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Chapitre 2: Proposition d'un modèle décisionnel de pilotage de la culture de sécurité : une approche fondée sur l’analyse

2.2. Les hypothèses et les variables du modèle

2.2.3. Analyse théorique de la relation entre climat de sécurité et comportements propices à la sécurité.

2.2.3.2. Perceptions de la maturité du SGS et comportements propices à la sécurité

Fernández-Muñiz et al. (2007) ont constaté que dans les contextes organisationnels où les employés perçoivent un degré élevé d'engagement de la

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direction soutenu par la mise en œuvre d'un système de gestion de la sécurité mature, ils (i) ont une bonne connaissance des risques et des mesures de sécurité, (ii) ont tendance à être positifs dans leurs attitudes envers la sécurité, (iii) sont moins enclins à commettre des actes dangereux et (iv) sont plus motivés à faire des suggestions et des commentaires pour l'amélioration de la sécurité.

Plusieurs auteurs ont démontré la relation entre différents éléments du SGS et les comportements des travailleurs en lien avec la sécurité. Toutefois, bien que ces différents éléments puissent agir individuellement sur les comportements des travailleurs, il est indispensable de les considérer dans leur globalité afin de mieux cerner leur influence sur les comportements propices à la sécurité. Ce n'est pas la présence d'un élément du SGS ou l’autre qui importe selon nous, mais plutôt le fait pour le travailleur de percevoir que l’organisation a mis en place un système complet d'amélioration continue de la sécurité. Un système dans lequel des actions sont planifiées, réalisées puis évaluées avant que des mesures d’amélioration ne soient décidées.

Ci-dessous nous discutons en profondeur du rôle potentiellement important de ces éléments organisés suivant les phases du processus d’amélioration continue de la sécurité.

2.2.3.2.1. « Plan » : la planification de la sécurité

Partant de la revue des SGS, Cambon (2007) puis Crutchfield & Roughton (2013) ont tenté d’identifier les éléments de la phase de planification de la sécurité. Ces auteurs soutiennent que la planification implique notamment la définition d’une politique de prévention ; la définition d’une stratégie d’action en cohérence avec cette politique ; la mise en place d’une structure organisationnelle en charge du management de la sécurité etc.

Plusieurs actions ou éléments de cette phase de planification sont régulièrement mis en relation avec les comportements propices à la sécurité. Une grande partie

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de la littérature a, par exemple, montré que la politique de sécurité peut aider à créer et à influencer de manière significative les comportements en matière de sécurité des travailleurs (par exemple Barling, Loughlin & Kelloway, 2002; Mullen, 2004; Fernández-Muñiz et al, 2007; Lu & Tsai, 2008; Lu & Yang, 2010). La politique de sécurité se réfère à la mesure dans laquelle une entreprise crée une mission claire, des responsabilités et des objectifs afin d'établir des normes de comportement pour les employés. Elle implique, par ailleurs que, l’entreprise établisse un système de sécurité pour corriger les comportements des travailleurs en matière de sécurité (Lu & Yang, 2010). Le développement d'une politique de sécurité démontre l'engagement de l'organisation à la sécurité et exprime formellement les objectifs, les principes, les stratégies et les lignes directrices à suivre en ce qui concerne le comportement de sécurité (Fernández-Muñiz et al., 2007).

La politique de sécurité est en particulier utile lorsqu’elle permet d’encadrer la fixation d’objectifs de sécurité. Elle joue alors un rôle dans la motivation des travailleurs et peut dans certaines conditions déclencher le comportement et le diriger vers la réalisation des objectifs de sécurité de l’organisation. En effet, selon la théorie de la fixation des objectifs, le fait de fixer des objectifs peut améliorer la performance de sécurité de l’individu concerné lorsque (i) ce dernier considère qu’il a les capacités nécessaires pour les atteindre (ii) lorsqu’il reçoit un feed-back sur sa performance de sécurité ; (iii) lorsque des récompenses sont données lorsqu'un objectif est atteint ; (iv) lorsque les supérieurs hiérarchiques soutiennent les objectifs de leurs subordonnés et collaborent aux programmes de fixation des objectifs ; (iv) et enfin lorsque l’employé accepte les objectifs qui lui sont fixés sur la base de l'information qui lui est communiquée.

Par ailleurs, dans leur étude du SGS convenable, Fernández-Muñiz et al., (2007) confirment que la mise en place de politiques de sécurité, la planification des actions à mener afin d'éviter les accidents (plan de prévention) et la planification

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des actions nécessaires pour réagir rapidement en cas d'urgence (plan d'urgence) sont des éléments du SGS qui participent à faire en sorte que les travailleurs soient conscients de l'importance de travailler en toute sécurité, se conforment aux règlements et procédures de travail, participent activement aux réunions, et offrent des suggestions sur la façon d'améliorer la sécurité dans leur milieu de travail. En conséquence, nous pensons que dans un contexte organisationnel où des objectifs de sécurité difficiles, clairs et précis sont fixés de manière régulière, où les rôles et les responsabilités en matière de sécurité sont établis, et/ou les comportements souhaités au quotidien ou en cas d’urgence sont discutés, développés, appliqués et raffinés, les travailleurs ont de plus grandes connaissances des risques et des mesures de sécurité d’une part et sont motivés à adopter des comportements propices à la sécurité d’autre part.

2.2.3.2.2. « Do » : le déploiement de la sécurité

Les activités de formation et de communication tout comme le développement d’un système de documentation de sécurité font partie de la phase de déploiement de la sécurité (Cambon, 2007).

Des études démontrent l’importance de ces activités dans l’augmentation du potentiel humain et donc l’amélioration de ses performances au travail. Selon Reason (1998), les erreurs de première ligne sont plus susceptibles de se produire dans des organisations où des facteurs tels que la formation, la communication ou des procédures adéquates ne sont pas une préoccupation du management (Reason, 1998). La formation en matière de sécurité est en effet le moyen reconnu pour rendre les incidents plus évitables (Roughton, 1993). Elle permet notamment aux travailleurs de reconnaitre les dangers et les actions dangereuses et de comprendre leurs conséquences (Vredenburgh, 2002). Lorsque les travailleurs sont bien formés en ce qui concerne les précautions, les règles et les procédures de sécurité, leur performance en matière de sécurité s'améliore (DeJoy et al., 2000; Harvey,

91 Bolam, Gregory & Erdos, 2001; Zohar, 2002).

Hofmann & Stetzer (1998) ont quant à eux constaté que la communication de sécurité influe considérablement sur les accidents. Plusieurs études, dont celles de Vredenburgh (2002), de Pidgeon (1991) et de Fernández-Muñiz et al. (2007) vont dans le même sens. Elles suggèrent que la communication est essentielle dans la performance des employés puisqu’elle favorise un climat où les gens sont attentifs aux risques.

Par conséquent, nous pensons que dans un contexte organisationnel où des formations destinées à améliorer la sécurité sont organisées de façon régulière, où il y a des communications régulières à propos des risques et des mesures de sécurité et où la gestion de la sécurité est largement documentée, les travailleurs perçoivent que la direction accorde de l’importance à la sécurité et sont davantage motivés à adopter des comportements propices à la sécurité. Ils ont par ailleurs de plus grandes connaissances des risques et des mesures de sécurité, sont moins enclins à commettre des erreurs et ont par conséquent de plus grande performance individuelle de sécurité.

2.2.3.2.3. « Check » : le contrôle de la sécurité

Selon Fernández-Muñiz et al. (2007), le contrôle de la sécurité se résume en deux éléments: le contrôle interne et les techniques de « benchmarking ». Le contrôle interne capture l'existence de mécanismes permettant de vérifier dans quelle mesure les objectifs sont atteints, ainsi que le degré de conformité avec les normes internes ou les procédures de travail (Hurst, Young, Donald, Gibson, & Muyselaar, 1996; HSE, 1997) alors que les techniques de « benchmarking » servent à évaluer la mesure dans laquelle l'entreprise compare ses actions et ses performances de sécurité avec d'autres entreprises (Fuller, 2000).

Une observation faite par Fernández-Muñiz et al. (2007) met en lumière le fait que le contrôle interne est un des éléments du SGS qui démontrent l’engagement

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de la direction envers la sécurité. Il participe dès lors à faire en sorte que les travailleurs soient conscients de l'importance de travailler en toute sécurité et adoptent divers comportements propices à la sécurité.

Cependant, le contrôle de la sécurité ne se limite pas au contrôle interne et au Benchmarking. Cambon (2007) par exemple classe les activités de collecte et d’analyse des événements indésirables parmi les éléments du contrôle de la sécurité. Il s’inscrit dès lors dans la logique de Reason (1997, 1998) qui à travers

le concept d’« informed culture29

» 30 (Reason, 1997 ; 1998) fait du contrôle de la

sécurité un élément du contrôle de gestion organisationnel au sens de Merchant & Van der Stede (2012). Reason suggère qu’en créant un système d’information au sujet de la sécurité qui collecte, analyse et propage les informations provenant des incidents et des événements évités de justesse ainsi que des contrôles proactifs des signes vitaux du système, il est possible de réduire les actes dangereux des travailleurs de première ligne en les amenant à « ne pas oublier d’avoir peur ». La collecte des informations liées aux incidents permet d’une part de faire comprendre aux travailleurs ce qui est attendu d’eux et d’autre part, elle leur offre l’opportunité de partager l’expérience des autres. En même temps, la mise en place d’un système de déclaration des incidents joue un rôle d’incitant à participer à l’amélioration de la sécurité.

Cependant, Reason souligne que pour acquérir la participation des travailleurs à ce système d’information, il est nécessaire de construire une culture de

29 L’« informed culture» au sens de Reason (1998) est celle qui est nécessaire pour que les membres

de l'organisation comprennent et respectent les dangers auxquels sont confrontés leurs opérations, et soient à l'affût des nombreuses façons dont les défenses du système peuvent être franchis ou contournés et ce malgré la rareté des accidents. La «culture informée» repose dès lors sur la création d’un système d’information centrée sur la sécurité, lequel collecte, analyse et propage les informations provenant des incidents et des événements évités de justesse ainsi que des contrôles proactifs des signes vitaux du système.

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déclaration où le personnel s’engage dans la déclaration des quasi-incidents, les enquêtes de sécurité et les initiatives en matière de sécurité (Reason, 1997). Le design de cette dernière repose sur des caractéristiques organisationnelles

défendues par O'Leary & Chappell31 (1997) et la conception d’une « culture

juste ». Alors qu’ O'Leary & Chappell préconisent une culture sans blâme32, Reason (1998) soutient qu’une telle culture manquerait de crédibilité aux yeux

des travailleurs. Il préconise une culture juste33 dans laquelle les gens sont

encouragés et même récompensés à fournir des informations essentiels et ont surtout confiance au caractère juste de l’initiative (Reason, 1998).

De ce qui précède, nous pensons que dans un contexte organisationnel où des activités de contrôle interne de la sécurité sont réalisées de façon régulière, où des techniques de « benchmarking » relatives à la sécurité sont effectuées et dans lequel il existe un système de collecte et d’analyse d’incidents conformes aux propositions de Reason (1997, 1998), les travailleurs seront plus enclins à participer à la gestion de la sécurité notamment en déclarant plus souvent des

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O'Leary et Chappell sont les architectes de deux systèmes de reporting très célèbres dans le monde de l’aviation : le NASA's Aviation Safety Reporting System et le British Airways Safety Information System. Ces auteurs ont décrit en 1997 les caractéristiques qui servent à persuader les gens à signaler les accidents évités de justesse et les incidents. Ils comprennent : la confidentialité ou la dé-identification des déclarants; la séparation de l'organe ou du département qui collecte et analyse les rapports de celui ayant le pouvoir d'engager une procédure disciplinaire et d’imposer des sanctions; la rétroaction rapide, utile, accessible et compréhensible vers la communauté qui fait les rapportages d’incident et la simplification du processus de rapportage.

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Une culture sans blâme ou une culture non punitive est celle qui implique une amnistie générale à tous les types de comportements dangereux.

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Une condition préalable à une culture juste est que tous les membres de l’organisation doivent comprendre où la ligne doit être établie entre un comportement inacceptable, justifiant des mesures disciplinaires, et le reste, lorsque la peine n'est ni approprié ni utile pour faire avancer la cause de la sécurité. Reason (1998) propose quelques pistes pour l’ingénierie d’une telle culture.

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événements indésirables. Dans ces conditions, les travailleurs ont une plus grande connaissance des risques et des principes de sécurité et sont motivés à adopter des comportements propices à la sécurité.

2.2.3.2.4. « Act » : l’amélioration de la sécurité

Reason (1998) a mis en lumière l'influence de l'absence de mesures d’amélioration relatives à la sécurité sur la survenue des accidents célèbres comme la catastrophe ferroviaire de Clapham Junction ou l'explosion de la plateforme pétrolière de Piper Alpha. La négligence du management ou le report de l'élimination des faiblesses défensives précédemment identifiés a conduit à l'érosion progressive des mesures de protection contre les risques (Reason, 1998). Dans un contexte organisationnel où les travailleurs observent que des défaillances connues de tous ne sont pas suivies de mesures correctives, ils estiment que la direction n’accorde pas de l’importance à la sécurité et selon le principe de réciprocité, il s’ensuit un désengagement de ceux-ci. Nous estimons que l’absence de mesures d’amélioration favoriserait la normalisation des comportements dangereux et affecterait la motivation du personnel, ce qui entrainerait le découragement, la diminution de la vigilance et même des violations des règles et procédures.

Compte tenu de ce qui précède, nous faisons l'hypothèse suivante :

H2: Les perceptions par les travailleurs de la maturité du SGS influencent l'adoption par ceux-ci de comportements propices à la sécurité.

2.2.3.3.

Le climat de sécurité du Groupe en tant que variable