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La division sociale de l’espace 1) Définition

DE LA DIVISION SOCIALE DE L’ESPACE

Chapitre 2 : Espace, capital et migrations

II) La division sociale de l’espace 1) Définition

La division sociale de l’espace renvoie à la forme spatiale que prend la division de la société suivant le rapport social dominant ; on devrait normalement parler de division spatiale de la société, pour bien indiquer, dans une démarche anti-positiviste, que c’est de la société que part cette division, que c’est elle qui donne sa forme à l’espace. Nous emploierons cependant l’expression de “division sociale de l’espace” par commodité car elle est entrée dans le langage courant, et du fait que son sens correspond bien à celui de division spatiale de la société. Également, nous n’adoptons pas l’expression de « reflet » – la division spatiale comme “reflet” de la division sociale – car trop mécanique : nous préférons parler de “traduction” pour renvoyer à la multiplicité des formes que peut prendre une division sociale dans l’espace, donnant toute sa portée à l’importance du contexte historique ou géographique dont il peut être question130.

La division sociale de l’espace correspond aux différences de répartition et de localisation résidentielle des groupes sociaux ou catégories sociales dans un espace donné. De même que le rapport social dominant divise la formation sociale en deux classes fondamentales, on peut établir des “binômes spatiaux” renvoyant à cette division sociale : quartiers ouvriers / quartiers bourgeois, “beaux quartiers” / “grands ensembles” populaires, bidonvilles / enclaves résidentielles [gated communities], etc., renvoient à des portions

130 « C’est que la ville n’est pas un simple reflet des rapports sociaux de production, leur infrastructure

technique et leur support géographique ; c’est également le champ de pratiques économiques, politiques, idéologiques qui visent à parer aux contradictions du système » (Lipietz, 1974, p 27).

d’espaces urbains socialement différentiées et identifiéées. La division sociale d’un espace est le fruit historique de la lutte des classes qui s’y est exercée, c’est-à-dire l’héritage des diverses divisions qui ont caractérisé la formation sociale suivant la succession des modes de production historiquement et géographiquement donnés. Dans une formation sociale actuelle où domine le mode de production capitaliste (p. ex. l’Italie), la division sociale de l’espace renvoie à la distribution spatiale des différentes catégories sociales selon des formes historiquement et géographiquement données : les territoires, régions ou villes, présenteront une distribution spatiale des catégories sociales suivant un éventail de caractéristiques (politiques, économiques, culturelles, etc.) historiquement sédimentées, dans le creuset des rapports sociaux hiérarchiquement organisés. C’est la raison pour laquelle l’espace est organisé selon une division sociale, qu’un espace est qualifié en fonction de cette division sociale.

Par glissements successifs, la division sociale de l’espace renvoie à : - la différence ou différenciation : c’est l’étape du constat ;

- l’homogénéité et l’hétérogénéité, pour qualifier la répartition spatiale d’après une égalité supposée ;

- la séparation : le terme le plus couramment employé est celui de ségrégation.

C’est la ville, l’espace urbain, qui est la formation spatiale la plus sujette à la division sociale de l’espace, en raison des effets d’agglomération et de différenciation de populations et d’activités dans toutes leurs diversités (Grafmeyer, 1994, p 31). Sous le vocable de “ségrégation”, la sociologie et la géographie urbaines, particulièrement en France mais aussi ailleurs, ont étudié la division sociale de l’espace, tant sous l’angle épistémologique que par l’étude des villes (Brun, Chauviré, 1983a, 1983b ; Brun, 1994 ; Préteceille, 1995 ; Grafmeyer, 1991). La recherche urbaine française d’inspiration marxiste du début des années 1970 avait d’ailleurs posé la distribution des classes sociales dans l’espace urbain comme une conséquence du système de production capitaliste et de la nécessité de reproduction de la division de la société en classes (Castells, 1972 ; Castells, Godard, 1974 ; Topalov, 1989 ; Castells, 1994).

2) La séparation, la ségrégation

En général, sauf indication contraire, la ségrégation sociale que l’on mesure est la ségrégation résidentielle, c’est-à-dire à la fois le procès et l’état de séparation des espaces résidentiels des catégories sociales, l’espace de résidence étant l’espace de reproduction premier de la force de travail. La ségrégation physique par l’espace de résidence n’est cependant pas la seule forme de séparation sociale : elle se combine avec d’autres formes d’évitement déterminées par la hiérarchie sociale, comme le logement, la mobilité, ou encore l’école (Oberti, 2006 ; Van Zanten, 2006).

Le concept de séparation, ou de ségrégation, n’est imprécis qu’à condition de ne pas le rapporter à la multitude des formes sociales et spatiales auxquelles il peut se référer dans la vie concrète. Il est important de se poser les questions suivantes : 1) qui sépare, 2) qui est séparé, 3) suivant quel processus. Etymologiquement, segregare signifie mettre à l’écart : il est donc question de deux agents au sein d’un rapport social de domination manifeste, c’est-à- dire un rapport d’inégalité. Enfermement, isolement, relégation, déportation, exil, bannissement, réclusion, assignation, etc., sont parmi les termes évocateurs de séparation sociale dans l’espace. La séparation-ségrégation révèle un rapport de pouvoir : il s’agit de discerner qui est maître du processus. La réalité amène ainsi à distinguer la séparation exo- régulée, où la catégorie dominée, le plus souvent minoritaire, est mise à l’écart par la catégorie dominante - ségrégation au sens commun -, de la séparation endo-régulée où la catégorie séparée a organisé sa propre mise à l’écart. Au lieu de ségrégation endo-régulée, on parlera aussi d’agrégation car il s’agit le plus souvent d’un regroupement volontaire ou maîtrisé.

L’apartheid d’Afrique du Sud et les Etats-Unis d’avant les droits civiques sont l’archétype de la ségrégation explicite, politiquement revendiquée, institutionnellement organisée. La ségrégation raciste, présente dans de nombreuses sociétés et à divers moments historiques, comme par exemple en régime colonial, est sans doute la plus affirmée. Les rapports sociaux coloniaux et/ou racistes reposent par principe et dans la réalité concrète sur la revendication de la séparation par peur du mélange et sur l’affirmation de la domination.

Le plus souvent, les ségrégations actuelles sont implicites, tacites, indirectes, même si elles n’en sont pas moins visibles. Par définition, la ségrégation au sein d’une formation sociale dont le rapport social dominant est celui de l’exploitation capitaliste ; elle repose sur les ressources économiques : profession, revenu, statut. C’est la ségrégation économique qui fonde le processus fondamental de séparation. Ainsi, ce sont les catégories sociales économiquement les plus défavorisées qui en sont les victimes : les classes populaires obligées de résider dans tel ou tel quartier, en “banlieue” ou dans le centre dégradé, dans un espace qui lui est de fait assigné vues ses possibilités économiques d’accéder à tel espace résidentiel, à tel logement. A l’opposé du spectre social, le phénomène d’agrégation concerne les catégories aisées, comme la grande bourgeoisie dont les stratégies spatiales ont été étudiées par Pinçon et Pinçon-Charlot (2000, 2001, 2004, 2007), ou bien encore les classes moyennes supérieures (ou une partie d’entre elles).

Le plus souvent actuellement, le caractère pacifié des rapports sociaux, pourtant inégaux, a soulevé la question du choix et de l’intentionnalité quand des phénomènes de ségrégation/agrégation semblent relever d’une interprétation évidente : des groupes sociaux défavorisés adopteraient des stratégies de séparation vis-à-vis des autres, un regroupement affinitaire interprété comme une stratégie communautaire de protection. En son temps, l’Ecole de Chicago avait privilégié cette interprétation d’identification et d’appropriation du quartier en tant qu’espace de vie, à la communauté (Grafmeyer, Joseph, 1990)131. On attribue aussi

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communément aux immigrés cette faculté de regroupement, témoignant d’une soi-disant « impossibilité d’intégration ». Nous répondons à ce problème par deux impondérables :

- la prégnance de la séparation en tant que procès, qui mobilise leurs actes au-dessus des individus, dans le niveau des structures et des institutions ; dans le champ des migrations internationales, on fait aussi allusion aux réseaux et aux chaînes migratoires ;

- les inégalités de pouvoir des différentes classes en fonction de leur position dans la hiérarchie sociale (principe du choix contraint). En effet, la capacité de choix est proportionnelle à la position dans la hiérarchie sociale : l’agrégation des classes favorisées et des classes défavorisées ne relèvent pas du même procès, pour les premières il s’agira d’un phénomène endo-régulé, mais exo-régulé pour les secondes.

3) Distance sociale, distance spatiale

L’homogénéité sociale supposée des quartiers idéal-typiques – bourgeois, populaire, ouvrier, etc. – fait allusion à la corrélation entre distance sociale et distance spatiale – ou entre proximité sociale et proximité spatiale - que l’on peut résumer par l’expression commune : « qui se ressemble s’assemble », où la distance spatiale serait proportionnelle à la distance sociale. En ce cas, rares seraient les unités spatiales où la proximité spatiale atténuerait ou effacerait la distance sociale, selon les concepts de coexistence, cohabitation, mixité, mélange ou brassage. Le plus souvent, l’homogénéité totale – par agrégation bourgeoise ou ségrégation populaire - comme le mélange total sont, sauf cas exceptionnel, inexistants à l’échelle des quartiers d’une ville. Se raccrocher à la mixité sociale renverrait au mythe de l’effacement des frontières sociales et spatiales, du brassage social. Cela soulève cependant deux types de problèmes : 1) la question de l’échelle considérée (quartier, rue, immeuble, cage d’escalier, etc.), et 2) la question de la coexistence spatiale de groupes sociaux différents ou de classes sociales antagonistes132 : les relations inter-individuelles dans la réalité quotidienne n’ont pas forcément lieu en terme de conflits de classes.

L’article “culte” de Chamboredon et Lemaire, écrit en 1970, sur la proximité spatiale et la distance sociale dans un grand ensemble français, peut rapidement amener à la conclusion de l’incompatibilité de coexistence résidentielle entre catégories sociales distinctes. Les deux sociologues rapportent que la proximité spatiale n’efface pas les barrières sociales, qu’elles soient de classes ou générationnelles. En fait, l’objectif de l’article ne portait pas tant sur la mixité sociale que sur la prégnance des conditions objectives de vie des habitants (conditions matérielles, trajectoire sociale), à l’encontre des discours psychologisants d’une part sur la coexistence sociale et d’autre part sur le mal-être supposé des habitants “dans le béton”. Il s’agissait de battre en brèche les discours sur la résolution des problèmes sociaux par

132 « La présence dans un même espace résidentiel de populations très diverses ne préjuge pas des modalités de

leur coexistence. Une relative proximité spatiale peut aussi bien favoriser les relations sociales qu’exacerber les

tensions, selon les cas. Seule une analyse des représentations et des pratiques permet de se faire une idée satisfaisante des rapports entre groupes sociaux en présence » (Grafmeyer, 1991, p 103).

l’architecture et l’urbanisme, en insistant au contraire sur la place des agents dans le procès de production133.

On peut se rapporter à quelques exemples de coexistence socio-spatiale. A l’échelle d’une métropole, d’une ville ou d’un quartier, on mesure toujours des parts relatives de catégories sociales (cf Préteceille sur Paris). Et on peut supposer que, pour les villes européennes au moins, la majeure partie des quartiers témoignent d’un certain mélange social centré sur les classes moyennes. A plus grande échelle, on peut rappeler le modèle social de l’immeuble haussmannien où les habitants résidaient à des étages différents suivant leur classe sociale. A propos des immigrés espagnols et portugais dans les beaux quartiers parisiens, Taboada Leonetti (1987) rappelle aussi la coexistence entre le personnel domestique et les familles bourgeoises, dans le cadre d’une économie de domesticité, avec cependant une pratique de l’espace à la fois strictement et tacitement séparée. Ce cas révèle que c’est l’efficace du rapport d’exploitation qui justifie de la nécessité de la proximité spatiale ; a contrario, l’amélioration de la position sociale de ces immigrés, souvent par changement professionnel, s’accompagne d’une distanciation spatiale. On retrouvera cette problématique à propos des domestiques et du personnel de soins à domicile [colf, badanti] étrangères à Florence et dans les villes italiennes.

Récemment en France, la question de la « mixité sociale » a fait débat. La mixité sociale – sous-entendue : dans l’espace – renvoie à un fond d’idéal égalitaire qui suppose non pas tant une égale distribution dans l’espace de catégories sociales différentes, voire de classes sociales opposées, qu’une intégration des populations les plus modestes, la ségrégation socio- spatiale les pénalisant très fortement134. Cet objectif – politique – peut s’opérer dans deux directions ; dit de manière caricaturale, il s’agit d’installer soit des pauvres chez les riches, soit des riches chez les pauvres. En réalité, on ne parle de mixité sociale souvent que pour les quartiers populaires, pas pour les quartiers bourgeois. Il s’agit effectivement, en détruisant des barres ou tours des “grands ensembles” des quartiers populaires, d’une part de les remplacer par un habitat de standing inabordable pour les anciens habitants, et d’autre part de procéder à une dispersion des pauvres, comme si résoudre la concentration spatiale des problèmes sociaux revenait à résoudre la question sociale. Cette dispersion se traduit en réalité, pour les ménages les plus défavorisés, par leur re-concentration, in situ ou ailleurs, dans le même type d’habitat (Lelévrier, 2010). Il serait trop long ici de revenir sur la politique de la ville en France, sur l’objectif de la loi Solidarité et Renouvellement Urbains de 2000 (20 % de logements sociaux dans les communes urbaines) et la rénovation urbaine postérieure : préservation du tissu social des quartiers bourgeois et rénovation-évacuation des catégories populaires font partie du bilan critique. La mixité sociale peut ainsi servir de prétexte à une

133 Castells (1972) a aussi fait une critique de l’idéologie urbanistique : « “changer le cadre de vie, c’est changer

les rapports sociaux” » (p 282).

134 « Le postulat de la mixité dans les politiques urbaines est bien que le mélange de groupes sociaux différents

dans les lieux de résidence est une condition nécessaire à l’intégration des plus pauvres et à la cohésion sociale de la nation. La concentration urbaine de populations pauvres serait en elle-même productrice d’effets négatifs allant de la dévalorisation progressive de ces espaces urbains à des difficultés de gestion pour les communes, en passant par des difficultés individuelles d’intégration des populations » (Lelévrier C., “Les politiques de lutte

politique d’urbanisme de remplacement des logements sociaux dégradés, où se concentrent les populations les plus défavorisées, par un habitat inaccessible pour ces dernières, mais qui l’est pour les classes moyennes ou supérieures.

4) Conditions de la division sociale de l’espace

a) La ville comme théâtre historique de la séparation sociale

De la part de nombre d’écrivains, décrire la ville par la distribution spatiale de ses groupes sociaux, en mettant en exergue leur localisation relative comme productrice du paysage urbain, a été un exercice assez courant. Comme Balzac décrit Angoulême dans les

Illusions perdues, les différents quartiers de la ville, identifiés par la classe sociale la plus

affirmée, symbolisent leur lutte historique pour leur prééminence politique et économique. Dans La situation de la classe laborieuse en Angleterre, par les descriptions des conditions de vie et de logements des habitants de Manchester, F. Engels (1844) livre un des chefs-d’œuvre de la géographie sociale (cf annexe 3.2). On pourrait ainsi multiplier les descriptions de division sociale de l’espace suivant les villes et montrer que si chaque cas est unique dans sa forme, la distinction des parties de l’espace urbain suivant des différences de distribution spatiale entre les classes dominantes et les classes dominées est une récurrence135.

Le procès de séparation met en jeu des mécanismes de distinction qui se traduisent dans l’espace par une ségrégation effective, avec des formes et des degrés différents suivant les formations sociales concernées ainsi que les époques (Fourcaut, 1996). Ainsi au Moyen Age, la division socio-spatiale avait lieu suivant la structure des ordres et des espaces de travail, contribuant à une spécialisation fonctionnelle particulière des quartiers. Aussi, au XIXè siècle, la ségrégation a plus lieu entre rues principales et rues secondaires, entre percées nouvelles et voies labyrinthiques anciennes qu’entre quartiers. L’apparition de l’urbanisme se chargera de la mise en ordre spatial des catégories sociales, et surtout des catégories populaires, avec la technique du zonage des espaces : un fonctionnalisme ségrégatif était né136.

b) La division spatiale en procès

Souvent, les quartiers de la ville sont qualifiés selon leur fonction économique dominante : quartiers d’artisans, d’affaires, de commerce, etc. Dans la ville moderne et médiévale, les professions, les corporations donnaient leur caractère et leur identité au quartier. L’évolution urbaine mobilise les principes d’agglomération, de sélection et de dissociation. Le principe d’agglomération évoque un processus de concentration sur une portion d’espace restreinte, de population mais aussi des fonctions économiques et politiques supérieures, de commandement, ces dernières engendrant un processus d’attraction sélective s’auto-alimentant, la centralité. Par conséquent, à la hiérarchisation fonctionnelle correspond

135 Cf Pinol J.L., “Les historiens et les phénomènes de ségrégation”, in Brun, Rhein, 1994, pp 59-71. Cf R.E.

Park (1925), in Grafmeyer, Joseph, 1984, p 88 ; McKenzie (1925), in ibid., p 166

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une hiérarchie spatiale. La sélection en procès engendre des procès de séparation et de dissociation, fonctionnelles, sociales, spatiales, qui distinguent le centre (attractivité sélective, centralité) et le reste de l’espace, la périphérie (répulsivité, attractivité subalterne). Dans le schéma classique, toutes les centralités de la ville correspondent ; dans la ville contemporaine, suivant les cas, il peut y avoir une disjonction entre centre géographique et hiérarchie fonctionnelle voire sociale, suivant le modèle de la sectorisation. On en trouve des exemples à propos des très grandes villes : à Paris avec le glissement vers l’ouest de la hiérarchie fonctionnelle (La Défense) et sociale (16è arrondissement, Neuilly/Seine)(Chombart de Lauwe, 1965 ; Grange, 1993 ; Pinçon, Pinçon-Charlot, 2001 ; 2004, pp 14-16)137 à l’opposé des quartiers et banlieues orientales de la capitale, à Londres avec sa division est / ouest, à Bruxelles, à Madrid, etc., comme à Florence.

Dans la ville moderne, production (travail) et reproduction (résidence) partageaient le même espace, voire le même lieu : la distance entre les deux était souvent réduite. La ville contemporaine, à l’issue du procès de maturation capitalistique (industrialisation et tertiarisation), a engendré une dissociation physique entre ces deux espaces, contribuant à donner à la mobilité une importance concrète dans l’espace urbain et dans la vie quotidienne des urbains actifs. La décentralisation des activités économiques a lieu à une échelle urbaine plus petite, prenant en compte la périphérie urbaine. La division fonctionnelle de l’espace est concentrique (emplois au centre / résidence en périphérie ; emplois tertiaires au centre / emplois industriels en périphérie) et sectorielle (zones d’activité industrielle, commerciale, tertiaire). La dynamique capitaliste a contribué à différencier l’usage économique du sol et à spatialiser la division capitaliste du travail dans l’espace urbain, notamment en accentuant la dichotomie centre / périphérie de la division fonctionnelle de l’espace. Rejeton de la mondialisation, la métropolisation représente une exacerbation de la dissociation entre espace de commandement et espace du travail.

La question de l’opposition entre centre et périphérie est également intéressante du point de vue du procès d’intégration des agents dans l’espace urbain, c’est-à-dire dans le champ social de la formation sociale en question. Rappelons deux modèles formels (tableau 3.1) :

- le modèle de l’intégration138 spatialement centripète de “la ville européenne” où les nouveaux habitants (migrants, étrangers ou ruraux, et débutant leur cycle de vie) s’intègrent de la périphérie urbaine au centre ville ;

- le modèle de l’intégration spatialement centrifuge de “la ville nord-américaine” tel qu’il a été élaboré par E. Burgess et l’Ecole de Chicago (cf infra).

137 Ce qui fait se lamenter L. Chevalier (1958) : « L’exode des bourgeois vers les quartiers neufs aggrave les

conditions matérielles de ces quartiers du centre où ne résident plus que les catégories les plus basses […]. Les travaux d’Haussmann et la création de larges avenues, bien percées, bien bâties, bien aérées, arrêteront cet exode et ramèneront dans le centre bourgeois et commerçants » (p 339). Cf aussi Cohen J. “Les dynamiques

spatiales des emplois et les mutations du système productif dans la métropole parisienne”, in Martens A., Vervaeke M. (dir)(1997), pp 157-178.

138 Le concept d’intégration peut être entendu aussi comme mobilité sociale ascendante mais pas exclusivement.