• Aucun résultat trouvé

La démarche PDU : une stratégie d’ouverture pour un portage collectif

Du TVR technologique au tramway environnemental

2.2.1 Le PDU caennais : Une procédure ouverte en vue d’une légitimation du TVR

2.2.1.3 La démarche PDU : une stratégie d’ouverture pour un portage collectif

« En associant les partenaires et les différents acteurs de l’agglomération, si Viacités a fait un très gros effort d’ouverture, c’est notamment pour montrer qu’elle n’était pas seule dans cette démarche et que face à l’ampleur des enjeux PDU elle ne voulait surtout pas la porter seule »133. Cette stratégie est d’autant plus importante pour une AOTU peut-être trop cloisonnée au seul enjeu tramway. En effet, si le fait de jouer le rôle de porte-parole de l’exploitant transport est une coutume caractéristique à l’ensemble des autorités à vocation unique transport en commun, le SMTCAC est allé encore plus loin en prenant le nom de Viacités, soit en intégrant le nom du groupe auquel l’entreprise exploitante , la Compagnie des transports de l’agglomération caennaise (CTAC), est rattachée : Via- Cariane.

131

Entretien avec Thierry Marc, président de Viacités, le 15/02/01.

132

ibidem.

133

2.2.1.3.1 Un portage politique

En 1997, Jean-Marie Girault (maire RPR de Caen) s’avoue dans son dernier mandat et, bien que la ville-centre soit plus que dominante dans l’AOTU (sur le plan politique la plupart des présidents et vice-présidents délégués sont des élus caennais, et sur le plan démographique 114 000 habitants pour 199 000 au total), il s’implique faiblement dans la démarche PDU. Néanmoins, comme il l’avait fait pour le TVR avec François Solignac-Lecomte, il confie des délégations pleines à ses adjoints Thierry Marc et Luc Duncombe (respectivement président et vice-président de Viacités) qui prennent à cœur le Plan de déplacements urbains. Thierry Marc considère la démarche comme la dernière chance d’un tramway consensuel et peut- être aussi comme un tremplin dans sa carrière politique si consensus il y a. Ambitieux, il effectue en effet son premier mandat et il aurait bien mené la liste RPR aux municipales de 2001 si la direction de son parti ne lui avait pas préféré Brigitte Le Breton, une autre adjointe. Quant à Luc Duncombe, ami et alors probable colistier de Thierry Marc, la politique locale ne lui est pas non plus indifférente (il présentera d’ailleurs sans suite une liste UDF après la mise à l’écart de Thierry Marc). Pourtant, il se démarque davantage comme « l’écolo » de la municipalité et donc comme le porteur adéquat d’un PDU qui veut un tramway environnemental. Il doit cet héritage à son père le docteur Franck Duncombe – maire adjoint à la ville de Caen au début des années 1970 – très connu localement pour son action en matière d’environnement et plus particulièrement contre le bruit urbain. Motivés à la fois politiquement et écologiquement, les deux protagonistes du projet PDU se sont ainsi attachés à impliquer les différents acteurs décisionnels de l’agglomération en vue d’un portage général. Même le nouveau maire de Caen, Brigitte Le Breton, qui ne s’était au préalable pas impliqué dans la démarche, considère aujourd'hui le PDU comme un outil nécessaire aux ambitions de l’agglomération : « les priorités en matière de politiques de déplacements dans notre agglomération caennaise pourront trouver appui dans l’outil de planification et de coordination qu’est le plan de déplacement urbain »134.

134

2.2.1.3.2 Un portage institutionnel

L’objectif premier quant au suivi de la démarche est de faire du Plan de déplacements urbains caennais « un projet partagé par les différents maîtres d’ouvrages, afin de le mettre en œuvre sous leur responsabilité tout en assurant ensemble la cohérence et le partage de l’évaluation »135. Dès lors, le PDU s’avère être un projet d’agglomération qui a déjà l’aval des trois principaux acteurs institutionnels. Le syndicat d’aménagement et d’urbanisme se félicite de voir ses remarques prises en compte dans le PDU et se solidarise avec l’AOTU. La chambre de commerce et d’industrie (CCI) – malgré son manque d’expérience initiale en matière de déplacements urbains qui, dit-elle, ne lui permet pas de contredire la problématique du PDU caennais – reconnaît à la démarche l’importance de son rôle de pionnière en tant que projet d’agglomération. Enfin, partenaire de la première heure quant au projet de TVR, la DDE a été le pivot de la motivation institutionnelle. Afin d’appuyer l’intérêt du tramway après l’avis défavorable de l’enquête d’utilité publique, elle s’associe ouvertement au PDU et entraîne dans sa course ses récents alliés de l’épisode schéma directeur : le syndicat d’aménagement et la CCI. Par ailleurs, en s’impliquant de la sorte, chacun de ces acteurs étale son soutien à la procédure et, par voie de conséquence, se décrédibiliserait en cas de marche arrière : « vu notre implication dans l’élaboration du PDU on ne peut légitimement plus aller contre »136.

2.2.1.3.3 Un portage technique

« Le politique doit assumer et porter un dossier comme celui du PDU mais il ne doit pas se substituer au technicien »137. Dans cette remarque, il faut comprendre que le politique caennais a recherché un appui solide auprès de ses techniciens locaux alors représentés par l’exploitant transport et les chargés d’études de Viacités. La Compagnie des transports de l’agglomération caennaise (CTAC) bénéficie de rapports privilégiés avec l’autorité se résumant, in fine, par une autonomie et une marge de manœuvre importante qu’elle a mises au profit d’une position, dit-elle, depuis longtemps « PDUesque ». En effet, outre sa médiatisation environnementale

135

Projet de PDU, Viacités, octobre 1999.

136

Entretien avec Mylène Huyn Van Dat, chargée d’études, DDE du Calvados, le 14/02/01.

137

(tel son slogan : Elément’air, je choisis le bus… et ma ville respire), elle considère les piétons et les vélos comme ses alliés et cherche à favoriser une intermodalité encore trop limitée à son goût. Enfin, partenaire averti de l’AOTU quant à la mise en place du PDU, la CTAC lui met le pied à l’étrier en précisant qu’aujourd’hui c’est à Viacités de représenter les enjeux d’une telle démarche. Une représentation qui n’était pas gagnée d’avance parce que les techniciens de Viacités maintenaient le cap sur le TVR en laissant le plan de déplacements urbains à la marge des préoccupations locales. Pour contrebalancer cette tendance, la manœuvre a été de recruter une chargée de mission PDU, Corinne Salmon, qui, entre autres, n’était pas façonnée par le discours ambiant du tout au tramway. Jeune diplômée, elle a pris à cœur la démarche tel un challenge de premier emploi et elle a commencé par la médiatiser auprès des communes périphériques. En outre, sous l’autorité d’un chef de projet principalement motivé par le tramway, Corinne Salmon a bénéficié d’une autonomie importante. Pour avoir des autorisations ou des renseignements, elle passait plus régulièrement par Thierry Marc ou Luc Duncombe (qu’elle avait connus en tant qu’étudiante comme directeurs de stage et de mémoire) que par sa hiérarchie directe. En d’autres termes, pour faire avancer la procédure PDU, elle profitait du volontarisme des élus en contournant la réticence initiale des techniciens submergés par la mise en place du TVR. Elle est ainsi très vite devenue un repère central pour les différents intervenants et acteurs du PDU. Repère qui, au vu de sa motivation, a porté voire transporté la démarche.

2.2.1.3.4 Un portage démocratique

« Le plan de déplacements urbains ne devait surtout pas rester secret. Pour que ce ne soit pas seulement le PDU de Viacités mais au contraire qu’il appartienne à l’ensemble de l’agglomération caennaise, il fallait que les habitants se l’approprient »138. Pour ce faire, la concertation a été la clef de voûte du PDU caennais. Sans rentrer dans le détail, on peut seulement spécifier que le PDU caennais a reçu le prix du Groupement des autorités responsables des transports (Gart) pour la concertation dont il a fait l’objet. Dès lors, ne serait-ce qu’au regard de la recrudescence d’intérêt du public pour le tramway, il semble que le pari ait été

138

remporté. Par ailleurs, entre les trois scénarios proposés à la population, bien que ce soit le plus volontariste et le plus contraignant pour la voiture qui ait été plébiscité, c’est le choix du public qui a été retenu par l’autorité. En d’autres termes, après l’implication de la population dans l’élaboration du document et dans le choix du projet, Viacités semble pouvoir se lancer plus sereinement dans la mise en œuvre des propositions PDU, ou du moins de la première ligne de tramway.

**********

Nombreux sont ceux qui retiendront de la démarche PDU le « stratagème » visant à faire passer le tramway non plus en force mais comme une réponse aux attentes de la population. Néanmoins il semble que l’histoire PDU caennaise ait également été celle d’un double apprentissage : celui de l’écoute pour les élus et les techniciens et celui de l’intérêt général pour les habitants.

2.2.2 Le PDU caennais : entre construction et reconstruction

Outline

Documents relatifs