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b) Comprendre le fonctionnement intercommunal grenoblois

La dimension métropolitaine de l’intercommunalité est un pas supplémentaire vers l’autonomie des territoires et leur demande de « passer de l’articulation des territoires à la transversalité et à l’interterritorialité ». L’hétérogénéité du territoire par la fusion d’EPCI de qualités différentes et le gain d’autonomie de la métropole par rapport aux autres collectivités demande à Grenoble-Alpes

Métropole de se définir à la fois à une échelle « mondiale » (ou au moins nationale et européenne) tout en déployant sa « stratégie locale de développement ». Or, la démarche intercommunale ne se décrète pas mais se construit et l’intercommunalité de Grenoble semble avoir une réputation davantage de «  coopérative  » (S. Louargant, D. Le Bras, 2015). L’histoire de l’intercommunalité grenobloise résonne avec les constats que l’on a fait précédemment. A l’aide de la publication des deux auteurs cités ci-avant, on va retracer quelques éléments de cette histoire.

La difficulté de la coopération intercommunale entre Grenoble et sa périphérie remonte à 1947. Fontaine, Saint-Martin-d’Hères et Échirolles se rassemblent pour former le premier dispositif de collaboration entre communes à l’échelle de l’agglomération. L’idée était de former un syndicat intercommunal des eaux de la région grenobloise (SIERG) pour répondre à la gestion d’adduction de l’eau. Cette collaboration est très vite rejointe par Grenoble et quelques petites communes. Grenoble veut « un nombre de sièges proportionnel à sa contribution financière au sein du conseil syndical » ce qui sera refusé catégoriquement par les autres communes. Grenoble se défait alors de la collaboration dès 1948 ce qui rend impossible la conception de cette structure intercommunale spécialisée dans la gestion de l’eau entre ville centre et la proche banlieue. Cette histoire aura un impact sur le paysage de l’intercommunalité locale sur deux sujets. Ce différend installera une « bipolarisation de l’agglomération grenobloise ». On gardera pendant longtemps le triptyque des communes communistes avec les diverses communes sans-étiquette face à la commune de Grenoble. Le deuxième sujet sera la définition d’une «  conception de l’intercommunalité égalitariste »

L’élection d’Hubert Dubedout à la municipalité de Grenoble en 1965 changera la nature de ces rapports. Tout d’abord parce que l’ensemble de l’agglomération aura une majorité de gauche et aussi parce qu’il s’opposera au plan directeur d’urbanisme de l’agglomération élaboré par la précédente municipalité de Grenoble. Ce contact rétablit un certain nombre de syndicats qui verront le jour, sur les problèmes d’urbanisme, sur les réalisations ainsi que le syndicat intercommunal de la région grenobloise (Sirg). Au vu des réticences encore présentes de la part des communes périphériques, le maire de Grenoble prend un certain nombre de dispositions pour que ces syndicats fonctionnent : prise en charge financière d’une bonne partie des syndicats, admission de la représentation égalitaire des communes membres, présidence des syndicats par un maire de petites communes (Sassenage).

En 1971 est éditée la loi Marcellin qui vient relancer la démarche d’intercommunalité. Les élus optent pour un syndicat intercommunal à vocations multiples pour ne pas remettre en cause la souveraineté communale. En 1973 fusionnent les deux syndicats qui donne naissance au «  syndicat intercommunal d’études, de programmation et d’aménagement de la région grenobloise  » (Sieparg), composé de 23 communes. Elles financent en commun les transports collectif, la construction de zones d’activités économiques et scientifiques, la création d’équipements structurants etc. Cependant le syndicat n’évoluera pas vers d’autres missions. En 1992 est créée la loi sur l’administration territoriale de la République qui relance encore une fois le processus de coopération intercommunale grenoblois. Au vu du fonctionnement antérieur de l’institution intercommunale, la création d’un EPCI créé ou réveille des crispations car cette loi soumet que l’intercommunalité s’émancipe par rapport aux communes membres. Les

négociations en faveur du fonctionnement interne de la communauté et la possibilité de profiter des avantages financiers avec la majoration de la dotation générale de fonctionnement feront changer d’avis les derniers réfractaires. Le syndicat deviendra ainsi communauté de communes en 1994. Le directeur général de la désormais «  Métro  » dira que cette communauté de communes ne tenait qu’au gain de fonds proposés par la loi : la logique du bâton et de la carotte. Le choix de la communauté de communes permettait le cadre le plus souple et garantissait aux communes le maintien de leur souveraineté. Dans la décennie 1990, l’intercommunalité continue de fonctionner comme une « coopérative » qui finance les projets des uns et des autres. En 1995 la présidence de l’intercommunalité ne revient par au maire de Grenoble (Michel Destot) ou aux communes qu’il soutient mais au maire de Seyssins (Didier Migaud). S’installera alors une concurrence entre maire de Grenoble et président de la Métro ce qui définira le paysage de la dynamique intercommunale à partir de 1995.

De ce fonctionnement naît un phénomène particulier. La Métro devient la scène «  de la connivence et des arrangements, où s’impose la pratique de la négociation et du compromis » ce qui donne une intercommunalité politiquement « molle ». En contrepoids se forge une montée en puissance de l’expertise ce qui, dans un premier temps, apporte un déséquilibre sur les champs traités. Les champs techniques comme le transport, le tri sélectif ou l’assainissement seront correctement entrepris ce qui sera moins le cas des champs plus politiques comme la politique de la ville, le développement économique, etc. Cela donne une intercommunalité gestionnaire et non mobilisée pour une «  cause  », un projet. L’intercommunalité restera longtemps dans un consensus mou, laissant l’impression d’une démarche « forcée » où les élus se rendent compte que certain sproblèmes ne peuvent plus être gérés à l’échelle communale mais la construction intercommunale n’ira pas plus loin. L’élection de Marc Baïetto en 2010 confirmera de nouveau ce fonctionnement. Il voulait construire une «  politique métropolitaine  » mais ayant été élu par les petites communes il se retrouve contraint à ne pas modifier les habitudes politiques jusque-là entretenues. Ce phénomène est maintenu par le double leadership présent depuis la conception de la communauté de communes entre le maire de Grenoble et le président de la Métro, souvent élu et sous l’emprise des autres communes de l’agglomération.

c) Une attitude des élu(e)s empreinte de l’héritage intercommunal grenoblois