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Le débat sur la place du roi et de la noblesse dans l’État au XVI e siècle

Stanislas Orzechowski (1513-1566), considéré par l’historiographie polonaise comme « l’idéologue de la démocratie nobiliaire »83 et l’un des principaux « créateurs du credo républicain »84, est le représentant par excellence des aspirations politiques de la noblesse de l’époque. Après des études en Pologne, Autriche et Italie, il entre dans les ordres. Écrivain

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MĄCZAK Antoni, « The structure of power in the commonwealth of the sixteenth and seventeenth centuries », in FEDOROWICZ J. K. (dir.), A Republic of Nobles, op. cit., p. 109. Notons que l’élection des rois Jagellons pouvait prendre diverses formes : Ladislas II a été élu par une diète regroupant les magnats, la noblesse et les députés des villes, alors que Jean Olbracht n’a été choisi que par le sénat : DUBAS-URWANOWICZ Ewa, « System funkcjonowania Rzeczypospolitej ukształtowany w czasie interregnum po śmierci Zygmunta Augusta. Geneza, uwarunkowania i istota rozwiązań » in DZIĘGIELEWSKI Jan, KOEHLER Krzysztof, MUSZYTOWSKA Dorota (dir.), Rok 1573. Dokonanie przodków

sprzed 440 lat, Warszawa, Wydawnictwo Uniwersytetu Kardynała Stefana Wyszyńskiego, 2014, p. 126.

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Le terme constitution (konstytucja) était utilisée à l’époque dans le sens de « loi ».

81

Ibidem, p. 127-129.

82

Par exemple, on voulait créer des instigateurs, choisis par les diétines, pour contrôler les magistrats, sénateurs et starostes. Plus à ce sujet : URUSZCZAK Wacław, Historia państwa i prawa polskiego, op. cit., p. 142-143 ; SUCHENI -GRABOWSKA Anna, Spory królów ze szlachtą w złotym wieku, Kraków, Krajowa Agencja Wydawnicza, 1988, p. 2-3 ;

SUCHENI-GRABOWSKA Anna, « Sejm w latach 1540-1586 » in MICHALSKI Jerzy (dir.), Historia sejmu polskiego, op. cit., p. 153-155. Les hommes politiques soutenant ces idées ont aussi fortement contribué à l’union de Lublin (1569) et à l’intégration politique et institutionnelle de la Lituanie. Ils souhaitaient notamment une codification des lois à l’échelle du royaume : SUCHENI-GRABOWSKA Anna, Spory królów ze szlachtą w złotym wieku, op. cit., p. 3-4.

83

C’est le titre de l’ouvrage de Przemysław Krzywoszyński consacré à ce personnage : KRZYWOSZYŃSKI Przemysław,

Stanisław Orzechowski – ideolog demokracji szlacheckiej, Poznań, Wydawnictwo Poznańskie, 2010.

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politique fertile85, Orzechowski se fait le chantre de la République nobiliaire, perçue comme un système mixte idéal qui distingue la nation polonaise des autres peuples européens86. Par exemple, c’est ainsi qu’il s’adresse aux gentilhommes de son pays :

« Messieurs mes Frères, les autres nations nous battent par la fertilité des terres, l’or et les revenus, la multitude des rendements et la taille des fortifications. Mais la liberté, le plus grand de tous les biens, est la possession de votre nation et de votre nom. »87

Selon l’auteur, cette liberté se manifeste avant tout dans l’électivité du trône et la soumission du roi à la loi. Ses autres spécificités sont le droit de la noblesse à participer activement à la vie politique, à exprimer son opinion, et même à s’opposer au souverain (sous le contrôle des sénateurs et du primat)88. Ces convictions d’Orzechowski sont illustrées par son premier écrit politique Fidelis subditus, discours prononcé à la diète de 1543, publié après révision en 1548 et 1584. L’écrivain y présente le roi comme un serviteur du peuple, qui doit se conduire selon la vérité et la justice. Il précise que le souverain n’est le propriétaire ni du royaume ni de ses sujets, mais leur gardien et protecteur. À côté du modèle du bon roi, Orzechowski dresse le tableau du mauvais prince. Beaucoup d’éléments critiques se rapportent au jeune Sigismond Auguste, qui serait entouré de flatteurs et de mauvais conseillers. Le ton y devient parfois véhément89. Parallèlement, dans son activité politique, Orzechowski s’est plusieurs fois opposé ouvertement aux décisions du roi, en particulier à son mariage secret avec Barbara Radziwiłłówna, lequel avait eu lieu sans l’accord du sénat90.

Toutes ces réflexions sur le pouvoir et ces choix dans les affaires courantes du royaume se reflètent dans les Annales, rédigées en 1554, publiées en 161191 et connues en Occident. Cette œuvre dépeint certains conflits apparus entre le roi et la noblesse de Pologne. Orzechowski y adopte généralement le point de vue nobiliaire, dont il devient le porte-parole. Devenu « tribun du peuple », il exerce une grande influence sur les générations suivantes de penseurs républicains polonais92.

*

Certains hommes de lettres polonais déjà cités émettent eux aussi des opinions positives au sujet de la forme du gouvernement sarmate. Alexander Gwagnin s’exprime favorablement au sujet des élections et de la limitation du pouvoir royal qui écarte les risques de tyrannie. Il émet l’idée d’un équilibre entre la majesté royale et la liberté nobiliaire, qui se modèreraient

85 Ibidem, p. 77. 86 Ibidem, p. 77-78. 87

Notre traduction de : KRZYWOSZYŃSKI Przemysław, Stanisław Orzechowski, op. cit., p. 7.

88

Ibidem, p. 36-41, 57, 61.

89

BAŁUK-ULEWICZOWA Teresa, Gosliucius’Ideal Senator and his Cultural Impact over the Centuries: Shakespearian

Reflections, Kraków, Polska Akademia Umiejętności, 2009, p. 38-40.

90

KRZYWOSZYŃSKI Przemysław, Stanisław Orzechowski, op. cit., p. 19.

91

ORZECHOWSKI Stanisław, Annales Polonici ab excessu Divi Sigismundi Primi [1554], Dobromili, Ioannis Szeligae, 1611.

92

Przemysław Krzywoszyński y consacre le dernier chapitre de son ouvrage : KRZYWOSZYŃSKI Przemysław, Stanisław

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réciproquement93. D’autres chroniqueurs restent plus sceptiques vis-à-vis de certains privilèges. Dans sa préface, Sarnicki met en garde ses compatriotes contre les dangers liés à l’élection libre, rappelant les désordres de celle de 1576, pendant laquelle s’étaient affrontés les camps du roi Étienne et de Maximilien de Habsbourg94. Notons que l’écrivain publie son ouvrage en 1587, soit en plein interrègne après la mort de Báthory. Ses paroles doivent être directement inscrites dans ce contexte. Par ailleurs, son recul vis-à-vis de la réalité politique polonaise se lit également dans son tableau de la « République des Babins » (Rzeczpospolita Babińska), à laquelle il a appartenu.

Il s’agit d’une société littéraire qui aux XVIe et XVIIe siècles s’amusait à parodier le fonctionnement de la Rzeczpospolita, en attribuant des titres aux membres les moins compétents ou les plus ridicules95. Dans notre corpus, seul Duperron de Castéra mentionne l’existence de ce groupement à caractère politique, mais sans citer la source de ses informations, qu’il puise certainement chez Sarnicki96.

*

Marcin Kromer émet lui aussi des réserves envers la montée des aspirations politiques de la szlachta. Malgré le succès éditorial qu’elle recueille à l’étranger, son œuvre avait d’abord été reçue avec réticence dans son pays d’origine : alors que le roi de Pologne la récompense, la noblesse la voit d’un mauvais œil97. Ce qui déplaît, c’est la vision de l’État qu’y propose l’historien. Loin d’apprécier l’engagement croissant des nobles au sein des institutions, il critique, dans quelques passages, l’activité des nonces dans la diète, y voyant une cause de désordre et de paralysie. Il dénonce la mauvaise habitude qu’a prise l’ordre équestre de réprimander le roi et les sénateurs, comme s’il était plus apte à prendre de bonnes décisions98. Il est aisé de s’imaginer le mécontentement que ce genre de discours a nourri dans la noblesse. Orzechowski lui-même, ami de Kromer malgré leurs différences d’opinions, le prévient que le ton antinobiliaire de ses écrits risque fortement de déplaire99.

Sans promouvoir un pouvoir royal absolu, Kromer considère que le roi ne peut être excessivement limité dans ses prises de décision : il doit garder une certaine autonomie qui lui

93

Ibidem, p. 142. GIS Kacper, « Król obrany głosem […] », op. cit., p. 28.

94

Voir la bibliographie descriptive et commentée des imprimés anciens de Karol Estreicher, diffusée en version électronique par l’Université de Cracovie dans le cadre d’un projet dirigé par Wacław Walecki : ESTREICHER Karol, « Bibliografia Staropolska », t. XXVII, p. 140-141 in Elektroniczna baza bibliografii Estreichera, en ligne, URL : https://www.estreicher.uj.edu.pl/staropolska/baza/wpis/?sort=nazwisko_imie&order=1&id=192016&offset=0&index=6 [consulté le 12 avril 2018]

95

PERZANOWSKA Agnieszka, Dziejów Polskich pomniki, op. cit., p. 33. LEWANDOWSKI Ignacy, Florus w Polsce, op. cit., p. 81-84. ZIELIŃSKI Józef, « Stanisław Sarnicki i jego kronika […] », op. cit., p. 18-19. WIDACKA Hanna, « Rzeczpospolita Babińska i jej twórcy », Silva Rerum, Wilanów, Musée du Roi Jean III, en ligne, URL : http://www.wilanow-palac.pl/rzeczpospolita_babinska_i_jej_tworcy.html [consulté le 03 avril 2018].

96

DUPERRON DE CASTÉRA Louis Adrien, Essai politique sur la Pologne, op. cit., p. 237-238.

97

MAŁECKI Aleksander, „Historyków nie zaniechaj czytać…”. Studia nad twórczością historyczną Marcina Kromera i

jej renesansową recepcją, Poznań, Wydawnictwo Poznańskie, 2013, p. 144.

98

MIKOŁAJEWSKA Anna, « „O pochodzeniu i o dziejach Polaków” – Marcin Kromer o dobrych i złych rządach »,

Komunikaty Warmińsko-Mazurskie, 2008/3, p. 323. 99

Voir : MARCHWIŃSKI Roman « Wstęp » in KROMER Marcin, Polska czyli o położeniu, ludności, obyczajach,

urzędach i sprawach publicznych Królestwa Polskiego księgi dwie, éd. MARCHWIŃSKI Roman, Olsztyn, Pojezierze,

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permette d’évaluer la justesse des conseils de ses sénateurs100. Le sénat reste néanmoins le conseiller naturel du roi : il doit le seconder et veiller à ce qu'il réalise le bien de la République. Selon les conceptions cromériennes, la coopération entre ces deux organes est nécessaire : le gouvernement arbitraire d’un seul d’entre eux mènerait à la ruine de l’État. Il faut donc maintenir l’harmonie entre le monarque et le sénat, tout en accordant une certaine indépendance au souverain. Quant aux réclamations politiques nobiliaires, elles viendraient rompre cette harmonie menant à la domination non plus du roi ni du sénat mais de l’ordre équestre101.

*

Des opinions très semblables se reflètent dans le De optimo senatore (Venise, 1568)102 de Wawrzyniec Goślicki (v. 1530-1607), successivement étudiant en artes liberales à l’Académie de Cracovie et en droit à Bologne, secrétaire du roi, évêque de Kamieniec (1586), de Chełmno (1590), de Przemyśl (1591) puis de Poznań (1601)103. Dans ce traité, dédié au roi Sigismond Auguste, Goślicki présente sa vision de la Respublica mixta, qu’il rapporte à la constitution de son propre pays104. Reconnaissant le rôle des trois éléments propres au gouvernement mixte, c’est-à-dire du roi (monarchie), du sénat (aristocratie) et de la noblesse (perçue en Pologne comme l’élément démocratique), il donne la prééminence au sénat en tant que modérateur et intermédiaire entre le roi et la noblesse. Selon lui, c’est le sénat qui maintient l’équilibre entre les institutions et prend en charge les principales responsabilités du gouvernement, de manière à assurer le bon fonctionnement de la République et à veiller au bien de ses habitants. Ni l’élément royal ni l’aristocratique ne doivent sortir de leurs bornes, le premier dégénérant en tyrannie, le second en anarchie. Dans ce contexte, Goślicki reconnaît la nécessité de limiter le pouvoir royal, qui doit s’exercer dans une stricte collaboration avec le sénat. Il se fait même l’ardent défenseur de l’électivité du trône contre le principe héréditaire105. Parallèlement, il ne manque pas de critiquer la « liberté dorée » de la szlachta. Il ne conteste certes pas les privilèges déjà acquis, mais il refuse de renforcer le rôle de l’ordre équestre dans le maniement des affaires, ce qui remettrait en cause l’équilibre entre les trois parties de la République, et peut-être surtout la prédominance du sénat106.

100 MIKOŁAJEWSKA Anna, « „O pochodzeniu i o dziejach Polaków” […] », op. cit., p. 322-323.

101

Ibidem, p. 319-324.

102 Goślicki Wawrzyniec, De optimo senatore, Venetiis, Iordanum Zilettum, 1568.

103

BERNACKI Włodzimierz, Myśl polityczna I Rzeczpospolitej, op. cit., p. 116. 104

Pour les conceptions des relations entre le roi et la noblesse de la République chez Goslicius, voir : BAŁUK -ULEWICZOWA Teresa, Gosliucius’Ideal Senator, op. cit, p. 48-69.

105

Notons qu’en 1568, il n’y a pas encore d’élection viritim en Pologne. C’est le sénat qui choisit le souverain, qui est ensuite approuvé par la szlachta.

106

Teresa Bałuk-Ulewiczowa résume ainsi la position de Gosliscius : « Goslicius aknowledges the King’s majesty and authority and the rights and freedoms of the People, but, according to him, it is the Senate, the « perfect » intermediary body, that bears the fundamental public duty and responsibility for domestic and foreign policy. It is the Senate which is to prevent sedition and rebellion, and to check tyranny. Significantly, Goslicius is more apprehensive of popular rioting and sedition than of tyranny. His vision of Respublica Mixta – a concept present in virtually all the 16th century Polish political writings but variously interpreted by them – incorporates a balance of power in which the aristocratic senatorial element carries the greatest weight politically. » (BAŁUK-ULEWICZOWA Teresa, Gosliucius’Ideal Senator,

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Goślicki, tout comme auparavant Kromer, devient ici le témoin des tensions existant entre les sénateurs et les nobles de Pologne, qui se disputent le premier rôle sous Sigismond Auguste ; conflit qui se terminera en faveur de l’ordre équestre lors de l’interrègne de 1572. Partisan du sénat, qu’il ne rejoint qu’en 1586107, Goślicki exprime ses réticences quant à la montée du rôle de la noblesse. Il ne promeut pas pour autant le modèle de la monarchie absolue et reste dans le cadre du paradigme de la monarchie mixte.

*

Enfin, Andrzej Frycz-Modrzewski (1503-1572) ̶ étudiant à l’Académie de Cracovie, secrétaire du roi, devenu protestant à la suite de ses voyages en Europe, notamment en Allemagne108 ̶ conteste lui aussi la prédominance qu’est en train d’acquérir la noblesse. Ses critiques sont néanmoins d’un autre ordre. Il débute son activité politique en prenant la défense des paysans et des bourgeois contre les mesures sociales, économiques et politiques promues par la noblesse. Il exhorte ses pairs à reconnaître l’égalité de tous devant la loi. Il dénonce la faible peine encourue par un noble en cas de meurtre d’un paysan, alors que ce dernier est puni de mort s’il attente à la vie d’un noble109. Frycz-Modrzewski conteste également la loi de 1543 qui limite le droit de propriété des bourgeois au territoire de la ville et à ses proches alentours, le reste des terres ne pouvant être possédé que par les nobles (ou l’Église)110. Ces opinions socio-politiques se retrouvent dans l’ouvrage qui lui a valu sa popularité : le De Republica emandanda, publié seulement en partie à Cracovie en 1551 du fait de la censure des chapitres portant sur l’Église, puis édité intégralement en 1554111.

Outre les questions sociales, cet ouvrage aborde la problématique du régime politique à adopter. Frycz-Modrzewski préconise la mise en place d’une monarchie centralisée avec un pouvoir royal fort, tout en reconnaissant que le souverain doit être soumis à la loi et exercer son pouvoir en coopérant avec le sénat et la diète, organe représentatif de la noblesse. Sans être absolu, le roi aurait des prérogatives étendues, notamment dans la formation de la loi, la centralisation et la modernisation de l’État, secondé pour cela par une administration qui dépendrait de lui. Il jouerait aussi le rôle de régulateur des relations sociales, de manière à assurer le bonheur de tous. Les postulats sociaux de Frycz-Modrzewski devraient donc être réalisés par l’intermédiaire de ce pouvoir royal renforcé112.

*

107

BAŁUK-ULEWICZOWA Teresa, Gosliucius’Ideal Senator, op. cit., p. 14.

108

BERNACKI Włodzimierz, Myśl polityczna I Rzeczpospolitej, op. cit., p. 85. 109

Ibidem, p. 88-90. VOISÉ Waldemar, Andrzej Frycz Modrzewski (1503-1572), Wrocław, Warszawa, ZNiO, 1975, p. 12-14.

110

Ibidem, p. 14-15.

111

Ibidem, p. 15. FRYCZ-MODRZEWSKI Andrzej,Commentariorum de republica emendanda libri quinque, Basilea, Ioan.

Oporinum, 1554.

112

VOISÉ Waldemar, Frycza Modrzewskiego nauka o państwie i prawie, Warszawa, Książka i Wiedza, 1956, p. 333-348.

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Les textes de la seconde moitié du XVIe siècle témoignent des débats qui accompagnent le renforcement du pouvoir nobiliaire dans la République polono-lituanienne. Chroniques et traités politiques décrivent et commentent l’État sarmate, ses institutions et les relations entre gouvernants et gouvernés qui y règnent ou devraient y régner.

À la fin du XVIe puis au XVIIe siècle, ce sont les principes républicains nobiliaires, qui finissent par s’affirmer. L’interrègne de 1572-1573 joue un rôle central dans cette évolution. C’est alors qu’a lieu la première élection dite libre, c’est-à-dire selon la règle de l’unanimité et du

viritim, qui donne à tout noble le droit de participer directement à l’élection113. L’interregnum en

question pose les bases de l’organisation de l’élection. Celle-ci doit être précédée d’une diète de convocation qui définit le lieu et la date de la diète d’élection, elle-même suivie d’une diète de couronnement. À cette occasion sont aussi censés être corrigés les abus qui se sont glissés lors du règne précédent, énumérés dans les exorbitances (eksorbitancje). En 1573 sont également rédigés les Articles henriciens, qui définissent les bornes du pouvoir royal et ses relations avec le sénat et la diète. Voici en bref leur contenu : une élection libre doit être organisée à chaque changement de souverain ; le successeur ne peut être choisi ni désigné du vivant du roi ; le roi ne peut déclarer la guerre, engager des mercenaires ni lever les impôts sans l’accord de la noblesse ; le sejm doit être convoqué au minimum tous les deux ans ; seize sénateurs sont désignés pour surveiller le roi – dont quatre résidant continuellement auprès de lui – en particulier en matière de politique étrangère et matrimoniale ; la noblesse a le droit de refuser l’obéissance au monarque si celui-ci ne respecte pas les lois du royaume et les présents articles114. Parmi ces conditions, on trouve également la confirmation de la Confédération de Varsovie, texte qui garantit les droits civiques des dissidents au nom de la paix publique115. Enfin, on adopte les Pacta conventa, qui rassemblent les promesses et engagements personnels du prince élu, souvent d’ordre plus pécuniaire et matériel. Les deux textes sont soumis au serment du nouvel élu, sans quoi il ne peut monter sur le trône. Henri ayant refusé de corroborer les articles henriciens lors de son sacre116, ils ne sont réellement adoptés que sous Étienne Báthory (1575-1587), pour devenir une composante indissociable de la République nobiliaire, où l’ordre équestre gagne un rôle prépondérant dans le gouvernement. Cette évolution se confirmera tout au long du XVIIe siècle117.

113 À ce sujet, nous renvoyons aux articles rassemblés dans : DZIĘGIELEWSKI Jan, KOEHLER Krzysztof, MUSZYTOWSKA Dorota (dir.), Rok 1573. Dokonanie przodków sprzed 440 lat, op. cit.

114

Notons que les conditions d’élections sont d’autant plus restrictives que l’on choisit un roi étranger (en l’occurrence Henri de Valois), de peur qu’il ne mène la politique de son pays d’origine : SOBOCIŃSKI Wacław, « O ustawie konstytucyjnej państwa polskiego z roku 1573 », Czasopismo Prawno-historyczne, 1948, p. 84.

115

L’acte de la Confédération de Varsovie est traduit et intégralement cité chez Emmanuel Henri Victurnien Noailles,

Henri de Valois et la Pologne en 1572, Paris, M. Lévy frères, 1867, t. III, p. 251-254. D’après cet écrit, les personnes et

les biens des dissidents ne peuvent être inquiétés pour cause de religion. À noter néanmoins que l’adoption de ce texte suscite des débats en Pologne : si le besoin de la tolérance civile en soi n’est pas vraiment contesté, certains considèrent qu’elle devrait rester un état de fait et ne devrait pas être institutionnalisée par une loi. Voir à ce sujet les protestations catholiques : Ibidem, t. III, p. 254-257.

116

SERWAŃSKI Maciej, Henryk III Walezy w Polsce, op. cit., p. 180-181.

117

Voir par exemple la chronologie proposée par Przemysław Krzywoszyński dans : KRZYWOSZYŃSKI Przemysław,

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