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Une finale tressant tous les aspects : la fête du 30 mars 2014

CHAPITRE 4 RÉCIT D'UNE RECHERCHE CRÉATION EN COMMUNAUTÉ

4.6 Une finale tressant tous les aspects : la fête du 30 mars 2014

Une soixantaine de femmes, hommes et enfants de tous les âges bravèrent la tempête printanière pour venir célébrer avec nous la fin de notre grande aventure. L’idée était de créer un événement tissant tous les volets de ce grand projet et de l’ouvrir aux hommes et aux femmes de nos vies. C’était aussi l’occasion de lancer notre livre Petit livre d’une grande conversation sur l’âge. Un après-midi riche d’émotions vives, de sororité, d’humanité, et j’ose le mot, d’amour. Une danse des générations, encore une fois, qui nous a réchauffé le cœur et, comme le soulignait Nicole O’Bomsawin, venue d’Odanak pour l’occasion, « ce sont des moments de beauté comme ceux-là qui sauvent le monde! »

Beauté dans les visages souriants franchissant les portes du restaurant. Beauté dans la chaleur de l’accueil et des retrouvailles. Beauté dans les plats préparés avec tant de soin par notre cheffe invitée, Lysanne O’Bomsawin, avec l’assistance des garçons du restaurant. Beauté dans les textes lus lors de cet après-midi et beauté dans l’extrême attention portée aux mots virevoltant dans l’espace gastronomique devenu poétique. Au menu de cette fête : j’ai résumé les cinq années de Nous, les femmes qu’on ne sait pas voir, les raisons d’être de cette réflexion par l’art et de la grande conversation sur l’âge qui s’ensuivit. J’ai parlé de la tournée à travers le Québec, de toutes ces femmes de 19 à 97 ans qui ont exploré avec nous les sens profonds de leur avancée en âge, la force du vivre-ensemble intergénérationnel qui permet de découvrir des aspects nouveaux, souvent bien subversifs, au vieillissement. « Nous sommes bien loin des clichés et des peurs entretenus par les médias », ai-je dit. Après avoir

dégusté le plat principal, festin de nourritures terrestres, place au festin de mots, nourritures pour l’âme. Huit des dix femmes du comité-livre montent sur la petite scène pour former un chœur. Elles lisent des extraits du Petit livre d’une grande conversation sur l’âge. Florilège d’un florilège, si je puis dire, puisque le livre est constitué d’une partie seulement des messages et des réflexions des mille femmes rencontrées à travers le Québec. Le texte de l’octuor, que j’ai conçu pour l’occasion en quatre parties distinctes, est ponctué entre chacun de ses mouvements par le son du tambour de Nicole O’Bomsawin, ses chants et ses paroles, comme le battement du cœur, la pulsation de la Terre-Mère, la rivière des Premiers Peuples qui coule dans nos veines. Un rappel nécessaire, émouvant de l’Ancêtre. Thuy Aurélie Nguyen vient ensuite nous lire le texte qu’elle a écrit lors du passage de Nous, les femmes à Rimouski en 2011. Elle témoigne avec délicatesse et émotion de son expérience :

Vieillir, c’est faire tomber les masques. C’est quitter l’enfant, la petite fille qui ne voulait pas grandir. C’est quitter sa peau d’ange et prendre des hanches de femme. Vieillir, c’est sortir, aller dans le monde pour goûter les odeurs, les peaux de différentes couleurs, les histoires venues d’ailleurs. Vieillir, c’est m’élargir à l’univers, curieuse et légère. Vieillir, c’est devenir mère au cœur de l’hiver.

Nicole O’Bomsawin enchaîne avec des chants et un conte autochtone. L’héroïne de son histoire prenant aujourd’hui le prénom de sa petite-fille Sogalie, présente elle aussi et gambadant joyeusement tout au long de la prestation de sa kokom. Puis, la grande poète innue Joséphine Bacon nous offre quelques extraits de ses recueils Bâtons à message et Un thé dans la toundra :

Ton pas léger soulève l’espoir un chant se fige dans ta mémoire tu deviens l’ancêtre de tes ancêtres tes cheveux blancs

racontent

tant de récits, tant de parcours

Pénélope Guay vient ensuite nous raconter la Maison communautaire Missinak, le rêve puis la création de la maison à Charlesbourg, l’acquisition de la merveilleuse terre de guérison à St-Tite-des-Caps. Elle nous parle de l’importance des liens, des ponts à bâtir entre nos communautés, pour plus de paix, plus de cœur conscient dans nos vies. Pénélope nous fait la lecture vibrante d’un texte écrit par Patric Saucier lors d’un spectacle d’autofinancement en 2008, le Mishta Amun – Le Grand Rassemblement :

Ma mère était tortue « Missinak » en langue innue une tortue comme moi comme ma fille une Missinak vieille comme la terre qui pond la vie depuis ses tout débuts […] Une Missinak ronde comme la vie une Missinak millénaire qui me rappelle d’où je viens. Qui dit à sa fille : « Pars, parle, partage, portage; tête haute. » Merci ma mère…

L’après-midi déjà très avancé se poursuit avec le dessert, de la bannique aux bleuets et sirop d’érable, arrosé d’un délicieux thé du Labrador. Dans cette atmosphère conviviale, des femmes témoignent de leurs expériences dans Nous les femmes au cours des cinq dernières années. Émouvantes prises de paroles des travailleuses de La Marie Debout, Fabienne Mathieu, Julie Drolet et Agathe Kissel, des artistes Diane Trépanière et Johanne Chagnon. Les précieuses cocréatrices/coanimatrices Thérèse Cloutier, Lise Gratton et Nicole Desaulniers témoignent de l’importance de ce grand projet dans leur vie. Julie Morin (venue d’Alma pour l’occasion), Louise Miller, Louise Bélanger, Lise Dugas parlent de « l’effet Nous, les femmes » dans la leur.

Il y avait ce dimanche-là en condensé d’amour, de profondeur, de rires, d’esprit et d’âme toute la richesse de notre grande conversation sur l’âge. On retrouvait cet espace de découvertes et d’art où ombre et lumière architecturent un territoire tissé d’histoires de vie passionnantes. Nous voulions nous rendre visibles par ce projet. Rendre visible la grande diversité du vieillissement des femmes; la belle sororité aussi. Nous voulions semer des graines pour que le projet se poursuive, autrement. Une page se tournait, Nous, les femmes prenait son envol sous d’autres formes, avec d’autres créatrices et d’autres comadres : le mouvement se continuait, notamment au Témiscamingue, où des femmes de Ville-Marie font grandir la création et la réflexion. Le livre permet également de faire grandir les réflexions à l’intérieur et à l’extérieur des centres de femmes; le site web, le blogue et la page Facebook poursuivent la conversation. Le film documentaire allait bientôt rejoindre d’autres milieux. Enfin, une collaboration entre La Marie Debout et le théâtre autochtone Ondinnok était dans l’air pour l’année suivante.