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Les critères d’octroi du microcrédit

Hypothèse 1 : Le microcrédit favorise la création de marges de manœuvres (des espaces de pouvoir) susceptibles de renforcer des activités génératrices de revenus concourant à

4.2. Des femmes et de leurs relations avec les IMF

4.2.4. Les critères d’octroi du microcrédit

Même si la motivation existe chez les femmes, elles doivent néanmoins remplir un certain nombre de critères. L‟accès au crédit dépend fondamentalement de la solvabilité et des formes de garanties présentées par les femmes ainsi que la liquidité des IMF.

En ce qui concerne le premier critère qui est la solvabilité, il traduit la capacité d‟une femme de pouvoir rembourser non seulement le crédit mais aussi les intérêts selon les échéances de recouvrement du prêt. Les différents critères pour apprécier les formes de solvabilité ne sont pas nécessairement les mêmes partout et peuvent varier d‟un contexte à un autre.

139 À partir des études menées dans le contexte indien, Guérin et al (2009) distinguent trois niveaux de solvabilité. Le premier est relatif à la solvabilité objective ou théorique. Il caractérise la capacité théorique des personnes à rembourser en fonction de leur revenu disponible après déduction des principales charges de leur patrimoine. Le second qualifié de solvabilité reconnue est l‟appréciation subjective du revenu et le patrimoine du prêteur. Cette appréciation prend également en compte des questions de confiance, de réputation, de notoriété, d‟histoire de crédit, de capacité de négociation, d‟entregent, de recommandation avec le rôle quasi-systématique d‟intermédiaires ou de garants. Ainsi on ne prête qu‟aux personnes de confiance avec deux niveaux d‟appréciation tels que : la moralité et l‟éthique de la famille ou la lignée du débiteur, la crédibilité, la discipline et la qualité de remboursement de l‟individu. Le troisième enfin, appelé solvabilité révélée a trait à la dimension sociale de la solvabilité qui suppose un travail d‟entretien plus ou moins délibéré, d‟actualisation, de renforcement de la réputation et des relations. Il s‟agit de rendre des services, travailler pour un créancier potentiel, même à des conditions peu avantageuses comme flatter son créancier ou encore participer à des cérémonies.

En Haute Guinée, c‟est plutôt la solvabilité reconnue qui est mise en évidence par les IMF. En général, plus une femme rembourse, plus sa demande de microcrédit est renouvelée et le montant toujours revu à la hausse. Il est courant d‟entendre des propos de ce genre dans les IMF : « Le bon client est toujours mieux servi car il n’est pas une personne à risque ». Par contre, celle qui accuse un retard dans le remboursement est mal appréciée et par conséquent a de très faible chance que sa demande de prêt soit renouvelée. Et comme la solvabilité ne suffisait pas, les IMF exigent des garanties morales et matérielles pour dit-on « minimiser les risques ».

La garantie morale est constituée le plus souvent par le mari de la femme et, à défaut, par une autre personne cautionnaire qui s‟engage à rembourser le microcrédit conformément à l‟échéancier au cas où la débitrice ne serait pas en mesure de respecter son engagement vis-à-vis de l‟IMF. Lorsqu‟il s‟agit des femmes salariées (fonctionnaires), ce sont les chefs de service des services financiers et administratifs qui sont le plus souvent présentés comme personne caution. Dans ces conditions, celui-ci reste l‟interface entre l‟IMF et la cliente et est interpelé en cas de non remboursement du microcrédit.

En ce qui concerne la garantie matérielle, elle est constituée de biens matériels que les emprunteuses déclarent comme gage afin de bénéficier du prêt. Il peut s‟agir de biens

140 immobiliers ayant une forte valeur marchande tels que les documents des parcelles nues, les boutiques de commerce, les restaurants, mais aussi des motos, des bœufs etc. Le manque de garantie matériel est à l‟origine de l‟exclusion de bon nombre de femmes, notamment les plus démunies d‟entre elles qui ne sont pas en mesure de rassembler les garanties nécessaires et/ou de trouver des personnes cautions prêtes à endosser la responsabilité, en cas de non remboursement du microcrédit. À ce propos, une vendeuse de friperie âgée de 46 dans la commune urbaine de Kankan s‟insurge contre cette mesure en ces termes :

« On dit que les IMF sont venues pour assister les femmes, surtout les plus pauvres d’entre nous. Mais lorsqu’on n’a pas les garanties qu’il faut, on n’est pas crédible aux yeux des agents de la microfinance. De ce fait, on n’est pas éligible parce qu’on est tout simplement pauvre. Comment réunir toutes ces garanties matérielles et surtout lorsqu’il s’agit de présenter en plus une personne caution ? Dans ces conditions, seules les femmes qui répondent à ces critères de solvabilité sont sélectionnées ».

La solvabilité des clientes pour accéder aux prêts dans les IMF est une pratique discriminatoire. Elle conduit à l‟exclusion d‟une partie de la population car, l‟accès au crédit des candidates exprime la probabilité que celles-ci remboursent un prêt. La solvabilité se base sur des variables telles que la situation familiale, l‟âge, la profession et l‟ancienneté dans la domiciliation bancaire, le taux d‟endettement et l‟état de santé (Sossa, 2014). Face à cet état de fait, l‟auteur recommande aux législateurs et aux pouvoirs publics la mise en place des politiques de discrimination positive en faveur des populations pauvres. Et comme le soulignent Najim et al (2003), sans une réglementation, une immense fraction de la population y compris les femmes pourraient se voir ainsi éliminées de la clientèle des IMF.

L‟autre aspect non négligeable est la liquidité, c‟est-à-dire, la possibilité pour une IMF à satisfaire les demandes de crédit des clients en ayant à sa disposition un portefeuille important de crédit. Sans liquidité suffisante, les IMF ne sont pas en mesure de prendre en charge toutes les demandes de crédit, même pour les meilleures clientes dans certains cas. Cet état de fait a été constaté au niveau des 3AE de Kankan, de RAFOC et de CAFODEC à Mandiana. Lors des entretiens, certaines femmes qui s‟estimaient être de bonnes clientes se plaignaient du non renouvellement de leur prêt. Le manque de liquidité résulte de l‟étroitesse du portefeuille de crédit et du retard de remboursement de certains clients. C‟est ce qui explique d‟ailleurs la suspension momentanée de l‟octroi de prêt au niveau de l‟agence CAFODEC de Mandiana afin de persuader les « mauvais clients » à rembourser selon le gérant de la caisse. Au même

141 moment, les caisses de CRG et FINADEV continuent de satisfaire la clientèle du fait qu‟elles n‟éprouvaient guère de problèmes de liquidité.

Les critères d‟accès au microcrédit étant connus, dans la partie qui suit, nous nous intéresserons à connaitre les fourchettes de montants susceptibles d‟être octroyés aux femmes par les IMF.

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