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b) La politique montagne métropolitaine : une héritière de cette décentralisation du rapport à la montagne ?

C’est dans ce terreau de la décentralisation que le rapport entre la politique et la montagne a pu faire son chemin. Les territoires de montagne, comme tous types de territoires locaux, ont dû faire face à de nombreux défis : construire de nouveaux rapports avec les acteurs locaux, concevoir des stratégies de développement qui leurs sont propres ainsi que trouver le territoire pertinent pour le développement et la gestion. Si on regarde le cas de Grenoble-Alpes Métropole c’est dans un nouvelle recomposition territoriale et une nouvelle étape de décentralisation que la montagne entre dans son agenda politique. Ce choix pourrait alors avoir, non qu’il soit prémédité, une valeur symbolique. On va expliquer cela à partir d’un raisonnement construit autour d’une ambiguité.

On trouve une première ambiguité sur le rapport entre la montagne et l’État et le rapport que souhaiterait entretenir la métropole avec celle-ci. La montagne qui est ciblée, notamment dans le rapport de l’Acte II de la loi montagne, n’est pas celle de la métropole. La montagne de la loi montagne est rurale alors que la métropole a une grande partie de son territoire qui est urbanisé. Ainsi on suppose que la métropole ne s’affirme pas en tant que territoire de montagne afin d’être reconnu comme tel auprès de la loi montagne. De plus la loi montagne a une logique de zonage et la métropole grenobloise, en concevant sa politique montagne, ne chercherait pas a entrer dans cette logique. Ce choix aurait davantage pour motivation de se détacher un peu plus de l’État plutôt que de rester dans une logique d’attente envers lui.

En effet, la montagne a été au coeur de la décentralisation des années 1980. Faire le choix de se saisir de la montagne comme objet politique pourrait se traduire par l’affirmation même de la métropole grenobloise. Cela marquerait une étape supplémentaire de la décentralisation. La

montagne ne serait plus seulement une affaire entre l’État et le local mais entre la métropole et l’extra-local. C’est peut-être dans ce sens que souhaitait s’orienter Jean-Jacque Queyranne, lors de son mandat de président à la Région Rhône-Alpes, à l’occasion du projet de propositions de stratégies pour l’Acte II de la loi montagne. Celui-ci encourageait les métropoles à se saisir de la montagne en créant notamment un poste de vice-présidence à la montagne.

Cependant il y a une légère ambiguité à se saisir de la montagne. La montagne n’est pas une compétence comme on pourrait déléguer les questions du transport, de l’économie ou de l’agriculture. Lorsque l’État décide de se saisir de la montagne en pariant sur l’auto- développement de ses territoires, il ciblait, comme on l’a dit, les territoires ruraux dont la pente et l’altitude sont à la fois un handicap mais aussi vecteur d’une valorisation de ses spécificités. On ressent, dans les discours, cette difficulté à se saisir de la montagne et surtout on perçoit cet embarra à se représenter une politique montagne propre à la métropole. Les élus, les agents et les acteurs extérieurs qui ont travaillé sur cette question semblent tiraillés entre le fait d’assumer une politique montagne au sein du territoire métropolitain et l’attirance irrépressible vers les territoires voisins qui correspondent davantage à cette image conçue et véhiculée depuis un siècle par les politiques de la montagne. On a de nombreux exemples pour illustrer cela.

Il y a tout d’abord la mission de stage qui distingue à l’origine deux volets de la politique montagne : un volet propre au territoire des 49 communes et un volet avec les territoires voisins. Malgré le travail fourni sur le diagnostic amont et la volonté de la vice-présidente de faire une politique montagne qui concerne les 49 maires, les discours de nombreux techniciens, notamment ceux en haut de la hiérarchie, abordent plus souvent la coopération avec les territoires voisins. Ce fut notamment le cas lors de l’entretien avec un conseiller du cabinet. L’ensemble des sujets abordés faisait référence aux territoires voisins : «  savoir comment on communique avec les stations voisines », « On a des enjeux de déplacement qui se posent, ligne Grenoble - Gap  » etc. Il affirme même ne pas voir une politique propre aux communes de la métropole : «  C’est peut-être sur les communes de Chartreuse, là où ça nous parait le plus évident, car c’est là qu’on est sur de vraies communes montagnardes. Typiquement pour nos communes qui sont membres du PNR du Vercors c’est plus des communes de coteaux, voire de plaine en fait, on n’est pas vraiment sur un espace montagnard ». La métropole, pour lui, jouerait un rôle «  d’animateur  » afin que les différents échelons territoriaux discutent et coopèrent avec pour échelon central les PNR. Il y a les PNR qui ont un périmètre hors métropole et à l’intérieur de la métropole, le rôle de la métropole serait alors de faire en sorte que les communes du territoire métropolitain hors PNR puissent avoir leur mot à dire à leur sujet.

Nous avons aussi rencontré cette vision lors des premières entrevues avec l’Agence d’urbanisme de la région grenobloise. La politique montagne ne pouvait se faire sans les territoires voisins. Cependant, après avoir travaillé ensemble sur la conception de l’atelier d’élus, l’un des urbanistes qui a fait l’objet d’un entretien avoue avoir changé de regard, notamment avec la lecture des diagnostics. Il affirme qu’il avait précédemment une vision de la montagne par « sujets » et que ceux-là concernaient évidemment davantage les territoires extérieurs à la métropole. Il voyait ensuite davantage la commande comme une attente pour remonter les besoins du territoire.

La distinction d’une politique par sujet ou selon le territoire spécifique est bien le noeud de l’ambiguité de la politique montagne, ce qui pose problème lorsque l’on souhaite trouver son référentiel. Faire une politique par « sujet » pourrait revenir à s’inscrire dans l’imaginaire construit et stabilisé de la montagne. Faire une politique selon les spécificités du territoire revient davantage à affirmer la position de la métropole, ce qui n’empêche pas de coopérer avec les territoires voisins. En effet, les territoires voisins sont un « piège ». Soit on les considère comme incarnant le référentiel global de la montagne en politique, soit ils s’inscrivent dans une démarche de coopération sur des aspects interterritoriaux (M. Vanier, 2010). Lors des entretiens, il est demandé si les différents protagonistes de cette politique s’accordent tous sur son « intention » et la réponse est toujours affirmative. Cependant, on perçoit une différence d’ambitions : soit la métropole souhaite s’affirmer comme un territoire de montagne comme ceux désignés par la loi montagne, soit elle souhaite s’affirmer comme un territoire métropolitain qui intègre la montagne dans sa stratégie.

Sans faire un choix prospectif sur les possibles sens que pourra prendre la politique montagne, on va à présent analyser les possibles influences à deux niveaux. Le premier niveau concerne la volonté de coopérer avec les PNR et territoires voisins alors que le second niveau concernera exclusivement le territoire métropolitain.

2. Réflexion autour d’une politique montagne métropolitaine avec les PNR et

territoires voisins : Quelles influences incitant à la conception de liens ville-

montagne ?

La question du lien entre ville et montagne est une piste évoquée à multiples reprises dans le cadre de l’élaboration du projet de politique montagne. Il paraît en effet incontournable pour un territoire aussi hétérogène de réfléchir à ce lien entre le bas et le haut. Avec un découpage institutionnel et une superposition avec les territoires de projets que sont les PNR, ce lien passe tout d’abord par la construction d’une nouvelle gouvernance (S.Gouin, .J-P.Delorme, G. Hanus, 2015). On va dans un premier temps s’intéresser à la coopération entre territoires hétérogènes à partir du cas des PNR (R. Lajarge, 2000 ; R. Lajarge, N. Baron, 2016) et ensuite à la stratégie alpine de coopération entre métropole et montagne.