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Chapitre 2 L’honneur dans l’univers socioculturel méditerranéen du Nouveau Testament

2.4 Formes d’honneur

2.4.1 L’honneur attribué

2.4.1.3 Par les relations patron-client comme groupe hybride

Le patronage – ou les relations patron-client – apparaît comme un groupe assez particulier qu’il convient de considérer comme hybride à cheval entre le naturel, par le rôle que joue le patron pour attribuer l’honneur au client, et optionnel par le contrat ou quasi-contrat entre le patron et le client. L’honneur est précisément attribué aux individus, qui semblent en même temps l’acquérir, à travers ces relations patron-client qui « servent de mécanisme d’échanges sociaux de réciprocité et d’obligation255 ». L’appellation patron-client est

romaine. En Grèce, on parle de « phénomène “bienfaiteur-bénéficiaire”256 ». Ce sont des relations dyadiques entre personnes de statuts inégaux : père-fils, Dieu-humain, riches propriétaires fonciers et locataires résidents. La personne au statut supérieur est appelée le patron. Il s’agit de celle qui « utilise son influence pour protéger et assister une autre personne, qui devient son client257 ». Celui-ci est la personne au statut inférieur.

Les relations d’échanges entre le patron et le client « se caractérisent toujours par une asymétrie nette entre les acteurs en termes de richesse et de pouvoir258 ». Le client pauvre et sans pouvoir rend au patron riche et puissant divers services avec loyauté. En échange, le

254 « In sum, by persons who can claim honor for others and can force acknowledgment of that honor because

they have the power and rank to do so » B. J. Malina, The New…, p. 32.

255 « Served as the social-exchange mechanism of reciprocity and obligation » Ernest Gellner, « Patrons and

Clients », dans Ernest Gellner et John Waterbury (dir.), Patrons and Clients in Mediterranean Societies, London, Duckworth, 1977, p. 1-6 ; Eisenstadt et L. Roniger, « Patron-Client Relations as a Model of Structuring Social Exchange », Comparative Studies in Society and History 22 (1980), p. 42-77 cité par N. F. Santos, « Family, Patronage… », p. 202.

256 « The “benefactor-beneficiary” phenomenon in Greece » N. F. Santos, « Family, Patronage… », p. 202-

203.

257 « The patron is the one who uses his or her influence to protect and assist another person, who becomes

the patron’s client » Ibid., p. 204.

258 « Patron-client ties are always characterized by clear-cut asymmetry between the actors in terms of wealth

patron accomplit des actes tangibles de générosité envers le client259. Il peut garantir à celui-ci une diversité de biens comprenant :

La nourriture, l’aide financière, la protection physique, l’avancement professionnel et les postes administratifs, la manumission (c’est-à-dire la libération de l’esclavage), la citoyenneté, l’égalité ou la non-imposition, la protection des biens, le soutien dans les affaires judiciaires, l’immunité contre les dépenses de service public, l’aide des dieux et, dans le cas des provinciaux, le statut d’ami de Rome260.

Par le fait d’être client, de rendre service au patron et de bénéficier de ses biens, l’honneur est attribué à l’individu du statut inférieur qui l’acquiert d’une certaine façon aussi par les services rendus. En recevant les biens, « le client est tenu d’améliorer le prestige du patron, sa réputation, bref son honneur dans la vie publique et privée261 ». En ce sens, l’honneur est attribué aussi au patron par divers services rendus avec loyauté par le client.

Somme toute, l’honneur est attribué au client et au patron par leurs échanges de services réciproques et obligatoires. Cependant, la relation entre le patron et le client est verticale en ce sens où le premier a une préséance sociale sur le second et définit le statut de ce dernier. L’échange de services entre les deux est inégal du fait que le client en rend plus régulièrement qu’il n’en bénéficie.

Pour B. Malina, « l’aristocratie et les relations de patronage entre les riches propriétaires fonciers et les locataires résidents ressemblent aux groupes naturels de la famille, du village, de la région et du statut social dans chacun de ces groupes262 ». De fait, un certain patronage est présent dans les groupes naturels par le fait que le groupe donne légitimité à l’identité de l’individu et favorise son succès ou son honneur. Comme souligne Marlene Yu Yap, « l’identité des individus dépend de leur appartenance et de leur acceptation par leur famille. Leur succès dépend des liens favorables qu’ils entretiennent avec la

259 N. F. Santos, « Family, Patronage… », p. 202.

260 The patron can secure for the client a diversity of goods, including food, financial aid, physical protection,

career advancement and administrative posts, manumission (i.e, release from slavery), citizenship, equality in or freedom from taxation, protection of property, support in legal cases, immunity from expenses of public service, help from the gods, and the case of provincials, the status of being a friend of Rome. Ibid., p. 204.

261 « [The client] is obliged to enhance the patron’s prestige, reputation, and honor in public and private

life » Id.

262 « Aristocracies and the patronage relations between wealthy landowners and resident tenants resemble

the natural groupings of family, village, region and social status in each of these » B. J. Malina, The New…,

communauté263 ». D’une certaine manière, l’individu est redevable envers son groupe. L’appartenance au groupe « oblige la personne à respecter, à observer et à maintenir les lignes de démarcation, les définitions, l’ordre au sein du groupe264 ». Bien plus, toutes ces

obligations apportent un aspect compétitif à l’honneur attribué par les groupes naturels, en particulier par les groupes où une autorité intervient : « Là où l’honneur est établi par l’octroi des honneurs, il doit y avoir une compétition pour eux265. »