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l’apprentissage de l’intercommunalité

2.4.1 Le PDU nîmois : Les préliminaires entreprenants d’une politique intégrée à l’échelle intercommunale

2.4.1.2 Le PDU nîmois : un moyen avant tout

A la différence des nombreux Plans de déplacements urbains qui s’organisent autour d’un gros projet de transport en commun en site propre (de type tramway), le PDU nîmois ne profite pas d’un tel aménagement. Aussi, ses protagonistes précisent qu’ils s’en sont servis comme d’un outil pédagogique qui devait ouvrir la porte d’une nouvelle réflexion sur les déplacements et l’urbanisme à l’échelle intercommunale et, à terme, celle de nouveaux projets : « Le PDU c’est une déclaration d’intention de ce que pourrait être un meilleur fonctionnement des déplacements dans la ville »185 ; « Parce qu’il n’y avait ni tradition ni étude sur les déplacements, il fallait faire un premier état des lieux pour engranger un premier dialogue »186 ; « Le PDU ce n’est pas une finalité, c’est un moyen et c’est fait pour être animé en continu et à partir de là ça peut devenir une référence »187.

Si le PDU est avant tout un moyen, c’est justement parce qu’il n’avait pas les moyens d’être une finalité. Et ce, tout autant au sens figuré qu’au sens propre.

185

Entretien avec Jean-Bernard Prim, Directeur de la société des transports en commun nîmois, le 28/02/01.

186

Entretien avec Yonnel Gardès, ancien chef de projet PDU aux services techniques de la ville de Nîmes, le 21/05/01.

187

Entretien avec Bernard Castets, chef du service Ville, transport et territoire, DDE du Gard, le 26/02/01.

D’une part, orpheline de toute politique intégrée urbanisme/transport, la ville ne dispose d’aucun référent pour appréhender une telle démarche. Pourtant, en 1994 Nîmes recevait le prix Ademe/Gart pour les liens étroits qu’elle avait su établir entre politique urbaine et politique de transport. Ce paradoxe s’explique par le fait qu’au final c’était avant tout une cohérence transport et architecture urbaine (dans le sens mobilier urbain, aménagement urbain, etc.) et ce notamment sur l’hypercentre. Par ailleurs, si le nouveau réseau de bus avait été « restructuré façon métro » (Lettre du Gart n°107, avril 1995), c’était en surface et les voitures se sont vites emparées des couloirs TC ; quant au soit disant effet structurant sur l’armature urbaine, c’est davantage l’accompagnement d’une situation latente. Ainsi, outre un plan d’occupation des sols (POS) soumis à révision dès le lancement de la démarche PDU et un programme local d’habitat (PLH) qui – malgré des objectifs visant à accueillir à Nîmes des familles qui s’installent aujourd’hui en périphérie – reste logiquement très centré sur une politique logement, en 1997 aucun document de planification territoriale n’est en mesure de poser les premiers jalons d’un diagnostic ou d’un prédiagnostic PDU. Seule l’élaboration du dossier de voirie d’agglomération (DVA), approuvé en 1999, ouvre une brèche qui s’avère être au final une véritable faille. Le constat posé par le DVA est celui du cercle vicieux : il y a une croissance quasi mécanique des flux automobiles liées aux modes de vie (maison individuelle, localisation des activités, étalement urbain) qui nécessitent de nouvelles voiries à nouveau saturées dans les cinq ans. De plus, l’occasion faisant le larron, l’Etat n’ayant pas dans l’immédiat les moyens de réaliser de nouvelles infrastructures routières dans l’agglomération nîmoise, le DVA affiche la promotion des transports en commun comme la principale issue des problèmes de déplacements. Promotion qui se trouve être du ressort de la collectivité locale. Voilà à peu près les seuls éléments à disposition de l’AOTU : « il y a du boulot et elle est la première à devoir s’y mettre ».

D’autre part, héritière des dettes engrangées par l’ancienne municipalité Bousquet, la ville n’est pas en position de proposer des aménagements synonymes de dépenses trop lourdes. Lorsque Jean Bousquet arrive à la mairie en 1983, il est attendu comme le Messie dans une ville en perte de vitesse. Dopé par la réussite de son entreprise de prêt-à-porter Cacharel, il joue le pari du changement d’image pour sa ville. Pour ne

citer que ces exemples, Norman Foster dessine le Carré d'art, Philippe Starck le mobilier urbain, Jean Nouvel les HLM. La féria devient un événement médiatique, Marie Sara une star des arènes. C’est un cocktail joyeux de belle architecture, de politique et de paillettes qui réveille une ville naguère bien triste. Pourtant le réveil est plus dur qu’il n’y paraît. « Sauveur parmi les sauveurs », si Bousquet est réélu dès le premier tour pour son deuxième mandat en 1989, il est vite confronté à une tirelire bien vide et il faut rembourser les emprunts du premier mandat. Dès lors, la ville devient moins intéressante pour l’entrepreneur gourmand qui, par ailleurs, commence à subir la crise dans sa propre société. Ainsi, de perte de vitesse en démotivation, au terme de son deuxième mandat, Jean Bousquet est renvoyé à ses chemisiers et c’est l’opposition PC/PS (reflet d’une gauche plurielle) qui reprend un flambeau alors moins flamboyant.

Par ailleurs, quels que soient les enjeux, à Nîmes il est toujours délicat d’engager des investissements qui ne sont pas la hauteur des aménagements réalisés par la « satanée » grande sœur montpelliéraine qui, depuis le début des années 1970, ne fait qu’empiéter sur ses plates-bandes nîmoises tant au plan démographique, économique, culturel que social : « Jamais un couloir réservé pour un bus crachotant des TCN ne sera osé, les élus décideront la mise en place d’un TCSP pour quelque chose de plus emblématique (de type tramway) et là ça passera parce qu’on ne sera plus à la traîne de la grande rivale Montpellier »188. En d’autres termes, si ça doit se voir, plutôt ne rien faire que de faire moins bien qu’à Montpellier.

Entre une culture déplacements zéro, des problèmes d’argent, des rivalités historiques, auxquels peut s’agréger une fin de mandat habituellement peu propice à la prise de décisions politiques, on comprendra pourquoi le document PDU approuvé en janvier 2000 fait l’oubli d’un dernier chapitre sur les engagements, les calendriers et les financements. A priori préjudiciable à la validité d’une démarche PDU, cette omission a pourtant eu la vertu de presser l’évolution des mentalités sur la prégnance de la voiture particulière. « Le choix était simple : soit on sortait un PDU sans dernier chapitre soit on ne sortait pas de PDU, alors qu’il y avait eu un gros travail

188

Entretien avec Jean-Bernard Prim, Directeur de la société des transports en commun nîmois, le 28/02/01.

de fond visant au moins à promouvoir de nouvelles idées »189. En effet, que ce soit sur les déplacements individuels motorisés, sur la cohérence urbanisme et déplacements, sur les transports en commun et l’ensemble des modes alternatifs à la voiture, un gros travail de diagnostic et de propositions d’actions a été réalisé de manière précise, cohérente et surtout porteuse d’une nouvelle réflexion à l’échelle intercommunale.

L’attitude de la maîtrise d’ouvrage visant en premier lieu à motiver l’ensemble des décideurs a d’ailleurs été suivie tout au long de l’élaboration du PDU. Comme le souligne le chef de projet, « face au manque de données initiales, il était question de faire une enquête ménage même allégée en raison des budgets très serrés, pourtant l’idée a été abandonnée au profit d’un compte déplacements qui, s’il ne remplace pas l’enquête ménage, donne des premiers éléments d’analyse révélateurs et prend beaucoup moins de temps à réaliser. Aussi, ce gain de temps répond à la course contre la montre menée face au scepticisme initial, d’une part des élus nîmois qui préfèrent réagir à court plutôt qu’à long terme (alors que c’est dans le long terme qu’une démarche de planification doit être pensée), d’autre part des techniciens nîmois qui considéraient la démarche PDU comme une étude de plus qui allait brasser du papier »190.

Pari gagné, au sortir de la démarche, l’élu responsable, au préalable un peu détaché du PDU parce qu’en charge d’un gros dossier sur le traitement de déchets à une échelle intercommunale, reprend le même discours en poussant la chansonnette jusqu’à l’intercommunalité : « Le dernier chapitre, il n’y en a pas car il représente des coûts d’investissement énormes et je pense que ce PDU s’inscrit dans l’intercommunalité qui elle apportera de l’argent »191.

189

ibidem.

190

Entretien avec Yonnel Gardès, ancien chef de projet PDU aux services techniques de la ville de Nîmes, le 21/05/01.

191

2.4.1.3 La démarche PDU : quand tous les acteurs peuvent jouer un

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