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7. Eléments de réflexion

7.4 L’identité et la Discipline Positive

7.4.2 La place des valeurs personnelles

Au niveau des valeurs personnelles, qui font partie de l’identité personnelle de tout individu, selon le tableau n°1937, tous les participants pensent que les valeurs personnelles jouent un rôle dans le domaine de la discipline. Gabriel semble également d’accord avec cette opinion. En effet, on relève dans son discours que lorsque les valeurs personnelles sont éloignées ou différentes de celles prônées par l’institution, au bout d’un moment, nos valeurs sont « trop lourdes à porter ». On peut alors comprendre que la personne ou l’enseignant ne peut plus continuer en ignorant certaines valeurs qui font qu’il est lui :

Y’a les valeurs de l’institution, l’institution elle prône des valeurs pis y’a celles qui m’appartiennent en tant qu’enseignant quand ces valeurs les deux côtés sont se rejoignent c’est plus facile pour la personne de les utiliser quand y’a un éloignement et ça se voit beaucoup dans le monde professionnel pour l’avoir vécu quand je travaillais en dehors de l’enseignement il y des gens au bout d’un moment ils peuvent plus rester dans leur boîte parce que les valeurs sont trop lourdes. (Gabriel)

L’enseignante 5, explique quant à elle, qu’il existe forcément un lien entre l’identité d’une personne et sa manière d’enseigner puisqu’elle mentionne « qu’on ne peut pas tellement enseigner autre chose que ce qu’on est » (Transcription 5, lignes 691). Elle explique également qu’en début de carrière, on passe par ce processus dans lequel on enseigne d’une manière dans laquelle on ne se retrouve pas forcément, mais on le fait parce que la majorité des enseignants enseignent de cette manière et parce qu’on pense que c’est de cette manière qu’il faut enseigner :

Il existe un lien hélas j’ai souvent l’impression qu’on est dans un truc dichotomique un peu comme si j’étais une personne pis quand j’arrive dans ma classe je mets mon uniforme d’enseignant et je fais des trucs que j’arrive pas à défendre complètement parce que je suis enseignant et que je crois qu’on doit faire comme ça je le fais quand même et je comprends qu’on puisse le faire surtout en début de carrière […] on pense que peut-être c’est bien donc on entre dans des trucs dans lesquels on se retrouve pas tout à fait mais pour moi un bon enseignant il doit forcément être bien dans ce qu’il fait. (Transcription 5, lignes 673-681) Les enseignantes 1 et 3 partagent également l’idée qu’il faut posséder certaines valeurs pour pratiquer la DP : « Je pense qu’il y a quand même des valeurs en fait derrière et que ces valeurs il faut les avoir si on les a pas on entre pas dans le projet » (Transcription 1, lignes 267-268) ;

37 Cf. Annexe 16, tableau n°19 : Tableau récapitulatif.

Je pense que l’adulte qu’a pas certaines valeurs il peut pas les appliquer en classe […]

le fait d’avoir ces valeurs en fait c’est complètement en lien mais après chaque adulte a des valeurs différentes et pis ça peut être très différent comment on aborde la Discipline Positive donc c’est vraiment en lien avec les valeurs de l’adulte. (Transcription 3, lignes 544-549)

L’enseignante 2 partage également cet avis : « Discipline Positive oui clairement si je m’y suis intéressée et si je l’ai inclus dans mon apprentissage c’est que bah c’est clairement dans mes valeurs de d’inclure l’élève dans son propre apprentissage […] » (Transcription 2, lignes 358-360).

Une des valeurs qui ressort le plus dans les propos des participants est la valeur du respect mais surtout celle du respect de l’enfant : « j’ai jamais considéré les enfants comme des êtres inférieurs » (Transcription 1, lignes 366-367) ; « c’est le respect de l’un et l’autre » (Transcription 7, ligne 542) ; « bah déjà si on respecte les enfants si nous en tout premier on respecte les enfants respecter les enfants » (Transcription 4, lignes 667-668) ; « le respect de l’autre le droit à la parole c’est des choses que je qui pour moi sont essentielles » (Transcription 8, lignes 841-842) ; « pour moi c’est vraiment le noyau en fait de mon enseignement c’est vraiment le respect et à trois niveaux le respect de soi respect de l’autre et respect de la planète » (Transcription 5, lignes 737-738). Toutefois, il semble essentiel que tout enseignant partage cette valeur sinon il ne choisirait pas ce métier. D’autre part, je pense qu’il faut peut-être entendre les mots « respecter l’élève » dans le sens que s’il désobéit, il doit avoir une conséquence logique et non pas une punition puisqu’elle est par principe irrespectueuse. Je pense également que les enseignants qui pourraient davantage s’engager dans une posture de DP tiendraient particulièrement à inclure l’élève dans son apprentissage et à lui donner un certain droit de parole. Finalement, je pense également que les enseignants qui conçoivent l’erreur comme un pas vers l’apprentissage, qui l’acceptent et qui la tolèrent seront également plus susceptibles d’adopter ce type d’approche.

Par ailleurs, Gabriel soutient l’idée que ce n’est pas forcément lié à des valeurs personnelles, mais davantage lié à un chemin de vie. En d’autres termes, il explique que pour certaines personnes c’était le moment pour elles de pratiquer une DP, comme pour lui d’ailleurs.

Plusieurs enseignantes émettent également cette idée que la DP est liée à un parcours de vie :

« ça me correspond parce que j’ai un parcours […] » (Transcription 8, lignes 554-555) ; « de son expérience de vie ouais je sais pas moi je sais que j’ai beaucoup évolué dans toutes mes

années d’enseignement […] » (Transcription 4, lignes 633-634) ; « y’a des choses sur lesquels on est plus sensibles de par notre vécu » (Transcription 6, lignes 326-327) ; « je pense qu’après tout le monde est capable de le faire maintenant je trouve que l’histoire personnelle de chacun elle est quand même très importante […] » (Transcription 5, lignes 502-503).

Enfin, six enseignants sur huit mettent en évidence que la DP ne convient pas aux enseignants qui ont besoin d’avoir un certain contrôle, qui n’arrivent pas à avoir un certain

« lâcher prise » avec les élèves : « [ça convient mieux à] des enseignants qui sont peut-être un peu moins « contrôle freek » comme je dis un peu moins rigoureux, rigide, psychorigide parce qu’il faut prendre des risques […] » (Transcription 7, lignes 413-414) ; « je pense que y’a peut-être des personnes qui ont besoin de tout contrôler d’autres qui ont peut-peut-être besoin d’peut-être dans ce côté affectif d’être aimé je pense » (Transcription 6, lignes 316-317) ; « y’a des enseignants qui sont plus réticents parce que justement ils pensent que c’est permissif et que sans punition ça marche pas » (Transcription 3, lignes 358-359) , « pour moi c’est que ça demande un certain lâcher prise accepter de pas tout gérer et de laisser aux élèves une marge de manœuvre […] » (Transcription 2, lignes 274-276) ;

Y’en a peut-être d’autres qui sont euh je sais pas complètement défaitiste et pis qui disent de toute façon avec les gamins de notre société de maintenant on est toujours trop gentil il faut être tchoc tchoc tchoc tchoc faut revenir on entend des choses comme ça donc bah ces gens-là peut-être ils ont pas envie de repasser par la douceur en se disant que bah ces mômes ils ont peut-être besoin à un moment donné que ce soit clac et que y’ait une sanction.

(Transcription 4, lignes 517-522)

Jane Nelsen (2012) mentionne également que pour que la coopération se fasse, principalement au moment des TEC, un léger « lâcher prise » est nécessaire pour l’enseignant : « la coopération ne doit pas être synonyme de perte de contrôle, mais suggère « d’opérer » à plusieurs. Lors d’un TEC, personne n’est en position d’expert et le respect mutuel autorise une véritable coopération » (Nelsen, 2012, p. 307).