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Une source très riche d’informations sur la Pologne de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle sont les Epistolae historico-familiares d’Andrzej Chryzostom Załuski (1648-1711), évêque, sénateur, chancelier de la reine, conseiller du roi et enfin chancelier de la Couronne. Les trois premiers volumes de cet ouvrage imposant ont été publiés de son vivant en 1709-1711 à Braniewo ; le quatrième, complété de sa biographie, en 1761 à Wrocław par son neveu Józef Andrzej Załuski, un des fameux fondateurs de la bibliothèque Załuski203. Ces volumes résultent de quarante ans d’activité et de collecte de cet homme d’État au centre des événements politiques de son pays204. Ils contiennent des lettres, actes publics, propositions et textes législatifs, instructions, journaux, mémoires, relations, projets, manifestes, discours, brochures de propagande, libelles et autres écrits divers205. Ces textes constituent une mine de renseignements sur les règnes de Jean Casimir, de Jean III Sobieski et d’Auguste II. Ils sont ordonnés de façon plus ou moins chronologique. Parmi tous ces documents, il est possible de retrouver les opinions de l’auteur sur la situation internationale de la République et sur son fonctionnement intérieur. On y trouve les justifications des choix politiques d’Andrzej Chryzostom Załuski. Changeant selon les circonstances et selon ce qu’il estimait bon pour la Pologne-Lituanie, l’auteur finit par être un fidèle soutien pour Sobieski et un ferme appui pour Auguste II après les guerres du Nord. En 1710, il appelait ses compatriotes à sauver la République d’un commun effort avec le roi saxon206.

Załuski reconnaissait les faiblesses du régime sarmate dès le règne de Jean III, d’où ses propositions de réforme, qui avaient pour objectif de renforcer le pouvoir royal en lui accordant de nouvelles prérogatives (droit d’approbation, de rétractation et d’amélioration des décisions de la diète, droit de veto, voix au tribunal de la diète, droit de déclarer la guerre), tout en assainissant

203 ZAŁUSKI Andrzej Chryzostom, Epistolae historico-familiares, t. I-III, Braniewo, 1709-1711 ; ZAŁUSKI Andrzej Chryzostom, Epistolae historico-familiares, t. IV, Wrocław, 1761. Pour une présentation détaillée de cette œuvre, de son auteur et éditeur, voir la bibliographie d’Estreicher : Elektroniczna baza bibliografii Estreichera, en ligne, URL : https://www.estreicher.uj.edu.pl/staropolska/baza/wpis/?sort=nazwisko_imie&order=1&id=20486&offset=0&index=22 [consulté le 12 avril 2018]

204

ACHREMCZYK Stanisław, « Biskup warmiński Andrzej Chryzostom Załuski jako mąż stanu », Komunikaty

Mazursko-Warmińskie, 1994, nr 2-3, p. 203-218. 205

Une œuvre semblable datant du XVIIe siècle est citée par Solignac dans son Histoire générale de la Pologne : ŁUBIEŃSKI Stanisław, Stanislai Lubienski, episcopi plocensis opera posthuma, Anvers, Joan. Mersium, 1643. Publiée de façon posthume, elle contient des traités historiques, des biographies des évêques de Płock, des discours politiques et des lettres qui étaient dans la possession de Łubieński. Ces textes rapportent sans aucun doute des informations précieuses pour la connaissance de la période. On reproche néanmoins à cet évêque sénateur un manque d’objectivité vis-à-vis de ses pairs de la chambre du sénat, dont les décisions ne sont jamais mises en cause, ainsi qu’un certain opportunisme politique, prenant généralement la défense des vainqueurs. Voir : SOLIGNAC (chevalier de), Histoire

générale de Pologne, op. cit., p. XXXI-XXXIII.

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le fonctionnement des diètes (vote à la majorité, contrôle du liberum veto par un tribunal) et des interrègnes (réduction du temps de l’interrègne à quelques semaines, punition de la corruption). Selon le sénateur, le pouvoir du souverain devait néanmoins rester limité en matière militaire et en matière de politique internationale, domaines réservés à la diète. Critiquant le fonctionnement des assemblées, il s’opposait à leur convocation trop fréquente. Enfin, il prenait la défense des paysans polonais207. Les dossiers de Załuski se révèlent donc très riches aussi bien pour la connaissance de l’actualité polonaise que pour la réflexion sur les rapports entre gouvernants et gouvernés.

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Il en est de même des écrits de Stanislas Leszczyński publiés quelques décennies plus tard. Son Głos wolny (1734-1735), présenté au chapitre précédent, s’est inscrit comme un des projets de réforme les plus aboutis de l’époque saxonne208.

Accordons encore quelques mots à un autre personnage tout à fait central : Stanislas Hieronim Konarski (1700-1773), devenu prêtre et enseignant piariste après des études en Pologne et à Rome209. Il est connu, évoqué et loué par le physiocrate Nicolas Baudeau pour son travail pédagogique et pour la fondation en 1740 du Collegium Nobilium210. Ses réflexions politiques ne sont pas citées expressis verbis dans notre corpus mais elles ont fortement inspiré le Français Pyrrhys de Varille, qui a très probablement participé aux discussions autour de ses projets de réforme dans les salons polonais211.

Or les textes de Konarski, en particulier O skutecznym rad sposobie (1761-1763), marquent un tournant dans la pensée politique polonaise212. Il est le premier à dénoncer entièrement le liberum veto, désigné comme la cause de tous les maux de la République213. Ses prédécesseurs n’en demandaient que la réforme, Konarski en exige la suppression214. Il retrace l’histoire des institutions polonaises et entend démontrer que le veto, tel qu’il a pris forme aux XVIe et XVIIe siècles, est un abus résultant d’une mauvaise interprétation des anciennes lois. De

207 Ibidem, p. 214-215.

208

Sur l’œuvre de Stanislas, son contexte et sa réception : OLSZEWSKI Henryk, Doktryny prawno-ustrojowe czasów

saskich, op. cit., p. 259-281. FORYCKI Maciej, L’Anarchie polonaise, op. cit., p. 116-133. FORYCKI Maciej, Stanisław

Leszczyński, op. cit., p. 173-174.BERNACKI Włodzimierz, Myśl polityczna I Rzeczpospolitej, op. cit., p. 281-296.

209 Ibidem,p. 301 ; KONOPCZYŃSKI Władysław, Pisarze polityczni XVIII wieku (do Sejmu Czteroletniego), Warszawa, PWN, 1966, p. 171-198. Sur le traité et son contexte d’écriture, voir : OLSZEWSKI Henryk, O skutecznym rad sposobie, Kraków, Krajowa Agencja Wydawnicza, 1989. Le texte en lui-même est présenté aux pages 63-72. Pour une étude plus détaillée du personnage, nous renvoyons aux monographies consacrées uniquement à cet auteur, notamment : KONOPCZYŃSKI Władysław, Stanisław Konarski, Warszawa, wyd. Kasa im. Mianowskiego, 1926 ; NOWAK -DŁUŻEWSKI Juliusz, Stanisław Konarski, Warszawa, Pax, 1951 ; ZIĘTARSKA Jadwiga (dir.), Stanisław Konarski -

pedagog, polityk, filozof, Warszawa, WP-UW, 2014. 210

BAUDEAU (abbé), Lettres historiques, op. cit., 143-145, 293-294.

211

STASIEWICZ-JASIUKOWA Irena, « Jean-Jacques Rousseau czy John Locke? [...] », op. cit., p. 9. Ce dernier article est également paru en langue française : « Jean-Jacques Rousseau ou John Locke ? Réflexions sur un traité de César Pyrrhys de Varille » in ZATORSKA Izabela, SIEMEK Andrzej (dir.), Le Siècle de Rousseau et sa postérité. Mélanges

offerts à Ewa Rzadkowska, Warszawa, Instytut Romanistyki, 1998, p. 175-184. 212

BERNACKI Włodzimierz, Myśl polityczna I Rzeczpospolitej, op. cit., p. 301-302. 213

Ibidem, p. 302-308.

214

Sur cet aspect novateur de Konarski : ibidem ; KONOPCZYŃSKI Władysław, Pisarze polityczni XVIII wieku, op. cit., p. 174.

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cette manière, il s’inscrit dans la tradition des ancêtres, tout en invitant ses compatriotes à la réforme, comprise comme un retour aux origines215. De fait, il apparaît qu’en soi, le réformateur ne veut pas rompre avec les fondements politiques et religieux de la République. Par exemple, il prévoit d’introduire des peines pour ceux qui proposent des projets contraires à la religion et à la liberté216, garantissant ainsi deux principes phares du « sarmatisme » des XVIIe et XVIIIe siècles.

Il maintient de même le sejm au centre du système politique polonais. C’est pourquoi sa réforme apparaît d’autant plus urgente. En Pologne, la diète joue un rôle de conseil (rada) et de décision. Elle doit être « le dirigeant et la lumière du bon gouvernement »217. Outre l'élimination du veto, Konarski souhaite la suppression du droit de vote des nobles non possessionnés ou au service des magnats, l’élimination des mandats impératifs, l’augmentation du nombre de députés et du temps des délibérations (jusqu’alors limité à six semaines), une organisation plus stricte de l’emploi du temps des députés, la fermeture de l’assemblée au public (sauf sous conditions), un assainissement des diétines, une meilleure préparation des projets et des séances notamment dans les commissions et les départements du Conseil des résidents (Rada Rezydentów)218. Ce dernier constituerait l’organe exécutif de la République. Konarski le divise en quatre départements : justice, ordre général (intérieur), trésor, guerre. Son rôle serait de veiller à l’exécution et au respect des constitutions de l’assemblée219. Enfin, dans cet ensemble, la place du roi reste secondaire, bien que nécessaire. Sans avoir de rôle prépondérant, il constitue le troisième état de la diète, sans lequel elle ne peut se rassembler. Konarski propose d’enlever au prince le droit de nomination aux charges et de le transférer à la diète et aux diétines. Il considère que le monarque en sera plus respecté. Il lui accorde néanmoins la possibilité de refuser trois candidatures consécutives220.

En définitive, il apparaît que ce réformateur continue de fonctionner dans les paradigmes républicains sarmates, bien qu’il remette indéniablement en cause certains aspects, jusqu’alors intouchables, de la « liberté dorée ».

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Michał Wielhorski (v. 1730-1814), magnat, partisan du parti saxon et franc-maçon221, est un autre réformateur de la fin du siècle, qui reste fidèle à l’ancienne république sarmate. Selon lui, cette dernière constitue un modèle. Si l’État polono-lituanien connaît des difficultés, c’est qu’il se

215

BERNACKI Włodzimierz, Myśl polityczna I Rzeczpospolitej, op. cit., p. 305-306, 308. Il distingue notamment le consensus unanimis du consensus communis.

216

Ibidem, p. 311.

217

Cité selon : ibidem, p. 302. Texte original : « wódz i światło dobrego rządu ».

218

Ibidem, p. 313 ; KONOPCZYŃSKI Władysław, Pisarze polityczni XVIII wieku, op. cit., p. 186-192.

219

BERNACKI Włodzimierz, Myśl polityczna I Rzeczpospolitej, op. cit., p. 313-314. 220

Ibidem, p. 316. KONOPCZYŃSKI Władysław, Pisarze polityczni XVIII wieku, op. cit., p. 180-181, 185-186.

221

Voir la biographie exacte de l’auteur dans : BERNACKI Włodzimierz, Myśl polityczna I Rzeczpospolitej, op. cit.,

p. 371 ; FORYCKI Maciej, L’Anarchie polonaise, op. cit., p. 161-172 ; GŁOWACKI Jerzy Józef, Gastronomia polityczna

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serait écarté de sa forme originelle. Dès lors, l’objectif est de reconstruire ces anciennes normes222.

Précisons que les tenants de l’ancienne république sont souvent présentés dans l’historiographie comme des obscurantistes, des opposants à tout changement politique et institutionnel. Włodzimierz Bernacki apporte une nuance à ce jugement : des propositions de réformes émanaient également de ce cercle de penseurs, qui percevaient les limites de certaines pratiques. Néanmoins, ces hommes maintenaient une définition classique de la République, continuaient de voir dans le renforcement du pouvoir royal une menace pour les libertés des citoyens nobles et se montraient socialement conservateurs223. De même, Maciej Forycki appelle à réévaluer le personnage de Wielhorski, qui encourage Rousseau et Mably à écrire des projets de réforme pour la Pologne, montrant par là une volonté rénovatrice224.

Le comte Wielhorski a eu plusieurs contacts avec la France. Il y effectue d’abord une partie de ses études, ainsi qu’à Lwów et Dresde. À partir de 1770, il mène une mission diplomatique à Paris de la part de la confédération de Bar, qui cherchait du soutien auprès de Versailles contre les interventions russes et contre Stanislas Auguste et les réformes Czartoryski. C’est à cette occasion que Wielhorski eut un échange particulier avec Rousseau et Mably, le dernier ayant lui-même voyagé en Pologne sous le patronage du comte225. De ce contac, sont nés les projets des deux penseurs français, mais aussi celui du magnat, O przywróceniu dawnego

rządu według pierwiastkowych Rzeczypospolitej ustaw (Paris, 1775)226.

Dans le traité, la liberté continue d’être la valeur suprême et la monarchie une menace227. Certes, le comte maintient la fonction royale, mais celui qui l’exerce devrait être « sans force et presque sans autorité »228. Aussi, tout comme Konarski, Wielhorski propose de retirer au monarque le droit de distribuer les charges et dignités229. Cette idée est d’ailleurs partagée par Rousseau et Mably230.

Si le magnat veut garder l’électivité du trône, il propose de changer la procédure de l’élection. Seuls les anciens ministres seraient éligibles, ce qui fermerait la porte aux étrangers. Un suffrage secret devrait être organisé tous les ans au sein des diétines. Chacune enverrait l’urne avec les bulletins de vote fermés au Conseil Général (l’organe exécutif central). Les votes

222

Ibidem, p. 298.

223 BERNACKI Włodzimierz, Myśl polityczna I Rzeczpospolitej, op. cit., p. 371. 224

FORYCKI Maciej, L’Anarchie polonaise, op. cit., p. 317-318. Voir également : FORYCKI Maciej, « Séverin Rzewuski (1743-1811) ou le déclin du républicanisme sarmate », Wiek Oświecenia, t. 31, 2015, p. 109-116. Dans cet article,

Maciej Forycki confronte la pensée de Wielhorski à celle plus conservatrice encore de Rzewuski, qui a rejoint la confédération de Targowica. À ce sujet, voir également : WALICKI Andrzej, « Le sarmatisme : mythe historique, idéologie politique, style culturel […] », op. cit., p. 149-150.

225

La thèse de Maciej Forycki est consacrée à cet échange entre Wielhorski et les penseurs français : ibidem. Voir également la biographie de l’auteur dans : BERNACKI Włodzimierz, Myśl polityczna I Rzeczpospolitej, op. cit., p. 371. 226

WIELHORSKI Michał, O przywróceniu dawnego rządu według pierwiastkowych Rzeczypospolitej ustaw, Paris 1775. 227

Voir, par exemple, le passage suivant : WIELHORSKI Comte, Essai sur le rétablissement de l’ancienne forme du

gouvernement de Pologne, op. cit., p. XVII-XXII. 228

Ibidem, p. 263. Sur ce passage : BERNACKI Włodzimierz, Myśl polityczna I Rzeczpospolitej, op. cit., p. 379. 229

Ibidem, p. 378.

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resteraient secrets et ne seraient dépouillés qu’en cas de mort du souverain. De la sorte, il n’y aurait presque plus d’interrègne et l’élection se déroulerait annuellement dans la plus grande stabilité. L’antique liberté des Polonais de choisir leur maître serait ainsi maintenue, tout en évitant les troubles231.

De même, Wielhorski revient sur l’autre grand symbole de la liberté dorée : le liberum

veto. Il conteste la forme que celui-ci a prise dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Devenu

liberum rumpo, il paralyse toutes les décisions de la diète et annule également celles qui avaient

été auparavant adoptées à l’unanimité232. Il remarque que cette pratique sert les cours étrangères, en particulier la Russie, qui en 1767-1768, inscrit cette procédure parmi les lois fondamentales dont elle se porte garante. Le veto serait devenu un instrument d’oppression aux mains de la tsarine, qui bloque ainsi toute possibilité d’amendement de la République233. Le magnat propose donc d’abandonner cette pratique en faveur de la majorité des 2/3. Elle pourrait être maintenue à la diète uniquement pour les matières qui n’auraient pas été auparavant objet de consultation avec les diétines234. Car ces dernières sont au centre de l’intérêt du comte. Il les perçoit comme les fondements de la République, où se réalise pleinement et directement la liberté nobiliaire. C’est pourquoi il propose aussi d’en assainir le fonctionnement par la règle des 2/3 et par l’introduction d’une plus grande discipline grâce à un règlement235. Par ailleurs, il propose qu’à la diète, le vote ne se fasse pas par nonce mais par palatinat, chacun n’y possédant qu’une seule voix236.

Ces changements viseraient à réhabiliter le pouvoir législatif, entièrement remis aux mains de la diète et de la szlachta qu’elle représente. Quant au pouvoir exécutif, Wielhorski insiste surtout sur sa soumission au législatif, à qui tous les ministres et fonctionnaires, choisis par la nation (c’est-à-dire la diète et les diétines), doivent rendre des comptes. Enfin, tout comme Konarski, il divise l’exécutif en quatre ministères237.

*

Ni Konarski ni Wielhorski, qui cherchent à s’inscrire dans la tradition sarmate, n’illustrent l’intégralité de la pensée politique polonaise de la seconde moitié du XVIIIe siècle. D’autres auteurs fondamentaux proposent des formes de gouvernement différentes. Par exemple, le roi Stanislas Auguste, inspiré du modèle anglais, est partisan d’une monarchie constitutionnelle, où le roi héréditaire serait le chef du gouvernement, de l’administration et du pouvoir exécutif. Ainsi, contrairement aux auteurs précédents, il postule le renforcement du pouvoir royal, et non son

231

WIELHORSKI Comte, Essai sur le rétablissement de l’ancienne forme du gouvernement de Pologne, op. cit., p. 268-271.BERNACKI Włodzimierz, Myśl polityczna I Rzeczpospolitej, op. cit., p. 379. À noter qu’à ce sujet Wielhorski

engage une polémique avec Mably qui veut introduire l’hérédité.

232

Ibidem, p. 375.

233

Ibidem, p. 375-376. WIELHORSKI Comte, Essai sur le rétablissement de l’ancienne forme du gouvernement de

Pologne, op. cit., p. 76-78. 234

BERNACKI Włodzimierz, Myśl polityczna I Rzeczpospolitej, op. cit., p. 375-376. 235

Ibidem, p. 377. Wielhorski et Rousseau se rejoignent sur ce point. Ils accordent la même importance aux diétines.

236

Ibidem, p. 375, 376.

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affaiblissement238. Quant à Kołłątaj (1750-1812), Staszic (1755-1826) ou Jezierski (1740-1791), ils défendent des idées nouvelles telles que l’égalité civile, la garantie des libertés individuelles pour tous et l’intégration des roturiers, en particulier des bourgeois, dans la vie politique du pays239. Dans les faits, la Constitution du 3 mai 1791 résultera d’un compromis entre les deux courants de pensée. Néanmoins, les représentants tant du monarchisme constitutionnel que du « nouveau républicanisme » (Włodzimierz Bernacki)240 ne sont pas cités dans les imprimés de notre corpus.

Cette absence peut s’expliquer par la rapidité des changements des années 1780-1790, décennies pendant lesquelles se développent les activités réformatrices et politiques de ces penseurs. L’Europe observe alors à la fois le renversement révolutionnaire de la monarchie bourbonienne et la disparition de la République sarmate malgré la Constitution du 3 mai 1791 et l’insurrection de Kościuszko (1794). Dans ce contexte de bouleversement, il semble que les penseurs français aient adopté une approche plus immédiate des événements. Par ailleurs, les révolutions de la fin du siècle ouvrent une période tout à fait nouvelle. C’est pour ces deux raisons que l’évolution de la pensée et des institutions polonaises à partir de la Diète de quatre ans (1788-1792) sera présentée avec plus de détails dans le dernier chapitre de la présente thèse, en même temps que le contexte français.

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On voit en définitive que tout au long de la période moderne, les hommes de lettres français ont eu accès à des textes latins issus du territoire polono-lituanien (chroniques, histoires, traités, libelles politiques, dictionnaires). Ces écrits constituaient des sources d’information de première main sur le pays que les Polonica entreprenaient de décrire. Les auteurs polonais cités étaient des personnages éminents de la République, où ils s’engageaient dans les affaires publiques. Outre leur valeur informative et factuelle, ces œuvres participaient aux débats sur les relations entre le roi et la noblesse de l’État sarmate. À ce sujet, notons que malgré leurs divergences, tous les penseurs cités fonctionnaient dans le cadre d’un paradigme commun : celui de la république et de la monarchie mixte ou modérée. Quant à la doctrine de la monarchie

238 GRZYBOWSKI Konstanty, Historia doktryn politycznych i prawnych od państwa niewolniczego do rewolucji burżuazyjnych, Warszawa, PWN, 1968, p. 427-428. Sur les relations privilégiées de Stanislas August Poniatowski avec

l’Angleterre, cf. BUTTERWICK Richard, Poland’s Last King and English Culture. Stanisław August Poniatowski,

1732-1798, Oxford, Clarendom Press, 1998. De façon générale, il semble que le voyage de Stanislas en Angleterre a été

particulièrement important. Jean Fabre écrit que c’est ce séjour qui a fait de lui « un adepte des Lumières ». Il a certainement été à l’occasion initié à la franc-maçonnerie par Charles York : FABRE Jean, Stanislas Auguste

Poniatowski et l’Europe des Lumières, op. cit., p. 203-204. 239

Sur ce tournant et ce courant de la pensée politique polonaise et leurs représentants, auxquels on peut encore ajouter Józef Pawlikowski (1767-1829), voir : ibidem, p. 329-370 ; GRZYBOWSKI Konstanty, Historia doktryn politycznych i

prawnych, op. cit., p. 428-432 ; ROSTWOROWSKI Emanuel, « Républicanisme „sarmate” et les Lumières », Studies on

Voltaire and the Eighteenth Century, XXIV/XXVII, 1963, p. 1430-1431. 240

La notion est empruntée à Włodzimierz Bernacki : ibidem, p. 329. Andrzej Zybertowicz distingue également sur ces critères la pensée politique « moderne » de la « traditionnelle » : ZYBERTOWICZ Andrzej, « O metodologicznych problemach badania polskiej myśli politycznej in statu nascendi » in STASZEWSKI Jacek (dir.), Studia z dziejów polskiej

myśli politycznej. T. IV : od reformy państwa szlacheckiego do myśli o nowoczesnym państwie, Toruń, Uniwersytet

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absolue, elle est absente du spectre des idées politiques sarmates. Même les opposants polonais aux aspirations nobiliaires, invoqués par les écrivains français, rejettent le modèle de la monarchie