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Cette recherche sur le sens de l’élaboration de la politique montagne nous amène à identifier un objet particulier et dont le devenir peut prendre plus ou moins le chemin d’une innovation politique. Cette politique arrive discrètement dans l’agenda métropolitain mais peut promettre un projet et des objectifs ambitieux. Les enjeux saisis au sein des discours et le travail de réflexivité sur la démarche nous amène à comprendre l’émergence d’un objet réformateur que l’on peut placer sur deux gradients.

Le premier, davantage basé sur une vision théorique du projet de la politique montagne, peut requestionner totalement la place de l’institution et le rapport entre la société et le territoire. On resitue notre analyse dans la grille de lecture du rapport global/sectoriel proposée par Muller, et dans la distinction faite entre la société territoriale et la société sectorielle. On a pu comprendre au sein de la seconde partie du mémoire que la montagne est un objet difficilement saisissable dans une logique sectorielle. A diverses échelles institutionnelles, on a tenté de la faire entrer dans des secteurs qui correspondaient sûrement à la mise en cohérence et à la régulation permanente d’un référentiel global. A l’échelle métropolitaine, avec un statut faisant gagner en autonomie le territoire, la montagne semble prendre une toute autre voie. Elle n’est pas un espace à « handicap » parmi d’autres ou uniquement un « espace à protéger » ou encore ciblée comme une possible ressource financière mais un espace partagé par 450 000 habitants. On entend dans le discours des acteurs cette difficulté à se saisir de la montagne et à la classer dans des cases. Elle donne le vertige car elle semble pouvoir être une «  politique du tout  » qui concerne tous les domaines, tous les enjeux et porte notamment l’enjeu de l’autonomie du territoire métropolitain. Les élus métropolitains évoquent un besoin de « redécouvrir » le territoire, de ne plus être dans une « logique de colonisation » de la montagne, de penser les « liens ville-montagne » et donc « centre-périphérie », de repenser la production et la consommation locale, de redonner du sens au territoire en quelque sorte (A. Maghagni, 2014). Cette vision nous fait donc penser au concept de « biorégion » et remet en question le rapport global/sectoriel. L’aboutissement de la politique montagne, comprise comme une politique territoriale ou plutôt territorialisante, serait de repenser la société non plus à travers un ensemble de secteurs à réguler mais comme une société territoriale. L’intention de la politique montagne pourrait alors chercher à redéfinir le rapport entre les hommes et le territoire et la place de l’homme et de son environnement au sein de la société. Elle pourrait pousser les capacités d’autonomie du territoire métropolitain.

Le second gradient minimise ce renversement de système car il intègre le facteur de conservation de l’institution métropolitaine. Muller introduit son ouvrage en affirmant que les politiques publiques et les institutions actuelles qui les portent sont le produit de la société sectorielle. Leur position se base sur le maintien du référentiel global à partir de la régulation des secteurs les uns par rapport aux autres. Cet «  ouvrage  » est la raison d’être de ces institutions. Promouvoir la redéfinition d’une société territoriale met en danger leur position. Cela ne signe pas la fin de l’institution mais sa position pourrait en être changée. Elle ne serait plus, par exemple, le « maitre d’ouvrage » et deviendrait le « maitre d’oeuvre » du territoire et de la population. Ce territoire, si

son objectif premier est sa survie et celle de ses membres, n’a plus besoin à terme d’une stratégie de régulation de secteurs mais peut-être davantage d’un suivi de sa reproduction. Il semble aujourd’hui peu probable de revenir à une société territoriale, pourtant on ressent au sein de l’institution métropolitaine des comportements qui évacuent la possibilité de redéfinition de son essence. Il y a des éléments qui s’ouvriraient à cette possibilité, comme la volonté de repenser le dialogue et la gouvernance entre les communes métropolitaines et le rapport qui souhaite être entretenu avec la montagne. Il y a d’autres éléments qui se ferment à cette intention comme le refus d’intégrer l’habitant dès le début de la démarche d’élaboration de la politique montagne. Il y a aussi ce mot «  transversalité  » qui peut davantage être compris comme une régulation des multiples secteurs, avec un fil conducteur que proposerait la politique montagne, plutôt que de remettre en question la pertinence et l’existence de ces secteurs. Ainsi la politique montagne aurait, au mieux, le rôle de redéfinition du référentiel global.

Ce second gradient expliquerait le jeu des stratégies immunitaires où la montagne serait parfois utilisée à l’aboutissement d’objectifs comme le dialogue entre les élus, la définition d’une stratégie métropolitaine, le positionnement de la métropole au sein d’un plus grand territoire, la fermeture aux territoires dont la stratégie différerait, etc. Il serait aussi parfois utilisé pour préserver l’essence même de la métropole en fermant le cercle de décision aux garants de la redéfinition de la société sectorielle.

Ces différentes formes immunitaires qui peuvent être élucidées font références à divers rôles accordés à la montagne. On a pu lui attribuer le rôle de médium et cela pour plusieurs objectifs : passer d’un fonctionnement coopératif à un fonctionnement intercommunal et interterritorial ; passer outre cette dichotomie centre-périphérie ; « rapprocher » les montagnes de Grenoble. Ce rôle de médium est en quelque sorte le « rôle » d’un pion auquel on aurait attribué une stratégie particulière. Cette stratégie peut cependant être à double tranchant car la montagne, on a pu le constater, avant de fédérer, va faire l’objet d’un grand nombre de dissensus n’allant pas dans le sens d’une «  réconciliation  » et d’un fédéralisme. La montagne peut aussi faire l’objet de nouvelles règles du jeu métropolitain qu’il faut, dans les premiers temps, dissimuler dans un souci de ne pas être attaqué par les territoires voisins ou autre échelon intercommunal. Cette nouvelle règle c’est ce possible référentiel global basé à la fois sur une reconstruction des liens entre ville et montagne et surtout sur une harmonie entre l’action de l’homme et son environnement. Avec la politique montagne, c’est en quelque sorte le sujet de « par delà nature et culture » (P. Descola, 2015) qui est en jeu.

Ce mémoire est basé, entre autre, sur des intuitions qui se vérifient plus ou moins et méritent d’être poursuivies avec l’observation de la suite de l’élaboration du projet et de l’émergence d’une stratégie et de moyens.

Ce mémoire peut aussi aboutir à des projets de recherche plus généraux :

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la possibilité ou les freins d’une « biorégion » initiée par une institution

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l’évolution du ou des référentiels de la montagne en politique avec le projet macro-régional

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l’importance des représentations voire des émotions dans la conception des référentiels de la montagne en politique.

Bibliographie