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c) Coopérer autour de l’objet « montagne » pour penser une future méga métropole ?

Parler de coopération avec les PNR et les territoires voisins, notamment avec la relation ville/ montagne, n’est pas anodin dans la construction d’une politique montagne propre à Grenoble- Alpes Métropole. Lorsque l’on cherche à expliciter la construction de son référentiel, un élément du contexte vient nous interroger et demande des précisions. Le carnet de bord explique la manière dont s’ancre la politique montagne au sein de l’organisation des services. On a pu constater qu’elle était associée à une vice-présidente à la forêt, l’agriculture et la montagne et n’était pas suivie par le service agriculture, forêt mais par le pôle coopération territoriale. La politique montagne a fait l’objet d’une ouverture de poste, celui-ci intégré donc à ce pôle coopération. Lorsque l’on compare avec la ville de Grenoble, ou avec la région et le département,

http://www.alpine-region.eu/france/index.html 4

ceux-ci associent tous la mission montagne au service tourisme, alors on se pose la question de ce choix de la part de la métropole. Ce choix se révèle extrêmement révélateur de l’intention de notre politique, surtout lorsque l’on observe les autres missions du pôle coopération ainsi que le passé relativement proche de la coopération au sein de la région Rhône-Alpes. Le chargé de missions à la coopération territoriale est occupé du suivi de la re-conception d’un pôle métropolitain entre le pays Voironnais, le communauté de communes du Grésivaudan et Grenoble-Alpes Métropole. Il est aussi chargé d’une coopération renouvelée avec la métropole lyonnaise. On indique ici le renouvellement de démarches, car les coopérations entre villes ou intercommunalités sur des sujets inter-territoriaux rien sont pas à leur première tentative.

C’est notamment ce qu’explique Pierre Antoine Landel dans sa publication « La métropole et ses relations extérieures ou l’impossible institutionnalisation des relations extra-métropolitaines  ». Il expose l’importance qu’ont les métropoles de se mettre en réseau pour exister à diverses échelles : « La métropole à peine construite, se pose la redoutable question de la gouvernance des relations qu’elle pourra construire avec d’autres territoires ». Dès le début des années 1990, la conception par l’État des Plans États-Région, qui deviendront les Contrats de Projets États- Régions (CPER), poussent les agglomérations à se mettre en réseau afin d’être le plus visibles possible et rentrer ainsi dans le cercle de décision. Dès 1995 il y a des rapprochements entre Lyon et Grenoble sur le plan scientifique et l’investissement des grosses infrastructures. En 1997 a lieu la Conférence des villes centres donnant aux villes un positionnement spécifique à l’échelle régionale. Cependant «  l’invisibilité politique  » et le manque d’investissement laissent le réseau encore faible. En 2000 avec l’appui de la Région est conçu un réseau des villes moyennes qui regroupent 24 villes centres de plus de 10 000 habitants. Dans un même temps les villes de Chambéry, Aix-les-Bains, Annecy et Annemasse tentent un rapprochement sur les questions de coopérations et de promotion territoriale, ce qui donnera lieu, en 2003, à la Conférence des départements du Sillon Alpin.

Les termes « Sillon Alpin » seront introduits au début du XXème siècle par Raoul Blanchard. Ils prendront une signification politique au début du XXIème. En effet, en 2004, une réponse conjointe fut déposée entre deux groupements au sein de la région Rhône-Alpes à un appel à projet de la DATAR sur la coopération métropolitaine. Le premier groupement donna lieu à la «  Région urbaine de Lyon  » et le deuxième au «  Sillon alpin  ». «  Ces dynamiques de proximité confirment l’intérêt des grandes villes pour le développement périurbain, même s’il est relativement éloigné, mais aussi leurs difficultés à partager la construction métropolitaine avec d’autres ». Malgré la difficulté de penser la gouvernance, l’intérêt des territoires dans les débuts du projet était grand. Cependant ces premières tentatives de coopération inter-territoriale ne furent pas une réussite. Concernant le Sillon Alpin, celui-ci ne pris pas en compte la composante « montagne » qui pouvait donner sens à la spécificité alpine de ce Sillon. L’étalement spatial prit le pas sur les enjeux périurbains et la co-évolution des métropoles. En 2010 ensuite, dans le cadre de la Réforme territoriale, fut développé un outil de «  coopérations interurbaines  » nommé le « pôle métropolitain ». Celui-ci avait pour objectif de relier les agglomérations de plus de 300 000 habitants composées d’une ville centre d’au moins 150 000 habitants. Le Sillon Alpin reprit ainsi forme dans le cadre d’un syndicat mixte composé de sept communautés d’agglomération, dont

celle de Grenoble, et d’une communauté de communes. L’objectif était encore une fois de travailler conjointement sur des sujets à but inter-territoriaux : «  mobilités plus durables  », «  ressources locales valorisées dans un nouveau rapport ville/montagne  » etc. Le résultat fut décevant, le Sillon Alpin ne donna naissance qu’à deux projets culturels, « quand se rapprochent les échéances électorales, les velléités s’estompent ». Il s’éteignit pour donner naissance à une forme de coopération plus locale : le syndicat mixte Véga entre la métropole grenobloise et le pays Voironnais. Ce dernier fut clôturé au changement d’exécutif en 2014.

Ainsi on en revient au début, en disant qu’avec la nouvelle construction territoriale de l’intercommunalité grenobloise, son changement d’exécutif et son acquisition du statut de métropole, Grenoble-Alpes Métropole cherche à rétablir une coopération extra-territoriale. Elle le fait dans le cadre d’un nouveau pôle métropolitain et d’une tentative de coopération avec Lyon mais la politique montagne a aussi son rôle à jouer. On a pu dire plus tôt que la « dimension » montagne n’avait pas été donné aux différentes conceptions du Sillon Alpin. Les nouveaux liens obtenus avec les PNR grâce à la fusion confère à la métropole grenobloise de nouvelles possibilités de coopération. Les PNR jouent un véritable rôle de tampon entre les intercommunalités. Le PNR du Vercors est commun avec le pays Voironnais, l’espace Belledonne l’est avec la communauté de communes du Grésivaudan et le PNR de la Chartreuse est commun à tous.

Cela rejoint une stratégie à moyen et long terme qu’expose le Directeur Général des Services pour la métropole grenobloise. Pour lui la coopération avec les PNR serait un premier pas vers la coopération intégrée et constructive avec les territoires voisins. Cette coopération avec les PNR pourrait notamment se faire à travers les «  contrats de réciprocité  » qui est un nouvel outil de coopération urbain-rural proposé par la DATAR. Le DGS voit ces contrats de réciprocité comme un premier pas de la coopération dans un court terme (2020). La seconde étape sera ensuite de communiquer avec les territoires intégrant les différents PNR. Cette démarche s’inscrit quelque peu parallèlement au pôle métropolitain, sans rentrer dans la même stratégie.

Ces éléments confirment que l’intention de la politique montagne se base sur la recherche d'interaction et de coopération. Cependant l’actualité institutionnelle vient remettre en cause cette stratégie ou va au contraire pousser la métropole grenobloise vers une encore plus forte autonomie. Les récentes élections départementales et régionales ont modifié le courant politique qui les portait. Ces collectivités étant devenues de droite, leurs logiques et stratégies ne se synchronisent pas avec celles de Grenoble-Alpes Métropole. Leur vision de la montagne comme ressource touristique (tourisme du ski) à soutenir (développement des canons à neige notamment) ne correspondent pas notamment aux idéologies des PNR. L’Espace Belledonne qui était en démarche de construction de son PNR craint pour son avenir. Les nombreuses coupes financières sur ces dispositifs vont aussi mettre en difficulté les PNR Vercors et Chartreuse. Cela peut donc être défavorable pour la stratégie de la métropole grenobloise de coopérer avec des territoires qui ne sont pas favorisés par la Région. On peut rappeler qu’au début des années 1990 si les villes ont cherché à coopérer c'était pour avoir une bonne visibilité au niveau de la Région. Coopérer avec les PNR voudrait dire aller à l’encontre de la stratégie de la région et apporterait

des désaccords sur la conception des CPER (le prochain est signé fin 2016). De plus, de nombreux outils et fonds passent par la signature de la Région, comme c’est le cas des financements LEADER, mais cela peut aussi être le cas de ce nouvel outil tel que le contrat de réciprocité. La question qui se pose alors est : Comment faire «  sans  » la Région et gagner en autonomie ? C’est un enjeu qui se révèle important pour le pôle coopération et donc la politique montagne.

3. Quelles influences dans la posture institutionnelle de la métropole ?

Le point précédent présente un ensemble de cadres institutionnels pouvant expliquer et guider l’intention politique de la métropole grenobloise et cela spécifiquement sur la projection des interactions avec l’extérieur. Ces projections rentrent dans la définition globale des «  règles du jeu » que souhaitent définir les acteurs pour la métropole (S. Louargant, D. Le Bras, 2015). Après avoir analysé le référentiel institutionnel dans lequel pouvait s’inscrire la métropole à propos de son lien avec l’extérieur, on va s’intéresser à la politique montagne dans la définition des règles du jeu métropolitain. Comme aurait pu l’écrire Pierre Muller et plus récemment Sophie Louargant et David Le Bras dans l’ouvrage Faire Métropole, de nouvelles règles du jeu ? , «  les acteurs, 5 quoiqu’ils fassent ensemble, produisent des règles ». Ces règles sont en perpétuelle fabrication et régulent les interactions, « elles sont liées à un projet d’action commune » (J.-D. Reynaud). Gérer ces interactions permet « à un système de conserver une certaine cohérence et de fonctionner de façon relativement stable  ». Ainsi, l’ensemble des actions métropolitaines sont une forme de régulation. On se pose alors la place de la politique montagne dans cette définition des règles du jeu et ainsi dans la régulation de l’institution. Dans cette démarche on va chercher à savoir si la politique montagne hérite du fonctionnement intercommunal grenoblois ou si elle s’en détache. Il ne s’agit encore pas ici d’étudier le rapport qu’a ou qu’a pu avoir l’intercommunalité avec la montagne mais de comprendre comment l’intention, par les discours, souhaite définir le rôle de la politique montagne dans les règles du jeu général de la métropole.

a) Retour sur les indices du rôle de la politique montagne dans la construction