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Du TVR technologique au tramway environnemental

2.2.1 Le PDU caennais : Une procédure ouverte en vue d’une légitimation du TVR

2.2.1.1 Le PDU : comment remettre son tramway sur le métier ?

Avec une superficie de 132 km² pour 199 000 habitants, l’agglomération caennaise (Caen et 17 communes) s’impose à plusieurs titres comme capitale de la région Basse-Normandie. Outre un niveau d’équipements et de services qui n’a rien à envier à d’autres agglomérations de son rang (un Zénith, un Stade de 20 000 places, un Marché d’Intérêt Régional…), Caen a connu un fort développement de la recherche et de la haute technologie : les centres de recherche sont nombreux, l'université dispose de trois campus, le Plan Université 2000 prévoit 36000 étudiants et se décline par les créations d’une troisième école d’ingénieurs, d’un institut européen de Droit des Affaires et d’un institut franco-américain, enfin, Synergia, le technopole Caen – Normandie, est un succès. En d’autres termes, l’agglomération caennaise se présente comme un pôle majeur de développement et de ressources que confirment d’ailleurs un niveau de qualification de l’emploi élevé, un taux relativement important de population jeune ainsi qu’une aire d’attraction comprenant 277 communes.

Dotée d’un fort potentiel socio-économique, l’agglomération caennaise dispose également d’un réseau de transports collectifs de qualité. Il présente un bon maillage, une bonne offre et un bon usage (comparativement aux agglomérations de taille similaire) ainsi qu’une couverture des dépenses par des recettes légèrement supérieure à la moyenne. Pourtant, confronté à un phénomène d’étalement urbain synonyme d’accroissement des déplacements VP et de saturation des axes routiers, le réseau TC se trouve pénalisé par des temps de parcours trop longs engendrant une baisse de la vitesse commerciale, des fréquences insuffisantes, une part de clientèle non captive trop faible et un manque de desserte inter-quartiers. Dès lors, la remise en cause d’un réseau TC reconnu a priori de bonne qualité vient entacher l’image d’une agglomération tournée vers l’avenir.

Constat posé en 1998, ce problème avait pourtant été soulevé dès la fin des années 1980. L’autorité organisatrice des transports urbains (AOTU), le Syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération caennaise (SMTCAC) aujourd’hui nommée Viacités, réfléchit alors à l’opportunité d’un nouveau mode TC pour maintenir à niveau son réseau. Parce qu’elle n’a que la vocation transport en commun et qu’à l’époque elle est le seul organisme intercommunal pouvant intervenir sur l’étalement urbain, l’AOTU va utiliser le levier TC avec comme solution dite idéale le transport en commun en site propre (TCSP) version tramway. Le ton est ainsi donné aux enjeux caennais d’aménagement du territoire. En effet, partageant le périmètre des 19 communes du SMTCAC, le Syndicat intercommunal d’aménagement et d’urbanisme de l’agglomération caennaise (50 communes) et le District du Grand Caen (18 communes) créés respectivement en 1988 et en 1990 seront soumis à l’enjeu TCSP. Le premier le parachève via la révision du schéma directeur nouvellement approuvé en 1994, et le second l’entraîne en développant une action permanente dans le domaine des investissements structurants nouveaux.

Par ailleurs, outre ses avantages techniques, le TCSP s’avère être un véritable enjeu politique pour Caen qui serait la première agglomération de moins de 200 000 habitants à avoir son tramway. Qui dit enjeu politique dit portage politique et c’est François Solignac-Lecomte, alors premier adjoint au maire de Caen et président du SMTCAC, qui endosse la responsabilité. Porteur exclusif du projet, il est persuadé de sa pertinence et le défend comme un progrès technologique nécessaire aux caennais pour relier au plus vite et au mieux la ville-centre et sa banlieue. En 1991, le projet prend désormais le nom de TVR (transport sur voie réservée) et le dossier progresse jusqu’en 1994 avec la désignation du constructeur. Les élus sûrs de leur choix et les techniciens sûrs de leur fait, un parcours s’annonce sans faute jusqu’à l’inauguration du TVR. Néanmoins, les riverains s’inquiètent, les associations s’en mêlent, les commerçants protestent et l’opposition politique critique. La polémique instaurée, François Solignac-Lecomte persuade le maire RPR, Jean-Marie Girault, d’organiser un référendum local qui renverra les contestataires dans leur camp. Pari perdu, en juillet 1996 le référendum dit non au TVR. L’autorité n’entend pourtant pas la sanction qu’elle ne considère pas comme un révélateur des attentes de la population parce que le référendum n’a regroupé que 12% des électeurs inscrits. Mais, deux ans

plus tard, le TVR est confronté à un obstacle de taille : le 20 avril 1998, l’enquête d’utilité publique donne un avis défavorable. Cet échec cinglant met à mal la crédibilité de la collectivité et de ses élus qui décident d’écarter le porteur d’un projet désavoué : François Solignac-Lecomte démissionne de la présidence de Viacités. Et, coup de théâtre après une série de malchances, en août 1999, le Conseil d’Etat reconnaît d’utilité publique la réalisation de la première ligne de tramway de l’agglomération caennaise.

C’est en regard de l’histoire du TVR qu’il faut comprendre celle du plan de déplacements urbains. Tout d’abord, l’absence de PDU version Loi d’orientation des transports intérieurs est à corréler au contexte local qui ne soulevait aucun problème flagrant quant aux TC et donc qui n’incitait pas à la mise en œuvre d’une démarche visant, entre autre, à réorganiser la circulation. Ensuite, lorsque les transports en commun ont commencé à perdre de leur qualité, la solution TVR a mobilisé l’ensemble des énergies techniques et institutionnelles. Il n’y avait ni la place ni le temps pour une procédure considérée par les différents acteurs locaux comme un simple document de planification qui, à la différence du dossier TVR, n’apportait pas d’actions concrètes. Enfin, la démarche a réellement décollé à partir de mars /avril 1998, c'est-à-dire à compter de l’avis défavorable de la commission d’enquête.

« Le PDU c’est le projet qui a servi à mettre en place le TVR »122 ; « Le PDU a permis de concrétiser et de faire connaître le support TVR »123 ; « Avec le PDU on va pouvoir valoriser le projet TVR »124. Le PDU redonne une chance au projet de faire l’unanimité et la stratégie de présentation du TVR est entièrement revue par ses nouveaux protagonistes : le projet reste, l’habillage change. C’est le vice-président initialement chargé du plan de déplacements urbains, Thierry Marc (adjoint à la mairie de Caen chargé de l’urbanisme), qui prend la présidence de Viacités et c’est l’adjoint chargé de l’environnement à la mairie de Caen, Luc Duncombe, qui enfile le costume de vice-président responsable de la démarche PDU. Alors que « François Solignac-Lecomte considérait le TVR comme une nécessité technologique dont la légitimité était évidente et n’avait nul besoin d’être argumentée et encore moins

122

Entretien avec Monsieur Delbos, chargé d’études, SDAU, le 13/02/01.

123

Entretien avec Mylène Huyn Van Dat, chargée d’études, DDE du Calvados, le 14/02/01.

124

confrontée aux attentes de la population »125, Thierry Marc et Luc Duncombe profitent du PDU pour discuter de l’intégration et des incidences du projet avec ses futurs utilisateurs. D’un projet finalisé et réalisé en vase clos par les élus et les techniciens de l’agglomération caennaise, le TVR devient un projet en devenir à reproblématiser en associant la population. « L’enjeu était de réussir avec le PDU ce qui avait été raté avec le dossier TVR »126.

2.2.1.2 Un TCSP rejeté et un schéma directeur favorable à la

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