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Le parrain comme facilitateur du lien tuteur-stagiaire

Chapitre 3 : La présence d’un tiers : le parrain

3.1 Le parrain comme facilitateur du lien tuteur-stagiaire

Le parrain traduit les règles proposées par le tuteur en donnant des exemples concrets issus de sa pratique et directement réutilisables par l’enseignant novice. Une fois qu’il a rendu concrets les principes évoqués par le tuteur le parrain bénéficie non seulement de la reconnaissance du stagiaire qui adopte ses conseils, mais aussi d’une validation du tuteur qui peut rebondir sur ses suggestions. Le parrain se trouve en position de médiation à chaque fois qu’il propose une aide directe à la mise en situation de l’enseignant novice tout en respectant indissociablement les préoccupations de la tutrice sur le plan organisationnel.

Généralement, quand un intermédiaire s’introduit entre deux personnes, elles instaurent une distance vis-à-vis de lui. Il est d’abord une force d’interposition avant d’être une force de rapprochement. D’une relation entre deux proches on dira qu’elle n’a que faire d’intermédiaires.

C’est d’ailleurs cela qui définit l’intimité. Pourtant le but du parrain est bien de rapprocher durablement tuteur et stagiaire.

Le plus sûr moyen pour le parrain de créer de la proximité entre le tuteur et le stagiaire est de comprendre les préoccupations de l’un et de l’autre et de les leur faire comprendre. Il n’y a pas de définition uniforme de ce que peut être un parrain ni de définition normative de ce qu’il doit être, pourtant un dénominateur commun aux différents parrains étudiés est qu’ils sont un partenaire du tuteur et tout à la fois de l’enseignant novice.

Le tuteur comme le novice établissent librement les règles du jeu de leur relation entretenue avec le parrain. Mais, incontournablement, le parrain cherche à renforcer la relation existante entre le stagiaire et le tuteur. Il ne s’agit pas là d’une vision utopique et à l’excès idéalisée de son activité.

Le parrain sert la relation entre tuteur et stagiaire ; de ce fait, la connivence qu’il peut établir avec l’un ou l’autre ne se fait pas sur le dos du tiers.

Dans cet extrait, le parrain se positionne entre la préoccupation de l’enseignant novice insatisfait de la perte de temps lors de l’appel et celle de la tutrice pour qui l’appel doit être « une prise en charge de la classe à un moment T » :

suite dans l’activité, c’est pas une perte de temps, parce que l’appel, je trouve que c’est une perte de temps

TU3 : oui mais tu peux pas faire ça…L’appel c’est un moment privilégié avec tes élèves. C’est une prise en charge de la classe qui va être déterminante pour tout le restant de ta séance. Il faut les regrouper, les faire asseoir, que tu puisses tous les voir, ça doit te permettre de voir l’état général de ta classe, il ne faut pas sous-estimer ce geste là

PA3 : oui, je suis d’accord avec toi, mais fais-le à un moment où il n’y a pas de coup de sifflet à donner, de régulations à donner etc., fais-le à un autre moment, moi je te donne mon

CH : d’ailleurs, elle, elle disait que sa prise en main c’était l’appel justement, qu’elle n’appelait pas forcément tous les élèves un par un mais qu’elle les faisait asseoir et c’est à ce moment-là qu’elle les compte

EN3 : après, je suis d’accord, l’appel c’est pas vraiment une perte de temps, voilà, je pense que là je m’étais trompé, et je vais faire l’appel, je vais vérifier que tous les élèves soient là, ça va vite en fait parce que je les ai déjà vus au vestiaire, donc je sais déjà, j’en ai déjà vu les deux tiers, je sais déjà, lui il est là, lui il est là, lui il est là…

CH : en fait ce qu’il te reprochait M.

c’était pas de ne pas faire l’appel mais de le faire un peu…

EN3 : oui, c’était un moment

exemple à moi, moi, je fais un échauffement qui est routinisé, plus dans l’activité etc. donc les élèves, ils ne se posent même pas, ils ne s’assoient même pas, ils se mettent sur une ligne et à partir de là, je le fais pour prendre un peu aussi la température, tu vois, je passe entre les lignes, je regarde là « tiens tu n’as pas ta tenue » enfin voilà, tu vois c’est un peu une sorte de prise de température avec des élèves qui sont déjà en activité, ils sont déjà en train de trottiner, tu me diras, ils sont pas du tout dans l’activité basket, pour l’instant mais c’est pas grave, ça me permet moi de faire mon appel, mais je le fais à un moment où c’est routinisé, j’ai pas des coups de sifflet à donner, j’ai pas de feedback à donner, c’est routinisé, ils savent le faire

d’apprentissage

CH : voilà, tu étais en train de leur donner des conseils et tu faisais pas de régulation sur tes élèves et du coup EN3 : ça c’est pareil, c’est un conseil que je garde

CH : après tu peux très bien pendant la prise en main, c’est ce que tu me disais, ce que tu fais, tu n’as pas forcément besoin de faire l’appel pour prendre la classe en main, tu peux prendre la classe en main sans forcément faire un appel formalisé

Quand lors du conseil, ni le stagiaire, ni le tuteur, ni le parrain n’approuvent une action en séance du stagiaire, le parrain essaie d’orienter sa critique de manière à la rendre cohérente avec celle du tuteur tout en la rendant acceptable par le novice. C’est le cas de cette situation où stagiaire, tuteur et parrain sont insatisfaits de la manière dont l’appel des élèves s’est déroulé. Mais chacun pour des raisons différentes.

L’extrait suivant montre les justifications de chacun :

Conseil Pédagogique (chercheur/enseignant novice 3/parrain 3/tuteur 3)

PA3 : ça c’est quoi, tu as oublié de faire l’appel, au départ c’est ça ? EN3 : ben moi je le fais souvent comme ça en fait

PA » : tu le fais comme ça ouais

EN3 : je les lance…Après c’est vrai que j’ai beaucoup parlé, j’aurai eu le temps de faire l’appel…Par contre je trouve que c’est une perte de temps de les appeler…Pas en début d’année, parce que ça te permet de les connaître, mais après, pendant l’année, tu sais ceux qui sont là, tu regardes la liste, tu sais, tu lèves la tête quand tu les as pas vus

TU3 : mais on en avait déjà parlé, tu penses pas que c’est une prise en charge de la classe à un moment T ?

EN3 : je l’ai fait la prise en charge, ils sont restés assis…Ce qui t’avait gêné, c’est que je les avais lancés…J’étais avec mes 5ème justement, on les avait tout de suite fait courir sans les…

TU3 : mais, je pense qu’un élève…Parce que nous on a le temps du vestiaire, le temps du transport à pied, etc., et à un moment donné, je pense que l’élève il doit savoir qu’il est dans la séance. Donc pour moi l’appel, même si c’est un appel vite fait comme tu dis où ils sont

acte obligatoire parce que tu es responsable de la classe et de tous les élèves et que s’il y a un élève qui s’absente de ton cours tu es responsable, et même si eux ça ne les perturbe pas plus que ça, je pense que nous en tant que profs…Moi j’aime bien, commencer ma séance, faire l’appel, et ça donne le signal du commencement, c’est-à-dire qu’à partir de là ils sont avec moi, ils sont attentifs, et ils sont avec moi et on rentre dans la séance…Appel ça veut pas dire faire tous les noms, simplement leur demander qui est absent, si tu n’arrives pas à trouver, tu le fais

PA3 : et il y a un deuxième problème de le faire à ce moment-là, moi ça ne me dérange pas ce que tu faisais, moi je le fais aussi…Je ne le fais pas quand ils sont assis etc. je demande et je les compte rapidement, je demande…Mais je le fais sur un exercice de routine, moi je les mets en échauffement, c’est toujours le même exercice de routine, c’est la routine, ils le savent, et à partir de là, je commence à compter. Là ce qui me gêne un petit peu, c’est que d’une, tu oublies de siffler les deux pas, parce que tu es en train de faire l’appel et de deux, tu es en train de faire l’appel sur un exercice où il y a des régulations à faire sur le plan moteur etc. et pendant que tu fais l’appel, tu n’es pas avec eux

EN3 : dans deux trois ans, j’arriverai à faire l’appel…

TU3 : et tu perturbes Manon qui t’a répondu sur les absences, tu perturbes une élève qui n’est plus dans la tâche.

PA3 : voilà, c’est ça, c’est ça le petit soucis à mon avis, bon après, chacun fait son truc sur ça mais le petit souci, c’est le moment où tu le fais, à mon avis il est mal choisi…Là tu le fais sur un temps d’apprentissage. L’appel c’est une obligation et là, tu perds du temps sur l’apprentissage.

Le stagiaire se remet en cause pour son manque de rapidité : Conseil Pédagogique (chercheur/enseignant novice 3/parrain 3/tuteur 3)

EN3 : je les lance…Après c’est vrai que j’ai beaucoup parlé, j’aurai eu le temps de faire l’appel…Par contre, je trouve que c’est une perte de temps de les appeler…Pas en début d’année, parce que ça te permet de les connaître, mais après, pendant l’année, tu sais ceux qui sont là, tu regardes la liste, tu sais, tu lèves la tête quand tu les as pas vus.

La tutrice elle, est très attachée au fait que les élèves « doivent connaître l’appel en tant qu’un acte obligatoire ».

Enfin le parrain tout en formulant ce qui le chagrine tente de faire le lien entre le point de vue du tuteur et celui du stagiaire :

Conseil Pédagogique (chercheur/enseignant novice 3/parrain 3/tuteur 3)

PA3 : là ce qui me gêne un petit peu, c’est que d’une, tu oublies de siffler les deux pas, parce que tu es en train de faire l’appel et de deux, tu es en train de faire l’appel sur un exercice où il y a des régulations à faire sur le plan moteur etc. et pendant que tu fais l’appel, tu n’es pas avec eux (…) c’est le moment où tu le fais, à mon avis il est mal choisi…Là tu le fais sur un temps d’apprentissage. L’appel c’est une obligation et là, tu perds du temps sur

l’apprentissage.

L’extrait suivant montre à nouveau que le parrain propose une solution entre les préoccupations du novice et la règle que voudrait enseigner la tutrice. Il propose une solution intermédiaire qui intègre les préoccupations du novice tout en validant la règle proposée par la tutrice.

En demandant à l’enseignant novice de se justifier précisément sur ses préoccupations, le parrain l’amène à accepter une négociation implicite avec la tutrice. c’est un problème, c’est que quand je…En fait il y a des niveaux dans les règles et c’est que moi, je ne sais pas quand m’arrêter en fait, et après ça va être encore pire avec la règle du non-contact parce que je voudrais mettre une règle en place et je vais aller beaucoup trop loin

TU3 : c’est ce qu’on avait dit, c’est-à-dire que, là, ceux qui t’ont répondu ont compris…Il y en a qui vont à l’UNSS basket là-dedans, c’est eux qui te répondent, les autres, est-ce que ça leur a parlé ? Suspens, on ne sait pas, et

deuxièmement, effectivement, expliquer quelque chose avant de

l’avoir vécu, surtout en match effectivement c’est compliqué ou pour, on ne sait pas combien il y en a sur tes 22 élèves qui ont bien capté ce que tu as dit

EN3 : ouais, ok. Mais en fait moi là ma logique c’est que là en fait c’est la première leçon donc je définis ce que c’est le basket, avant de commencer, on se met d’accord sur la définition commune du basket, donc le basket c’est un sport collectif, donc là, le but c’est de marquer, tirer des paniers, pour marquer ou tirer des paniers, il faut faire des passes, voilà, et donc comme on va pas faire des matchs tout de suite, on va donc apprendre à marquer, à dribbler, à tirer, pour pouvoir jouer au basket

TU3 : et est-ce que tu ne peux pas jouer

CH : ça ce que tu es en train de leur dire c’est qu’en gros c’est que tu as besoin quand même de leur donner les règles avant

EN3 : ouais

CH : et ensuite de rentrer dans l’activité et eux ils te disent que ce n’est pas forcément obligatoire pour rentrer dans l’activité de leur donner même les principes généraux. Et toi, ça te convient de rentrer dans l’activité sans leur donner les principes

EN3 : réponse de Normand, je pense qu’ils ont raison sur le fait que j’ai donné trop de règles et ça dure trop longtemps à ce moment de définition

CH : ouais

EN3 : mais par contre, je crois que c’est important de se mettre d’accord…Là M.

il va dire, c’est sa réponse, c’est du basket, donc tout le monde sait ce que c’est du basket, et que peut-être si c’est une activité comme l’accro sport qui n’est pas connue, pas médiatisée, c’est plus intéressant. Après je pense que quel que soit l’activité c’est important même si les 5/6 de la classe savent ce que c’est le basket et connaissent les règles, savent plus ou moins et tout, mais moi pour les 5/6 qui restent, moi je donne les règles.

J’aurais pu m’arrêter à « le basket c’est un sport collectif, le but c’est de marquer des paniers en faisant des passes ou des dribbles pour accéder à des zones » mais du coup là ça réussit pas, je suis allé dans les règles, je suis allé beaucoup trop loin, mais après ça c’est le cadre qu’on a aux écrits, c’est un cadre de réponse aux

quand même dans le basket ? T’as un petit gamin qui dribble, il s’arrête, il fait une reprise de dribble mais il arrive au panier…

EN3 : oui, non c’est sûr que après, au niveau de la technique et de la gestuelle propre, et au niveau des règlements stricts fédéraux, je ne suis pas sûr que ça soit important pour avoir du jeu PA3 : non, mais euh, comment tu démarres là, tu me dis tu es allé trop loin…Comment tu démarres, c’est très simple, la première chose à dire aux élèves, à mon avis tu n’es pas obligé de lève le doigt, ils connaissent tous, ils savent ce que c’est le basket, l’accro sport, peut-être…Mais la première chose que tu dis, l’objectif du cycle : on va faire du basket…L’objectif du cycle ce sera…Et là tu poses le truc, voilà, ce sera ça

EN3 : c’est-à-dire que ton objectif, dès la leçon un tu l’as ?

PA3 : quel est l’objectif du cycle ? Tu sais comment ça se passe, c’est guidé par la compétence attendue, notre objectif, ce sera de progresser collectivement vers la cible pour aller marquer

parle.

CH3 : donc en fait ce que tu aurais aimé, c’est de passer moins de temps mais tout en leur donnant les principes généraux EN3 : au moins savoir pourquoi on va apprendre à dribbler, pourquoi on va apprendre à faire des passes, parce que je fais aussi une leçon qui est…Je vais pas rentrer par les matchs, je vais rentrer par des situations un peu contextualisées donc c’est pour donner du sens aux situations, pourquoi on apprend à dribbler, parce que le basket après, en match de basket, on doit savoir dribbler, on doit savoir faire des passes

CH : oui, oui, oui, c’est pour leur donner les règles du basket spécifiques mais à un moment donné, M. va te dire « tu aurais pu commencer par l’échauffement des doigts directement » sans leur dire (…) EN3 : ouais, là je vais trop loin, je suis d’accord que je vais trop loin, même si aujourd’hui, aujourd’hui je n’en ai pas reparlé de la règle du non contact, et ben aujourd’hui, ils s’en souvenaient et il y en a qui m’ont dit « mais Monsieur, quand je viens là il se met comme ça donc il a pas le droit » donc finalement voilà quoi, c’est une règle qu’ils ont retenue

Le tiers, ici le parrain, est médiateur en ce qu’il doit être présent pour que s’enclenche une interaction particulière entre le tuteur et le stagiaire qui n’aurait pas eu lieu hors de sa présence. Le tiers a donc pour fonction de lier les individus malgré leurs éventuelles divergences en posant comme souverain un rapport à une objectivité qui dépasse le conflit :

commencer directement par ça, j’aurais eu l’impression de passer à côté de certains fondamentaux, comme s’appliquer à faire une bonne passe, parce que j’estimais que commencer

CH : donc là finalement M. il te donne un conseil pour que tu restes sur un niveau d’échauffement général

EN2 : ouais

CH : mais sans ballon EN2 : ouais

par ça, il fallait déjà savoir-faire une bonne passe et c’est pour ça que j’ai fait l’échauffement, la partie d’avant CH : d’accord

EN2 : qu’ils puissent s’entraîner à faire des passes courtes, de plus en plus longues, après se déplacer, chauffer un peu les articulations et ensuite passer là-dessus, ce qui est de mon point de vue un peu plus sollicitant, un peu plus exigent du point de vue organisationnel, se déplacer en dribblant, voilà, au point de vue articulation, j’avais l’impression que ça aurait été peut-être trop d’un coup, mais bon apparemment, on peut y arriver tout de suite

TU2 : alors n’oublie pas que tu as à faire dans cette classe à des élèves qui sont déjà sportifs pour la plupart et notamment en sport collectif donc c’est ça qu’il ne faut pas perdre de vue, tu n’as pas à faire à des débutants là, ils ont déjà pour une grande partie la notion de dissociation bas-haut, montées de balle même si ils sont plus en foot pour cette classe mais les fondamentaux de la montée de balle ils l’ont que ce soit au pied ou à la main.

Maintenant les problèmes de justesse au niveau des balles, ça se régule sur la situation, tu vas leur demander de ne pas perdre la balle, derrière tu mets une sanction, tu vas voir que d’eux-mêmes ils vont régler la distance, ils vont

Maintenant les problèmes de justesse au niveau des balles, ça se régule sur la situation, tu vas leur demander de ne pas perdre la balle, derrière tu mets une sanction, tu vas voir que d’eux-mêmes ils vont régler la distance, ils vont