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Cette recherche doctorale a été menée en partenariat avec le Secrétariat au territoire et la Table culturelle du CNA. Dans le cadre de ce partenariat, une quinzaine de rencontres ont eu lieu avec des membres du Secrétariat au territoire, de la Table culturelle et des consultants responsables du projet d’élaboration du code de pratiques nehirowisiw (orocowewin notcimik itatcihowin) (voir calendrier des séances de travail et de collecte d’informations, annexe 6). Les premières rencontres (automne 2013 et hiver 2014) m'ont permis de discuter de mon projet et de prendre connaissance des intérêts, des besoins et des commentaires relatifs à la recherche exprimés par des membres de la Nation atikamekw nehirowisiw. Les

rencontres effectuées à partir de l’automne 2014 et de l’hiver 2015 visaient plus précisément à documenter le processus d’élaboration du code de pratiques auprès des consultants embauchés à cet effet par le Secrétariat au territoire et à valider les informations recueillies sur le terrain. Ces rencontres m’ont permis de prendre connaissance des démarches entreprises, des étapes franchies et à franchir et de certains enjeux rencontrés dans ce processus. Les rencontres effectuées auprès de membres du Secrétariat au territoire et des consultants embauchés dans le cadre de l’élaboration du code de pratiques m’ont enfin permis d’articuler ma recherche doctorale en lien avec les démarches actuellement en cours, d’être en contact avec des interlocuteurs-clés et de participer aux activités de consultation organisées dans le cadre de ces démarches.

La démarche collaborative entretenue avec le Secrétariat au territoire et la Table culturelle du CNA vise à ce que cette recherche doctorale puisse apporter une certaine contribution à l’organisation ainsi qu’à l’ensemble des membres de la Nation atikamekw nehirowisiw. Avec l’accord des interlocuteurs, les enregistrements audio et vidéo réalisés auprès d’aînés des communautés d’Opitciwan et de Wemotaci (voir section 2.7.2) sont transmis au Centre d’archives du CNA. Toujours avec l’accord des participants à la recherche, les enregistrements audio et vidéo effectués auprès d’aînés d’Opitciwan (voir section 2.7.2), ont également été transmis au service éducatif de l’école secondaire de la communauté avec l’idée qu’ils puissent servir d’outils pédagogiques pour les jeunes qui voudraient approfondir leur connaissance de la langue et des récits familiaux faisant partie de la sphère publique.

Lors d’échanges informels avec des membres du CNA, il a été discuté de la pertinence d’établir un lexique nehiromowin24/français pour le code de pratiques

nehirowisiw (voir annexe 1). Lors de mes séjours sur le terrain au sein des communautés, j’ai travaillé avec des technolinguistes afin d’identifier certaines conceptions normatives nehirowisiwok pouvant être homéomorphes à certains concepts juridiques occidentaux (dans la perspective d’établir des bases de comparaison). J’ai également formé un groupe de travail avec des membres du Conseil de la Nation Atikamekw Nehirowisiw pour développer ce lexique. L’exercice mené par le groupe de travail vise à mettre en valeur les conceptions nehirowisiwok liées aux responsabilités et aux droits territoriaux et à bonifier les travaux entourant le code de pratiques et les négociations territoriales menés par les membres du CNA et de la Table des négociations. Des séances de travail avec des membres du comité sur le code de pratiques nehirowisiw et des membres de la Table des négociations ont également eu lieu afin d’échanger avec eux sur notre exercice et de valider l’utilisation, des définitions et des traductions de termes français et nehiromowin (voir calendrier des séances de travail, annexe 6). Avec l’aide de Nicole Petiquay, technolinguiste du CNA, nous nous sommes attardés à l’étymologie de certains termes nehirowisiwok préalablement identifiés.

À partir d’une recherche aux archives, j’ai pu retrouver un document proposant des termes de référence dans le cadre du processus d’élaboration de la Constitution de Nitaskinan25. Ce document, réalisé par Gilles Ottawa pour le compte du CNA

24 La langue des Atikamekw Nehirowisiwok.

25 À l’instar du code de pratiques, le projet d’élaboration de la Constitution de Nitaskinan s’inscrit

dans le processus de négociation territoriale globale et de mise en place d’un gouvernement autonome, projets dans lesquels sont engagés les Atikamekw Nehirowisiwok. Comme il est expliqué dans cette thèse, ces projets collectifs (orocowewin) se développent, prennent formes et se réactualisent sans cesse depuis plusieurs années (depuis le milieu des années 1970) dans des rencontres communautaires et intercommunautaires et dans des travaux de recherche menés par

(1998), a été utilisé comme document de base pour entamer les discussions avec les membres du groupe de travail sur le code de pratiques (mai 2015). Ce document a été par la suite comparé à d’autres documents plus récents utilisés dans les négociations territoriales26 pour nous aider dans nos échanges sur le

lexique. Ce lexique s’est élaboré en partenariat avec des membres du CNA tout au long de l’analyse et de la rédaction de la thèse, l’idée étant de mettre en valeur les conceptions normatives autochtones dans l’analyse ethnographique.

Lors de mes séjours sur le terrain (voir section 2.7.2 et annexe 6), j’ai pu prendre part à diverses assemblées et rencontres au sein des communautés : rassemblement des aînés (Manawan, septembre 2014), rencontres de consultation concernant le Bill C-9 (Opitciwan, septembre 2014 et février 2015), colloques territoriaux (Wemotaci, octobre 2014 et Opitciwan, juin 2015) et camp Kinokewin (Kikentac, juillet 2015). Les rencontres de consultation concernant le Bill C-927 se

déroulaient principalement en français puisqu’elles étaient animées en partie par un avocat (allochtone) embauché par le conseil de bande. Les autres rassemblements se déroulaient en nehiromowin, avec un service de traduction simultanée vers le français lors du colloque territorial se déroulant à Wemotaci. Il n’y avait pas de traduction simultanée pour le rassemblement à Manawan et le colloque territorial à Opitciwan, mais j’ai pu avoir l’aide d’un interprète lors de ce dernier (Opitciwan, juin 2015), ce qui a grandement facilité ma compréhension des

des consultants et assistants de recherche autochtones. Malgré les ressources (humaines et financières) limitées, ces projets participent également à la transmission des savoirs, des principes et pratiques normatifs liés aux activités en forêt. Nous y reviendrons tout au long de la thèse et plus en détail dans le chapitre 7.

26 Il s’agissait souvent de documents préparés par des consultants ou des membres de la Table

des négociations dans les processus de consultation auprès des membres de la Nation atikamekw nehirowisiw.

27 Le Bill C-9 implique l’extinction des droits ancestraux autochtones sur le territoire indiqué dans la

échanges puisque je ne maîtrise pas le nehiromowin. Dans le cadre de ce colloque, j’ai d’ailleurs été invité par le Secrétariat au territoire à présenter mon projet de recherche doctoral. J’avais déjà eu l’occasion de le présenter au conseil de bande d’Opitciwan (mai 2014), au chef de bande de Manawan (septembre 2014) et de Wemotaci (octobre 2014), dans une entrevue à la radio communautaire d’Opitciwan (juin 2014) et à la radio communautaire de Wemotaci (juillet 2015), mais contrairement aux autres communications – où je décrivais mes intérêts et objectifs de recherche –, la présentation effectuée lors du colloque d’Opitciwan m’a permis de faire état des résultats préliminaires de ma recherche, tout en les validant auprès des participants. Cette présentation, traduite en nehiromowin à l’aide d’un interprète, a par la suite été diffusée à la radio communautaire des trois communautés et à la Société de communication atikamekw-montagnais (SOCAM).

Ma participation à ces rassemblements a été très enrichissante. Dans l’ensemble, ces rassemblements permettent aux Atikamekw Nehirowisiwok de réfléchir et d’échanger sur leur avenir et sur les stratégies politiques et culturelles à emprunter pour eux-mêmes et vis-à-vis de leurs interlocuteurs allochtones. Les colloques territoriaux visaient à discuter du contenu du code de pratiques nehirowisiw, des moyens à mettre en place pour le faire respecter et du modèle politique souhaité d’un gouvernement autonome atikamekw nehirowisiw. Ces mobilisations offrent l’opportunité à chaque personne d’exprimer sa vision selon ses expériences personnelles et sa propre interprétation des dynamiques politiques et des relations de pouvoir entretenues à travers le temps (entre leur famille et d’autres familles, entre leur famille et l’industrie forestière, entre leur famille et les chasseurs sportifs et les pourvoyeurs, entre leur communauté et d’autres communautés, etc.). Bien que certaines expériences et interprétations des dynamiques politiques semblent

contradictoires ou en opposition à d’autres – selon mon regard – il n’en est pas nécessairement ainsi pour mes interlocuteurs qui semblent très bien s’accommoder de la pluralité des perspectives et d’une définition de la « vérité » comme étant non pas unitaire et figée, mais multiple et dynamique, liée à l’expérience de la personne et aux récits familiaux. Ces rassemblements réunissant des membres de toutes les générations favorisent aussi le dialogue intergénérationnel et la transmission des savoirs familiaux (voir chapitre 7). Les discussions, témoignages et récits familiaux sont largement diffusés dans les communautés par le biais des radios communautaires et de la Société de communication atikamekw-montagnais (SOCAM) pour les personnes ne pouvant se déplacer à ces évènements.

2.7. La collecte et l’analyse des informations