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La faiblesse du crédit alloué au secteur de l’agriculture

AGRICOLES DES FEMMES Introduction

5.2. Microcrédit et agriculture

5.2.1. La faiblesse du crédit alloué au secteur de l’agriculture

En Afrique subsaharienne, les zones agricoles et rurales abritent plus de trois quarts de la population et contribuent pour la grande part à l‟emploi, au PIB, aux recettes d‟exportations et à l‟offre alimentaire. Dès lors, le financement des activités agricoles constitue un facteur déterminant dans la réduction de la pauvreté. Suite à la libéralisation financière (de par la restructuration des banques agricoles et de développement), le recul du financement bancaire a accentué la faiblesse des services financiers dans ces zones (Niyongabo, 2008).

Cette situation a suscité le développement de très nombreuses initiatives de microfinance pour le financement des activités agricoles et pastorales dans les pays en développement (Morvant-Roux et al, 2010). Toutefois, l‟analyse des impacts de la microfinance dans les

191 zones rurales montrent que les IMF financent beaucoup plus les activités commerciales, artisanales et de transformation agroalimentaire. Ces activités génèrent des revenus réguliers et relativement sûrs du fait des cycles de rotation rapide du capital contrairement à celles de l‟agriculture. (Bouyo, 2012).

La localisation des activités agricoles dans des zones enclavées caractérisées par une faible densité démographique, le manque d‟infrastructures socio-économiques (routes), la dépendance aux conditions climatiques, la temporalité des cycles de production, la saisonnalité des revenus, la volatilité des prix des produits agricoles, les garanties peu faibles sur le plan juridique et économique sont autant de facteurs qui limitent les IMF à financer le crédit agricole (Morvant-Roux, 2008).

L‟offre de crédit reste donc défaillante face à la demande des agriculteurs. Non seulement, les volumes financiers disponibles pour le crédit à l‟agriculture sont faibles et se concentrent sur du crédit de court terme42, mais aussi, les taux d‟intérêt proposés sont souvent difficilement compatibles avec le niveau de rentabilité des activités agricoles, partagées entre les productions agricoles vivrières et commerciales, différentes formes d‟élevage et souvent des activités non agricoles (Wampfler, 2016).

Or l‟expansion et la survie de l‟agriculture des pays riches émanent des interventions des pouvoirs publics. Ceux-ci allouent aux paysans depuis de longue date et qui perdure encore largement aujourd‟hui, des crédits subventionnés, des primes à l‟installation et des assurances contre les aléas climatiques. Dans le domaine commercial, ils structurent les marchés et soutiennent les prix, etc. Dans les pays du sud en revanche, non seulement la petite paysannerie est aujourd‟hui exclue de ce type d‟aide (en vigueur jusque dans les années 1970 et 1980), mais en subit les conséquences du fait d‟une concurrence fortement déloyale (Guérin, 2015). En Guinée par exemple, seulement 20% des crédits des IMF sont destinés au secteur de l‟Agriculture (agriculture, élevage et pêche) bien qu'il contribue à hauteur de 30% du PIB (BCRG, 2013).

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Or les prêts à moyen et long termes sont essentiels pour permettre une professionnalisation du secteur agricole et une adaptation du milieu rural aux nouvelles réalités et contraintes, telles que les changements climatiques, l‟évolution des marchés mondiaux ou la lutte pour la souveraineté alimentaire. Pourtant, la majorité des prêts octroyés par les institutions de microfinance (IMF) sont des prêts à court terme, ce qui limite fortement la contribution de la microfinance au développement du monde rural (Niyongabo et Perilleux, 2010)

192 5.2.2. Quel apport du microcrédit aux agricultrices de la Haute Guinée ?

Plusieurs IMF (RAFOC, CRG, MGE) financent les femmes rurales en Haute Guinée. Mais la spécificité de ce financement est qu‟il reste très faible (en moyenne 500 000 GNF) et loin de couvrir les besoins des femmes.

En effet, les femmes rurales en général et quelques-unes des centres urbains et semi-urbains, en dehors des tâches traditionnelles domestiques qui leur incombent, pratiquent le maraichage dans le but de se procurer non seulement des revenus complémentaires, mais aussi, pour subvenir aux besoins alimentaires de leur foyer respectif. L‟essentielle de la culture maraichère porte sur la production des aubergines, la tomate, l‟oignon, le piment et la laitue. Les activités de maraichage démarrent en octobre pour prendre fin en février. Outre ces cultures maraichères, les femmes cultivent l‟arachide puisqu‟elle occupe une place importante dans l‟alimentation et en raison de sa rentabilité économique plus grande. La culture de l‟arachide est beaucoup plus fréquente sur les coteaux et les pleines. Le semi intervient à partir de juin et les récoltent débutent à partir d‟août ou de septembre, selon les variétés cultivées.

Pour mieux répondre aux exigences des IMF, les femmes s‟organisent en groupement. En vue d‟assurer le suivi régulier de l‟utilisation des prêts octroyés selon les dispositions contractuelles et d‟en faciliter leur remboursement, les membres des groupements s‟organisent en constituant des groupes de caution solidaire. Ainsi, en cas de défaillance de remboursement d‟un des membres, les autres sont solidairement responsables pour rembourser le crédit et son intérêt. À partir des prêts octroyés par les IMF, les femmes achètent des engrais, des semences sélectionnées, des herbicides, des petits outillages (houes, brouettes, arrosoirs, bèches…) et financent les frais de labour. Selon la présidente du groupement Konkondandan de Kantoumanina :

« Le crédit nous a permis d’acquérir des petits outillages, des intrants agricoles et surtout de payer la main d’œuvre. L’acquisition des intrants, par exemple, n’était pas facile avant notre collaboration avec les structures de microfinance. Il fallait de l’argent pour les acheter et les prix étaient hors de notre portée. Il fallait payer au comptant, s’endetter difficilement auprès des proches ou, le cas échéant, s’abstenir d’utiliser des intrants en mobilisant de la fumure organique dont le ramassage et le transport prennent beaucoup de temps ».

193 Dorénavant, les femmes qui collaborent avec les IMF n‟accusent plus de retard dans le démarrage de la campagne agricole. Les demandes de crédit sont traitées à temps opportun et les crédits leur sont octroyés conformément aux exigences du respect du calendrier agricole. Le crédit à la production des cultures saisonnières (riz, fonio, niébé) est disponible à partir du mois de mai et celui des contres saisons (aubergine, tomate, gombo, oignon, carotte, chou, laitue…) à partir de janvier. Ils sont remboursés respectivement en décembre et avril de chaque année.

Cependant, si les périodes d‟octroi des crédits agricoles sont jugées favorables, celles correspondant au remboursement et coïncidant parfois avec la récolte (décembre, janvier) est qualifiée « d’inopportune », voir même « d’inadéquate ». Elles se caractérisent par l‟abondance des productions agricoles sur les marchés locaux. Vendre les productions à cette période ne semble pas favoriser l‟obtention des prix rémunérateurs. Et lorsque la période coïncide avec l‟échéancier de remboursement, certaines femmes vendent leurs productions à bas prix pour éviter, disent-elles, l‟humiliation en cas de retard ou de non remboursement du microcrédit.

La production obtenue est divisée en deux parts non égales. Une première part destinée à l‟autoconsommation, sert à agrémenter les repas familiaux car, les prix de sauce donnés par les époux sont en général très insuffisants. En lieu et place, les femmes s‟y emploient et prennent en charge les condiments. La seconde, plus grande, destinée à la commercialisation, permet aux femmes d‟avoir des liquidités pour rembourser le crédit mais aussi pour subvenir à certains besoins personnels ou familiaux. Pour tirer profit, les agricultrices acheminent les productions vers les grands centres de consommation, en l‟occurrence les chefs-lieux des préfectures, les marchés hebdomadaires et les mines.

Toutefois, les maraichères sont confrontées à la concurrence des oignons en provenance du Mali. Non seulement, ils sont moins chers et sont de meilleure qualité par le goût que ceux produits en Haute Guinée. De même, l‟abondance des eaux dans les espaces de cultures, la destruction des jardins potagers par les animaux en divagation, les fluctuations (volatilité) des prix et le sous-équipement sont des contraintes qui limitent la rentabilité économique des activités des maraichères.

Le microcrédit est donc moins utile en raison de la présence de plusieurs facteurs qui freinent la constitution d‟une source de revenu importante pour améliorer les conditions de vie des femmes rurales.

194 Conclusion partielle

Ce chapitre nous a permis d‟analyser l‟apport de la microfinance dans les secteurs du commerce et de l‟agriculture. Dans le domaine du commerce, le microcrédit augmente le capital (fonds de roulement) des femmes, ce qui leur permet de démarrer, renforcer ou diversifier les activités génératrices de revenus (AGR).

Les femmes commerçantes se répartissent entre les grossistes et les détaillantes. Les détaillantes sont spécialisées dans la collecte des produits locaux et la vente au détail de marchandises importées par les grossistes. Elles sont beaucoup présentes dans le commerce des produits agricoles locaux, les produits manufacturés et artisanaux. Les grossistes quant à elles, avec des chiffres d‟affaires importants, font le commerce transfrontalier entre la Guinée et certaines capitales des pays de la sous-région (Abidjan, Bamako, Dakar et Banjul).

Toutefois, en analysant les trajectoires de vie des commerçantes, on se rend compte que leur réussite ne dépend pas seulement de leur accès au microcrédit mais de la combinaison de plusieurs facteurs d‟ordre socio-économiques dont : la liberté de se mouvoir, la diversification des activités, le développement des logiques de solidarité familiales, et le niveau d‟instruction des femmes.

Si les montants alloués aux activités commerciales sont relativement élevés, ceux octroyés aux activités agricoles sont faibles voir négligeables du fait que l‟agriculture est par nature une activité risquée, aléatoireet peu rentable à petite échelle (Guérin, 2017).

Malgré la modicité du microcrédit, il permet aux femmes de payer des intrants agricoles, des petits outillages et les prestations de la main d‟œuvre. En revanche, il est peu utile et n‟est pas en mesure de favoriser l‟émancipation économiques des femmes à causes des contraintes (concurrence, fluctuation des prix, non maîtrise de l‟eau…) auxquelles les femmes doivent y faire face.

195 CHAPITRE 6 : MICROCREDIT ET ARTISANAT

Introduction

Dans le document intitulé „‟Lettre de politique de développement de l‟artisanat‟‟ (2003 : 2), l‟artisanat est défini comme toute activité d'extraction, de production, de transformation, d'entretien, de réparation ou de prestation de service essentiellement manuelle. Et peut être considéré comme artisan :

« Tout travailleur autonome ayant les qualifications professionnelles requises et exerçant pour son propre compte à titre principal, seul ou avec l'aide de membres de sa famille, d'apprentis ou de compagnons, une activité essentiellement manuelle d'extraction, de production, de transformation, d'entretien, de réparation ou de prestation de service à des fins lucratifs ».

En Guinée, l‟artisanat fournit plus de 40% de la production manufacturière, occupe environ 15% de la population active et couvre près de 30% de la population urbaine. Le secteur contribue à la promotion des femmes à travers les filières telles que la couture, la broderie, la teinture, la saponification, la coiffure et la transformation des produits agroalimentaires. Les femmes contrôlent 20% de l‟ensemble des activités de transformation artisanale. Elles sont présentes à 100% dans certaines filières comme la coiffure, poterie, teinture, tricotage, etc.,) et commencent à investir d‟autres filières (couture, broderie, saponification…).

Cependant, elles sont presque absentes dans des filières comme la menuiserie, la ferblanterie, la forge, la maçonnerie, la cordonnerie, la bijouterie, la sculpture…, des métiers couramment dévolus aux hommes. Le secteur de l‟artisanat est confronté à plusieurs contraintes liées à l‟insuffisance du fonds de roulement, à l‟accès au marché, au caractère rudimentaire de la technologie qui affectent négativement la qualité des produits artisanaux.

Dans le cadre de cette étude, nous nous sommes intéressés spécifiquement à l‟aspect financier qui pousserait certaines artisanes vers les IMF. C‟est justement dans le but de comprendre les effets induits par le microcrédit que nous avons porté un grand intérêt aux activités artisanales des femmes les plus financées par les IMF. Sans être exhaustif, et sur la base de l‟importance du portefeuille de crédit alloué, nous présenterons les activités de transformation du karité, les activités de transformation des produits agroalimentaires et les activités de prestation de service (par corps de métier).

196 6.1. Microcrédit et transformation du karité

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