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du technique au politique

2.3.2 Le PDU de Mulhouse : l ’apprentissage de l’intercommunalité par l’innovation technique

2.3.2.1 Le PDU Mulhousien comme production d'expertise

2.3.2.1.1 L’expertise savante : de la circulation à l’intermodalité

Si le premier PDU n'a jamais abouti, il a lancé de nombreuses analyses. Le plan de déplacements urbains version Laure a pu se référer aux enquêtes ménages déplacements et circulation ainsi qu'aux différentes études sur les transports, le stationnement ou encore sur la desserte TC, réalisées pour le PDU Loti, qui débouchaient déjà sur la proposition d’un TCSP. Aussi, bien que l’on soit passé d’un trolleybus à un tramway, la volonté première est toujours de mettre en place un TCSP et son tracé reste le même qu’en 1991. Cette similitude ne signifie pas pour autant que le PDU 1999 soit une simple réplique du PDU 1991. Eugène Riedweg explique « qu’il n’y a pas 56 endroits pour faire passer le TCSP (le terrain commande la manœuvre) et que, malgré une réalisation record de moins d’un an, le PDU n’a pas

été bâclé »166. Au contraire, son élaboration a profité d’un Porter à connaissance de l’Etat très détaillé qui lui a permis de gagner du temps sur la lourde étape du diagnostic et de se focaliser plus vite sur la phase du projet.

Confié notamment au Centre d’Etudes Techniques de l’Equipement (CETE) de l’Est, le premier PDU cherchait à intégrer le TCSP dans les problématiques essentiellement circulation et stationnement. En 1999, l’objet TCSP reste central, mais l’échec du trolleybus incite les responsables à être prudents et à s’intéresser davantage à « des critères peut-être moins routiers et plus écologiques »167. Ainsi, le choix des équipes a du se faire entre le CETE de l’Est et un groupement de bureaux d'études représenté par Transport Technologie consult Karlsruhe Gmbh (TTK), PTV AG, Altermodal et SGTE. Finalement, parce qu’en reprenant le CETE les réponses auraient probablement été les mêmes qu’en 1991 et que les différents aspects routiers avaient déjà été largement traités au cours du premier PDU, la préférence a été accordée au groupement de bureaux d’études qui se différenciait par l’intérêt qu’il portait aux thèmes de l’intermodalité, du covoiturage, de l’auto-partage… thèmes souvent mineurs dans la plupart des autres PDU.

En choisissant des bureaux d’études tels que TTK ou Altermodal – travaillant régulièrement pour des villes allemandes ou suisses, depuis longtemps coutumières du développement des modes alternatifs à la voiture – Mulhouse cherchait à échapper à son affichage Peugeot : « Parce qu’il nous a été demandé de changer notre culture d’analyse, nous avons pris le parti d’y aller franchement »168.

Ainsi, pour faire accepter son TCSP, en 1991 Mulhouse s’attachait à promouvoir l’efficacité de son système TC qui devait profiter d’un trolleybus pour augmenter sa part modale, et en 1999 elle met en avant la nécessaire prise en compte de l’ensemble des modes de déplacements – de la marche à pied au covoiturage – afin d’éviter une érosion des TC. En d’autres termes, d’une intégration du trolleybus dans la

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Entretien avec Eugène Riedweg, élu responsable de la démarche PDU, mairie de Mulhouse, le 10/02/00.

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Entretien avec M. Thuet, responsable technique, SITRAM, le 11/02/00.

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circulation et le stationnement, la logique des déplacements mulhousiens est passée à une intégration de l’intermodalité par le tramway.

2.3.2.1.2 L’expertise participante : une influence rhénane

Parce que la plupart des propositions orientées modes doux, covoiturage, auto- partage, intermodalité… émanent des bureaux d’études, le chef de projet PDU invoque une habitude de travail avec et pour des villes étrangères, comme Fribourg- ne-Brisgau ou Bâle, qui n’ont pas, ou plus, le même regard que les Français sur les déplacements urbains. Eugène Riedweg appuie ce discours en affirmant que « dans la vallée du Rhin les idées ne sont pas neuves, mais que c’est la première fois que l’on va regarder d’aussi près les Allemands ou les Suisses qui, bien que voisins, se différencient largement par leur comportement »169. Néanmoins, les innovations instituées par le PDU ne sont pas seulement le résultat des analyses des bureaux d’études, elles procèdent également de l'implication associative.

Deux types de revendications associatives retenues dans le document peuvent être soulignées :

- D'une part, des réflexions générales. Le thème de la réduction de la vitesse pour les voitures particulières, qui vient ponctuer l'ensemble du document, en est caractéristique. Défenseurs des modes doux, les associations se sont attachées à faire des propositions visant à permettre leur développement. Pour ce faire, la sécurité est devenue leur cheval de bataille et elle s'est très vite définie comme une limitation de la vitesse qui devait se traduire par un élargissement des zones 30 : « le PDU ce n'est pas fait pour aller plus vite c’est fait pour aller mieux »170. Il a en effet été proposé qu'une vitesse de 30 kilomètres/heure en ville devienne la règle et que l'on distingue les zones 50. Proposition reprise aujourd'hui à son compte par Eugène Riedweg. Ainsi, touchant à la fois la pollution, le cadre de vie, la hiérarchisation de la voirie, ou encore l’intermodalité, la réduction de la vitesse,

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Entretien avec Eugène Riedweg, élu responsable de la démarche PDU, mairie de Mulhouse, le 10/02/00.

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Entretien avec Monsieur Friedrich, Fédération nationale des associations d’usagers transport. le 09/08/2000.

revendiquée par les associations, devient « la proposition la plus simple mais aussi la plus ambitieuse parce qu'elle engendre une réflexion sur une société alternative, une société différente »171.

- D'autre part, des actions précises. Formulées le plus souvent par la Fédération nationale des associations d’usagers transports (FNAUT) et le Comité d’action deux roues (CADR), nombreuses sont celles qui ont fait écho au document : une plus forte répression contre le stationnement illicite, la création de garages vélos, le développement des TC non polluants, un nouveau matériau pour les chaussées visant à réduire le bruit, un rabattement piétons vers les principaux arrêts TC… Très orientées au profit des usagers des transports publics, elles se confondent aujourd’hui avec l’ensemble des mesures proposées dans le PDU et il devient difficile de donner la primeur de ces actions aux associations. Par contre, l’intervention de l’Association des paralysés de France (APF) est très nettement retranscrite dans le document. Thème oublié par les coordonnateurs du projet, les handicapés et les déplacements deviennent la première proposition du document PDU. « Avoir un PDU affiché Personnes à mobilité réduite (PMR) se présente aujourd'hui à Mulhouse comme un positionnement politique intéressant parce que nouveau »172.

Sans avoir une vision globale du plan de déplacements urbains, avec le filtre de leur entrée (vélo, marche à pied, handicapés, pollution…), les associations ont pu faire des préconisations qui portaient sur les organisations globales des déplacements. D'autre part, que ce soit le CADR, la FNAUT ou encore l'APF, elles se sont toujours évertuées à soumettre des propositions fondées sur des exemples concrets. Par exemple, pour promouvoir la piétonisation des rues commerçantes, elles se sont appuyées sur la confrontation de deux types de situation commerciale. D’une part, un tout accès voiture Place de l’Europe qui s’est soldé par les faillites successives des supermarchés Ilo, Super U, ou encore Leclerc, et, d’autre part, la transformation en zone piétonne de la Rue Sauvage qui a occasionné l’ascension économique des différents magasins de proximité ainsi que de la grande surface Globe qui se présente

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Entretien avec J-C Chadanson, chef de projet PDU, AURM, 10/02/00.

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aujourd’hui comme le commerce de centre-ville le plus attractif. Quant au thème de la lutte contre le développement de la voiture particulière, qui reste le fil conducteur des différentes revendications associatives, la stratégie utilisée s’est attachée à prendre des exemples extérieurs mais voisins. Dans ce sens, Fribourg-en-Brisgau, avec les actions coercitives qu'elle a mise en place au début des années 1980, est très vite devenue une référence pour argumenter « l’erreur » qui consistait à augmenter le stationnement en centre-ville, à créer de nouvelles infrastructures routières…

Le volontarisme du PDU mulhousien est donc fortement influencé par le contexte rhénan. Les bureaux d’études tout comme les associations ont largement puisé leurs propositions d’actions chez leurs voisins suisses et allemands.

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