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Deux chroniqueurs et penseurs polonais du Moyen Âge sont connus dans la France moderne. Certes, ils ne couvrent pas l’ensemble de la pensée médiévale polonaise50, mais ils restent tout à fait essentiels. À travers leurs récits historiques et leurs conceptions politiques, ils montrent comment la société nobiliaire polonaise se constitue et gagne en importance. C’est en effet aux XIVe et XVe siècles qu’elle obtient ses privilèges fondamentaux. Outre ceux que nous avons déjà cités, il convient encore de mentionner ceux de 1505, contenus dans le Nihil Novi. Cette dernière élargit les statuts de Nieszawa, qui ne concernaient que les assemblées locales. Grâce au Nihil Novi, aucune décision concernant le ius commune et la publica libertas ne peut être prise sans consultation préalable de toute la noblesse, qui se trouve pleinement intégrée dans les processus de prise de décision y compris à l’échelle centrale. En même temps, ce texte de loi confirme l’existence d’une représentation nationale51. C’est le début du « parlementarisme » polonais52. Les écrivains médiévaux posent également les bases de la pensée politique moderne, en soumettant le roi à la loi et au pouvoir spirituel, ainsi qu’en accordant un droit de contrôle et d’opposition aux sujets.

Au XVIe siècle se met en place un autre élément tout à fait central de la culture polonaise moderne : la thèse des origines sarmates des Polonais, des Lituaniens et des Ruthènes. Les auteurs qui ont le plus contribué à populariser cette idée sont eux aussi mentionnés au sein des Polonica français.

2.2.Les historiens de la Renaissance aux origines du « sarmatisme »

Le nom « Sarmatie » provient de l’Antiquité : les cartographes grecs et latins, en particulier Ptolémée, l’utilisaient pour désigner l’Europe du Nord ou les territoires situés entre la mer Baltique et la mer Noire53. La redécouverte des auteurs antiques à la fin du Moyen-Âge et à la

49 Ibidem.

50

Plus d’informations sur la pensée médiévale polonaise dans : BERNACKI Włodzimierz, « Idea władzy i państwa w polskiej myśli politycznej XV wieku », op. cit ; BERNACKI Włodzimierz, Myśl polityczna I Rzeczpospolitej, op. cit.,

p. 21-69.

51

BARDACH Juliusz, « Początki sejmu », op. cit., p. 55-58. WYCZAŃSKI Andrzej, « The problem of authority in sixteenth-century Poland: an essay of reinterpretation » in FEDOROWICZ J. K. (dir.), A Republic of Nobles: Studies in

Polish History to 1864, Cambridge, Cambridge University Press, 1982, p. 91-108. Sur le Nihil Novi, voir également :

WAJS Hubert, WITKOWSKI Rafał (dir.), Pomniki praw człowieka w historii, Warszawa, Biuro Rzecznika Praw Obywatelskich, 2008, t. I, p. 93-98. Le texte de la Constitution y est cité en latin, polonais et anglais aux pages 95-97.

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Des assemblées étaient convoquées dès le Moyen Âge, mais ce sont les lois, privilèges et statuts des XVe -XVIe siècles qui les organisent et les formalisent. Sur les origines et les débuts du Sejm : URUSZCZAK Wacław, Historia

państwa i prawa polskiego, op. cit., p. 135-139 ; BARDACH Juliusz, « Początki sejmu », op. cit., p. 5-62.

53

Słownik geograficzny Królestwa Polskiego i innych krajów słowiańskich, Warszawa, Filip Sulimierski et Władysław

Waleski, 1880-1914, t. X, p. 316 ; ORZEŁ Joanna, « Cudowne miejsce - Sarmacja », Silva Rerum, Muzeum Pałacu Króla Jana III w Wilanowie, en ligne, URL : http://www.wilanow-palac.pl/cudowne_miejsce_sarmacja.html [consulté le 14 janvier 2019] ; « La Sarmatie, territoires incertains et peuples mythiques », Centre de recherche sur la littérature

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Renaissance mène à une réactualisation de cette terminologie, de plus en plus utilisée pour désigner la République polono-lituanienne. Elle devient abondante sous la plume de Długosz, qui fait de la Sarmatie un synonyme de la Pologne54.

Celui qui a le plus contribué à populariser le nom de Sarmatie en Occident est Maciej de Miechów (1457-1523)55, né dans une famille paysanne et bourgeoise, étudiant à Cracovie et à l’étranger, professeur reconnu, huit fois recteur et deux fois vice-chancelier de l’Académie de Cracovie, médecin et astrologue du roi56. Dans sa Chronica Polonorum, il prolonge la chronique de Długosz jusqu’en 1506. Sa première édition de 1519 connaît les mêmes difficultés avec la censure que l'œuvre de son prédécesseur. On y retrouve les mêmes rumeurs de trahison de la femme du premier Jagellon, ainsi qu’une vision critique du règne des deux derniers souverains de la même dynastie, Jean Olbracht et Alexandre57. Sa deuxième édition revue et corrigée (Cracovie, 1521) reçoit l’approbation du pouvoir royal, devenant la première histoire imprimée de Pologne58.

C’est néanmoins une autre de ses œuvres qui a exercé une influence profonde sur les représentations géographiques de la Pologne en Europe. Il s’agit de son Tractatus de duabus

Sarmatiis asiana et europiana et de contentis in eis, paru pour la première fois en 151759. Première description ethnique et géographique de l’Europe orientale et méridionale depuis Ptolémée60, ce texte devient un ouvrage de référence jusqu’à la fin de l’époque moderne61. Mentionnons au passage l’importance du contexte politique dans lequel est apparue cette œuvre. Le mariage de Sigismond I avec l’italienne Bona Sforza attirait sur la Pologne le regard d’une grande partie de l’Europe. Certains penseurs ont alors ressenti le besoin d’écrire une description et une histoire de leur pays pour réfuter les idées fausses qui circulaient à son sujet en Occident. Les deux textes de Maciej de Miechów en constituent une tentative sans aucun doute réussie62.

de voyage, URL : http://www.crlv.org/conference/la-sarmatie-territoires-incertains-et-peuples-mythiques [consulté le

19 janvier 2019]. La définition des frontières de la Sarmatie changeait selon les périodes et correspondait à des enjeux diplomatiques : ORZEŁ Joanna, « Cudowne miejsce - Sarmacja », op. cit.

54

Ibidem.

55 Słownik geograficzny Królestwa Polskiego i innych krajów słowiańskich, op. cit., p. 316. 56

Pour la biographie de l’auteur, voir notamment : BORZEMSKI Antoni, Kronika Miechowity. Rozbiór krytyczny, Kraków, Akademia umiejętności, 1890, p. 2-5 ; HAJDUKIEWICZ Leszek, « Maciej z Miechowa zwany Miechowitą » in

Polski słownik biograficzny, t. XIX, Wrocław-Warszawa-Kraków-Gdańsk, ZNiO, wyd. PAN, 1974, p. 28-33.

57 A ce sujet, consulter : PERZANOWSKA Agnieszka, Dziejów Polskich pomniki, op. cit., p. 19-20 ; BARYCZ Henryk (dir.), Maciej z Miechowa (1457-1523). Historyk, geograf, lekarz, organizator nauki, Warszawa, Wrocław, Ossolineum, 1960, p. 49 ; SERWAŃSKI Maciej, MAŁECKI Aleksander, « Le premier historiographe royal de Pologne : Bernard Wapowski (vers 1450-1535) » in GRELL Chantal (dir.), Les Historiographes en Europe de la fin du Moyen Âge

à la Révolution, Paris, PUPS, 2006, p. 252. 58

MIECHOWITA Maciej, Chronica Polonorum [1519], Kraków, Hieronim Wietor, 1521. À ce sujet : BORZEMSKI Antoni,

Kronika Miechowity, op. cit., p. 4. Rappelons que Kadłubek n’est édité pour la première fois qu’en 1612, Długosz que

partiellement en 1615.

59

MIECHOWITA Maciej, Tractatus de duabus Sarmatiis asiana et europeana, Kraków, Jo. Haller, 1517. Sur l’influence de ce traité : Słownik geograficzny Królestwa Polskiego i innych krajów słowiańskich, op. cit., p. 316 : « Un des

ouvrages qui y ont le plus contribué est le Tractatus de duabus Sarmatiis : Asiana et Europiana de Miechowita, publié en 1517 à Cracovie, puis traduit en allemand (1518), en polonais (1535) et en italien (1561). »

60

PASZYŃSKI Wojciech, Sarmaci i uczeni. Spór o pochodzenie Polaków, Kraków, Księgarnia Akademicka, 2016, p. 82-84.

61

Nous aurons l’occasion d’y revenir dans la dernière partie de ce chapitre.

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Notons néanmoins que sous la plume de Maciej de Miechów, la Sarmatie garde une signification géographique et non ethnique : pour lui, les Polonais ne sont pas les descendants des Sarmates mais ceux des Vandales63. Ce n’est que Marcin Kromer (1512-1589) qui formule définitivement la thèse de l’origine sarmate des Polonais64. Bourgeois anobli, étudiant à Cracovie et en Italie (Bologne, Padoue, Rome), chancelier de l’évêque Gamrata, chanoine de Cracovie, puis chancelier royal et évêque de Varmie65, il publie son De origine et rebus gestis Polonorum en 155566. Dans cette ouvrage, il assimile les terres et les habitants de la Sarmatie antique à ceux de la République polono-lituanienne moderne, façon d’intégrer les territoires et les élites polonaises, lituaniennes et ruthènes au sein d’un même État par l’idée d’une provenance et d’une culture communes67. Kromer donne donc à la Sarmatie un sens non seulement géographique mais aussi ethnique et surtout politique.

Il se trouvera de nombreux continuateurs de Kromer pour adopter et développer cette triple dimension de la théorie sarmate. Tel le noble italien polonisé et capitaine de cavalerie Alexander Gwagnin (Vérone, 1534-1614, Cracovie)68 dans le Rerum Polonicarum tomi tres (Francfort, 1584) et la Sarmatiae Europeae descriptio (Francfort, 1574)69. Tel encore le noble protestant Stanisław Sarnicki (1532-597). Pasteur calviniste, il est aujourd’hui davantage connu pour ses activités au sein de l’Église réformée70 que pour son travail d’historien, classé par Józef Zieliński dans une « troisième catégorie dans l’historiographie polonaise »71. L’écriture des

Annales, sive de origine et rebus gestis Polonorum et Lithuanorum libri VIII (1587)72 a été

63

KRZYWY Roman, « Nie tylko Sarmaci », Silva Rerum, Muzeum Pałacu Króla Jana III w Wilanowie, en ligne, URL : http://www.wilanow-palac.pl/nie_tylko_sarmaci.html [consulté le 19 janvier 2019] ; « La Sarmatie, territoires incertains et peuples mythiques », op. cit. : « Miechowa (1517) […] distinguait les Polonais des Scythes et des Sarmates pour en faire des Européens (catholiques) contre les Moscovites soupçonnés de vouloir établir la troisième Jérusalem orthodoxe. »

64

Ibidem.

65

Voir la biographie de Marcin Kromer dans : BERNACKI Włodzimierz, Myśl polityczna I Rzeczcpospolitej, op. cit.,

p. 111; KRANAUHOV Dmitrij, « Kronika Marcina Kromera jako renesansowe kompendium wiedzy o dziejach Rusi » in DACKA-GÓRZYŃSKA Iwona, PARTYKA Joanna (dir.), Staropolskie kompendia wiedzy, Warszawa, DiG, 2009, p. 225-227 ; BARYCZ Henryk, « Kromer Marcin h. własnego (1512-1589) » in Polski słownik biograficzny, t. XV, Wrocław, Warszawa, Kraków, ZNiO, wyd. PAN, 1970, p. 319-325.

66

KROMER Marcin, De origine et rebus gestis Polonorum Libri XXX, Basilea, Ioan. Oporinum, 1555.

67

WALICKI Andrzej, « Le sarmatisme : mythe historique, idéologie politique, style culturel et étape dans l’évolution de la conscience nationale en Pologne » in DELSOL Chantal, MASŁOWSKI Michel, NOWICKI Joanna (dir.), Mythes et

symboles politiques, op. cit., p. 143-145 ; ORZEŁ Joanna, « Cudowne miejsce - Sarmacja », op. cit. ; ORZEŁ Joanna,

Historia-tradycja-mit w pamięci kulturowej szlachty Rzeczypospolitej XVI-XVIII wieku, Warszawa, Muzeum Pałac w

Wilanowie, 2016, p. 431-432.

68

Voir la biographie de l’auteur : ibidem, p. 133 ; BUDKA Włodzimierz, « Gwagnin Aleksander (zm. 1614) » in Polski

słownik biograficzny, t. IX, Wrocław, Warszawa, Kraków, ZNiO, wyd. PAN, 1960, p. 202-204 ; GIS Kacper, « Król

obrany głosem ̶ o elekcji władców w Kronice Sarmacyey Europejskiej Aleksandra Gwagnina » in ZIOBER Aleksandra (dir.), Wolna elekcja w dawnej Rzeczypospolitej. Procedura-przebieg-publicystyka, Wrocław, Kalety, Wyd. Piotr Kalinowski, 2014, p. 21.

69

GWAGNIN Alexander, Sarmatiae Europeae descriptio, Cracovia, Maciej Wirzbieta, 1574. GWAGNIN Alexander,

Rerum Polonicarum tomi tres, Francfort, J. Wechelus, 1584. 70

SŁAWIŃSKI Wojciech, « Stanisław Sarnicki jako działacz reformacyjny », Czasy Nowożytne, 2011, t. 24, p. 11-36. 71

ZIELIŃSKI Józef, « Stanisław Sarnicki i jego kronika. Rozbiór krytyczny » in Sprawozdanie Dyrekcji I. Gimnazjum

Państwowego im. Mieczysława Romanowskiego w Stanisławowie na rok szkolny 1920/30, Stanisławów, Fundusz

Uczniów st. Chowaniec, 1930, p. 4.

72

SARNICKI Stanisław, Annales, sive de origine et rebus gestis Polonorum et Lithuanorum libri VIII, Cracovia, Nicolas Szarffenberg, 1587.

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inspirée par Jan Zamoyski et Étienne Báthory, qui a nommé Sarnicki historiographe de la cour73. Toutefois ces protecteurs se sont par la suite retirés du projet. Iwona Dacka-Górzyńska l’explique par le fait que plus de la moitié de l’ouvrage était consacrée aux Slaves et à leur histoire ancienne, ce qui a déplu aux hommes d’État, incertains de la valeur scientifique d’un tel travail74.

60% des Annales sont en effet dédiés à l’histoire de la Pologne avant Mieszko I75. Sarnicki critique les historiens polonais qui font commencer l’histoire de la Pologne au prince Lech (v. 550), comme si rien n’avait existé auparavant. Les premiers livres sont consacrés aux origines bibliques des Polonais et des Slaves Sarmates qui remonteraient jusqu’au personnage d’Asarmot, descendant de Sem, fils de Noé (2210 avant Jésus-Christ). À noter que la recherche des origines bibliques des peuples n’était ni une spécificité de Sarnicki ni celle des Polonais. On retrouve une telle démarche chez Kadłubek, Długosz ou Kromer, tandis qu’en Occident elle était très courante. En revanche, Sarnicki y ajoutait diverses légendes, comme celle des Amazones, annonçant déjà les récits imaginaires de l’époque baroque. En tout cas, les Annales témoignent de l’enracinement de la thèse sarmate dans le dernier quart du XVIe siècle76.

*

La Renaissance pose les fondements historiques du « sarmatisme »77. C’est bien à cette époque que les chroniqueurs prétendent démontrer l’origine sarmate des habitants de la

Rzeczpospolita, tout en assimilant les Slaves et les Sarmates. À la fin du XVIe et au XVIIe siècle,

s’affirme l’usage politique et culturel de cette conception. Progressivement, cette provenance ancestrale n’est attribuée qu’à la szlachta pour justifier ses droits et privilèges politiques et sociaux. L’histoire des ancêtres fournit également un modèle de comportement et de vertu, en particulier un exemple de courage guerrier et d’amour de la « liberté dorée » que les Polonais-Sarmates auraient été les seuls à conserver en Europe78.

Au moment même où se cristallise cette thèse, la noblesse polonaise gagne sa pleine conscience et autonomie politiques. Nous avons déjà vu l’émergence du rôle législatif et

73 Plus d’informations sur l’auteur dans : KOWALSKA Halina, SIKORSKI Janusz, « Sarnicki Stanisław h. Ślepowron (1532-1597) » in Polski słownik biograficzny, t. XXXV, Warszawa, Kraków, Uniwersytet Jagieloński, 1994, p. 217-223.

74

DACKA-GÓRZYŃSKA Iwona, „Korona Polska” Kaspra Niesieckiego. Pomnik staropolskiego piśmiennictwa heraldycznego, Warszawa, DiG, 2004, p. 66.

75

Ibidem, p. 139.

76 Ibidem. PERZANOWSKA Agnieszka, Dziejów Polskich pomniki, op. cit., p. 32-33. LEWANDOWSKI Ignacy, Florus w

Polsce, Wrocław, Warszawa, Kraków, ZNiO, PAN, 1970, p. 81-84. ZIELIŃSKI Józef, « Stanisław Sarnicki i jego

kronika […] », op. cit., p. 18-19.

77

Le terme « sarmatisme » est n’est apparu que dans les années 1760, prenant une connotation péjorative : ORZEŁ Joanna, « Sarmatyzm », Silva Rerum, Muzeum Pałacu Króla Jana III w Wilanowie, en ligne, URL : http://www.wilanow-palac.pl/sarmatyzm.html [consulté le 19 janvier 2019].

78

Sur le « sarmatisme » en tant que phénomène culturel et politique, voir également : ibidem ; ORZEŁ Joanna,

Historia-tradycja-mit, op. cit. ; WALICKI Andrzej, « Le sarmatisme : mythe historique, idéologie politique, style culturel […] »,

op. cit. ; HERNAS Czesław, « Sarmatyzm » in Encyklopedia PWN, en ligne, URL :

https://encyklopedia.pwn.pl/haslo/sarmatyzm;3972447.html [consulté le 03 avril 2018] ; THIRIET Damien, « Le sarmatisme », en ligne, URL : http://www.normalesup.org/~dthiriet/Hors/sarmatisme.html [consulté le 03 avril 2018]. Certaines versions du sarmatisme du XVIIe sont empreintes de mégalomanie et de messianisme. L’exemple le plus frappant est certainement l’ouvrage de Dębołęcki : BERNACKI Włodzimierz, Myśl polityczna I Rzeczpospolitej, op. cit.,

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décisionnel des diètes et diétines au tournant des XVe et XVIe siècles. Dans la première moitié du XVIe, s’affirme également le droit à l’élection du roi par la noblesse. L’électivité du trône n’est pas un élément nouveau en Pologne. Nous avons vu avec Kadłubek et Długosz qu’elle occupait une place centrale dans sa tradition historique et politique. Cette pratique renaît avec force après l’extinction des Piast et l’avènement de Ladislas Jagellon, qui se fait avec l’accord de la noblesse79. Elle s’établit définitivement au XVIe : deux constitutions80 garantissent la forme élective de la monarchie. En 1530, la noblesse exige du monarque la confirmation de ses droits électoraux, qu’elle juge menacés par la reconnaissance de Sigismond Auguste comme successeur au trône encore du vivant du roi régnant Sigismond I (1507-1548). En 1538, un nouveau conflit entre le monarque et l’ordre équestre mène à l’adoption d’un nouveau texte de loi qui donne le droit de vote à tous les nobles, sans en préciser les modalités81.

C’est aussi dans les années 1520-1530 que naît le mouvement de l’exécution des lois (ruch egzekucji praw), porté par la moyenne noblesse. Son objectif est de faire reconnaître la supériorité de la loi sur le roi et sur les magistrats et fonctionnaires d’État (souvent des magnats). On postule ainsi un plus grand contrôle du gouvernement et de ses représentants82. Les nouvelles revendications de la noblesse suscitent un important débat politique sur les relations entre gouvernants et gouvernés. Or certains de ses principaux acteurs apparaissent là aussi dans les

Polonica français modernes.