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Chapitre 3 : La méthodologie

3.7 La place du praticien chercheur : apports et défis

Dans un premier temps, situons qu’à titre de doctorante et responsable de l’ensemble des étapes de ce projet thèse, nous bénéficions de plusieurs années expériences de travail au sein d’une organisation en protection de l’enfance. Effectivement, nous avons d’abord occupé plusieurs fonctions à titre d’agente de relations humaines au sein des Centre Jeunesse de la Montérégie (1997-2006). Durant cette période, nous avons œuvré à titre d’exemple, au sein des équipes Réception et Traitement des Signalement, Évaluation-Orientation, Application des Mesures, Urgence sociale et Équipe spécialisée en violence physique infantile. Ensuite, nous avons également travaillé comme enseignante dans une Technique de travail social au niveau collégial (2006-2016). Ainsi, de par nos fonctions d’enseignante, nous avons occupé des fonctions de consultante pour divers milieux de stage, incluant plusieurs organisations en protection de l’enfance, principalement situées dans les régions administratives de la Montérégie et de Montréal. En lien avec les carences de les écrits scientifiques à propos des DÉ et des relations professionnelles subséquentes, c’est durant notre implication auprès des étudiants et des superviseurs des stages que le sujet de notre thèse s’est imposé d’une façon intuitive.

À cet effet, nous possédons donc une posture de « praticienne-chercheure », puisque cette posture concerne « des personnes actives qui viennent à l’Université pour prendre du recul, et acquérir les moyens d’une réflexion sur leur démarche professionnelle, et aussi sur eux- mêmes » (Feldman, 2002, p. 126). Feldman (2002) note également qu’à ce titre, « le chercheur s’implique pour connaître, il s’utilise lui-même en tant qu’instrument de connaissance » (Feldman, 2002, p. 99). D’ailleurs, en citant Polanyi (1958), Feldman (2002) explique que le savoir personnel n’est pas nécessairement un savoir subjectif, puisque le savoir personnel est un engagement intellectuel. Effectivement, selon Polanyi et knowledge (1958), c’est à ce niveau que se situe la participation personnelle de celui qui connaît dans tous les actes de compréhension. La compréhension n’est donc pas une expérience passive et arbitraire, mais un acte responsable qui prétend à une validité universelle (Polanyi, 1958). À cet effet, ce type de connaissance est donc « objective », dans le sens où elle établit un contact avec une réalité cachée (Polanyi, 1958). Ainsi, afin de maintenir cette forme « d’objectivité »,

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nous avons bénéficié d’un accompagnement et d’un encadrement soutenu afin que la démarche conserve sa validité.

Notons également qu’en utilisant le savoir personnel lors des entretiens, nous avons reformulé certaines questions (lorsque nécessaire) et demandé certaines clarifications auprès des participants. Les avantages d’utiliser ce modèle d’entrevue ont permis une plus grande flexibilité, d’orienter le sujet (tout en le motivant), de recadrer sur le sujet d’étude, de demander des précisions tout en mettant en lumière les dimensions les plus significatives pour les participants (Mayer et Ouellet, 1991). Le savoir personnel a également permis de recueillir des données, en tenant compte des subtilités et des spécificités du langage propre aux intervenants en protection de l’enfance et à la culture organisationnelle en protection de l’enfance. Toutefois, l’utilisation de ce modèle d’entrevue exige aussi un certain niveau de vigilance quant aux difficultés particulières en lien avec ce mode de collecte de données. Effectivement, comme le mentionnent d’abord Mayer et Ouellet (1991), il est facile de s’éloigner des objectifs de la recherche. Ensuite, il peut exister certaines difficultés reliés à l’analyse du contenu, particulièrement si les participants ont le souci de dégager une image positive d’eux-mêmes et tentent de fournir les explications qui répondraient davantage aux attentes du chercheur que de la réalité (Mayer et Ouellet, 1991). Dans le but de maintenir une certaine « objectivité » et de diminuer la possibilité d’obtenir des réponses de type complaisante, le projet de recherche sur le terrain s’est ainsi effectué dans des organisations de la protection de l’enfance éloignés autant en termes de distance physique (kilomètres) du lieu d’exercice, qu’au niveau de notre capital humain.

92 Tableau 2 – Le résumé du devis de recherche

Objectifs

spécifiques Questions Sous-questions

Méthodologie

Outils Indicateurs

Comprendre les difficultés émotionnelles vécues par les intervenants compromettant la poursuite des fonctions Mieux comprendre l’influence des dynamiques organisationnelles et interpersonnelles sur les difficultés émotionnelles vécues au travail

Quelles sont les dimensions (individuelles, organisationnelles, conjoncturelles) contribuant à l’apparition des difficultés émotionnelles chez les intervenants sociaux?

Quelle est la nature des difficultés émotionnelles identifiée chez les intervenants sociaux en P.J. Entrevue semi- structuré • Impression de Burn- out, traumatisme vicariant et traumatisme traumatique secondaire (fatigue de compassion)

Quelles sont les dynamiques conjoncturelles, organisationnelles et individuelles susceptibles d’avoir un impact sur la santé émotionnelle Entrevue semi- structurée

• Le support social (la collaboration avec les partenaires

organisationnelles, l’image de la fonction au sein des médias et de la population en général), le nombre d’heures en intervention hebdomadaires, le ratio de cas traités, la lourdeur des

problématiques et les comportements hostiles de la clientèle, l’environnement de travail (conflit, les demandes lourdes, les rôles et les mandats flous, la qualité des supervisions), les événements traumatiques personnels ou vécus en cours d’emploi, les caractéristiques individuelles.

Saisir les conséquences de ces difficultés sur eux et de leur point de vue, sur les autres personnes impliquées dans les relations professionnelles

Quelle est la place du « travail émotionnel » dans le cadre de leurs fonctions et quelles sont les stratégies mises en place pour y faire face? Quels sont l’intensité et les éléments contribuant à la charge émotionnelle et la charge mentale des intervenants? Entrevue semi- structurée • La conscience du « mental load » (charge mentale) et « l’ emotional load » (charge émotionnelle) lié à l’emploi : ex. le rythme de travail soutenu, l’exigence d’une concentration importante, d’une réflexivité constante, d’une grande quantité d’attention, d’une forte implication

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émotionnelle, d’une nécessité de devoir convaincre ou persuader les acteurs concernés, la confrontation à des événements qui touchent

personnellement ou qui déstabilisent sur le plan émotionnel. • Les prescriptions

perçues au niveau des comportements, attitudes et émotions recherchés à travers l’interaction.

• Les actions (stratégies) conscientes pour ajuster son savoir-être et son savoir-faire en regard des exigences de l’emploi

• Les indices d’un travail émotionnel (obéissance à une position idéologique précise, indice de relâchement ou refus de conformité) Quelles sont l’expérience et la nature des interactions entre l’intervenant et ses collègues? Entrevue semi- structurée L’expérimentation dans la relation, au moment où l’intervenant subit des difficultés émotionnelles (les conséquences des DÉ sur les relations)

Quelles sont l’expérience et la nature des interactions entre l’intervenant et ses supérieurs? Entrevue semi- structurée L’expérimentation réelle dans la relation, au moment où l’intervenant subit des difficultés émotionnelles (les conséquences des DÉ sur les relations)

94 Quelles sont la nature et l’expérience des interactions entre l’intervenant et les enfants, ainsi qu’envers les membres de la famille suivis? Entrevue semi- structuré L’expérimentation réelle dans la relation, au moment où l’intervenant subit des difficultés émotionnelles (les conséquences des DÉ sur les relations)

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Chapitre 4- Portrait de l’expérience des intervenants en protection de