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PARTIE III Analyse des données

Chapitre 7 : Attitude et expérience de l’enseignante et de l’enseignant

7.3. Perspectives pédagogiques

Pour mener à bien l’intégration en classe ordinaire des élèves à besoins particuliers, nombre de chercheurs, d’auteurs et de personnes concernées par le sujet revendiquent la mise en place et la maîtrise de moyens indispensables sans lesquels, selon Miserez (2009), « l’école intégrative court à l’échec » (p.

18).

Parmi d’autres mesures, nous préconisons que ce type de démarche devrait faire partie du cursus initial des futur-e-s enseignant-e-s. A défaut, il conviendrait d’envisager leur accompagnement dans un tel projet par le biais de la formation continue.

Nous référant au contenu de la section 7.2 ci-dessus, nous sommes en droit de nous poser les questions suivantes :

- Est-il possible d’apprendre et/ou d’enseigner les aspects et caractéristiques de la « bonne attitude » aux enseignant-e-s ? Si oui, comment ?

- Se peut-il que l’enseignant-e ait des dispositions naturelles à cette « bonne attitude » ?

Pour Marthe (2009), les attitudes s’inscrivent dans l’histoire individuelle des personnes, mais peuvent changer du fait des expériences personnelles. Ceci nous libère heureusement d’un déterminisme qui peut se manifester « de manière d’autant plus forte lorsqu’il s’agit d’une situation de handicap » (p. 14).

Outre ces aptitudes propres à chaque individu, il convient donc ici de déterminer les « bonnes attitudes » à adopter envers les personnes en situation de handicap. Selon Doyle (2002), cité par Lamontagne-Müller (2007), la culture des écoles reflète des attitudes, croyances et valeurs. Par voie de conséquence, elles déterminent l’attitude des enseignant-e-s, des directrices et directeurs. Donc, travailler uniquement sur l’intégration, ses modalités, les types d’incapacité, la gestion de la classe, ne suffit pas. Les valeurs sociales sont aussi en cause, c’est la raison pour laquelle le processus de l’intégration doit être abordé quant au fond et non seulement quant à la forme. Moulin (2005) abonde en ce sens lorsqu’il préconise une formation basée, entre autres, sur le développement d’une « réflexion philosophique et éthique sur les finalités et les valeurs de l’école, ainsi que sur les notions d’égalité des chances et de droit à la différence de telle façon qu’elle soit garante d’une modification profonde des attitudes vis-à-vis des situations discriminatoires » (p. 220), ceci avec un accent mis sur la qualité du regard que l’enseignant-e porte sur l’enfant considéré comme différent.

En outre, cet auteur préconise aussi une formation des futur-e-s enseignant-e-s traitant la gestion de l’hétérogénéité, la pédagogie différenciée et l’évaluation formative ainsi que le partenariat avec les différents acteurs et actrices de la pédagogie spécialisée. Nous y revenons prochainement.

Aussi, le but est-il de combiner informations (apports d’éléments théoriques à propos de certaines thématiques telles que la différence et sa prise en compte, les normes et les valeurs, l’étiquetage et la stigmatisation) et contact – direct ou indirect – avec des personnes en situation de handicap. A partir des représentations et conceptions des étudiant-e-s, les thématiques telles que « la norme », « la diversité »,

« la différence », « le handicap » et leur prise en compte dans la classe, devraient être abordés. D’autres développements pourraient également être envisagés : la façon dont le handicap a été admis à travers les âges, l’évolution des regards, la naissance des classes spécialisées, entre autres.

La pédagogie de la sollicitude citée dans la section précédente joue un rôle central dans les pratiques inclusives, car elle favorise le développement du potentiel de tous les élèves, en situation de handicap ou non.

Ce concept met d’abord en évidence l’importance de la qualité relationnelle. Les étudiant-e-s devraient de ce fait être rendus attentifs aux recherches citées par Rousseau (2006, p. 227) prouvant que la relation basée sur l’empathie et la compréhension des besoins de l’élève a un impact sur la qualité de son expérience scolaire et de son degré d’engagement. En effet, la qualité de la relation enseignant-élève devrait être au centre du processus d’apprentissage pour les jeunes en difficultés scolaires, comme le souligne Marthe (2009) : c’est une exigence sine qua non pour la réussite de l’intégration scolaire. De fait, une relation pédagogique satisfaisante a pour conséquence une appréciation de l’école plus favorable et une meilleure perception de soi.

Nous avons évoqué plus haut les expériences difficiles vécues par les enseignant-e-s et considérées par ceux-ci comme autant de ressources personnelles facilitant entre autres choses la gestion d’un projet d’intégration. Aussi, postulant que les compétences professionnelles se développent aussi dans l’action, c’est-à-dire au cours du travail réel dans la classe, il est indispensable d’inclure tant en formation initiale que continue des espaces dévolus à l’analyse des pratiques, tels les ateliers de « Réflexion sur les pratiques » hérités des travaux de Schön37 puis abondamment discutés entre autres par Perrenoud, en tant que démarche cognitive de formation professionnelle réalisée dans un groupe de pairs. A travers une mise en œuvre rigoureuse, ce type d’analyse permet au praticien d’avoir une posture réflexive sur sa pratique professionnelle, de construire des savoirs et savoir-faire et de développer des savoir être relationnels ; il offre en outre la possibilité d’exposer et de partager d’éventuelles difficultés rencontrées sur son lieu de travail. Cette forme d’accompagnement paraît à notre sens nécessaire, car l’intégration scolaire représente un facteur éventuel d’épuisement professionnel pour l’enseignant-e concerné.

Selon une étude réalisée par Doudin, Curchod-Ruedi et Baumberger (2009), les enseignant-e-s intervenant exclusivement auprès d’élèves en difficultés courent davantage le risque de l’épuisement professionnel, ou burnout, que leurs collègues enseignant en classes ordinaires ; par ailleurs, les enseignant-e-s favorables à l’inclusion sont plus à risque d’épuisement et sont moins satisfaits du soutien reçu que leurs collègues favorables à l’exclusion.

Ces trois chercheurs montrent qu’un soutien social en tant que « réseau d’aide qu’une personne peut solliciter lorsqu’elle est confrontée à des situations professionnelles problématiques » (p. 16) est un facteur de protection du burnout. De ce fait, il nous semble que ce soutien social peut être obtenu, parmi d’autres sources, dans les dispositifs d’analyse des pratiques.

L’action inclusive n’est toutefois réalisable que si la structure de l’école et les rôles des différents partenaires, reposant sur des croyances et des prémisses, sont adaptés en conséquence. Ce ne peut être l’affaire d’une seule personne (l’enseignant-e) : elle doit être celle de l’ensemble des membres de la communauté scolaire. Nous y reviendrons dans les prochains chapitres.

37 Donald A. Schön (1931-1997) est un penseur et pédagogue influent dans le monde anglo-saxon, à l'origine de travaux sur les stratégies d'apprentissage réflexives par la pratique.