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Le petit livre d’une grande conversation sur l’âge : la façon de travailler

CHAPITRE 4 RÉCIT D'UNE RECHERCHE CRÉATION EN COMMUNAUTÉ

4.5 L’an 5 (2013-14) : laisser des traces et créer des liens

4.5.1 Le petit livre d’une grande conversation sur l’âge : la façon de travailler

Dix femmes d’âges et d’expériences très différentes faisaient partie du comité-livre86. Nous avons travaillé de septembre 2013 à mars 2014. Nous voulions que le livre soit soigné dans sa réalisation, rempli de photos aux couleurs vivifiantes, à l’image de l’expérience que nous voulions transmettre. Le livre serait conçu pour de multiples usages. Nous voulions

85 C’est ainsi qu’une participante du centre des femmes de Brossard parlait des nouvelles réalités entourant le vieillissement, comparativement à la génération de ses parents.

86 En plus de mes « co », j’ai demandé à quelques femmes membres du conseil d’administration de La Marie Debout, une femme d’Alma, ancienne travailleuse du centre que nous avions visité en 2012 et l’artiste Johanne Chagnon.

créer un livre avec lequel on a envie de vivre, le parcourir au hasard, au gré des réflexions sur chacune des pages ou des images reflétant la beauté des femmes. Le livre pourrait aussi servir d’outil d’animation dans des groupes d’échanges, des groupes d’écriture ou de création. Le travail qui nous attendait était colossal : puisqu’il était impossible de partager l’intégralité de nos impressionnantes archives, il faudrait choisir parmi les centaines de pages de retranscription des échanges lors de nos visites en tournée, les centaines de messages laissés dans nos petits livres, les milliers de photographies. Et puisque nous étions pressées dans le temps, à cause de notre subventionneur, j’ai effectué un travail préliminaire à l’été 2013, qui consistait à regrouper la matière dans laquelle nous puiserions le contenu du livre : j’ai commencé par relire tous les verbatim afin de faire un premier tri des centaines d’extraits de discussions enregistrées durant les trois années de tournée. J’avais le souci que cette première consignation reflète la diversité en termes de régions, de groupes d’âge, d’expériences. J’ai regroupé la matière choisie dans un document de 64 pages, par ordre chronologique, ce qui donna 173 extraits. J’ai ensuite regroupé dans un deuxième document tous les messages laissés par les femmes dans nos petits livres, 61 pages regroupant 397 messages sur les aspects lumineux et 22 pages avec 171 messages sur les aspects sombres. Enfin, j’ai fait un premier tri de centaines de photos et illustrations recueillies depuis le début du projet et qui pourraient éventuellement servir. J’ai donné le dossier des mots aux femmes du comité quelques semaines avant notre première rencontre, et j’ai demandé à chacune de faire une première lecture « coup de cœur », sans se soucier du résultat final. Elles devaient simplement surligner les passages qui venaient les toucher, sans savoir nécessairement pourquoi. Les membres du comité étaient représentatives de la diversité des lectrices que nous voulions rejoindre et j’ai fait le pari qu’on aurait forcément une variété dans ces coups de cœur. Après la première réunion, j’ai consigné par écrit tous les coups de cœur et j’ai remis aux femmes un nouveau document ainsi réduit. Les femmes avaient la tâche de relire encore une fois et de refaire l’exercice précédent. Nous avons continué cette démarche de rencontre en rencontre, tentant ensemble de voir quels étaient les grands thèmes émergeant des propos, jusqu’à se rapprocher davantage du nombre de pages prévu au livre, soit 180. À la fin janvier, nous avions retenu 146 extraits de messages et 39 extraits des verbatim. Après avoir demandé un dernier exercice de cinq « coups de cœur » à mes collègues, j’ai ensuite

procédé à un travail particulier, afin de m’assurer que les extraits choisis soient représentatifs de ce que nous avons entendu et lu depuis 2009 et qu’ils reflètent nos réflexions comme groupe de travail. J’ai appelé cette étape « mon delta à six branches ». Procédant « à l’ancienne », j’ai imprimé tous les extraits que nous avions choisis et je les ai ensuite découpés en une multitude de petits papiers. Je les ai collés au mur sous chacune des six rubriques retenues par l’équipe : art / vivance; force du groupe / arbre-forêt; corps ∕ nature; quêtes; temps éclaté; modèles-rôles. En les disposant au mur, je pouvais mieux voir. Bien qu’au début de l’exercice, j’avais en tête un grand fleuve delta, ce qui apparaissait devant mes yeux me ramenait à une image très présente dans Nous, les femmes, l’arbre, les branches, les feuilles, les racines. Ou comme diraient mes amies autochtones, « l’arbre de vie ». Cela me prit plusieurs journées, mais j’ai réussi à trier les extraits qui me semblaient les plus forts et représentatifs. J’ai réuni ces 141 extraits, montés dans un ordre délibéré, dans un document que j’ai soumis à mes collègues. Une fois la compilation approuvée par le groupe de travail, un petit comité de production composé de trois membres s’est mis à l’œuvre87. Nous avons travaillé durant trois semaines, individuellement et ensemble durant cinq journées intensives. Johanne procédait entre ces journées à mettre en page, faire des essais d’images et des propositions de composition, à partir des photos de nos archives que je lui avais envoyées et elle nous revenait avec ses planches. Lorsque nous avons eu une première maquette en main, nous avons rencontré les autres membres du comité pour échanger sur les contenus et ajuster la maquette. Le livre est abondamment illustré par des photos captées sur le vif lors de la tournée. J’ai écrit l’introduction racontant le projet. Nous avons fait un premier tirage de trois cents copies, nous assurant que chacun des centres qui nous avaient reçues lors de la tournée en reçoive un exemplaire. Devant le succès immédiat dès sa parution, nous avons fait un deuxième tirage de quatre cents exemplaires.