le Nord. La faiblesse des politiques sociales concernant le soutien aux mères - le manque de soutiens institutionnels aux familles avec enfants, la faiblesse du congé maternité – n’aide pas les femmes à concilier vie familiale et vie professionnelle, ce qui est reconnu comme une cause structurelle de la baisse de la fécondité en Italie201.

Le solde naturel devient négatif dès le début des années 1990, la population augmente grâce au solde migratoire : « c’est une situation substantiellement opposée à celle d’il y a

quarante ans […] quand le solde naturel compensait le solde migratoire et représentait la totalité de la croissance de la population, et cela donne d’une certaine façon une idée des changements profonds qu’a connus la population italienne dans les dernières décennies »

(Baldi, Cagiano de Azevedo, 1999, p 92). La natalité en Italie finit par être assurée par les populations étrangères, dont la fécondité est plus importante : avec en 2001 un taux d’accroissement naturel proche de 0 et un taux d’accroissement migratoire de 3 pour 1000,

201 Cf. C. Saraceno “Le donne tra responsabilità lavorative e familiari”, 30/01/2003,

l’Italie présente une croissance démographique annuelle qui dépend à 97 % de l’immigration202.

2) Le vieillissement de la population

En complément de la crise des naissances, le vieillissement de la population s’est progressivement accentué : l’Italie présente un des taux de population âgée les plus élevés d’Europe. Le pourcentage de la population de plus de 65 ans est passé de 15,3 % (8 700 185 personnes) en 1991, à 18,7 % en 2001 (10 646 874). Les indices de vieillesse203 et de dépendance204 sont particulièrement élevés, et ils augmentent dans la presque totalité des régions. « Les dépenses “vieillesse” et “survie” représentent 63,4 % des dépenses de

protection en Italie en 2000 contre 46,4 % en moyenne dans l’Union européenne » (note 3 in

Hege, Math, 2004).

Le vieillissement de la population concerne surtout les régions de l’Italie centrale, notamment en Toscane, et de Nord-Ouest, ainsi que plus généralement les zones montagneuses ainsi que les centres urbains du Nord (cf annexe 4.2). Avec 52 % en 2001, la Toscane est une région où le poids des personnes qui ne sont pas en âge de travailler est supérieur aux actifs réels ou potentiels. Cette caractéristique est confirmée par le poids important des personnes âgées par jeune enfant pour cette région (4,8) alors que le chiffre national est de 3,4. Après 2001, les indices de dépendances sont en effet devenus supérieurs à 50 % pour la majeure partie des régions, à l’exception de quelques-unes du Mezzogiorno où il tend même à décroître depuis 2001. La Ligurie atteint même en 2006 un indice de 61 %.

3) Une mutation démographique

En dehors de la période fasciste, il n’y a eu de la part de l’État italien de politique de la famille, celle-ci étant traditionnellement dévolue à l’Eglise catholique. De manière générale, l’évolution de la famille italienne rejoint progressivement les standards des autres pays européens en matière de diminution de la taille, d’augmentation des familles de personnes seules ou de couples non mariés avec enfant, avec grosso modo un retard structurel des régions du Mezzogiorno en la matière (Saraceno, 1998).

Une prise de conscience de cette crise démographique pourrait déboucher sur une autre considération des apports migratoires : « Même les flux migratoires, qui parfois sont évoqués

202

Lecture effectuée à partir de la page 2 de F. Héran (2004), “Cinq idées reçues sur l’immigration”, in

Population & Sociétés n°397, janvier,

http://www.ined.fr/fichier/t_publication/482/publi_pdf1_pop_et_soc_francais_397.pdf

203 L’indice de vieillesse [indice di vecchiaia] mesure le rapport entre les personnes de 65 ans et plus, et celles

ayant moins de 14 ans.

204 L’indice de dépendance [indice di dipendenza] est le rapport entre, d’une part les personnes de moins de 14

ans et celles de 65 ans et plus, et d’autre part la population ayant entre 15 et 64 ans. Il indique ainsi le rapport entre la population n’étant pas encore ou n’étant plus en âge de travailler, et celle qui est comprise dans la force de travail.

comme l’antidote le plus efficace contre le processus de vieillissement, ne pourront fournir des effets substantiels. Seulement pour maintenir constante l’évolution d’ensemble de la population aux niveaux actuels et empêcher le déclin numérique qui serait produit par le solde naturel négatif, un afflux d’environ 50 000 nouveaux immigrés par an est nécessaire. Pour arrêter le processus de vieillissement, des flux au moins dix fois supérieurs seraient nécessaires, et ceux-ci ne pourraient être absorbés par le tissu économique et social actuel sans créer de graves problèmes d’accueil et d’intégration »205. De la part de tous les analystes, la crise démographique ne pourra être résolue que par l’apport migratoire. Cette question se pose cependant de manière différente selon que l’on se situe au Nord ou au Sud de l’Italie, et elle semble loin de résoudre les problèmes inhérents aux grands déséquilibres territoriaux : « Dans le Sud, les conséquences de la dénatalité sur le déclin et sur le

vieillissement de la population sont en outre accentuées, par rapport au Nord, par une moindre attraction des immigrants étrangers et par l’importante reprise, ces dernières années, de flux de sortie de jeunes à la recherche de meilleures perspectives vers d’autres parties du pays »206.

IV) La question de l’État et le système de régulation dualiste