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Le parrain comme avocat et comme source de valorisation du stagiaire

Chapitre 3 : La présence d’un tiers : le parrain

3.3 Le parrain comme avocat et comme source de valorisation du stagiaire

Le parrain, lors des entretiens conseil, valorise le stagiaire en lui fournissant des retours positifs sous le regard du tuteur. Le parrain évite soigneusement des retours négatifs au stagiaire. Plusieurs explications à cela.

La première est d’ordre institutionnel, le parrain laisse le champ libre au tuteur pour les réprimandes qui rappelle trop directement une évaluation scolaire.

La deuxième est liée à la proximité expérientielle entre stagiaire et parrain. Ce dernier garde en mémoire ses propres déboires pendant son stage. Plus que le tuteur pour qui la formation est de l’histoire ancienne, le parrain sera vigilant à ne pas heurter ni blesser le stagiaire et sera plus à même de le valoriser.

Au nom de cette proximité, le parrain a parfois la tentation de contrebalancer l’autorité alors jugée excessive du tuteur.

Cette valorisation peut passer par des retours positifs (« c’est bien ça », « bien vu » et culminer dans des félicitations très appuyées (« c’est super », « fallait le faire »).

On trouve dans la bouche du parrain des compliments concernant la virtuosité du stagiaire. Alors que le tuteur s’élèvera contre tous les écarts au suivi des règles de métier. Dans l’exemple suivant, le parrain pourra se montrer plus tolérant à condition que cette entorse soit portée par de la virtuosité : « Mais c’est super, c’est bien ça ! Tu as récupéré ce conseil-là pour l’ultimate, bravo, tu commences à réinvestir les conseils avec d’autres classes ».

Conseil Pédagogique

fais pour distribuer les ballons si tu veux, parce que ça ne te convient pas trop là, c’est pas top je pense

EN3 : ouais, ouais

PA3 : tu les mets en place, les ballons une fois qu’ils sont en place

EN3 : j’ai fait ça en ultimate là, tu m’avais dit ça la dernière fois

PA3 : bon ben voilà, est-ce que ça a bien marché en ultimate ? Tu attends qu’ils se mettent en place, tu leur as dit par trois déjà, l’organisation par trois tu regardes, déjà ça va te permettre de voir s’ils sont bien par trois etc. par deux etc. hop une fois qu’ils sont tous prêts, c’est bon allez, un ballon…

EN3 : oui, j’ai d’abord constitué mes équipes, j’ai vérifié…

PA3 : mais c’est super, c’est bien ça ! Tu as récupéré ce conseil là pour l’ultimate, bravo, tu commences à réinvestir les conseils avec d’autres classes

TU3 : moi quand je fais ça, celui qui ramène les ballons du vestiaire, mon porteur, voilà, il ouvre le sac et il met les ballons dans la rigole, les ballons sont alignés dans la rigole donc après, le ballon n’est pas dans le sac déjà, il est ouvert, et pareil, celui qui porte les dossards, il met déjà un tas de dossard par couleur sur le muret, donc tout est prêt, j’ai les sifflets et les chronomètres et du coup après ça roule quoi, ils ne se prennent pas…Mais laisser les ballons dans le filet, oui, c’est source de conflit pour quoi que ce soit, les ballons, les dossards, les sacs d’ultimate, enfin tout quoi

CH : ça va crescendo

EN3 : je pense que j’aurais toute l’organisation (à revoir) et c’est fou parce que je suis en ultimate maintenant et j’ai suivi plus les conseils de M. (le parrain) et c’est vrai que ça tourne plus vite quoi même si je perds un peu de temps souvent entre les situations

CH : oui, et puis c’est ce qu’il disait, le temps que tu perds c’est du temps que tu gagnes

EN3 : ouais, non, mais je perds un peu de temps encore quand je passe d’une situation à une autre où je reste sur le terrain pour leur faire les démonstrations et tout, mais peut-être que je devrais leur demander de s’asseoir aussi

CH : d’ailleurs c’est ce qu’il te disait M.(le parrain) enfin c’est ce que lui il fait, « à chaque consigne les élèves je les fais asseoir » à un moment donné, il le dit, je crois

EN3 : ah oui, c’est vrai

Le suivi de la règle dit l’essentiel, la virtuosité n’est qu’ornementale pour le tuteur. Pour le parrain elle témoigne du potentiel du stagiaire. Dans cette tension se trouvent à la fois l’éloge et la condamnation de la virtuosité.

La valorisation par le parrain du stagiaire fait, qu’en retour, celui-ci complimente volontiers le parrain :

Autoconfrontation (chercheur/enseignant novice 3/parrain 3/tuteur 3)

EN3 : je pense que j’aurais toute l’organisation (à revoir) et c’est fou parce que je suis en ultimate maintenant et j’ai suivi plus les conseils de M. (le parrain) et c’est vrai que ça tourne plus vite quoi, même si je perds un peu de temps souvent entre les situations

On pourrait multiplier à loisir les exemples qui montrent que les conseils proposés par le parrain sont jugés plus adaptés à la pratique de l’enseignant novice et tout à la fois, que la répétition des valorisations croisées amène à renforcer toujours plus la relation parrain-stagiaire.

Dans l’extrait suivant, on repère que le stagiaire est plus clément envers le parrain qu’envers la tutrice. En effet, il impute la responsabilité de l’échec de la situation mise en place à la tutrice alors qu’elle lui a été soufflée en réalité par le parrain.

Ce « deux poids deux mesures » peut s’expliquer par la proximité du stagiaire envers le parrain auquel il rend grâce en masquant l’origine du mauvais conseil.

PA3 : c’est un format pédagogique en vague, qui te permet de voir tous tes élèves, et toi, tu restes ici

EN3 : ben si moi j’ai deux terrains…

PA3 : ah oui, tu as deux terrains…

EN3 : ben je le fais que sur un terrain PA3 : bon c’est pas exactement ça mais tu peux ouais, tu peux le faire. Moi je le fais sur un terrain avec mes élèves…Ce qui est important quand même c’est que tu t’investis, tu cherches à résoudre le problème

TU3 : c’est exactement ce que je t’avais dit comme régulation en gym. En gym, à l’échauffement tu leur avais fait faire des exercices…Le travail par vagues, ça te permet de voir tes élèves, tous ceux qui passent, et tu les vois bien et une fois qu’ils ont fini, ils restent là, ils bougent pas

EN3 : ben c’est ce que je faisais déjà au début, mais c’est des vagues euh…Tu

EN » : j’ai expérimenté le dispositif de M…D’ailleurs c’est elle qui voulait (la tutrice), le dispositif de M. en montée de balle à deux des montées de balles, ça commence à deux contre zéro et après on rajoute un défenseur en fait au début, c’est juste se déplacer vers la cible pour passer en dribble pour aller se placer et marquer un panier, en essayant de ne pas faire de marché et après je vais intégrer le choix de passe ou de dribble avec.

Quand il y a qu’un seul défenseur le choix il est codifié parce que le défenseur doit choisir d’aller soit vers celui qui dribble soit de protéger. Soit de protéger la cible soit de marquer le

sais, des colonnes de deux

TU3 : oui, mais toi tu faisais des vagues et ils partaient quand ils voulaient, moi je suis directive, la première colonne elle part, après top, la deuxième colonne elle part, je regarde, troisième colonne, elle part. Et là tu as tous tes élèves, tu te mets sur le côté pour voir tous tes élèves et effectivement, peut-être ça te paraît directif mais après

EN3 : t’en fait partir de là, et tu as tes vingt-deux gamins qui restent ici là, sans bouger, heu, c’est un peu bizarre non ? PA3 : disons que tu as dix, dix, donc tu as cinq groupes ici, cinq groupes là, mais après des fois, il y a des élèves, je veux les voir, donc là je reprends le sifflet, je leur dis « non, vous ne partez pas avant que je siffle, et puis après moi quand ça tourne bien, là il y a la ligne du milieu, on part dès que ceux qui sont partis ont franchi la ligne du milieu

(…) EN3 : ah ouais mais attends, mais là y a Rahjendra, il passe devant tout le monde, Benjamin, il passe devant tout le monde TU3 : non mais tu le fais passer en premier

deuxième défenseur, donc le choix de passe ou dribble est plus évident en deux contre un

CH : tu avais repris ce conseil-là EN3 : ouais, j’ai repris son dispositif où j’ai coupé le terrain en deux et je leur ai fait faire des allers-retour, et ça faisait beaucoup d’attente et effectivement il y a eu quelques déviances dans les files d’attente, comme j’avais prévu

Le stagiaire récupère le dispositif proposé par le parrain lors du conseil : « J’ai expérimenté le dispositif que M… D’ailleurs, c’est elle qui voulait (la tutrice), le dispositif de M. en montée de balle à deux », mais le dispositif ne fonctionne pas lorsqu’il le met en place à la séance suivante « Ouais, j’ai repris son dispositif où j’ai coupé le terrain en deux et je leur ai fait faire des aller-retours, et ça faisait beaucoup d’attente et effectivement il y a eu quelques déviances dans les files d’attente, comme j’avais prévu ».

Lorsque le stagiaire est difficilement défendable du point de vue du suivi de la règle, le parrain trouve toujours à le valoriser du point de vue de son engagement. L’activité du stagiaire est dans ces cas, jugée positive du point de vue de son authenticité. Le stagiaire a l’étoffe du « vrai » enseignant, parce que même s’il se trompe, il croit fermement en ce qu’il

de toujours privilégier le « vrai » du « factice » : « ce qui est important quand même c’est que tu t’investis, tu cherches à résoudre le problème ».

Mieux vaut un « vrai » enseignant qui se trompe en prenant un risque, qu’un « faux » qui ne fait que jouer un simulacre. Pris sous cet angle, rien ne remplace la sincérité profonde dont fait preuve le stagiaire, même maladroit. L’avantage de cette ligne de défense, point essentiel du plaidoyer, est qu’elle est très difficilement attaquable. Qui pourrait dire si le stagiaire vit les séances avec un engagement viscéral ou s’il s’agit d’un simulacre ?