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b) Évolution de la stratégie frontalière autour des alpes

Dans le cadre du programme Interreg «  Alpine Space  », qui est un programme de coopération transnationale dédié à l’espace alpin, a été développé entre 2012 et 2015 le projet Rurbance 1 (Rural Urban Governance). Ce projet avait pour objectif de réunir les réflexions d’un certain nombre de territoires, avec une association d’espaces urbains et ruraux, sur les liens pouvant être établit sur ces territoires hétérogènes. La métropole grenobloise et les PNR Chartreuse et Belledonne participèrent à ce projet. Comme on a pu le dire précédemment, les liens entre la ville et ses PNR ne méritent que d’être renforcés au vu des thématiques interterritoriales qui les unissent. Or ici c’est l’influence de la communauté européenne sur les liens ville-montagne que nous allons analyser. En effet les mots « liens ville-montagne » sont dans toutes les bouches. A l’atelier d’élus, ce sujet « lien ville-montagne », à travers des thématiques comme l’accessibilité à la montagne et à la ville, les circuits courts et territoriaux, l’habitant périurbain qualifié de « bobo montagnard » etc, fut largement abordé. De plus, cet exemple de Rurbance, encore en cours à mon arrivée en stage, me fut présenté comme un exemple de ce qui pouvait être développé dans la politique montagne : ce projet avait notamment fait ressortir le besoin pour des filières ou des entités institutionnelles (PNR, métropole, communes) de se mettre en lien sur des thématiques qui leur étaient communes.

http://rurbance.eu 1

Cette «  mode  » du lien ville-montagne n’est pas anodine et fait partie d’un changement de référentiel global de l’union européenne sur son rapport à la montagne (R. Schleider-Tappeser, 2006 ; B. Debarbieux, G. Rudaz, 2010). En effet, le regard porté sur les villes alpines est assez récent. La communauté européenne a déjà fait du chemin sur le passage d’une politique uniquement libérale à une politique plus territoriale. La montagne puis l’espace alpin ont été considérés comme entités spécifiques et même comme une «  région biogéographique alpine  » (Décision de Conseil de l’Europe, 2003) grâce à l’appui de lobbys pro-montagne forts (associations d’élus, associations écologiques, acteurs divers de la montagne etc.). Cependant le lien ville-montagne n’est pas apparu tout de suite. La Convention alpine, signée en 1991, vit notamment le jour grâce à l’influence de la Commission Internationale pour la Protection des Alpes (CIPRA). Cette convention avait pour objectif premier de faire coopérer les États, couverts entièrement ou partiellement par les Alpes, autour de la protection de cette chaîne de massifs. Sans passer sur le succès mitigé de cette convention, Roggerro Schleider-Tappeserla explique dans un article de la RGA dédié à la coopération transnationale autour des Alpes que les idéaux « exogènes de la montagne » portés par la CIPRA et intégrés dans la convention alpine omettent totalement les villes. Il ajoute alors que c’est là que la convention a très vite vu ses limites, car en ne considérant pas les villes, c’est 50% des 13 millions d’habitants vivant dans le territoire de la convention qu’elle ne prend pas en compte et, ainsi, un grand nombre d’acteurs et d’enjeux essentiels pour cet espace transnational. Cette vision a évolué, et cela se manifeste dans la Convention Alpine toujours poussée par la CIPRA qui elle-même soutient des initiatives alpines, telles « Alliance dans les Alpes » ou « Ville des Alpes de l’année » qui emmènent des municipalités ou intercommunalités et leur mise en réseau vers un développement durable. La Convention a en effet dû changer de stratégie si elle voulait gagner en visibilité et s’adapter aux enjeux actuels : changement climatique, concurrence croissante, développement de modèles de transport, nouveaux modes de vie alpins etc.

Dans le cadre d’une réflexion sur la cohérence de la coopération transnationale autour des Alpes, une démarche Interreg IIIb a été initiée en 2000 (Alpine Space) avec notamment le programme de recherche ESPON (U. Janin Rivolin, 2006). Celui-ci a pour objectif de comprendre les gouvernances multi-niveaux autour des Alpes afin de proposer des modèles cohérents possibles. Ce programme s’éloigne de la seule coopération des États autour de la protection des Alpes et le comprend comme un «  territoire montagneux valorisé et intégré à des plaines périphériques urbanisées ». Il déduit de cette recherche que « non seulement, la gouvernance territoriale de l’UE est multi-niveaux et multi-secteurs, mais aussi que les processus de gouvernance deviennent effectifs dans la mesure où ils sont capables de valoriser les liens existant entre les différentes « communautés politiques » de l’arc alpin ». Ce programme ESPON ne sera que le début d’une réflexion et de démarches conjointes d’élaboration d’une coopération transnationale alpine. L’Interreg IIIb donnera notamment naissance au projet DIAMONT qui est « un cadre conceptuel 2 d’indicateurs territoriaux du développement durable pour la région alpine » (V. Briquel, 2006). Le projet DIAMONT est une data base qui appuiera entre autre le projet Rurbance évoqué plus tôt.

http://diamont-database.eu 2

Les résultats de ce projet, en 2015, aboutiront notamment à un rapport des différentes 3 «  Contribution in alpine strategy  ». Ce rapport est agrémenté d’un atlas, avec les données du programme DIAMONT, qui met en valeur diverses thématiques de réseaux dont l’objet est le lien urbain-rural. Un certain nombre de ces cartes sont intéressantes et l’une d’entre elles nous interpelle particulièrement :

On a la chaîne alpine intégrée dans un périmètre régional partagé par les sept États alpins. Avec des points verts sont marquées les villes ayant participé au programme Rurbance et sont intégrées dans leur territoire régional. Cette vision des Alpes combine la stratégie régionale des Alpes, sa volonté de « cohésion » entre divers espaces et territoires, et sa volonté de concevoir une gouvernance et un territoire pertinent autour des Alpes. On peut voir que l’intégration des

http://lombardia.rurbance.eu/book/AlpStrategy/Brochure_AlpStrategy.html#p=6 3

Figure 2 : Réseau des territoires urbains-ruraux autour des Alpes

villes dans ce schéma de coopération agrandit le territoire alpin qui ne se limite plus à la chaîne des montagnes.

Ce travail de Rurbance amorcera l’initiative macro-régionale de la Stratégie de l’Union 4 Européenne pour la Région Alpine (SUERA) votée en juillet 2015. Cette stratégie est en quelque sorte un aboutissement sur la conception d’un outil cadre et le début d’une démarche de coopération multi-niveau et multi-territoriale où les grandes agglomérations ont évidemment une place importante. En France ce projet marco-régional est co-piloté par la DATAR et les deux régions Rhône-Alpes Auvergne et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il dépend ensuite de l’investissement des communes et des intercommunalités (notamment au sein de groupes de travail conçus créés à l’heure actuelle).

Ce détour sur l’Europe permet de souligner l’importance conférée aujourd’hui à la région alpine, à la coopération entre les États, les régions et le local, ainsi qu’aux liens entre l’urbain et la montagne. On comprend que les acteurs de la métropole grenobloise, avec leur politique montagne, s’inscrivent, consciemment ou non, dans ce référentiel en construction à l’échelle européenne et alpine. On comprend aussi que depuis la convention alpine mais surtout depuis le début des années 2000, les Alpes prennent une place de plus en plus importante dans les agendas politiques, que ce soit celui de l’Union Européenne, des États, des Régions (notamment avec le programme «  Montagne 2040  » sous la présidence de Jean-Jacques Queyranne), des communes (exemple: Chambéry avec le programme «  Montanea  ») et maintenant des intercommunalités (Grenoble-Alpes Métropole). Pour autant, si l’enjeu ville-montagne a été intégré par les acteurs de la métropole grenobloise, son inscription dans une coopération transnationale alpine reste une intention très en marge, partagée au plus par quelques techniciens. Comme il l’a été montré dans le carnet de bord, les élus, ainsi qu’une grande partie des techniciens ne sont pas au fait de la stratégie macro-régionale.

c) Coopérer autour de l’objet «  montagne  » pour penser une future méga-