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Où placer la focale ?

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Étudier la relation diététique

1.1 Où placer la focale ?

Les travaux sociologiques embrassent souvent un point de vue plutôt qu’un autre en se plaçant, par exemple, d’un côté du guichet, de l’usine, ou du bureau. Si l’on s’attache parfois à décrire, par des enquêtes successives, les différents niveaux hiérarchiques qui déter- minent in fine les conditions de travail d’une catégorie de salariés, les caissières au sein d’une grande enseigne de distribution par exemple2, rares sont les enquêtes qui ont pour parti pris d’explorer et de mettre en relation deux points de vue relatifs à une même rencontre. C’est

1. Des consultations peuvent avoir lieu au domicile des patientes et patients mais cela constitue une exception.

2. Marlène Benquet (2013), Encaisser ! : Enquête en immersion dans la grande distribution, La Découverte, Paris.

ce que je me suis efforcé de proposer à l’occasion de ce travail de thèse. Certes, la quantité de matériaux est plus fournie du côté des diététiciennes et diététiciens, notamment parce qu’il est plus aisé d’entrer en contact avec ces enquêtés qui ont fait publiquement de la diététique leur métier. Cela m’a conduit à développer davantage le point de vue des diététiciennes et diététiciens. J’ai cependant déterminé la méthode employée en fonction de ce projet initial. Je dispose donc de matériaux suffisants pour permettre une rencontre sociologique fructueuse entre les patientes et patients et les diététiciennes et diététiciens au fil du développement de la thèse.

1.2

Méthode d’enquête

L’objectif premier de l’enquête était d’être en mesure de restituer et d’analyser à la fois le point de vue des patientes et patients et celui des diététiciennes et diététiciens sur le déroulement des suivis diététiques en libéral. Pour ce faire, la méthode choisie allie à la fois des entretiens semi-directifs, d’une à deux heures, réalisés auprès de diététiciennes et diététiciens (n=21) et de patientes et patients (n=8)3, et des observations de consultations (n=23). Ce dispositif d’enquête permet de recueillir les représentations et discours sur les pratiques des patientes et patients et des diététiciennes et diététiciens, et d’observer en acte les consultations4, les pratiques de suivi, bref la prise en charge effective des patientes et

patients par leurs diététiciennes et diététiciens. Vingt-deux des vingt-trois observations de consultations ont été effectuées au sein de deux cabinets diététiques. Nous avons effectué a

posteriori des entretiens avec les deux diététiciennes concernées, Pauline Malon, qui exerce

en milieu rural dans la région lyonnaise, et Fany Lebois, qui exerce dans un arrondissement cossu parisien. Cela a été l’occasion d’évoquer, en entretien, des consultations préalablement observées. De la même façon, plusieurs patientes rencontrées en consultation ont accepté d’effectuer ensuite un entretien, permettant ainsi un recoupement fructueux des données du terrain. Ces éléments constituent la majeure partie de nos données d’enquête. Nous avons également collecté des statistiques descriptives auprès du ministère de la Santé pour saisir la répartition, l’importance et la croissance démographiques des diététiciennes et diététi-

3. Pour une présentation détaillée des enquêtés, consulter les annexes.

4. La durée des consultations est très variable. Les premières consultations auxquelles nous avons pu assister sont particulièrement longues, entre une heure et une heure et demi. La plupart des consultations de suivi observées durent entre trente et quarante-cinq minutes. Certaines consultations enfin n’ont pas pu être observées dans leur intégralité. Cette censure partielle, ses raisons et ses conséquences sont discutées plus loin (cf section 2.1 page 51)

ciens installés en libéral. Enfin, la revue professionnelle trimestrielle, organe d’expression de l’association des diététiciennes et diététiciens, L’information diététique, a été explorée de sa création, en 1964, jusqu’en 2016. Les articles traitant spécifiquement de l’exercice libéral de la diététique ont été sélectionnés et analysés. L’objectif de cette enquête complémentaire était de recueillir des données statistiques5 et d’appréhender le regard porté par les diété- ticiennes et diététiciens, et notamment leurs représentants, sur un mode d’exercice de leur métier émergeant, le libéral.

Il s’agit donc d’une enquête qualitative. N’ayant pas vocation à viser la représen- tativité, le choix des terrains et des enquêtés s’est effectué selon un principe de diversité afin de permettre un certain nombre de comparaisons. Je me suis en particulier attaché à construire une diversité sociale et géographique parmi les enquêtés. Les deux principaux lieux d’observations, par exemple, sont situés sur deux territoires très opposés socialement et éco- nomiquement. Les caractéristiques socio-démographiques des patientes et patients observés à l’occasion de ces consultations sont très hétérogênes et divergent nettement entre les deux cabinets. Parmi les vingt et uns praticiens interrogés se trouvent deux hommes, onze diété- ticiennes et diététiciens exerçant à Paris mais au sein de différents arrondissements, quatre exerçant en milieu rural, et six diététiciennes et diététiciens disposant d’un cabinet en petite ou grande couronne parisienne. L’âge et l’ancienneté dans le métier sont assez diversifiés. De même, l’origine sociale et l’âge des patientes et patients interrogés sont hétérogênes, même si les patientes et patients d’origines populaires et rurales sont sur-représentés. J’ai par exemple rencontré en entretien une patiente étudiante dans une grande école de commerce parisienne, une assistante maternelle en retraite, ou encore une vendeuse dans un magasin de grande distribution âgée de vingt-huit ans. Cela s’explique par la dépendance envers les enquêtées principales, et notamment envers Pauline Malon, qui exerce à Mélieu6, un petit pôle urbain au sein d’un territoire rural (cf section 2.2 page 60).

Enfin, il est important de préciser que l’ensemble des entretiens ont été enregistrés puis ont fait l’objet d’une retranscription intégrale, ainsi que les observations de consultations. Si la retranscription des entretiens ethnographiques est une pratique désormais courante, celle des observation l’est peut-être moins. Le principal intérêt de l’enregistrement et de la retranscription des observations réside dans l’accumulation d’informations que la seule prise

5. Les séries statistiques du ministère de la Santé ne débutent en effet qu’à la fin des années 2000. 6. Mélieu est un pseudonyme désignant une petite ville situé à proximité du lieu de résidence de mes

de notes rendrait impossible. Cela permet également à l’observateur de prendre des notes concernant d’autres éléments que les seuls échanges verbaux. Je ne peux que recommander le recours à une telle méthode lorsque le terrain s’y prête, en particulier lorsqu’il s’agit d’observer des consultations, des réunions, des conférences, etc. L’inconvénient cependant est que la richesse du matériel recueilli par l’intermédiaire du dictaphone m’a incité à concentrer mon analyse sur le verbatim des observations aux dépens peut-être d’autres aspects plus corporels. L’enregistrement et la retranscription systématique des observations, si elle est chronophage, est cependant garante, il me semble, d’une certaine rigueur scientifique.

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