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7. Eléments de réflexion

7.2 La posture professionnelle dans la Discipline Positive

7.2.2 L’approche de la Discipline Positive : « en chemin »

Prenons maintenant les propos des enseignantes faisant partie de l’autre groupe ; les enseignantes qui ont effectué certaines activités de DP mais qui n’ont pas, semble-t-il, adopté de « réelle » posture de DP. Pour commencer, l’enseignante 4 semble consciente qu’elle ne revêt pas une posture de DP :

Pour l’instant j’ai fait que des petites activités que j’ai pas eu le temps de me pencher plus à fond dans des activités plus ciblées ou différentes que je tourne un petit peu en rond dans mes trois quatre petites activités de départ. (Transcription 4, lignes 374-376) Nous allons alors tenter de voir pourquoi elle ne parvient pas à adopter cette posture alors qu’elle a pratiqué des activités de DP. Tout d’abord, l’enseignante 4 semble capable de reconnaître ses erreurs et de se remettre en question : « je suis prête à le reconnaître si je me suis trompée si y’a une injustice » (Transcription 4, lignes 295-296). Il s’agit d’une attitude en adéquation avec la posture de DP. Puis, elle semble également convaincue des bienfaits de cette méthode, ce qui correspond également à une attitude en accord avec cette posture : « J’arrive à

être convaincue du bien-fondé de cette Discipline Positive donc je vais essayer de m’adapter et d’utiliser bah ce qui va me correspondre le mieux » (Transcription 4, lignes 372-374). Elle semble également vouloir créer un climat de confiance, un climat dans lequel les élèves n’ont pas peur d’elle :

J’aimerais que mes élèves ils se sentent en sécurité dans la classe pas de risquer de tomber par la fenêtre mais qui se sentent en sécurité qui se sentent bien qu’ils aient pas peur de venir à l’école et voilà qu’ils soient respectés […] (Transcription 4, lignes 671-673)

Ainsi, jusque-là son attitude et ses convictions semblent lui permettre d’adopter une posture de DP. Toutefois, elle mentionne que c’est encore difficile pour elle de trouver le juste équilibre entre la bienveillance et la fermeté :

C’est une méthode douce pour comprendre pourquoi l’enfant il est comme ça pourquoi il est qu’est-ce qu’il veut nous dire quand il est comme ça alors on veut bien comprendre qu’il est certainement en souffrance et qu’il fait un appel et que voilà mais d’un autre côté à côté de ça y’a d’autres enfants autour qui peut-être vont souffrir de sa souffrance puis bah faut en tenir compte aussi c’est pas parce qu’il est en souffrance qu’on doit tout lui pardonner donc faut trouver le juste équilibre entre ok j’ai compris mon gars ou ma petite que là t’es en train de me dire quelque chose mais en attendant je peux quand même pas laisser passer. (Transcription 4, lignes 327-334)

Elle n’est donc pas encore parvenue à trouver cet équilibre. Puis, elle semble soutenir les méthodes n’ayant pas recours aux punitions, cependant elle ne parvient pas encore à le concrétiser : « c’est que c’est justement arriver à respecter les règlements les règles de vie aux enfants d’une manière douce c’est justement ça maintenant y arriver c’est pas facile » (Transcription 4, lignes 321-323). Aussi, elle semble soutenir l’idée qu’il faudrait avoir une posture démocratique envers les élèves, c’est-à-dire les laisser prendre part aux décisions de la classe, mais elle ne l’applique pas totalement : « j’aime bien que ce soit un consensus entre eux et moi mais y’a des moments je leur dis quand même c’est comme ça c’est moi qui ai décidé » (Transcription 4, lignes 581-583). On peut également relever, dans ses propos, qu’elle n’est pas parvenue à modifier sa manière de parler aux élèves : « je suis convaincue que ça marchera mieux avec ces mots-là mais j’arrive pas encore à l’appliquer pourquoi je sais pas pourquoi » (Transcription 4, lignes 267-268).

Ainsi, on retrouve plusieurs convictions qui semblent être partagées par l’enseignante 4. Néanmoins, elle ne parvient pas encore à les appliquer dans sa pratique. Finalement, je pense que l’élément principal qui manque à l’enseignante 4 afin de basculer dans une posture de DP est la volonté de vouloir modifier sa pratique, la volonté de vouloir faire de la DP. En effet, on peut relever, à plusieurs reprises, dans ses propos, qu’elle ne met pas tout en œuvre pour entrer totalement dans cette posture. Par exemple, lorsqu’elle dit : « je vais essayer de m’adapter et d’utiliser ce qui va me correspondre le mieux » (Transcription 4, lignes 373-374), ou lorsqu’elle mentionne « je pourrais dire qu’au départ non elle me convient pas mais je suis d’accord d’essayer » (Transcription 4, lignes 360-361), ou encore lorsqu’elle énonce : « j’essaie de discuter avec la ou les personnes concernée(s) à la manière de la Discipline Positive » (Transcription 4, lignes 94-95). Comme le dit Gabriel, il ne faut pas essayer de s’adapter ou de changer, de faire-ci ou de faire ça, il faut décider de changer.

Concernant l’enseignante 6, on peut, comme pour l’enseignante 4, relever dans ses propos qu’elle n’endosse pas une réelle posture de DP. Par exemple lorsqu’elle dit : « je ne fais pas de Discipline Positive tous les jours euh tout le temps » (Transcription 6, lignes 155-156), ou « moi j’ai pioché j’ai fait un petit peu » (Transcription 6, ligne 200) et pourtant elle semble également penser qu’il ne s’agit pas simplement d’activités à réaliser mais plutôt d’une posture à acquérir : « c’est vraiment plutôt un état d’esprit en fait pis après y’a des tonnes d’activités y’en a qui vont être utiles dans certaines classes […] » (Transcription 6, lignes 248-250).

Tentons à nouveau de voir pourquoi, elle n’endosse pas cette posture dans son entièreté.

Concernant sa posture vis-vis des élèves, l’enseignante 6 semble partager l’idée qu’il y a l’enseignant d’un côté et les élèves de l’autre : « il faut une forme d’autorité dans le sens où les enfants doivent savoir qu’il y a la place de l’adulte y’a la place de l’enfant » (Transcription 6, lignes 346). Il est alors possible que cette conviction l’empêche de mettre en place une relation de confiance avec les élèves à travers laquelle règnerait un respect mutuel et qui permettrait aux élèves de créer un sentiment d’appartenance et non pas une dépendance vis-à-vis des conséquences. En effet, les élèves semblent se comporter de telle manière de peur de certaines répercussions puisqu’un système de sanction est établi : « sinon bah y’a vraiment un système la prochaine que tu déranges voilà et ça marche relativement bien » (Transcription 6, lignes 93-94). Lié à cela, elle ne semble pas convaincue du fait que l’enseignant doit revêtir une posture démocratique, c’est-à-dire qu’il doit impliquer les élèves dans tous les processus de décision :

« démocratique je sais pas tellement ce que ça veut dire que les élèves ont le droit de choisir des choses qu’on leur demande leurs avis ouais alors je pense peut-être un peu comme ça »

(Transcription 6, lignes 293-294). Concernant les punitions, son avis semble également mitigé ; elle ne paraît pas soutenir le recours aux punitions, mais pourtant une sanction ou une conséquence doit avoir lieu.

Dans une école en REP je pense pas qu’on peut pas tellement fonctionner à la punition voilà faut faire un peu autrement parce que sinon on est tout le temps en train de punir tous les enfants après je pense que y’a quand même des choses vraiment grave il faut que les choses soient voilà qu’il ait quelque chose qui soit fait. (Transcription 6, lignes 125-129)

Enfin, l’enseignante 6 semble se satisfaire de sa gestion de classe et de son autorité ; elle ne voit pas forcément l’apport que pourrait représenter le fait de tester une nouvelle posture ; elle est bien comme cela. Ainsi, elle n’a pas effectué de remise en question lui permettant de développer une volonté de changer sa pratique :

Parce que ça fonctionnait plus ou moins bien après y’a toujours des moments difficiles des élèves qui nous posent problème des situations voilà mais disons y’a pas eu de choses énormes, remise en question ça va pas du tout faut faire tout autrement parce que on pouvait pas travailler ça allait à peu près. (Transcription 6, lignes 309-312)

Elle ne montre pas non plus être véritablement convaincue des bienfaits de la DP :

Ça marche mieux avec mes élèves qu’avec mon mari par exemple mais ça peut marcher la Discipline Positive aussi mais non mais pour dire après voilà des fois dans les relations humaines dans les choses c’est des belles théories mais c’est vrai que c’est difficile quand même à appliquer dans toute situation quoi ouais. (Transcription 6, lignes 390-394).

Par conséquent, j’ai l’impression que sa vision de l’autorité est l’élément qui lui fait principalement obstacle afin de revêtir une posture de DP. En effet, elle se situe dans une vision qui semble montrer que l’enseignant est en opposition aux élèves, alors que dans une posture de DP, l’enseignant travaille avec les élèves pour que le climat de la classe soit serein.

L’enseignante 7, quant à elle, semble partager la conviction qu’il faut créer une relation de confiance avec les élèves et que le comportement constitue quelque chose qui doit s’apprendre :

J’essaie de construire avec les élèves les limites qu’on peut qu’est-ce qu’il faut pour qu’il y ait cette ambiance-là pour bien travailler pour pouvoir faire des jeux et après du coup ben je leur apprends à respecter les limites. (Transcription 7, lignes 43-45)

On peut également relever dans ses propos qu’elle semble avoir trouvé le juste milieu entre la fermeté et la bienveillance :

J’ai une réputation d’être très sévère mais gentille […] j’ai une mauvaise réputation d’être sévère parce que je laisse pas passer et je pense qu’aussi c’est d’être attentif et de s’inquiéter d’être attentif à ce qu’il se passe pas seulement dans la classe mais dans l’école, dans le préau, dans la rue, attentif ouais bienveillante et soucieuse que tout le monde progresse. (Transcription 7, lignes 508-514)

Aussi, on relève une impression de « non-discipline » : « J’ai très peu besoin de sanctionner » (Transcription 7, ligne 550) ; « je dois très peu faire la discipline quand j’enseigne voilà » (Transcription 7, lignes 494-495) ; « j’aime pas tellement l’autorité mais je sais que je suis très autoritaire c’est drôle hein » (Transcription 7, ligne 470). L’enseignante 7 mentionne également avoir modifié sa manière de s’adresser aux élèves afin d’endosser une posture de DP vis-à-vis des élèves : « j’ai réalisé que je fais un effort c’est comment on pose les questions » (Transcription 7, ligne 268) ; « c’est vrai que je fais attention à poser des questions d’une certaine façon » (Transcription 7, lignes 275-276). Puis, elle semble également se remettre en question afin d’avoir la meilleure attitude possible : « ici faut chaque fois réfléchir à comment leur donner de l’attention comment leur faire voir que je les entends leur colère […] » (Transcription 7, lignes 70-71).

Toutefois, même si elle soutient l’idée que les élèves doivent participer à leurs apprentissages, ils ne sont pas inclus dans tous les processus de décision, notamment concernant le choix des sanctions : « non ça c’est moi qui ait imposé les sanctions » (Transcription 7, ligne 154). Enfin, son point de vue sur les punitions ou les sanctions constitue l’élément qui l’empêche de réellement adopter une posture de DP. En effet, l’enseignante 7 semble persuadé qu’il y ait besoin de punir pour que les élèves se comportent correctement. De ce fait, elle n’est pas d’accord avec le principe non punitif de la DP : « je dois quand même dire sans punir c’est pas vrai parce que dans la Discipline Positive y’a pas genre je vais pas punir […] évidemment il doit y avoir une sanction si une chose n’est pas respectée » (Transcription 7, lignes 237-240).

Aussi, c’est probablement en partageant cette conviction qu’elle gère sa classe à l’aide d’un tableau de comportement avec des couleurs ; les comportements sont alors régulés par les conséquences. Toutefois, l’enseignante 7 partage beaucoup d’autres convictions en lien avec la

posture de la DP, ce qui pourrait, au bout d’un moment, faire disparaître le recours aux punitions dans sa classe. En effet, elle mentionne d’ailleurs qu’ « [elle] essaie de marquer le coup par quelque chose une sanction ou comme ça mais [elle est] très peu finalement sanction [elle]

réalise qu’avec les années [elle a] de moins en moins de sanction finalement » (Transcription 7, lignes 173-174).

L’enseignante 8 considère, quant à elle, que les sanctions doivent correspondre à des réparations et non pas à humilier l’élève ou à lui faire payer son acte : « ils savent combien de fois je vais faire des remarques et puis ensuite ils vont avoir à réparer » (Transcription 8, lignes 32-33). Elle semble également d’accord que pour adopter une posture de DP, il faut adopter une manière de parler différente : « j’ai utilisé beaucoup la discussion de cette manière-là » (Transcription 8, ligne 262). Puis, elle semble également capable de se remettre en question lorsque quelque chose ne se passe pas comme elle l’a prévu : « j’ai compris que si je vois que y’a beaucoup d’enfants qui n’ont pas compris c’est peut-être simplement moi qui ait mal abordé la question » (Transcription 8, lignes 590-591). L’enseignante 8 semble aussi penser qu’il faut adopter une posture démocratique envers les élèves ; qu’ils ont le droit d’être respectés et d’être impliqués dans les décisions de la classe : « je mets en place certaines choses en discutant avec les élèves » (Transcription 8, lignes 826-827) ; « j’essaie de construire avec les élèves les règles » (Transcription 8, ligne 740). On relève aussi que l’enseignante 8 semble d’accord avec l’idée que l’enseignant ne doit pas être « supérieur » à ses élèves : « si j’étais plus je sais pas […] c’est comme ça parce que je suis la maîtresse point et c’est pas comme ça parce que je suis la maîtresse » (Transcription 8, lignes 864-866). Toutefois, à travers sa pratique et ses propos, l’enseignante 8 se situe toujours dans une pratique qui sanctionne les élèves, elle ne parvient pas à être dans une posture totalement démocratique : « oui je peux commander je peux leur dire écoute c’est moi qui commande parce que y’a certaines fois où ben voilà c’est comme ça mais je peux aussi expliquer par exemple en discuter pourquoi c’est moi qui commande etc. » (Transcription 8, lignes 867-869). On ressent que pour cette enseignante, il y a des fois où c’est quand même elle qui décide ce qu’il va se passer, que ce n’est pas toujours réfléchi auparavant avec les élèves. Aussi, elle utilise également un système de gestion des comportements.

Enfin, on peut déceler que l’enseignante 8 ne présente pas non plus la volonté de changer sa pratique, la volonté de faire de la DP, ce qui l’empêche également de développer une posture complète de DP :

Il faudrait peut-être que je me dise je me suis jamais penchée suffisamment avant en me disant est-ce que maintenant je décide cette année je fais que ça et je gère ma classe comme ça je l’ai pas fait parce que c’est vrai que on a souvent tendance à piquer un petit peu en fonction des besoins. (Transcription 8, lignes 459-462)

Concernant l’enseignante 2, elle soutient l’idée qu’il faut mettre en place une relation de confiance avec les élèves : « je mets aussi en place une relation de confiance » (Transcription 2, ligne 35). Elle est également consciente qu’il s’agit de trouver le bon équilibre entre fermeté et bienveillance, l’a-t-elle trouvé ?

C’est trouver un équilibre, arriver à trouver un équilibre entre une marge de manœuvre pour les élèves mais en même temps pour soi que ça dépasse pas une certaine limite, nos propres limites en fait, et arriver à bien donner aux élèves nos propres limites, arriver à leur dire là je suis pas d’accord que l’on fasse plus que ça je vous laisse ça mais ça peut pas être plus, ça c’est difficile aussi d’accepter d’avoir ses exigences. (Transcription 2, lignes 243-248)

L’enseignante mentionne également qu’elle a effectué beaucoup de remises en question afin de trouver sa manière d’enseigner : « moi je les ai faites très vite les remises en question mais bon c’est aussi parce que je suis dans une école REP » (Transcription 2, lignes 283-284). Puis, l’enseignante 2, à certains moments, semble également adopter une attitude démocratique envers ses élèves. En effet, elle leur demande leur avis lorsqu’il s’agit de modifier certains fonctionnements de la classe : « je vais souvent leur demander comment vous pensez qu’on peut améliorer les choses pis après on essaie ensemble de trouver une solution » (Transcription 2, lignes 73-75). Toutefois, elle se situe également, d’autres fois, dans un système ayant recours aux « menaces » afin de gérer le comportement des élèves :

[Le système de sanctions et de récompenses] c’est quand même un moyen de garder une bonne ambiance de travail surtout et puis bah ça c’est vrai que y’a les menaces y’a aussi la version positive dans l’autre sens qui est bah un encouragement à un moment positif.

(Transcription 2, lignes 109-11)

Aussi, l’enseignante 2 a une vision de la punition qui ne concorde pas avec celle de la DP :

« pour les sanctions bah ça va être quand on arrive au rouge c’est comme dans l’autre classe bah y’a une punition très bête recopier une phrase de ce qui n’a pas été pis faire signer par les parents » (Transcription 2, lignes 93-95).

Par conséquent, l’enseignante 2 revêt en quelques sortes deux postures en fonction de la situation. Elle peut la gérer à la manière de la DP ou bien à l’aide d’un système de sanction :

« je fais pas que ça je fais les deux » (Transcription 2, ligne 62). Peut-être qu’en revêtant ces deux postures, l’enseignante 2 cherche justement l’équilibre entre la bienveillance et la fermeté.

Aussi, elle ne semble pas réellement certaine de la nature de cette approche, si elle constitue une posture à adopter ou bien des activités à réaliser :

Je vois la Discipline Positive plutôt par un comme un oui bien sûr c’est une mouvance une façon de voir les choses mais c’est aussi beaucoup des petites activités des petites techniques des petits trucs qui peuvent aider pour l’enseignement et dans ce cadre bah disons que y’en a des mieux que d’autres […] (Transcription 2, lignes 174-177)