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Chapitre 3 : Le protocole d’expérimentation

4.1. Analyse de la culture de sécurité du SRT

4.1.1. Le SGS du SRT: un projet d’amélioration continue de la qualité

4.1.1.2. Le déploiement de la sécurité au SRT (Do)

Pour décrire cette phase, nous avons retenu principalement quatre actions: la standardisation des procédés pour réduire les risques d’erreur, les checklists pour réduire les risques d’oubli et prévenir les goulets d’étranglement, les formations pour améliorer le professionnalisme des travailleurs et un système formalisé de communication interne pour diffuser les valeurs, la vision et les procédures. 4.1.1.2.1. Simplification des processus - procédures et checklists

Au SRT, la direction est convaincue que, contrairement aux idées reçues, il est possible de standardiser les pratiques dans la prise en charge du patient en milieu médical. Le SGS du SRT inclut dès lors des processus simplifié, la standardisation des procédés et l’intégration des contrôles dans le processus normal de travail. Le point de départ a consisté en une cartographie du processus global de prise en charge du patient. Ce macro processus a été disséqué en microprocessus dont la responsabilité incombe aux différents secteurs professionnels. Pour chacun de ces sous-processus/secteurs, le SRT s’est fixé des délais opérationnels intermédiaires. Les risques sont dès lors perçus comme des éléments perturbateurs susceptibles de nuire au respect de ces délais. La cartographie des processus a également permis de déterminer les goulots d’étranglement et d’en attribuer la responsabilité aux différents secteurs (et non aux individus).

Des causes d’interruptions dans le processus ayant été identifiées aux différentes phases, ils ont servi à créer des checklists de contrôle. Ces derniers fournissent une liste de conditions qui doivent être réunies avant qu’une tâche particulière ne soit entreprise. L’opérateur doit vérifier et cocher des cases. Si toutes ces conditions ne sont pas réunies, la tâche ne peut être entamée et la situation est automatiquement considérée comme un EI. À titre d’exemple, La « quality

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checklist »77 est utilisé par les infirmières pour s’assurer que le dossier

(contourage et acte de dosimétrie) du patient est validé et paraphé par le médecin avant d’envisager son traitement au niveau de la machine. Ces checklists sont efficaces puisque, comme en témoigne un infirmier, depuis qu’ils ont été lancé, « … ce n’est plus arrivé qu’un patient soit sur table, qu’on se rend compte que le masque n’est pas là, que la prescription n’a pas été faite » etc.

Par ailleurs, pour réduire les risques d’erreur, le SRT a introduit des procédures standards par secteur professionnel et par type de traitement, notamment « … traitement de la tête, traitement œsophage, traitement du pelvis, prostate… ». Les procédures permettent « … d’avoir une façon de travailler qui est assez carrée et qui est très bien…. ». Elles ont été mises à la disposition du personnel à partir de plusieurs canaux, notamment : des fardes contenant des procédures dans chaque zone de travail et, le « logiciel IQ » où on retrouve les procédures dans leur dernière version. Les agents « peuvent, s’ils ont un doute, retourner dans la procédure pour s’assurer qu’ils en connaissent la portée… ».

Pour s’assurer de leur acceptation par les personnes de terrain, la direction a veillé à ce que cette standardisation vienne du terrain et ne soit pas imposée de façon « top down ». Des professionnels ont dès lors été chargés d’établir eux-mêmes des procédures décrivant au mieux la façon dont ils travaillent dans leurs secteurs respectifs. Les référents qualité qui disposent d’une grande expérience ont joué un rôle de premier plan dans la préparation des procédures. Ce sont eux, en collaboration avec leurs collègues qui les ont rédigées avant de les soumettre à l’approbation du COPIL. Même si les référents n’ont pas de pouvoir de décision, ils sont plus proches du terrain et sont respectés par leurs collègues. En fin de compte, le COPIL n’est qu’une chambre d’enregistrement des propositions

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Cette pratique est inspirée de la politique du No Fly qui est issue du domaine du transport aérien et consiste à ne pas passer à l’étape suivante tant qu’un certain nombre de vérifications figurant dans une checklist n’ont pas été réalisées.

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émanant du terrain. Cette standardisation des pratiques est perçue par les travailleurs comme un facteur d’amélioration de la qualité et de la sécurité puisqu’elle est source de réduction d’erreur et réduction des risques d’accident. Selon une référente qualité en physique, « …(les procédures… note de l’auteur) C’est des garde-fous pour éviter de commettre des erreurs. Il y a peut-être des personnes qui n’aiment pas avoir une liste de tâches à suivre mais si on veut éviter des accidents, il faut quand même suivre une procédure qui est quand même sécurisante ».

La conformité aux procédures a par conséquent été instituée comme une règle et la direction est intransigeante sur les violations de procédures. Le personnel étant à l’origine des procédures, il a le devoir de s’y conformer. Mais, dans la pratique, les procédures sont loin de résoudre tous les problèmes. Des situations de doute subsistent et justifient une importante collaboration informelle entre les travailleurs pour décider en commun comment agir.

« … si j’ai un doute je peux toujours aller consulter la procédure ou poser la question à mes collègues. Donc c’est vraiment des équipes relationnelles où, si quelqu’un a un doute, je puis vous garantir il ne va jamais traiter le patient. Si j’ai un doute sur une fiche ou sur une image ou quoi il est hors de question que je puisse traiter ce patient et ça c’est vraiment quelque chose qui chez nous est indispensable » (Infirmier)

Néanmoins, même si des circonstances exceptionnelles peuvent conduire à outrepasser des procédures dans l’intérêt de l’organisation, au SRT il est établi de manière informelle que cela ne doit pas conduire un agent à aller au-delà de son domaine de compétence en s’aventurant dans ce qui relève d’une autre profession. Le service veut par ce moyen faire prévaloir la sécurité sur les autres objectifs, dont la production. Comme le souligne le chef de service,

« il est clair que si vous avez je ne sais pas moi 40, 50 patients à traiter par jour et que un interloque machine systématiquement s’allume et que vous savez pertinemment que cet interloque machine est mineur, si vous n’avez pas le droit

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de le « bypasser » parce que vous êtes infirmier en machine et vous n’êtes pas physicien, parce que vous n’êtes pas technologue de la firme lambda, vous n’avez pas le droit de le bypasser. Point barre hein. […] vous devez appeler les physiciens qui doivent prendre connaissance de l’interloque, qui doivent prendre leur responsabilité en disant vous pouvez le « bypasser » et si pour cela il faut rappeler le physicien 20 fois sur la journée eh bien tant pis il faut rappeler 20 fois le physicien ». (Chef SRT)

Cette culture de zone de compétence limitée apparaît dans le discours des travailleurs qui semblent l’accepter et en avoir conscience. Le référent qualité infirmier le rappelle en ces termes :

« Attention qu’il y a différentes choses hein. La partie machine moi je n’interviens pas là-dedans ce sont les physiciens hein. Tout ce qui est panne machine ou quoi que ce soit des réinitialisations qu’on peut faire mais après ça, de toutes les façons le physicien est prévenu. Ça c’est, ce n’est pas du tout dans mon secteur hein. …travailler sur la machine ce n’est pas mon boulot ça... ».

4.1.1.2.2. Les formations et évaluations

Les formations au SRT concernent aussi bien l’acquisition des compétences en management de la sécurité que l’acquisition de compétences professionnelles dans la prise en charge du patient. Selon le chef du SRT, le constat de départ est

qu’à cause de l’« anachronisme »78

belge où la loi stipule que le traitement en radiothérapie doit être administré par des infirmières et non par des technologues, il existe un gap entre les aptitudes et les connaissances théoriques d’un infirmier en machine et celui d’un technologue. Ce gap avait des répercussions sur l’organisation de la prise en charge du patient au SRT. En effet, alors que c’étaient des infirmières qui faisaient les traitements en machine, ce sont les médecins qui

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devaient intervenir systématiquement pour contrôler les images. Ces «interruptions dans les postes de commande … étaient un facteur de risque majeur d’erreur » (Chef SRT). De plus, alors que la loi impose des formations continues obligatoires pour les médecins et pour les physiciens dans le cadre de l’accréditation, il n’en existe pas pour les infirmiers, les dosimétristes et le personnel administratif.

Compte tenu de tout cela, le service s’est investi dans la formation pour accroitre les connaissances théoriques, le professionnalisme et la conscience du risque pour tous les membres du service. Un certificat universitaire obligatoire pour tous les infirmiers du service a été mis en place avec pour finalité de leur permettre de comprendre le langage technique d’autres secteurs comme la physique ou la médecine. Le certificat est sanctionné par un examen écrit puis oral si l’écrit n’est pas réussi. Les cours sont organisées en interne et dispensés par les membres du personnel expérimentés.

Par ailleurs, le SRT acquiert « des nouvelles machines tout le temps » et « chaque fois avec de nouvelles techniques … ». Les connaissances scientifiques et techniques nécessaires évoluent en même temps que les techniques de traitement. Pour mettre à jour les connaissances de son personnel, des formations continues obligatoires ont été instituées pour les « dosimétristes » pendant que les agents d’administration étaient simplement encouragés à se former. Par ailleurs, alors qu’il n’existait pas d’évaluation pour le corps médical, des évaluations régulières et obligatoires ont été instituées suivant une grille validée par la direction des ressources humaines de l’hôpital.

4.1.1.2.3. La mise en place d’un système formalisé de communication interne

Le SRT a mis en place un système de communication formelle pour soutenir le projet d’amélioration continue de la Q&S. Une sensibilisation initiale a été faite par les ingénieurs sécurité d’Air France. Une sensibilisation continue générale se

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fait dans le cadre de la semaine de la qualité et une sensibilisation indirecte est faite à travers la démarche du MWQ. Toutes les décisions importantes du COPIL sont communiquées via l’intranet du service. Deux fois par an, au cours d’une réunion de service obligatoire, deux tiers du temps sont dévolus à la Q&S des patients. Les actions correctives les plus importantes sont affichées à la salle de repos et le CREx a l’obligation de communiquer mensuellement ses rapports d’analyse à l’ensemble du personnel.