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La pauvreté, une notion polysémique

Hypothèse 1 : Le microcrédit favorise la création de marges de manœuvres (des espaces de pouvoir) susceptibles de renforcer des activités génératrices de revenus concourant à

2.2. Les visions hégémoniques de la microfinance

2.3.1. La pauvreté, une notion polysémique

La pauvreté est un objet d‟étude pour les sciences humaines et sociales sur lequel plusieurs générations de chercheurs, sur tous les continents, ont constitué un corpus de connaissances, dans différentes disciplines (histoire, économie, géographie, sociologie notamment). Elle couvre des situations très variées qui concernent les différences de niveau de vie des populations ou une catégorie de celles-ci (Maryse, 2003 ; Pagès, 2011).

En se rapportant à l'usage courant, la pauvreté caractérise la situation d'un individu ne disposant pas des ressources suffisantes pour une vie décente (BCEAO, 2012) ou pour satisfaire ses besoins fondamentaux (Zwarthoed, 2009). La pauvreté est également un problème multidimensionnel qui nécessite des solutions multisectorielles intégrées. Le caractère multidimensionnel de la pauvreté indique que le revenu monétaire ne doit pas être considéré comme la ligne de démarcation entre riches et pauvres, mais plutôt, de concevoir la pauvreté comme une réalité multiforme, qui recouvre l‟absence d‟accès à des ressources matérielles essentielles comme l‟eau, la santé, l‟éducation, le logement, le droit à la sécurité, aux respects des droits de l‟homme, la démocratie (Mestrum, 2002). La pauvreté consiste également à être privé de sa capacité de réaliser ses rêves, ses espoirs, ses ambitions que l‟on a pour soi-même et pour ses enfants (Mathieu et Gay-Canton, 2010).

Ces définitions prennent en compte deux dimensions essentielles de la notion de pauvreté : d‟une part, la dimension matérielle se référant aux conditions de vie en général,

82 notamment l'accès à la nourriture, à l'eau potable, à l'habillement, au logement, au transport et à l'énergie ; et d‟autre part, celle immatérielle relative à l'accès à l'éducation, à une couverture sanitaire de qualité et à une activité valorisante. Ces dimensions de la pauvreté renvoient aux termes de « pauvreté humaine » et de « pauvreté monétaire » développés respectivement par le PNUD et la Banque Mondiale (Benicourt, 2001).

La pauvreté humaine est intrinsèquement liée à la notion de développement humain, qui voit le jour au début des années quatre-vingt-dix, à la suite des travaux d‟Amartya Sen pour qui la pauvreté est un déficit d‟habilitations, c‟est-à-dire un ensemble de façon d‟être et de faire concourant à la liberté pour une personne de choisir un type de vie pour acquérir les éléments constitutifs du bien-être. Ce raisonnement est fondé sur la diversité des êtres humains du fait que tous n‟ont pas les mêmes possibilités de convertir les moyens (monétaires et autres) mis à leur disposition pour atteindre la liberté effective pour poursuivre le bien-être. D‟où la mise au cœur des analyses les droits et les libertés des individus car, il n‟importe pas seulement d‟avoir un revenu adéquat, mais surtout de pouvoir en disposer librement. Le raisonnement est encore intéressant pour l‟intégration des rapports de genre, car il permet de prendre en compte la distribution intra-domestique et les problèmes spécifiques des femmes pour convertir leurs moyens en bien-être effectif (Benicourt, 2001).

Pour le PNUD, le développement humain est l‟élargissement des possibilités et des choix offerts aux individus. Plus précisément, il s‟agit de vivre longtemps et en bonne santé, d‟acquérir des connaissances, des savoirs et du pouvoir accéder aux ressources nécessaires pour vivre dans des conditions décentes :

« Le développement humain est un processus qui conduit à l’élargissement de la gamme des possibilités qui s’offrent à chacun. En principe, elles sont illimitées et peuvent évoluer avec le temps. Mais quel que soit le stade de développement, elles impliquent que soient réalisées trois conditions essentielles : vivre longtemps et en bonne santé, acquérir un savoir et avoir accès aux ressources nécessaires pour jouir d’un niveau de vie convenable. Selon cette notion du développement humain, l’amélioration du revenu, importante qu’elle soit, n’est jamais qu’une aspiration parmi d’autres. Le développement doit donc être bien plus qu’une accumulation de revenus et de richesses. Il doit être centré sur les personnes (PNUD, 2000 :8).

Le développement humain n‟a de signification qu‟en présence d‟égalité des sexes pour d‟autres, et d‟équité entre les sexes pour certains. D‟où l‟inclusion des femmes dans les paradigmes du développement pour ne pas qu‟ils demeurent fragiles et déséquilibrés tant que

83 celles-ci resteront en marge. Par conséquent, le développement humain doit être compris comme un développement de la population, par la population et pour la population :

- Développement de la population pour amener toutes les sociétés à investir dans l‟éducation, la santé, la nutrition et le bien-être social de sa population, afin que celle-ci assume son rôle dans tous les secteurs d‟activités (économique, politique et socelle-cial) ; - Développement par la population pour permettre à toutes les composantes sociales

d‟être impliquées pleinement sans discrimination aucune dans la conception, la prise de décision et la mise en œuvre des actions de développement ;

- Développement pour la population afin que l‟approche de développement puisse répondre aux aspirations de tous et offrir des chances à tous.

En revanche, la Banque Mondiale privilégie la notion de pauvreté monétaire, qui fait appel au « seuil de pauvreté » pour mesurer le niveau de revenu au-dessous duquel un ménage est considéré comme pauvre. À cet égard, la Banque Mondiale distingue la « pauvreté absolue » de la « pauvreté relative » (Benicourt, 2001).

Le seuil de pauvreté absolue correspond au niveau de revenu nécessaire pour assurer les besoins alimentaires et non alimentaires d'un ménage. Il est calculé à partir d'un panier de biens alimentaires, auquel s'ajoutent les dépenses en habillement, en logement, en transport et en énergie, indispensables pour la survie du ménage. En 2008, le seuil arrêté par la Banque Mondiale est de 1,25 $ par jour pour les pays à faible revenu et de 2 $ par jour pour les pays à revenu intermédiaire.

Quant à la pauvreté relative, elle fait beaucoup plus allusion à la distribution des revenus. Elle signifie avoir moins de revenus que les autres et correspondrait au niveau de revenu nécessaire pour participer et vivre dans une société particulière, notamment en matière de logement, d‟habillement, etc. Pour évaluer les diverses facettes de la pauvreté, la Banque mondiale utilise une série d‟indicateurs. Dans le domaine de la santé par exemple, le taux de mortalité infantile et celui des moins de cinq ans sont les indicateurs retenus. Dans le secteur de l‟éducation, les indicateurs adoptés sont soit le taux d‟inscription brut, soit le taux d‟inscription net.

Par ailleurs, en ce qui concerne le nombre de pauvres, le rapport du PNUD (2014) intitulé « Pérenniser le progrès humain : réduire les vulnérabilités et renforcer la résilience » dénombre plus de 2,2 milliards, soit plus de 15% de la population mondiale. Parmi cet

84 effectif, 1,2 milliard de personnes vivent avec un revenu égal ou inférieur à 1,25 dollar par jour ; 12% (842 millions) souffrent de faim chronique, et plus de 1,5 milliard de travailleurs occupent un travail précaire ou informel.

L'Afrique subsaharienne reste la région où la pauvreté frappe le plus, en proportion. Les 47,5% de pauvres de l'Afrique la placent loin devant l'Asie du Sud (36,0%), l'Asie de l'Est et Pacifique (14,3%), l'Amérique latine et Caraïbes (6,5%) et le Moyen-Orient et Afrique du Nord (2,7%). Mais l'Asie du Sud, deux fois plus peuplée, compte plus de pauvres en nombre. Ainsi, dans le contexte des politiques de lutte contre la pauvreté, la microfinance occupe une place de choix malgré les controverses liées à ses impacts (PNUD, 2014).

2.3.2. Les objectifs assignés à l’évaluation d’impacts dans le secteur de la microfinance

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