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Le Plan de déplacements urbains : une démarche vouée à la concertation

1.2.2 La concertation PDU : de l’incitation…

1.2.2.2 Le PDU : une politique publique au cœur du débat urbain

Les thématiques de l’environnement et du cadre de vie qui caractérisent le PDU sont aujourd’hui au cœur des politiques urbaines et par le fait inscrivent le Plan de déplacements urbains dans une démarche propice au débat.

Risquant le caricatural pour privilégier le concis, nous pourrions présenter le PDU comme la dernière parade proposée au “ tout-voiture contre la ville ” que Francis Beaucire a synthétisé dans son ouvrage Les transports publics et la ville : « Le fait que l’automobile soit devenue le mode de transport dominant dans les villes n’est pas resté sans conséquences. Dans le milieu de vie urbain […] tandis que les pollutions d’origine industrielle ont diminué au cours des quinze dernières années, les

pollutions dues à la circulation se sont accrues de près de 90% […] A la pollution de l’air s’ajoute tout un lot de nuisances : le bruit qui gêne un citadin sur deux, le stress dû à la congestion de la voirie, qui fait perdre chaque jour 300 000 heures en Ile-de- France, c’est-à-dire autant que la durée totale d’une journée de travail… à Lyon ! Il faut encore évoquer l’inconfort de l’espace public pour les piétons face à l’envahissement de l’automobile, ainsi que les accidents. On compte chaque année en France 1600 tués en ville et 12500 blessés graves, mais la peur d’être accidenté, chez les personnes âgées ou les parents d’élèves, contribue aussi à produire du stress urbain »56. A la lecture de ce petit pamphlet, une affirmation peut être avancée : il n’y a pas beaucoup de problèmes urbains qui semblent toucher autant d’habitants que ne le fait la voiture.

Et pourtant, lorsqu’elles sont évoquées, les mesures visant à réduire le trafic automobile sont sur un terrain glissant. Au cours d’un colloque intitulé « Environnement : une longueur d’avance avec les transports publics »57, le constat a été posé que les citoyens sont profondément choqués par la pollution et par les risques qui pèsent sur leur santé à cause des nuisances de la circulation automobile mais qu’en revanche ils sont beaucoup moins nombreux à vouloir payer le coût réel d’usage de leur voiture ou à vouloir laisser leur voiture au garage pour prendre le bus. En effet, bien qu’aucun mode ne soit parfaitement adapté aux déplacements urbains, entre la voiture, les transports en commun et les modes doux, le premier reste toujours le plus efficace, ou du moins le plus commode, et ce malgré les nombreux investissements réalisés pour les deux autres. Par ailleurs, il semble que la voiture soit dans les gènes de la ville et que cette dernière ne soit pas encore prête à une modification génétique. En d’autres termes, lorsque l’on est urbain et qu’il est question de la voiture, la première réaction c’est : « Touchez pas au Grisby ! ». Dans une interview accordée au Nouvel Observateur, Jean-Marc Offner a rappelé que « la voiture est très adaptée à l’individualisation qui est caractéristique de notre époque et l’utopie de la ville sans voiture, ce serait la disparition de ce qui a été considéré comme un projet majeur, de ce qui reste l’aspiration de milliards de gens. C’est une utopie rétro, l’apanage des mouvements écolos, des intellos riches des centres-ville

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Beaucire Francis, Les transports publics et la ville, Ed. Milan, 1996, pp. 44-45.

57

Colloque : Environnement : une longueur d’avance avec les transports publics, Maison de la RATP, le 20 septembre 2000.

qui ont, eux, le choix d’autres modes de transport »58. Propos extrêmes à une situation extrême (la ville sans voiture), Jean-Marc Offner veut surtout alerter nos décideurs qu’encore une fois il n’est pas proposé de solutions au malaise contemporain à nos villes depuis plus de 30 ans, à savoir l’étalement urbain : « le problème ce n’est pas une ville sans voiture mais une voiture sans ville »59. Une des difficultés du PDU est donc de devoir avancer des solutions pour lutter contre la voiture particulière, ou du moins contre sa croissance, tout en composant avec l’élément fondateur de nos villes modernes qu’est cette même voiture particulière.60

Par ailleurs, visant, entre autre, à proposer une meilleure accessibilité spatiale et temporelle aux différents pôles d’attraction de l’agglomération, le PDU offre de nouvelles conditions de mobilité. Ce faisant, il induit une modification des rapports de la population à l’espace. Autrement dit, les implications du PDU ne se mesurent pas qu’en termes de mobilité, comme mouvement, mais aussi en termes de « motilité », comme potentiel de mouvement. Reprise au travaux de Vincent Kaufmann61, cette notion de « motilité » a été définie comme la capacité d’une personne ou d’un groupe à être mobile, spatialement ou virtuellement. La « motilité » part du principe que la capacité à se mouvoir est le facteur clé définissant la mobilité. L’auteur la caractérise par l’interaction de trois composantes : le contexte, l’accès et l’appropriation. Ainsi, parce que la première composante renvoie au champ du possible dans un lieu donné, parce que la seconde renvoie à l’ensemble des conditions auxquelles est accessible l’offre et parce que la troisième renvoie aux compétences et à l’intériorisation par l’acteur de ses possibilités de mouvement, la « motilité » renvoie « à l’allocation des ressources et des compétences, donc à la structure sociale et à sa distribution spatiale »62. Dès lors, si le PDU a un impact sur la

58

Le Nouvel Observateur, 30 décembre 1999 - 5 janvier 2000, p. 47.

59

ibidem

60

Cette crise urbaine du tout automobile, pour laquelle la ou les « solutions » sont régulièrement avancées sans jamais vraiment aboutir, n’est pas spécifique à la France. Pour un tour d’horizon plus international on peut se référer à l’ouvrage de Lefèvre et Pucher, The Urban Transport crisis in Europe

and North America, qui tente d’évaluer la relative capacité de huit pays à trouver des solutions

alternatives à ces problèmes de transports urbains : Lefèvre C, Pucher J., The Urban Transport crisis in

Europe and North America, London Macmillan, 236 pages, 1996. 61

Kaufmann Vincent, Re-thinking Mobility : contemporary sociology, Edition Ashgate, Hampshire, 2002, 112 pages.

62

Kaufmann Vincent, « La motilité : une notion clé pour revisiter l’urbain ? », in Enjeux de la

sociologie urbaine, Bassand Michel, Kaufmann Vincent, Joye Dominique, (sous la direction), Presses

« motilité », sa maîtrise d’ouvrage doit savoir appréhender les enjeux sociaux en place sur son périmètre d’action.

Ainsi, entre l’actualité des nuisances dues à la circulation automobile, l’antinomie des solutions visant à réduire le trafic automobile et des attentes ou besoins des usagers, et enfin l’impact que peuvent avoir les PDU sur la vie quotidienne des populations, tout pousse le maître d’ouvrage du plan de déplacements urbains à privilégier une démarche concertée. Et ce, sans compter qu’il est demandé au PDU de gagner le pari, jusqu’alors toujours perdu, de marier les politiques de transport et les politiques d’aménagement.

En effet, outre l’objectif de « concourir à la nécessaire promotion des transport publics, grâce à une meilleure articulation entre les pouvoirs relatifs aux transports et à la voirie et les pouvoirs relatifs à la police de circulation », l’article 28 de la Loti stipulait déjà en 1982 que le PDU devait « intégrer tous les facteurs liés aux déplacements dans l’agglomération en les reliant à l’ensemble des problèmes de la vie et du développement urbain, et en permettant notamment une meilleure utilisation de l’espace et de l’énergie ». Large, voire peut-être utopique, cette ambition législative faisait l’objet d’un ralliement général avec en tête le Groupement des autorités responsables des transports (Gart) dont le président précisait déjà en 1985 que : « les déplacements sont le reflet des besoins sociaux et économiques de la ville, et de nouvelles politiques urbaines d’aménagement devront y répondre. L’intégration de ces facteurs et la résolution des problèmes qui y sont liés devaient être fixés dans un cadre approprié. La Loti y pourvoit et instaure dans son article 28, l’obligation d’engager un plan de déplacements »63. Pourtant, l’intérêt d’une cohérence des décisions d’urbanisme et de transport, l’intégration des enjeux économiques, le rôle du transport de marchandises, etc. se heurtent vite à la multiplicité des acteurs et des intervenants qui ne partagent pas les mêmes objectifs ou tout simplement les mêmes outils. Ainsi, cette approche globale demandée au PDU depuis sa version Loti l’entraîne dans le tourbillon de la concertation.

63

Jean-Michel Gadrat, « Le pari des plans de déplacements urbains », Metropolis, PDU Premier Bilan, n°68/69, 3ème trimestre 1985, p. 14.

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