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2. LA LITTÉRATURE DE L’ACTION : DÉCLARATIONS, MANIFESTES, PAMPHLETS,

2.3. La « guerre des plumitifs » au lendemain du premier partage de la Pologne

Le premier partage de la Pologne a suscité une nouvelle vague de libelles250. À l’occasion de cet événement sans précédent, paraissent de nombreux textes justifiant ou dénonçant les actes des trois souverains copartageants : Catherine II de Russie, Frédéric II de Prusse et Marie-Thérèse d’Autriche. Se déclenche une véritable « guerre des plumitifs », pour reprendre l’expression de Jean Fabre251. L’enjeu des débats ne se cantonne pas au simple événement, mais interroge le rôle des monarques et leur rapport aux nations. Se met en place une réflexion profonde sur les relations entre gouvernants et gouvernés.

C’est Voltaire (1694-1778) qui ouvre et prépare la polémique au sujet des partages de la Pologne252. La République sarmate apparaît assez tôt dans les œuvres du philosophe. On la retrouve de façon marginale dans ses écrits historiques, notamment dans l’Histoire de Charles XII (dès 1732), Le Siècle de Louis XIV (1751), l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations (1756) et le Précis du siècle de Louis XV (1768)253. Toutefois c’est surtout dans les années 1767-1772 que la Pologne occupe la plume de l’écrivain. Celui-ci diffuse alors une série de pamphlets consacrés

248

Pisma polityczne z czasów panowania Jana Kazimierza Wazy, 1648-1668, éd. OCHMAN-STANISZEWSKA Stefania, Wrocław, Warszawa, Volumen, 1990-1991, t. II, p. 12-17, 131-132.

249

Lettre de Monsieur S. L.********** seigneur polonois, à Monsieur le Marquis C. L.***** Où l’on voit manifestement les pratiques et menées secretes des François avec les Turcs, et les Hongrois rebelles, Ratisbonne, 1683. 250

Ils ont été analysés par les historiens, en particulier par Marc Belissa : BELISSA Marc, « Les Lumières, le premier partage de la Pologne et le “système politique” de l’Europe », op. cit., p. 57-92.

251

FABRE Jean, Stanislas Auguste Poniatowski et l’Europe des Lumières, op. cit., p. 475.

252

Le penseur est tellement connu qu’il n’est plus besoin de le présenter. À son sujet, voir par exemple : GOULEMOT Jean-Marie, « Voltaire » in Encyclopædia Universalis, en ligne, URL : http://www.universalis-edu.com.faraway.parisnanterre.fr/encyclopedie/voltaire/ [consulté le 14 mai 2018] ; POMEAU René (dir.), Voltaire en

son temps, Oxford, Voltaire Foundation, 1985-1994. Sur son engagement dans les affaires sarmates, nous renvoyons à

la thèse de Stanisław Fiszer, L’image de la Pologne et des Polonais, op. cit. De nombreuses autres études ont été consacrées au rapport de Voltaire à la Pologne. Elles seront plus amplement évoquées au chapitre 6.

253

Sur la place de la Pologne dans ces œuvres historiques, nous suivons et renvoyons à : FISZER Stanisław, L’image de

70

à ce sujet : l’Essai historique et critique sur les dissensions des Eglises de Pologne, Par Joseph

Bourdillon, professeur en droit public (1767), la Lettre sur les Panégyriques par Irénée Alethès, professeur de droit dans le canton d’Uri (1767), le Discours aux confédérés catholiques de Kaminiek en Pologne par Le Major Kaiserling au service du Roi de Prusse (1768), le Sermon prêché à Bâle, le premier jour de l’an 1768, par Josias Rosette (1768), le Sermon du Papa Nicolas Chariteski, prononcé dans l’église de Sainte-Toleranski, village de Lithuanie, le jour de

Sainte-Epiphanie (1771) et le Tocsin des Rois (1772)254. La tragédie Les Lois de Minos (1772) est

également ancré dans les événements qui depuis 1767 mènent progressivement au premier démembrement de la Pologne. Voltaire soutient l’intervention moscovite. Cette prise de position n’est pas tout à fait désintéressée : certains pamphlets ̶ l’Essai historique et critique et Le Tocsin

des Rois ̶ sont directement commandités par la tsarine255. Cependant, comme nous le verrons, ces

imprimés diffusent aussi les convictions profondes de Voltaire, qui perçoit les mondes scythe et sarmate au prisme de ses propres opinions.

Après le partage, Saint-Pétersbourg, Vienne et Berlin continueront de légitimer leurs actes sans l’aide de Voltaire. C’est l’objet des écrits suivants, tous intégrés dans notre corpus :

Déclaration de la Russie au sujet de ses prétentions sur la Pologne, corroborée avec la Prusse et l’Autriche, et signée par les trois abassadeurs co-partageants, Varsovie, 7/18 septembre 1772 ; Analyse d’une brochure qui porte le titre d’Observations sur les déclarations des cours de Vienne, Petersbourg et Berlin au sujet du demembrement de la Pologne (1773) ; Lettre historique et politique d’un gentilhomme polonois addressée à son ami à l’occasion des observations qui ont paru au mois de janvier sur les déclarations des cours de Vienne, Petersbourg et Berlin au sujet du demembrement de la Pologne (1773) ; Réfutation littéraire et politique de l’ouvrage dialogué ayant pour titre le Partage de la Pologne composée de sept lettres pour répondre aux sept dialogues (1776)256. Ces textes produits par les cours copartageantes diffusent divers arguments

254

Nous avons eu recours aux éditions suivantes : VOLTAIRE, « Essai historique et critique sur les dissensions des Eglises de Pologne, Par Joseph Bourdillon, professeur en droit public, 1767 » in Œuvres complètes de Voltaire, Paris, Hachette, 1894, t. XXVII, p. 206-219 ; VOLTAIRE, « Lettre sur les Panégyriques par Irénée Alethès, professeur de droit dans le canton d’Uri, 1767 » in Œuvres de Voltaire, Paris, Lefèvre Libraire, 1831, t. XLIII, p. 215-227 ; VOLTAIRE,

Discours aux confédérés catholiques de Kaminiek en Pologne par Le Major Kaiserling au service du Roi de Prusse,

Amsterdam, 1768 ; VOLTAIRE, « Sermon prêché à Bâle, le premier jour de l’an 1768, par Josias Rosette » in Œuvres

complètes de Voltaire, Paris, Librairie Hachette, 1894, t. XXVII, p. 298-305 ; VOLTAIRE, « Sermon du Papa Nicolas

Chariteski, prononcé dans l’église de Sainte-Toleranski, village de Lithuanie, le jour de Sainte-Epiphanie, 1771 » in

Œuvres complètes de Voltaire, édition dédiée aux amateurs de l’art typographique, Paris, Jules Didot Ainé, 1828, t. III,

p. 3712-3713 ; VOLTAIRE, Le Tocsin des Rois, 1772.

255

FISZER Stanisław, L’image de la Pologne et des Polonais…, op. cit., p. 37-39.

256

Nous avons eu recours aux éditions suivantes : « Déclaration de la Russie au sujet de ses prétentions sur la Pologne, corroborée avec la Prusse et l’Autriche, et signée par les trois abassadeurs co-partageants, Varsovie, 7/18 septembre 1772 » in ANGEBERC (comte d’), Traités, conventions et actes diplomatiques concernant la Pologne, 1762-1862, Paris, Amyot, 1862, p. 106-109 ; Analyse d’une brochure qui porte le titre d’Observations sur les déclarations des cours de

Vienne, Petersbourg et Berlin au sujet du demembrement de la Pologne, 1773 ; Lettre historique et politique d’un gentilhomme polonois addressée à son ami à l’occasion des observations qui ont paru au mois de janvier sur les déclarations des cours de Vienne, Petersbourg et Berlin au sujet du demembrement de la Pologne, 1773 ; Réfutation littéraire et politique de l’ouvrage dialogué ayant pour titre le Partage de la Pologne composée de sept lettres pour répondre aux sept dialogues, London, 1776. Concernant la Réfutation, nous avons eu recours à l’édition publiée en

1776 à la suite de Le Partage de la Pologne en sept dialogue en forme de drame. La Réfutation a été publiée une première fois en 1775. Le lieu de l’édition indique Cantorbéry.

71

pour justifier leurs occupations territoriales. Le principal consiste à diffuser l’image d’une République anarchique et arriérée.

À ce sujet, un imprimé anonyme mérite encore attention : L’Orang-outang d’Europe ou le

Polonois tel qu’il est, publié en 1779, réédité dès 1780257. Cette brochure entre tellement dans la

logique calomniatrice des trois puissances qu’elle a longtemps été attribuée à Frédéric II. Il s’est ensuite avéré qu’elle était probablement de la plume d’un certain Kermorvand. François Rosset identifie celui-ci comme un précepteur français au service du prince Adam Czartoryski, qui aurait été congédié pour le vol d’une cuillère d’argent258. Selon Ryszard Wołoszyński, il était enseignant à l’école des Cadets, d’où il aurait été licencié259. Larry Wolff parle d’un officier renvoyé de l’armée polonaise260. Dans tous les cas, il s’agit d’un Français qui a subi un échec en Pologne. Selon les historiens cités, L’Orang-Outang résulterait de ses désillusions.

*

Comme l’indiquent les titres de certains imprimés diffusés par les trois cours, les justifications de ces dernières engendrent des réfutations. L’Analyse de 1773 répond aux

Observations sur les déclarations des cours de Vienne, de Pétersbourg et de Berlin, au sujet du

démembrement de la Pologne (1773)261, qui sont elles-mêmes une objection aux proclamations

des trois puissances. La Réfutation de 1776 est une réaction au Partage de la Pologne en sept

dialogues en forme de drame par Gotlieb Pansmouzer (1774, 1776)262. Ce dernier texte, dont Jean

Fabre signale onze éditions263, a remporté un véritable succès. D’autres protestations contre le démembrement voient également le jour, comme l’Examen du système des cours de Vienne, de

Pétersbourg et de Berlin concernant le démembrement de la Pologne (1774)264, Les Droits des

trois puissances alliées sur plusieurs provinces de la République de Pologne (1774)265 et

L’Insuffisance et la nullité des droits des trois puissances co-partageantes, sur plusieurs

Provinces de la République de Pologne (1774)266.

Tous les textes cités donnent Londres comme lieu d’édition267. À l’exception de l’Examen, tous sont attribués à John Lind (1737-1781), qui publie sous le pseudonyme de

257

L’Orang-outang d’Europe ou le Polonois tel qu’il est, 1779.

258

ROSSET François, L’Arbre de Cracovie, op. cit., p. 89.

259 WOŁOSZYŃSKI Ryszard, Polska w opiniach Francuzów w XVIII wieku, op. cit., p. 99.

260

WOLFF Larry, Inventing Eastern Europe, op. cit., p. 342-343.

261 Observations sur les déclarations des cours de Vienne, de Pétersbourg et de Berlin, au sujet du démembrement de la

Pologne, 1773. 262

Nous avons eu recours à l’édition suivante : Le Partage de la Pologne en sept dialogues en forme de drame par

Gotlieb Pansmouzer, London, Elmsly, 1776. Une première version a été publiée à Londres en 1774 sous le titre de : Dialogues sur le partage de la Pologne par Gotlieb Pansmouser, London, Elmsy, 1774.

263

FABRE Jean, Stanislas Auguste Poniatowski et l’Europe des Lumières, op. cit., p. 644-645.

264

Examen du système des cours de Vienne, de Pétersbourg et de Berlin concernant le démembrement de la Pologne, London, 1773.

265

Les Droits des trois puissances alliées sur plusieurs provinces de la République de Pologne, London, 1774.

266

L’Insuffisance et la nullité des droits des trois puissances co-partageantes, sur plusieurs Provinces de la République

de Pologne, London, 1774. 267

Concernant les Observations, nous avons eu recours à une édition qui ne mentionne aucun lieu d’édition. En revanche, dans les catalogues de bibliothèque, certaines versions du texte affichent Londres. Voir par exemple :

https://www.worldcat.org/title/observations-sur-les-declarations-des-cours-de-72

Pansmouzeur ou Lindsey268. Né dans une famille d’Édimbourg, formé au Balliol College à Oxford, membre de l’Église anglicane, John Lind part en mission pour Constantinople vers 1766. C’est lors de son voyage de retour qu’il passe par la Pologne, où s’était installé un de ses oncles. Abandonnant ses fonctions ecclésiastiques, il accepte les postes de précepteur du neveu de Stanislas Auguste, de conseiller royal et enfin d’enseignant à l’école des Cadets. De retour en Angleterre en 1773, où il devient avocat, il maintient un lien étroit avec le roi de Pologne, qui lui verse une pension. Il intervient en faveur du pays sarmate auprès du gouvernement de Londres et dirige une campagne de contre-propagande internationale, inspirée par Poniatowski, contre les copartageants. Les textes de John Lind se fraient un chemin en France grâce aux traductions de Gérard de Rayneval (1736-1812), premier commis au ministère français des affaires étrangères269. Beaucoup de protestations contre le partage transitent d’ailleurs par ce ministère. Piotr Ugniewski signale l’existence dans les archives d’un Recueil de pièces officielles, regroupant de nombreuses réfutations, probablement reçues de Varsovie via la correspondance diplomatique. Certains passages se retrouvent ensuite dans la Gazette de France, sorte d’organe de presse officiel de la monarchie française. Au temps du premier partage, ce journal était inspiré par le monarque polonais270, tout comme la Gazette de Leyde, dirigée en 1772-1798 par Jean Luzac (1746-1807), favorable à l’indépendance et aux réformes de la République sarmate271. Proche des opinions modérées de Stanislas Auguste, ce dernier influence la gazette hollandaise jusqu’à la chute de l’État polono-lituanien272. Ces titres ont été étudiés par Piotr Ugniewski, dont les résultats des recherches alimenteront notre thèse.

Enfin, la cour de Varsovie n’est pas la seule à élever la voix contre la partition. Les confédérés de Bar, opposants de Poniatowski, expriment eux aussi leur mécontentement dans la

vienne-de-petersbourg-et-de-berlin-au-sujet-du-demembrement-de-la-pologne/oclc/69049251&referer=brief_results [consulté le 15 mai 2018].

268

Sur les attributions à John Lind voir : FABRE Jean, Stanislas Auguste Poniatowski et l’Europe des Lumières, op. cit., p. 360-361 ; BELISSA Marc, « Les Lumières, le premier partage de la Pologne le premier partage de la Pologne et le “système politique” de l’Europe », op. cit., p. 68-71. Voir également les notices de catalogue suivantes : URL : https://www.worldcat.org/title/observations-sur-les-declarations-des-cours-de-vienne-de-petersbourg-et-de-berlin-au-

sujet-du-demembrement-de-la-pologne-sometimes-attributed-to-theophilus-lindsey/oclc/563567849&referer=brief_results [consulté le 15 mai 2018] ; URL : https://www.worldcat.org/title/insuffisance-et-la-nullite-des-droits-des-trois-puissances-co-partageantes-sur-plusieurs-provinces-de-la-republique-de-pologne/oclc/832181899&referer=brief_results [consulté le 15 mai 2018].

269 Au sujet de John Lind, ses liens avec le roi de Pologne, son rôle dans la « guerre des plumitifs » au lendemain des partages et l’écho de ses textes en France, voir : FABRE Jean, Stanislas Auguste Poniatowski et l’Europe des Lumières,

op. cit., p. 360-361 ; BELISSA Marc, « Les Lumières, le premier partage de la Pologne le premier partage de la Pologne

et le “système politique” de l’Europe », op. cit., p. 68-71 ; « Lind John (1737-1781) » in PRIDEAUX COURTNEY William,

Dictionary of National Biography, vol. 33, London, Smith Elder & Co, 1893, p. 276-277 ; HORN David B., British

Public Opinion and the First Partition of Poland, Edinburgh, London, Oliver and Boyd, 1945, p. 20-33. 270

UGNIEWSKI Piotr, Media i dyplomacja, op. cit., p. 55-56. Plus d’informations sur la Gazette de France dans : FEYEL Gilles, « Gazette [de France] (1632-1792) » in Dictionnaire des journaux (1600-1789), en ligne, URL : http://dictionnaire-journaux.gazettes18e.fr/journal/0492-gazette-de-france [consulté le 13 juin 2018].

271

Plus d’informations sur ce journal dans : POPKIN Jeremy, « Gazette de Leyde (1677-1811) » in Dictionnaire des

journaux (1600-1789), en ligne, URL : http://dictionnaire-journaux.gazettes18e.fr/journal/0514-gazette-de-leyde

[consulté le 13 juin 2018] ; POPKIN Jeremy, « The Gazette de Leyde and French Politics under Louis XVI » in CENSER Jack R., POPKIN Jeremy (dir.), Press and Politics Pre-Revolutionary France, Berkeley, University of California Press, 1987, p. 75-132 ; POPKIN Jeremy, News and Politics in the Age of Revolution : Jean Luzac’s "Gazette de Leyde", Ithaca, Cornell University Press, 1989.

73

Dernière protestation des confédérés de Bar contre le démembrement de la République et contre

tout ce que font de violent l’Autriche, la Prusse et la Russie, en Pologne273. Ce texte est reproduit

dans Les Droits des trois puissances alliées, inspirés par le roi polonais.

Parmi les libelles stricto sensu, signalons un dernier pamphlet de 1780, rédigé cette fois-ci par un Français qui n’a eu aucun lien direct avec la Pologne. Il s’agit d’Ange Goudar (1708-1791), aussi connu sous le nom du Chevalier Ange de Montpellier. Ami de Casanova et « aventurier des Lumières », il a parcouru une grande partie de l’Europe (Paris, Parme, Modène, Venise, Naples, Florence, Londres)274. Il est l’auteur de nombreux textes : ouvrages d’économie, chroniques et pamphlets275. L’imprimé qui nous intéresse est Le Procès des trois rois, publié clandestinement en 1780276. Il condamne de façon virulente et ironique la politique de nombreux monarques, celle des copartageants n’étant pas épargnée. Mettra, un contemporain, présente l’écrit comme un « libelle où rien n’est respecté, où les injures et le ridicule sont versés à pleines mains sur ce qu’il y a de plus sacré pour l’homme dans l’état social »277. C’est la raison pour laquelle le pamphlet est « très rigoureusement poursuivi » par la censure en France278. En même temps, il remporte un large succès : on compte sept éditions françaises entre 1780 et 1781279.

*

Enfin, au lendemain des partages, paraissent des ouvrages qui se situent entre le traité, l’essai et la littérature de l’action. Plus longs et réfléchis, ce ne sont pas des libelles à proprement parler. Néanmoins, ils restent très inscrits dans le contexte et ses enjeux. À ce moment précis, prendre la parole au sujet de la partition revient à prendre parti.

Simon-Nicolas-Henri Linguet (1736-1794) publie à Londres en 1773 puis 1774 les

Considérations politiques et philosophiques sur les affaires présentes du nord et particulièrement

273

Nous avons eu recours à l’édition suivante : « Dernière protestation des confédérés de Bar contre le démembrement de la République et contre tout ce que font de violent l’Autriche, la Prusse et la Russie, en Pologne » in ANGEBERC (comte d’), Traités, conventions et actes diplomatiques, op. cit., p. 149-158.

274 MARS Francis L., « Ange Goudar, cet inconnu (1708-1791), Essai bio-bibliographique sur un aventurier polygraphe du XVIIIe siècle », Casanova Gleanings, 1966, vol. IX, p. 3. BELMAS Élisabeth, « Tricheurs et tricheries au jeu au XVIIIe siècle : la figure du chevalier d’industrie », Droits, 2015/2, n°62, § 15, en ligne, URL : https://www-cairn-

info.faraway.u-paris10.fr/revue-droits-2015-2-page-3.htm?1=1&DocId=446148&hits=9067+9066+9064+3833+3832+3830+#re42no42 [consulté le 19 mars 2018] ; HAUC Jean-Claude, Ange Goudar. Un Aventurier des Lumières, Paris, Honoré Champion, 2004, p. 9 ; DIOGUARDI Gianfranco,

Ange Goudar contre l’Ancien Régime suivi de Le Testament politique de Louis Mandrin par Ange Goudar,

Castelnau-Le-Liez, Climats, 1994, p. 13-14, 57, 58 ; DIOGUARDI Gianfranco, Un Aventurier à Naples au XVIIIe siècle,

Montpellier, Climats, 1993.

275

DIOGUARDI Gianfranco, Ange Goudar contre l’Ancien Régime, op. cit., p. 14, 58-62 ; HAUC Jean-Claude, Ange

Goudar, op. cit., p. 9-10. Francis L. Mars dénombre 75 ouvrages de sa plume : MARS Francis L., « Ange Goudar, cet

inconnu… », op. cit., p. 1. Longtemps négligé en tant qu’écrivain politique, les historiens soulignent désormais la pensée réformatrice aux « nettes tendances révolutionnaires » : DIOGUARDI Gianfranco, Ange Goudar contre l’Ancien

Régime, op. cit., p. 46-54, 62, 65-66.HAUC Jean-Claude, Ange Goudar, op. cit., p. 10.

276

Le Procès des trois rois, Louis XVI. De France-Bourbon, Charles III. D’Espagne-Bourbon, et George III.

d’Hanovre, fabricant de boutons, plaidé au tribunal des puissances européennes, traduit de l’anglois, London, George

Carenaught, 1780.

277

Ibidem, p. 55 ; HAUC Jean-Claude, Ange Goudar, op. cit., p. 172.

278

MARS Francis L., « Ange Goudar, cet inconnu […] », op. cit., p. 55.

74

sur celles de la Pologne280. Plus tard, il évoque le démembrement dans ses Annales politiques,

civiles et militaires du XVIIIe siècle, dans les tomes I et IV, publiés respectivement en 1777 et

1778281. Mallet du Pan et Brissot, dont il sera encore question, ont contribué à ce périodique282. À son époque, Linguet s’est fait remarquer en tant qu’étudiant brillant, antiphilosophe effréné283, avocat célèbre (rayé du barreau en 1774)284 et journaliste285. Didier Masseau qualifie l’auteur de « monarchiste convaincu, et parfois d’un conservatisme absolu »286. Cela n’empêche pas Linguet de critiquer le gouvernement et le système judiciaire français, d’où son incarcération à la Bastille en 1780-1782 et ses exils en Hollande, Angleterre et Belgique287.

Son attachement monarchiste se reflète dans ses propos sur la Pologne. Les relations de Linguet avec le pays sarmate ont existé, mais elles restent peu claires. On sait que Linguet a été un court instant en Pologne dans sa jeunesse, alors qu’il était au service du duc des Deux-Ponts288. En 1762, il dédie son Histoire du siècle d’Alexandre à Auguste III, alors roi de Pologne289. Enfin, un article d’Andrzej Krajewski mentionne l’argent qu’aurait reçu Linguet de la part des Czartoryski pour ternir l’image de Stanislas Auguste. Franciszek Bukaty, agent du roi, aurait payé un autre journaliste pour prendre la défense du monarque et pour lancer un appel à Linguet afin qu’il abandonne son entreprise. L’appel aurait été écouté290. Étant donné la convergence des idées de Linguet et de Stanislas Auguste, il n’est pas exclu que l’avocat soit passé au service du roi de Pologne. Nous n’avons trouvé aucune information à ce sujet.

*

Louis-Antoine Caraccioli (1719-1803), autre auteur français à se prononcer au sujet du pays sarmate après son premier démembrement, a entretenu d’intenses contacts avec les Polonais.

280

Nous avons eu recours à l’édition de 1773 : LINGUET Simon-Nicolas-Henri, Considérations politiques et