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On a explicité que la politique montagne métropolitaine pouvait avoir un rôle de médium afin de réguler la gouvernance au sein de la métropole et de définir cette métropole aux yeux des territoires voisins. Le message que porte ce médium est celui du lien. Cependant cela ne nous dit pas concrètement ce qui fait l’objet de ces liens et ainsi de quoi pourra être composée la politique, ce qui définira aussi le rapport qu’entretient la métropole avec la montagne. On a, à plusieurs reprises, donné des indices à cela en sous-entendant que la montagne pouvait aussi jouer un rôle en terme de construction métropolitaine. Les référentiels de la montagne qui ont été conçus à l’échelle française et européenne ne semblent pas exactement correspondre à celui qui est en construction à l’échelle métropolitaine. Pourtant on ressent la forme de conflit que l’on a énoncée plus tôt entre la montagne sectorialisée et une montagne comprise comme territoire complexe. En voilà la démonstration :

On a une vice-présidente à la forêt, à l’agriculture et à la montagne. Comme on a pu le faire remarquer, l’agriculture et la forêt sont des secteurs reconnus du référentiel de la montagne en

Cf. « Un acte II de la loi montagne pour un acte renouvelé de la nation avec les territoires de 8

politique, ce sont aussi des sujets traités depuis longtemps dans les politiques de l’EPCI grenoblois. La montagne est, rappelons-le, un nouvel objet politique pour l’intercommunalité. En l’associant à l’agriculture et à la forêt, une ambiguité va émerger. On a remarqué que dans la politique montagne, le sujet de l’agriculture et de la forêt apparaissait beaucoup alors qu’il existe parallèlement une politique agricole notamment avec une nouvelle stratégie alimentaire et une tentative de gestion des forêts depuis aussi longtemps. Cependant, avec la politique montagne on considère la montagne comme objet englobant l’agriculture et la forêt. Il semble y avoir alors un conflit dans le titre de la vice-présidence ou une volonté de transition : le passage du sectoriel à une vision globale du territoire. Mais on ne se limite pas à l’agriculture et à la forêt car la politique montagne souhaite aussi aborder l’ensemble des objets politiques de la métropole : le transport, le tourisme, l’éducation à l’environnement, l’urbanisme, l’économie, le paysage, la culture, etc. On souhaite donner du « relief aux politiques métropolitaines » (DGA cohérence territoriale). Certains voient même en la politique montagne non pas une nouvelle politique mais un socle environnemental auquel toutes les politiques métropolitaines devraient s’adapter (atelier 1 d’élus). C’est sûrement pour cela que l’on confie la politique montagne au pôle coopération et non pas au service agriculture ou tourisme. Cela pourrait aussi expliquer les quelques conflits internes et anecdotiques avec les autres services qui pourraient percevoir la politique montagne comme faisant concurrence à la fois aux autres politiques et à l’essence même de leur sectorisation. Le référentiel de la politique montagne est alors extrêmement complexe. Il serait à la fois un médium vers une nouvelle forme de gouvernance et de coopération et un médium vers une stratégie métropolitaine dé-sectorialisée. Or, pour que tout cela fonctionne, il faut aussi que la montagne soit considérée comme objet de la politique, et les élus, lors de l’atelier, touchent du doigt une conception du territoire métropolitain basée sur son environnement de montagne. Nous n’aurions alors pas seulement une orientation spécifique à la politique montagne qui serait gérée par une diversité de services mais la construction d’un référentiel global guidant l’ensemble des politiques. Ce référentiel serait basé sur le développement d’un territoire en respect et en harmonie avec l’environnement montagne/vallée.

Cette vision correspond au parti majoritaire du conseil métropolitain qui est le parti écologiste (Rassemblement citoyen, solidaire et écologiste), vision rejointe part le parti ADIS (agir pour un développement intercommunal solidaire) qui est le parti de la vice-présidente à la montagne et celui des élus qui ont donné cette vision de la montagne comme fondement des politiques métropolitaines au cours de l’atelier. En effet l’élu O (parti RCSE) donne sa vision de la manière dont on devrait considérer la montagne : « je dirais que pour les écologistes ça a toujours été une préoccupation de savoir comment on peut faire cohabiter la ville… dans le sens assurer la dialectique entre ville et nature, donc ici dans notre région c’est ville et montagne. ».

Cette élaboration de l’action publique peut nous rapprocher du concept de « biorégion » conçu par le mouvement scientifique des territorialistes. Ce mouvement est né aux États-Unis à partir

notamment des écrits de Arne Naess sur «  l’écologie radicale  » et développé par une école italienne formée autour d’Alberto Magnaghi. Ce dernier a formulé une définition de ce que serait la « biorégion urbaine » :

« La biorégion urbaine est le référent conceptuel approprié pour traiter d’une manière intégrée les domaines économiques (système local territorial), politiques (autogouvernement), environnementaux (éco-système territorial) et de l’habiter (lieux fonctionnels et lieux de vie dans un ensemble de villes, bourgs et villages) d’un système socio-territorial qui cultive un équilibre de co- évolution entre établissement humain et milieu ambiant, rétablissant sous une forme nouvelle les relations de longue durée entre ville et campagne pour atteindre l’équité territoriale. »9

Cette définition correspond assez bien à la vision du territoire évoquée par certains élus où la montagne avec la vallée joueraient un rôle de «  soubassement  » à l’ensemble des politiques métropolitaines. Cette vision territoriale requestionne l’existence des sociétés sectorielles et du rapport global/sectoriel énoncé par Muller. La politique montagne pourrait proposer, en plus d’une nouvelle vision territoriale et d’un nouveau rapport à la montagne, une transition d’une société sectorielle à une société re-territorialisée.

Ce rapprochement entre la politique montagne et le «  biorégion urbaine  » pourrait faire l’objet d’une poursuite de recherche.